Harmonie universelle

Complete title: 
Harmonie universelle contenant la pratique et la théorie de la musique
Year (text): 
1636
Editor: 
Sébastien Cramoysi
Place: 
Paris
Modern editions: 
Paris: CNRS, 1965 (introd. François Lesure)
Edition used: 
Paris: CNRS, 1965

Snippets in source (new content)

Displaying 1 - 100 of 523

Details

Volume: 
0 - Abrégé de la musique spéculative
Sequence: 
1

Abregé de la Musique speculatiue. Article I. Le son n'est autre chose qu'un battement d'air, que l'oüye apprehende lors qu'elle en est touchée. Or les deux principales proprietez du son consistent dans la force & dans les qualitez que nous appellons graue & aigu. Sa force est d'autant plus grande qu'il est fait par vn batement d'air plus violent : & ce batement est d'autant plus violent, que l'on frappe vne plus grande quantité d'air en mesme temps. Quant à sa grauité, elle est d'autant plus grande, qu'il se fait par des batemens plus tardifs ; & par consequent il est d'autant plus aigu qu'il se fait par des batemens plus vistes ; par exemple s'il se fait vn son dans vn temps donné par 50. batemens, & un autre son en un temps égal par 100. batemens, ce dernier son sera deux fois plus aigu que le premier.

Details

Volume: 
0 - Abrégé de la musique spéculative
Sequence: 
2

[Article] II. Lors que deux ou plusieurs sons se font ensemble & en mesme temps, on les appelle Cosonans, quand ils s'accordent bien, & qu'ils plaisent à l'ouye & à l'esprit. Or, la raison de ces accords se prend de l'vnion desdits sons, de sorte qu'ils font des accords d'auta[n]t plus doux, qu'ils ont leur vnion plus estroite & plus grande, comme l'on espreuue à l'Vnisson, à l'Octaue, au Diapente, &c.
L'Vnisson est l'Vnion ou le meslange de deux sons faits par un nombre égal de batemens d'air ; L'Octaue est le meslange de deux sons, dont le plus graue est fait par vn batement, & le plus aigu par deux ; & le Diapente est le mélange de deux sons, dont le plus graue se fait par deux batemens, & le plus aigu par trois.
Toutes les simples consonances sont comprises & expliquées par les 6. premiers nombres 1. 2. 3. 4. 5. & 6. car l'Octave est d'un à 2., la Quinte de 2. à 3. la Quarte ou le Diatessaron de 3. à 4. le Diton ou la Tierce majeure de 4. à 5. & la mineure de 5. à 6. Or ils representent le nombre & la comparaison de leurs batemens.

Details

Volume: 
0 - Abrégé de la musique spéculative
Sequence: 
3

[Article] III. L'octave est la plus douce de toutes [les consonances], après l'Vnisson ; parce que ses batemens s'vnissent plus souuent ensemble : car le premier batement du son aigu s'vnit auec la premiere partie du batement du son graue, & le second batement auec la derniere partie : où bien ses batemens s'vnissent de 2. coups en 2. coups : ceux de la Quinte de 3. coups en 3. coups, &c.
Et lors que l'vnion est égale de la part du son aigu, & inégale de la part du grave, la Consonance qui vnit également ses sons de la part de l'vn & de l'autre est plus douce : par exemple les batemens de la Quinte s'vnissent de 3. coups en 3. coups, à l'égard du son aigu, & de 2. en 2. à l'égard du grave. Mais la Douziesme vnit ses sons à chaque coup, à l'égard du graue : c'est pourquoy elle est plus douce.

Details

Volume: 
0 - Abrégé de la musique spéculative
Sequence: 
4

[Article] IV. Puisque le poids ne peut faire monter vne chorde à l'Octaue, s'il n'est quadruple, l'on peut dire que le son aigu de l'Octave est 4. fois plus pesant que le son graue. Mais quand les chordes sont differentes en longueur, & d'égale grosseur & matière, le poids qui doit faire monter la chorde 2. fois plus longue à l'octaue, doit estre Octuple, parce que le quadruple met seulement la chorde double à l'Vnisson de la souzdouble ; & puis le quadruple la fait monter à l'Octaue.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 01
Page: 
001
Sequence: 
1

PREMIERE PROPOSITION
DETERMINER SI LE SON SE FAIT DEVANT qu'il soit receu dans l'oreille, c'est à dire deuant qu'il soit ouy, & s'il est different d'auec le mouuement de l'air.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 01
Page: 
001
Sequence: 
2

C'est vne chose ordinaire de demander au commencement des traitez que l'on fait des sciences, si elles ont quelque veritable object, et quel il est, […] il est donc à propos auant que passer outre de sçavoir si le Son, qui est le suiet, ou l'obiet de la Musique & de l'ouye, a un estre reel, & quel il est : car il s'en trouue plusieurs qui croyent que le Son n'est rien, s'il n'est entendu, & que c'est vne simple impression de l'air qui ne doit point estre appelée Son, s'il n'y a quelque oreille qui l'entende & qui la distingue d'auec les autres choses ; certainement si cela est, il faut que l'ouye luy donne la nature de Son, comme l'imagination & l'entendement donnent l'estre aux pensées imaginaires & aux fantosmes, que l'on appelle estres de raison. Quant à mon particulier, i'estime que le Son n'est pas moins reel deuant qu'il soit entendu, que la lumiere, ou les couleurs, & les obiets des autres sens exterieurs auant qu'ils soient apperceus, & que les Sons ne laisseroient pas d'estre ce qu'ils sont, encore qu'il n'y eust nulle oreille. Ce que ie dirois tousiours, bien que i'eusse aduoüé que le Son ne fust pas different d'auec le mouuement de l'air.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 01
Page: 
001-002

Toutesfois il semble que le Son est autre chose que ce mouuement, puisque nous sentons de grands mouuemens d'air, ou d'eau, ou de quelques autres semblables corps, qui ne font point de Son, ou qui le font si foible, qu'il n'est nullement proportionné à la force du mouuement, comme nous experimentons aux pierres que l'on iette dans l'air auec des fondes, aux bales d'arquebuses, aux boulets d'artillerie, & en plusieurs autres mouuements, qui se font quand la pluye & la gresle tombent, & que l'eau d'vne riuiere profonde coule sans faire bruit.
Au contraire, il y a de petits mouuemens qui font de grands bruits, comme ceux du larynx, de l'epiglotte & de la langue, quand nous parlons, ou ceux de l'air, qui fait sonner les Orgues, & les autres Flustes. Neantmoins ie n'estime pas que le Son soit different du mouuement du corps, qui frappe le Tambour, ou la Membrane de [p002] l'oreille […]

