Mersenne, Marin - Harmonie universelle - 1636 - D. Inst., III, 22, p162
Or il faut encore remarquer que la legereté de la main est fort differente de sa vistesse, car plusieurs ont la main tres-viste, qui l'ont neantmoins bien pesante, comme tesmoigne la dureté & la rudesse de leur ieu. Or ceux qui ont cette legereté de la main peuuent estre appellez Maistres absolus de leurs mains & de leurs doigts, dont ils pesent si peu qu'ils veulent sur les marches, afin d'adoucir le son de l'Epinette comme l'on fait celuy du Luth : de sorte qu'ils font ouyr des Echo tres-doux, & d'autres-fois des sons si forts, qu'on les compare au foudre & au tonnerre, comme il arriue lors qu'ils triplent ou quadruplent la cadence en faisant 32 triples, ou 64 quadruples crochuës aux passages, ou aux cadences triples & quadruples, dont on void plusieurs exemples dans la piece qui suit, dans laquelle les tremblemens, qui se font en descendant, se marquent par cette virgule, & ceux qui se font en montant par cette autre, qui ressemble à la lettre c : quoy qu'on les puisse marquer auec tels autres caracteres que l'on voudra. Ie laisse plusieurs gentillesses que les grands maistres font sur le clauier, par exemple de certains passages, dans lesquels deux sons conioints s'entendent en mesme temps, tandis que l'vn des doigts tient l'vne des marches abbaissées, afin que la chorde qui a esté touchée conserue son resonnement. Et cette industrie peut seruir pour faire entendre plusieurs accords tres-doux sur l'Epinette qui seront composez des seuls resonnemens, & consequemment qui esgaleront quasi la douceur du Luth.
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