Details

Volume: 
A. Sons, I, 01
Page: 
002
Sequence: 
1

Il faut donc conclure que tous les mouuemens qui se font dans l'air, dans l'eau ou ailleurs, peuuent estre appellez Sons ; d'autant qu'il ne leur manque qu'vne oreille assez delicate & subtile pour les ouyr ; & l'on peut dire la mesme chose du bruit du tonnerre & du canon à l'esgard d'vn sourd, qui n'apperçoit pas ces grands bruits : car le mouuement ou le tremblement qu'il sent n'est pas appelé Son, qu'entrant qu'il est capable de se faire sentir aux esprits de l'ouye : de manière que le Son se peut definir vn mouuement de l'air exterieur ou interieur capable d'estre ouy ; i'ay dit, ou de l'interieur, à raison des bruits qui se font au dedans de l'oreille. Mais il est difficile de trouuer precisément ce qui rend le mouuement de l'air capable d'estre ouy ; car quand ie considere qu'vne chorde de boyau, ou de leton tendüe en l'air, & attachée à deux murailles auec des cloux ou des cheuilles sellées dans le mur, & touchée du doigt, d'vn archet, ou d'vne plume, ne fait quasi point de bruit, & qu'estant tendüe sur les cheualets d'vn luth, d'vne Viole, ou d'vne Epinette, elle fait un grand bruit, & neantmoins que c'est la mesme percussion de l'air : que le vent fendu & coupé par vn morceau de bois semblable à celuy de la lumiere d'vn tuyau de Fluste, ne fait qu'vn leger sifflement, & quand il est suiuy du corps d'une fluste, qu'il fait vn si grand bruit, cela me fait conclure que ce qui rend ce mouuement capable d'estre ouy, n'est autre chose que quand il esbranle vne quantité d'air enfermé capable d'esbranler sa prison, & de se communiquer à l'air voisin exterieur iusques à ce qu'il arriue à l'oreille.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 01
Page: 
002
Sequence: 
2

De là vient que les corps qui sont les plus aëriens, sont aussi les plus resonans, & que les plus terrestres & les plus lourds le sont moins, comme generalement le bois est plus resonant que les metaux, lors que l’on les employe pour les tables des instrumens : & qu’entre les metaux le plomb est le moins resonant, & entre les bois le sapin le plus leger & le plus aërien de tous est aussi le plus resonant, & le hestre massif & lourd l’est moins : & entre les sapins le plus sec & le plus deuestu de son humidité terrestre se trouve le plus resonant.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 01
Page: 
002-003

Or il faut remarquer le terme, dont on vse pour exprimer cette qualité des corps, qui leur fait multiplier la premiere percussion de l'air iusques à la rendre capable de toucher les sens de l'ouye, à sçauoir resonants, comme qui les diroit encore vne fois sonants, car cette diction exprime le son qui vient à nostre oreille, lequel n'est pas le premier Son, mais l'echo multiplié depuis le premier air qui touche la chorde iusques à celuy qui touche l'oreille [p003] ; & ce que nous appellons Echo, est le Son rendu & renuoyé par l'instrument qui multiplie le Son, & le reflechit comme les miroirs reflechissent la lumiere.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
039
Sequence: 
1

L'on peut se servir des Sons de chaque instrument de Musique, & des differens mouuemens que l'on leur donne pour discourir de toutes sortes de suiets, & pour enseigner & apprendre les sciences. Cette proposition est excellente, car elle enseigne la maniere de discourir de toutes choses en ioüant des instrumens, encore que celuy qui les touche, ou qui en oyt ioüer soit muet, car l'on peut discourir auec vn autre en ioüant de l'Orgue, de la Trompette, de la Viole, de la Fleute, du Luth & des autres instrumens, sans que nul puisse entendre le discours, que celuy qui sçait le secret, ce qui se peut pratiquer en plusieurs manieres.
En premier lieu si le ioüeur d'instrumens, & l'auditeur se seruent d'vne tablature qui contienne toutes les lettres de l'alphabet : car chaque Son exprimera chaque lettre ; par exemple, les trois notes, ou les trois voix qui se treuuent dans G, re, sol, vt, pourront seruir pour ces trois lettres R, S, V, &c. & l'auditeur ayant son Luth, ou sa tablature deuant les yeux verra clairement les dictions que formera le ioüeur auec les Sons de son instrument, auquel il pourra respondre en ioüant d'vn autre instrument.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
039
Sequence: 
2

Mais il est facile de parler ensemble sans tablature, si l'on vse des huict ou quinze Sons d'vn mode, par exemple de ceux du premier, pour les quinze premieres lettres, & des huict Sons du second mode pour le reste des lettres : ou si les vingt Sons des vingt articles de la main harmonique expriment les vingt lettres de nostre alphabet ; car l'on peut laisser S, Y, & K, comme nous dirons ailleurs.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
039-040

L'on peut encore exprimer des paroles & des periodes entieres par les sons, car les preludes, la suitte des airs & des chansons, la deduction des modes & du systeme parfait ont de la ressemblance auec les oraisons & les harangues, particulierement quand le [p40] Musicien fait les cadences & les passages bien à propos, & qu'il se sert de la Rythmique selon le sujet qu'il traite. Or cette maniere de discourir se peut pratiquer dans toute l'estenduë des Sons, c'est à dire dans l'estenduë de cent ou deux cens pas & dauantage, car l'on oyt le Son de la Trompette de beaucoup plus loin, & consequemment les Sons peuuent seruir de messagers & de lettres secretes, quand celuy à qui l'on veut rescrire n'est esloigné que de demie lieuë ou d'vne lieuë, d'où l'on peut entendre les cloches ou la Trompette.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
040

L'on se peut aussi seruir du Tambour, encore que le Son qu'il fait ne soit pas capable des interualles harmoniques, car la varieté des mouuemens Rythmiques, dont on à coustume de le battre, peut seruir de characteres ; par exemple l'on peut se seruir des cinq temps du quatriesme mouuement pœonique, qui est representé par trois brefues & vne longue ∪ ∪ ∪ −, pour les quatre premieres lettres A B C D, & de la premiere espece du mesme mouuement, qui est le precedent renuersé − ∪ ∪ ∪, pour les quatre lettres qui suiuent, à sçauoir E F G & H ; le mouuement Choriambique dissous, ou Pyrrychianapeste, qui est composé de quatre mouuemens briefs & d'vn long, peut exprimer I K L M N : quelques-vns appellent ce mouuement François, d'autant que les François se seruent ordinairement de ce mouuement quand ils battent le Tambour, comme l'on voit icy ∪ ∪ ∪ ∪ −. O P Q R peuuent estre exprimez par le mouuement Ionique mineur, dont les deux premiers mouuements sont briefs, & les deux derniers sont longs, comme l'on voit icy ∪ ∪ − −. Les Suisses s'en seruent quand ils battent le Tambour. En fin le mouuement Choriambique, dont le premier & dernier mouuement est long, & le second & le troisiesme est brief, comme l'on voit icy − ∪ ∪ −, peut achever l'alphabet en exprimant ces quatre dernieres lettres S T V X. L'on se peut seruir des mesmes mouuemens sur les Cloches, sur les Trompettes, sur le Luth, sur la Viole, sur l'Orgue & sur les autres instrumens […]

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
040-041

L'exemple de ces changemens se void dans le tetrachorde Diatonic, ut, re, mi, fa, qui peut exprimer nos vingt-quatre lettres : ce qui se peut aussi [p41] faire auec les quatre principales notes, ou cadances de chaque Octaue, ou de chaque mode, par exemple auec les cadances du premier mode, ut, mi, sol, fa : voicy l'exemple du susdit Tetrachorde, ut, re, mi, fa, qui fait voir que ces quatre syllabes, qui signifient les quatre Sons du Tetrachorde des principales, peuuent estre coniointes en vingt-quatre manieres differentes.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
041
Sequence: 
1

Ces 24 changemens monstrent que l'on peut faire vingt-quatre chants differents auec quatre chordes d'vne Epinette, quatre tuyaux d'Orgue, ou autres quatre Sons, sans repeter deux fois vn mesme Son ; la Quinte donne six vingt chants tous differents : la Sexte maieure ou mineure 720 : la Septiesme 5040. & l'Octaue 40320 : d'où il s'ensuit que l'on peut faire des harangues entieres auec la seule Quarte sur le Luth, sur l'Orgue, sur les Cloches, sur la Trompette, &c. qu'auec l'Octaue l'on peut exprimer tous les characteres des Chinois, pourueu qu'ils ne surpassent pas le nombre de quarante mille trois cens vingt : & que celuy qui cognoistroit toutes les especes des plantes, des animaux, des mineraux & des pierres, pourroit les exprimer & enseigner toutes les sciences auec toutes sortes d'instrumens de Musique.
[Alphabet harmonique].

Details

Volume: 
A. Sons, I, 22
Page: 
041
Sequence: 
2

Or l'on peut conclure de ce discours combien il y a de chants differens dans l'estenduë d'vne double, d'vne triple, ou d'vne quadruple Octaue, & des suiuantes iusques à l'infiny. Ie remarqueray seulement que le nombre des chants, qui peuuent estre trouués dans quinze Sons, ou dans vne double Octaue, est exprimé par le nombre qui suit 1307674368000 […]

Details

Volume: 
A. Sons, I, 23
Page: 
042
Sequence: 
1

[…] La seconde partie [de cette proposition XXIII : « La force des Sons est multipliée par les diuers mouuemens Rhytmiques que l'on leur donne, & par la qualité des corps & des coups par lesquels ils sont produits »] se prouue aussi par l'experience, qui monstre qu'vn vase fait de bon metal, comme celuy dont on fait les Cloches, & qu'vn vase d'argent a le Son plus penetrant & plus vif qu'vn vase de plomb. Ceux qui ioüent de l'Epinette remarquent que les chordes d'or ou d'argent font vn autre effet que les ordinaires : & l'on pourroit experimenter la mesme chose aux Trompettes d'or, d'argent, d'acier & de toutes sortes de metaux, ou de cornes & de bois, afin de remarquer la difference des Sons en toutes sortes de Trompettes, de tuyaux d'Orgues, de Flutes & de Flageolets.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 23
Page: 
042
Sequence: 
2

Il faudroit encore experimenter toutes les especes de chordes sur les Luths, les Violes, les Lyres, & les Harpes, & faire ces instruments de toutes sortes de bois, de cornes & de metaux, afin d’obseruer la diuersité des Sons ; et si la caisse d’vn Tambour estoit d’or ou d’argent, & que la peau fust d’vn Ours, d’vn Tygre, ou d’vn Lyon, le Son du Tambour seroit different de celuy de l’ordinaire.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 24
Page: 
043
Sequence: 
1

[…] D’où il arriue que les Dissonances qui viennent des Sons que font les chordes incommensurables en longueur ne sont pas aussi mauuaises que celles qui se font par les chordes incommensurables en puissance, parce que celles-cy sont plus difficiles à comprendre que celles-là. Or il est aysé de representer en cette maniere toute la Geométrie par le moyen des Sons, mais il est encore plus aysé de representer l’Arithmetique, d’autant que tous les nombres sont mesurez par l’vnité, & consequemment ils sont tous commensurables.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 24
Page: 
043
Sequence: 
2

L’on peut voir au traité du Luth, sur lequel le ton est diuisé en deux demi-tons, & l’Octave en douze demitons esgaux, de combien les Consonances & les Dissonances de cette diuision sont differentes de celles qui suiuent la proportion harmonique des nombres, que i’explique en plusieurs endroits, & de combien les Sons qui suiuent la proportion Arithmetique sont plus doux que ceux qui suiuent la Geometrique.

Details

Volume: 
A. Sons, I, 31
Page: 
071

Proposition XXXI. A sçauoir si le Son aigu est plus agreable & plus excellent que le graue. Cette question peut estre decidée par l’experience & par la raison, mais il faut prendre le graue, & l’aigu d’vn mesme genre ; c’est à dire sur vn mesme instrument, ou dans les voix humaines, car ce seroit vne autre difficulté, si l’on vouloit faire comparaison de la voix aiguë d’vn homme, & du son graue d’vne Viole, ou d’vn Luth.
L’on peut donc entendre cette difficulté de la comparaison du Son graue, & de l’aigu d’vn mesme instrument, par exemple du Luth, de la Viole, de l’Epinette, ou de l’vn des ieux d’Orgues, ou de la voix humaine : & la comparaison des voix se peut faire en deux manieres, à sçauoir de la voix graue de celuy qui fait la Basse, & de l’aiguë d’vn enfant, ou de la voix graue et aiguë d’vne mesme personne. Mais il ne faut pas comparer vne bonne voix auec vne mauuaise, car la bonté de la voix graue doit estre esgale à celle de l’aiguë, afin que la comparaison soit parfaite.

Details

Volume: 
A. Sons, III, 06
Page: 
169
Sequence: 
1

Proposition V [VI]. Expliquer la maniere de nombrer tres-aysément tous les tours & retours de chaque chorde de Luth, de Viole, d’Epinette, &c. & determiner où finit la subtilité de l’œil & de l’oreille. […] Il faut donc premierement determiner le son que l’on desire de la chorde, auant que de demander le nombre de ses retours, parce qu’elle en fait vn nombre d’autant plus grand dans vn mesme temps qu’elle a le son plus aigu. Ie suppose donc que l’on vueille sçauoir le nombre des retours de la chorde d’vne Epinette, ou d’vn Luth, lors qu’elle est à l’vnisson du ton de Chapelle, que l’on prend sur vn tuyau de quatre pieds ouuert, ou de deux pieds bouché faisant le G re sol, sous lequel les voix les plus creuses, ou les plus basses de France peuuent seulement descendre d’vne Quinte pour arriuer iusques au C sol vt.
Or chacun peut porter ce ton auec soy par le moyen d’vne clef percée, ou d’vn Flageollet, qui monte à l’Octaue, à la Quinziesme, ou à tel autre interualle que l’on voudra par dessus ledit G re sol, parce qu’il suffit de se souuenir que ce son est plus haut que ledit ton de Chapelle d’vn interualle donné, pour l’exprimer apres auec la voix, ou autrement.

Details

Volume: 
A. Sons, III, 06
Page: 
169
Sequence: 
2

Cecy estant posé, ie dis premierement que la chorde qui fait ledit ton de G re sol, qui est le plus bas que ma voix puisse descendre bat 168 fois l’air, c’est à dire qu’elle passe 168 fois en son centre, ou par sa ligne de direction dans le temps d’vne seconde minute, ou qu’elle reuient 84 fois vers celuy qui la pousse, ou qui la tire. En second lieu, qu’vne chorde longue de dix-sept pieds & demi suffit pour en faire l’experience, d’autant qu’elle ne tremble pas trop viste, & qu’elle donne loisir de conter ses retours, comme l’on peut voir auec vne chorde de Luth, ou de Viole de la grosseur de celles dont on fait les montants des Raquettes (que l’on fait de douze intestins de mouton) laquelle reuient seulement deux fois dans le temps d’vne seconde, lors qu’elle est tenduë auec vne demie liure, quatre fois estant tendüe de deux liures, & huit fois estant tendüe de huit liures : or si l’on fait sonner vne partie de la chorde qui n’ayt que dix pouces, quand elle est bandée auec quatre liures, elle monte à l’vnisson du ton de chapelle, & quand elle est bandée de huit liures, estant longue de vingt pouces elle monte au mesme ton, & finalement quand elle n’est tenduë que par la force d’vne demie liure, elle fait le mesme ton, en prenant seulement la longueur de cinq pouces. […]

Details

Volume: 
A. Sons, III, 24
Page: 
226

[…] & pour ce sujet ie dy premierement qu’il est aisé de dire le nombre des boyaux dont chaque chorde de Luth, de Viole, ou d’vn autre instrument est faite, par le son qu’elle fait : car apres auoir consideré le son de celle qui n’a qu’vn boyau, l’on sçait la raison de son ton auec celuy des autres chordes de telle grosseur qu’on voudra, soit qu’elles ayent vne mesme ou differente longueur & tension, pourueu que l’on cognoisse ladite tension & longueur : par exemple, si celle d’vn seul boyau longue d’vn pied tenduë par sept liures fait l’vt de C sol & que celle de deux pieds tenduë par sept liures descende vne Octaue, il est certain qu’elle est composee de trois boyaux, parce que si elle n’estoit tenduë que par quatre liures, elle n’aurait qu’vn boyau, puisque la tension est en raison doublee des sons, lors que les chordes sont d’esgale grosseur : & parce qu’outre cette double longueur, la grosseur est triple, il faut encore tripler le poids ou la tension de la chorde d’vn boyau pour auoir la tension de sept liures.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 06
Page: 
008
Sequence: 
1

PROPOSITION VI. Les voix des hommes sont aussi differentes que leurs visages ; de sorte que l'on se peut reconnoistre & distinguer les vns des autres par la Voix ; & consequemment l'on peut establir la Phtongonomie, ou la Phoniscopie pour la Voix, comme la Physionomie pour les Visages.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 06
Page: 
008
Sequence: 
2

L'experience enseigne la verité de cette Proposition, car la voix nous donne plus de lumiere pour connoistre quelqu'vn que ne fait le toucher ; de là vient qu'Isaac fut trompé en touchant Iacob qu'il reconnut à la voix. Et si l'on rencontre des hommes qui ayent la voix si semblable qu'on n'y puisse trouuer de difference, il y a semblablement des visages que l'on ne peut distinguer les vns d'auec les autres.
Or ie parle maintenant de la voix naturelle qui n'est pas déguisée ; car ie feray vn discours particulier des voix que l'on contrefait, & que l'on imite si parfaitement, qu'elles peuuent aussi bien tromper l'oreille, comme la semblance des escritures & des visages trompe l'oeil.
Galien a reconnu la capacité du thorax par la voix, quand il a dit que ceux qui ont la voix forte, & qui la peuuent continuer sans interruption, ont vn grand thorax : Ce qu'il confirme par l'exemple de ceux qui font faire audience dans les lieux publics, en faisant vne dipodie Iambique, qui se trouue en ces deux dictions, ἄκουε λαὸς ou ἄκουε πᾶς ; ce qu'il appelle, dire le pied, πόδα λέγειν, suiuant l'explication de Ioseph Scaliger, qui compare cette dipodie à celle de ces paroles, or escoutez ; & qui reprend l'explication de Mercurial, qui entend ce passage de la voix, dont on vsoit pour appeller les Luiteurs à la course, ou au combat. Pollux parle d'vn autre pied qu'il falloit laisser entre le lieu destiné pour le ieu des trompettes, & celuy où l'on bastissoit des maisons.

Details

Volume: 
Voix, I, 06
Page: 
008
Sequence: 
3

A quoy l'on peut adiouster que le visage, & la voix sont les miroirs de l'ame, qui suppleent en quelque façon à la fenestre que Momus desiroit vis à vis du coeur.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 07
Page: 
008
Sequence: 
4

PROPOSITION VII. La Voix des animaux sert pour signifier les passions de l'ame, mais elle ne signifie pas tousiours le temperament du corps.
L'experience enseigne la premiere partie de cette Proposition ; car les oiseaux, les chiens, & les autres animaux font vn autre cry quand ils se faschent, qu'ils se plaignent, ou qu'ils sont malades, que quand ils se réjoüissent, & se portent bien ; & la voix est plus aiguë en la tristesse & en la cholere, que hors de ces passions ; car la bile fait la voix aiguë, la melancholie, & le phlegme la fait graue, & l'humeur sanguin la rend temperée. De là vient que l'aiguë est comparée au feu, la graue à la terre & à l'eau, & la temperée à l'air.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 07
Page: 
009
Sequence: 
1

Certainement ceste speculation ne doit pas estre negligée à cause du rencontre lequel est semblable aux Consonances, comme aux aspects benins, & aux Dissonances, comme aux aspects que l'on appelle mauuais. Mais il n'est nullement necessaire que le Musicien connoisse la proprieté des Planettes pour composer de bons chants : car l'on peut composer toutes sortes de pieces de Musique sans connoistre les Planettes, qui n'ont point de particuliere influence sur la voix.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 07
Page: 
009
Sequence: 
2

Et l'experience fait voir que du Caurroy, Claudin, Guedron, Boësset, Moulinié, & les autres Compositeurs, ont fait de tres-bonnes pieces de Musique, & de bons airs, quoy qu'ils n'ayent pas sceu l'Astrologie. Quant aux voix differentes des animaux, il faudroit faire de particulieres obseruations pour sçauoir combien la voix des vns est plus aiguë que celle des autres lors qu'ils sont en cholere, & qu'ils sont emportez de quelqu'autre passion, & voir ce qui se peut connoistre de leurs temperamens, ou du degré de leurs passions par leurs cris differens, ou par leurs voix naturelles, dont on peut remarquer les interualles : par exemple, le coucou fait vne Tierce mineure en chantant, dont la premiere syllabe est plus aiguë que la seconde : & le muglement des vaches est composé de la dixiesme majeure, dont la premiere partie est la plus graue, & la seconde est la plus aiguë.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 07
Page: 
009
Sequence: 
3

La 2. partie de ceste Proposition est éuidente, car tel est d'vn temperament chaud & bilieux, qui a la voix aussi graue & aussi forte que celuy qui a le temperament froid & terrestre : & l'on trouue des Chantres dont la Basse est égale, qui ont le temperament bien different ; de sorte qu'il faut conclurre que le graue & l'aigu de la voix n'est pas vn signe infallible du temperament, ny de la force de l'homme, ou de l'animal ; & plusieurs ont la voix forte & grosse, qui sont plus foibles que ceux qui l'ont plus foible & plus aiguë. De là vient que la grauité de la voix ne conclud autre chose qu'vne plus grande ouuerture de la glotte ; & que la force de la voix n'est signe que de la grandeur du thorax, ou de celle du poulmon, ou de la force des muscles du larynx. Neantmoins l'on peut dire que les plus grosses & les plus fortes voix sont souuent accompagnées d'vne plus grande force de corps, dont elles sont comme le symbole & la marque.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 07
Page: 
010
Sequence: 
1

Quant aux autres qualitez de la voix, comme sont l'aigreur, la douceur, & la vistesse, elles nous peuuent ce semble donner des signes plus certains du temperament ; car ceux qui parlent viste & brusquement sont ordinairement bilieux ; & ceux qui parlent tardiuement sont melancholiques : mais ceux dont la parole est moderée, sont sanguins, & d'vn bon temperament. Platon a creu que la voix monstre l'interieur des hommes ; car il commandoit aux enfans de parler afin de les connoistre, & de sçauoir leur portée, & leur disoit, parle, afin que ie te voye.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 08
Page: 
010
Sequence: 
2

PROPOSITION VIII. La voix des animaux est necessaire, & celle des hommes est libre ; c'est à dire que l'homme parle librement, & que les animaux crient, chantent, & se seruent de leurs voix necessairement.
Nous experimentons la liberté que nous auons de parler, ou de nous taire à tous momens, quand mesme la passion nous fait parler ; si ce n'est qu'elle soit si forte qu'elle nous oste l'vsage de la raison : car la langue, le larynx, & tous ses muscles auec les autres parties qui seruent à la voix, obeissent aussi promptement à l'esprit que le pied & la main : de sorte que l'on peut dire que la langue est la main de l'esprit, comme la main l'est de la langue, dautant que la langue escrit les pensees, ou les paroles de l'esprit, comme la main escrit les paroles de la langue.
Quant aux animaux, plusieurs disent qu'ils ne crient pas necessairement, dautant qu'il n'y a ce semble rien de plus libre que le chant des oiseaux, comme du rossignol, du chardonnet, & des autres, & neantmoins il faut aduoüer qu'ils ne chantent que par necessité, soit que la volupté, ou la tristesse les pousse à chanter, ou qu'ils y soient excitez par quelque instinct naturel, qui ne leur laisse nulle liberté de se taire, ou de cesser quand ils ont commencé à chanter. Et quand ils oyent vn Luth, ou quelque autre son harmonieux, & qu'ils chantent à l'enuy les vns des autres, les sons qu'ils imitent, ou qui les excitent à chanter, frappent tellement leur imagination, qu'ils ne peuuent pas se taire ; car leur appetit sensitif estant échauffé par l'impression de l'imagination, commande necessairement à la faculté motrice de mouuoir toutes les parties qui sont necessaires à la voix.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 15
Page: 
016
Sequence: 
1

PROPOSITION XV. Que l'on peut chanter la Musique Chromatique, & l'Enarmonique, & faire le ton maieur & le mineur, & mesme le comma en tous lieux où l'on voudra.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 15
Page: 
016
Sequence: 
2

Il est tres-aisé de prouuer ceste Proposition, car si l'on suit les sons de l'Instrument, ou du systeme parfait, & particulierement ceux de l'Orgue, qui contient les trois genres de Musique, l'on chantera tous les interualles de la Chromatique & de l'Enarmonique ; & lors que l'on aura accoustumé la voix à ces interualles, elles les chantera aussi aisément que ceux de la Diatonique. Il faut dire la mesme chose des interualles qui sont dans les especes des trois genres ; car il n'y a point d'interualles ausquels la voix humaine ne puisse s'accommoder, pourueu qu'ils ne passent pas sa portée & son estenduë. Et si les Practiciens prennent la peine d'instruire quelques enfans auec l'Orgue diuisé en ces interualles, ils auront le contentement de faire chanter l'Enharmonique. L'on peut aussi contraindre les Chantres de faire lesdits interualles, pourueu qu'ils veüillent chanter ce qu'ils sçauent ; car si l'on prend le mesme chant plus haut ou plus bas qu'eux d'vne diese Enharmonique, l'on entendra tousiours ceste diese.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 15
Page: 
016
Sequence: 
3

D'ailleurs, l'on peut faire voir les lieux où se fait le ton mineur ou le majeur, car si l'vn tient ferme sur vne mesme note, & que l'autre chante par degrez conjoints, s'il [le praticien] commence à faire la Tierce mineure, & puis qu'il face la Quarte, il fera le ton mineur ; & s'il monte à la Quinte, il fera le ton majeur ; & s'il passe à la Sexte majeure, il fera le ton mineur. Semblablement s'il fait premierement la Tierce mineure, & puis la majeure, il fera le demi-ton mineur ; ce qui arriue aussi lors que l'on passe de la Sexte mineure à la majeure, ou de la majeure à la mineure.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 15
Page: 
016
Sequence: 
4

Et finalement s'il [le praticien] passe du demi-ton mineur au majeur, il fera la diese Enharmonique : Or l'on peut encore prouuer que la voix est capable de tous ces interualles par l'experience que l'on fait dans les chants des Eglises, & dans les Concerts, dans lesquels les voix montent ou descendent peu à peu, comme l'on apperçoit à la fin, où elles se trouuent souuent plus hautes, ou plus basses d'vn demi-ton, auquel elles ne sont pas arriuées tout d'vn coup, mais insensiblement ; de sorte que si elles ont baissé à chaque mesure, l'on peut dire qu'elles ont diuisé le demi-ton, ou l'interualle, par lequel elles sont descenduës ou montees par autant de parties qu'il y a de mesures.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 15
Page: 
016
Sequence: 
5

L'on experimente la mesme chose [la division de l’intervalle] aux anches des Orgues, dont la languette estant ouuerte ou fermee monte ou baisse si peu que l'on veut : ce qui arriue semblablement aux autres tuyaux qui peuuent estre si peu élargis ou estrecis par le bout auec l'accordoir, & dont la lumiere peut estre si peu augmentee ou diminuee par le moyen des oreilles qui l'ombragent, que l'on fera le quart d'vn Comma, qui peut estre diuisé en autant de parties que l'on voudra : ce que l'on peut aussi faire sur les Instrumens à chorde, dont nous parlerons ailleurs.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 15
Page: 
016
Sequence: 
6

Mais puis que Dieu nous a donné la voix si flexible, qu'elle peut passer par tous ces degrez, il est raisonnable que nous les employons à sa loüange, & que lors que nous ferons les interualles des Consonances, ou des Dissonances, nous pensions aux interualles & aux distances qui nous separent du Concert des Bien-heureux, dont les Musiciens doiuent exprimer le desir par le Psalme 144. Exaltabo te Deus meus Rex, & benedicam nomini tuo in saeculum & in saeculum saeculi.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 16
Page: 
017
Sequence: 
1

PROPOSITION XVI. Expliquer comme se fait le graue & l'aigu de la voix, c'est à dire en quelle maniere la voix se hausse ou s'abaisse en parlant, ou en chantant : où les questions qu'Aristrte a proposees sur ce suiet sont expliquees.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 16
Page: 
017
Sequence: 
2

Si nous n'auions l'exemple des anches qui nous font comprendre les mouuemens de la languette du larynx, que les Anatomistes appellent glotte, il seroit malaisé de sçauoir comment la voix d'vn homme peut auoir l'estenduë de 3 ou 4 Octaues, d'autant que la seule largeur de l'artere vocale & du larynx ne suffisent pas, comme l'on experimente aux tuyaux ordinaires des Orgues, qui ne peuuent estre assez élargis pour faire l'Octaue, quoy qu'ils soient six ou sept fois plus larges ou plus estroits, si quant & quant on ne les allonge ; car l'experience enseigne que de plusieurs tuyaux de mesme hauteur celuy qui est deux fois plus large ne descend que d'vn ton plus bas, & s'il est quatre fois plus large il ne descend que d'vne Tierce majeure, comme i'ay remarqué au traicté des Orgues.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 16
Page: 
017
Sequence: 
3

Or il faut remarquer que la longueur de l'artere ne sert de rien pour rendre la voix plus basse ou plus haute, c'est à dire plus graue ou plus aiguë, comme i'ay desia dit dans la quatriesme Proposition, quoy que s'imaginent les Anatomistes, d'autant qu'elle ne sert pas dauantge à la languette du larynx, que le pied du tuyau, qui porte le vent des soufflets iusques à la lumiere où se rencontre la languette taillee en bizeau qui coupe l'air, car l'artere porte seulement le vent du poulmon au larynx, dont la languette demeure tousiours au mesme ton tandis qu'elle a vne mesme ouuerture, & que le vent est poussé d'vne égale force, de sorte que ce ton ne changeroit pas, encore que l'artere eust vne toise, ou qu'elle n'eust qu'vn poulce de longueur, comme l'on demonstre par le pied d'vn tuyau qui n'en change pas que le ton, quoy que l'on en diminuë la longueur tant que l'on veut.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 16
Page: 
017
Sequence: 
4

I'ay dit cy-dessus, pourueu que le vent soit poussé d'vne égale force, à raison que la mesme ouerture & la mesme languette d'vn tuyau fait plusieurs tons differens par le moyen de la differente force du vent que l'on pousse auec la bouche, ou auec des soufflets : d'où l'on peut semblablement conclurre que la mesme ouuerture de la languette du larynx peut seruir à plusieurs tons differens, lors que l'on pousse le vent auec vne plus grande violence, quoy qu'il ne soit pas certain si ladite ouuerture s'estressit tousiours à chaque ton plus aigu, & si elle s'élargit à chaque ton plus bas, & plus graue.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 16
Page: 
017
Sequence: 
5

Or il n'est pas icy necessaire de repeter ce que nous auons dit des parties, des vsages, & de la composition de la languette ou de la glotte dans la troisiesme Proposition ; c'est pourquoy ie m'arreste seulement dans celle-cy à expliquer les mouuemens qu'elle a, ou la figure qu'elle prend en faisant les voix graues & aiguës, & dis qu'il faut necessairement que la languette soit plus ouuerte aux sons graues qu'aux aigus, ou si elle garde vne mesme ouuerture en faisant deux, ou plusieurs voix differentes quant au graue, & à l'aigu, qu'il faut que le vent soit poussé differemment, à sçauoir plus fort pour faire la voix aiguë, & plus foiblement pour faire la voix graue.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 16
Page: 
017-018

Si la languette du larynx est semblable a l'anche des flustes, & qu'elle [p018] face la voix graue & aiguë, de mesme maniere il est tres-aisé d'expliquer comme elle fait ceste difference de voix ; car nous experimentons que ladite anche fait le son par ses tremblemens, comme font les chordes des autres Instrumens, & qu'elle les fait d'autant plus graues ou aigus, qu'elle tremble plus lentement ou plus viste ; de sorte que si la raison du son graue à l'aigu est double, c'est à dire de 2 à 1, il est certain que l'anche tremble deux fois plus viste en faisant le son aigu, & consequemment qu'elle tremble cent fois en faisant le son aigu, lors qu'elle tremble cinquante fois en faisant le son graue.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 19
Page: 
027-028

PROPOSITION XIX. A sçauoir si l'on peut connoistre asseurément quel est le graue ou l'aigu du son que l'on oit.
Ceste difficulté est si grande, que plusieurs Musiciens se trompent souuent en iugeant des sons, car ils croyent & iugent que le son qu'ils oyent est plus bas [p028] ou plus haut d'vne Octaue qu'il n'est. Ce qui arriue particulierement aux sons des chordes, des Orgues, ou des petits enfans, qui font souuent l'Octaue en haut ou en bas auec le son, lequel nous pensions estre à l'Vnisson desdites voix ou des sons.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 19
Page: 
028
Sequence: 
1

Or l'vn des moyens pour le connoistre [le grave ou l’aigu] dépend d'vne autre voix, ou d'vn autre son, qu'il faut mettre à la Quinte, ou a la Quarte du son, ou de la voix, dont l'on doute ; car si l'on pense faire la Quinte en bas, & neantmoins que le son soit plus bas d'vne Octaue que l'on ne l'auoit imaginé, le son que l'on pensoit estre à la quinte se trouuera à la quarte ; au contraire si l'on pense faire la quarte, l'on fera la quinte ; & parce que la quarte est plus dure & plus rude que la quinte, elle pourra facilement estre discernee ; & si le son estoit plus bas d'vne quinziesme que l'on ne s'imagine, on feroit l'Vnziesme au lieu de la Douziesme : ce qui se peut expliquer par nombres en ceste maniere ; si le son est 3 au lieu de 6 que l'on s'imagine, il faudra toucher 4 pour faire la quinte auec 6, & parce que l'on a pris 6 pour 3, l'on fera la quarte, & non la quinte ; par où l'on peut entendre le reste du discours.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 19
Page: 
028
Sequence: 
2

L'autre maniere [de connaître le grave ou l’aigu] dépend des chordes ; car si nous croyons par exemple faire la Douziesme, & neantmoins que nous fassions l'Vnziesme, c'est à dire, si le son est plus bas d'vne Quinziesme que nous ne l'imaginons, quand nous toucherons la chorde qui nous trompe, elle ne fera pas trembler l'autre chorde si sensiblement, comme elle feroit si elle faisoit la Douziesme, & non l'Vnziesme : il faut dire la mesme chose à proportion de la Quinte & de la Quarte : I'ay dit à proportion, car la chorde qui fait la Douziesme estant touchee, fait trembler plus fort la chorde qui est à la Douziesme, que celle qui est à la Quinte, comme i'ay prouué ailleurs.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 19
Page: 
028
Sequence: 
3

Ie laisse la troisiesme maniere [de connaître le grave et l’aigu] qui est la plus subtile, parce qu'il est aisé de l'entendre par le discours que i'ay fait du nombre des tremblemens de chaque chorde dans le liure de l'Epinette.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 20
Page: 
028
Sequence: 
4

PROPOSITION XX. L'on peut apprendre à bien parler & à bien prononcer par le moyen de la Musique.
Puis que la parole consiste à battre l'air, & que l'on parle bien lors que l'on accentuë, & que l'on prononce les dictions comme il faut, il n'est pas mal-aisé de comprendre comme la Musique peut seruir à bien parler, car elle traicte des accents, & nous ferons voir dans la 47 Proposition, que le Musicien parfait peut inuenter la meilleure langue de toutes les possibles, & qu'il la peut faire parler en perfection.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 20
Page: 
029
Sequence: 
1

[…] il suffit maintenant de monstrer que la Musique peut apprendre à bien parler, & à corriger les mauuais accents que l'on a, pourueu que l'on demeure d'accord de la meilleure maniere de parler, car l'on peut aussi aisément apprendre à parler comme les Normans, ou les Prouençaux, par le moyen de la Musique, que comme ceux de Blois, d'Orleans, & de Paris ; ce que ie prouue en ceste maniere : Ce qui est des-agreable dans la parole, ou dans le discours, ne peut venir de nulle autre cause que des syllabes que l'on fait trop longues, ou trop courtes, & trop graues ou trop aiguës ; comme l'on experimente en ceux qui traisnent trop quelques parties de certaines dictions, ou qui se precipitent en prononçant ; or la Musique qui traite de la valeur des notes, & de toutes sortes de temps, enseigne quant & quant le temps qu'il faut employer sur chaque syllabe, & consequemment quelle proportion doit garder le temps de chaque syllabe, donnee auec le temps de toutes les autres.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 21
Page: 
029
Sequence: 
2

PROPOSITION XXI. Expliquer comme la voix peut estre augmentee & affoiblie. [...] lors que l'on touche les chordes du Luth, ou d'vn autre instrument auec plus de force, elles sonnent plus fort, à raison qu'elles battent & fendent vne plus grande quantité d'air, ce qui arriue semblablement aux languettes des anches & du larynx ; car lors que l'on parle plus fort, l'on pousse plus d'air, lequel sort auec plus de violence, comme fait l'eau par vn canal, lors qu'elle est plus chargee ou plus pressee ; car encore que l'ouuerture du canal semble tousiours estre remplie, neantmoins il est plus plein lors que l'eau sort d'vne plus grande violence.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 21
Page: 
029-030

Mais il y a d'autres manieres de renforcer la voix qui dépendent des corps exterieurs, comme l'on experimente aux chordes que l'on [p030] touche dans l'air qui est libre, lors qu'elles ne sont pas attachees sur vn instrument, & qu'il n'y a nul corps qui en conserue le son, qui paroist fort foible & petit en comparaison de ce qu'il est, quand on entend la mesme chorde sur vn corps concaue, comme sur le Luth, & sur les autres instrumens à chorde.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 21
Page: 
030
Sequence: 
1

D'où l'on peut conclure que tous les lieux qui sont creux & concaues renforcent la voix, dautant qu'ils conseruent plus long-temps le mouuement de l'air, ou qu'ils sont cause qu'vne plus grande quantité d'air se meut & tremble plus long-temps : Et puis que les contraires viennent des causes contraires, il faut aduoüer que la voix est d'autant plus foible, que le lieu où elle se fait est moins concaue, & plus solide : de là vient que la table des Luths resonne mieux quand elle est plus mince & plus deliee, & que les sons deuiennent plus sourds lors qu'elle est plus épaisse : & consequemment que les tables d'or, d'argent, d'yuoire, de büis, ou d'autre bois solide & massif, ne sont pas si bonnes que celles de cedre, de sapin, ou des autres bois qui sont plus legers, plus poreux, & plus rares ; ce qui leur donne vne certaine espece de concauité, & vn tremblement qui apporte de la grace & de la force aux sons. Et si nous n'auions point de palais, & que le son se fist simplement par la languette sans estre retenu & conserué dans la bouche, il paroistroit beaucoup moindre & plus foible. Quant aux autres manieres de renforcer la voix, qui dependent de la reflexion qui se fait par le moyen des corps formez & figurez en ouale, en parabole, ou en hyperbole, nous en parlerons apres.
Il y a encore vne autre maniere qui sert à renforcer la voix, à sçauoir la continuation des corps qui seruent à faire le son, on qui le conseruent dans vn long espace, comme l'on experimente aux poûtres, au bout desquelles on oit les moindres coups dont on les frappe à l'autre bout, & aux voûtes et arcades des ponts, qui portent la voix & les autres bruits par toute l'arcade, beaucoup plus loin qu'ils n'iroient sans ceste aide. Ie laisse mille autres manieres dont on peut aider la voix, parce qu'elles peuuent estre rapportees aux precedentes, ou qu'il en faudra traiter dans vn autre lieu.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 21
Page: 
030
Sequence: 
2

COROLLAIRE
L'on pout considerer plusieurs choses sur ce sujet, particulierement que Dieu ne nous a pas donné deux ou plusieurs ouuertures du larynx, ou plusieurs arteres pour faire deux ou plusieurs sons en mesme temps, parce qu'ils nous eussent esté inutiles, & que l'vn eust peu empescher l'autre ; & puis l'harmonie de deux ou plusieurs parties qu'vn mesme homme eust peu faire, ne luy est pas necessaire ; & Dieu a voulu que ce plaisir dépendist des autres, afin que l'harmonie des voix inuitast les hommes à l'harmonie des moeurs, & à vne amitié reciproque, qui est representee par les Consonances. Il ne nous a pas aussi donné la voix si forte qu'elle puisse estre oüye par tout le monde, afin que chacun ait des lieux dans l'air où il puisse exercer sa voix sans qu'elle soit empeschee par d'autres bruits, dont l'air seroit tousiours meu si les voix penetroient toute son estenduë. Ie laisse mille autres considerations qui peuuent seruir de sujet pour admirer la sagesse du Souuerain ouurier.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 22
Page: 
031
Sequence: 
1

PROPOSITION XXII. Determiner si vn seul homme peut chanter deux ou trois parties differentes en mesme temps, & s'il peut monter ou descendre plus haut par quelque sorte d'artifice qu'il ne fait naturellement.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 22
Page: 
031
Sequence: 
2

Encore qu'il semble qu'vn mesme homme ne puisse chanter deux parties differentes en mesme temps, à raison qu'vne seule partie occupe tellement la bouche, la gorge, & les autres organes de la voix, qu'il ne peut rien prononcer que ce qu'il chante ; neantmoins l'experience enseigne que l'on peut chanter vne partie auec la gorge, & vne autre en sifflant, comme fait le fils de la Pierre d'Auignon, lequel on estime pour ce sujet l'vn des plus rares hommes du monde : mais l'on n'a point encore veu d'homme qui profere deux dictions, ou qui chante deux notes en mesme temps, en prononçant quelque syllabe, par exemple VT & RE ; car ceux qui parlent du gosier ou du fonds de la bouche pour faire croire qu'ils sont éloignez, ou pour imiter l'echo, ne peuuent proferer d'autres paroles en mesme temps, parce que la langue, & les autres organes de la parole ne peuuent auoir deux mouuemens en mesme temps.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 32
Page: 
040
Sequence: 
1

PROPOSITION XXXII. Expliquer par quels mouuemens des organes se font les passages & les fredons dont on vse en chantant.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 32
Page: 
040
Sequence: 
2

C'est chose asseuree que l'anche du larynx, c'est à dire sa languette, ou son ouuerture, contribuë plus immediatement aux passages & aux fredons que les autres parties, dautant qu'il faut marquer les degrez & les interualles que l'on fait en soustenant le passage ; ce qui ne peut arriuer que par les differentes ouuertures de la languette, comme i'ay monstré en parlant du son graue & de l'aigu.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 32
Page: 
040
Sequence: 
3

D'où il s'ensuit que ceux qui ont ladite languette plus mobile, sont plus propres pour faire les passages & les fredons, & que ceux-là ne les peuuent faire qui l'ont trop dure & trop seiche. Or les passages ou fredons se peuuent faire ou dans la gorge par le moyen de l'anche, comme i'ay dit, ou auec les levres ; mais cette derniere maniere est difforme, & condamnee par ceux qui enseignent à bien chanter.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 32
Page: 
040
Sequence: 
4

Mais de toutes les Nations qui apprennent à chanter, & qui font les passages de la gorge, les Italiens mesme qui font vne particuliere profession de la Musique, & des recits, auoüent que les François font le mieux les passages, dont il n'est pas possible d'expliquer la beauté & la douceur, si l'oreille ne les oit, car le gazoüil ou le murmu[re] des eaux, & le chant des rossignols n'est pas si agreable ; & ie ne trouue rien dans la nature, dont le rapport nous puisse faire comprendre ces passages, qui sont plus rauissans que les fredons, car ils font la quinte-essence de la Musique.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 32
Page: 
041
Sequence: 
1

COROLLAIRE
Les Musiciens Grecs n'ont point parlé des fredons & des passages dont on vse maintenant pour orner & pour broder les chants, si ce n'est que nous n'entendions plus maintenant leurs termes ; ce qui témoigne ce semble qu'ils n'en ont pas eu l'vsage, puis qu'ils ont esté si feconds & si curieux en vocables propres & particulieres, qu'ils n'ont quasi rien inuenté, à quoy ils n'ayent donné vn nom particulier.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 33
Page: 
041
Sequence: 
2

PROPOSITION XIX [XXXIII]. A sçauoir si la parole est plus excellente que le chant, & en quoy ils sont differens.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 33
Page: 
041
Sequence: 
3

Le chant est tres-different de la parole, car il ne requiert point de consonantes, ny de voyelles, comme l'on experimente sur l'Orgue, & sur les Instrumens dont on vse pour faire ouyr toutes sortes de chansons, encore qu'ils ne prononcent nulle lettre, neantmoins l'on peut faire vne langue entiere de tant de dictions que l'on voudra par le moyen de ces chants, comme l'on peut aysément conclure de ce que nous auons demonstré dans le liure des Chants ; & consequemment la parole n'a nul aduantage par dessus les chants que le seul vsage, & l'institution des hommes, qui ont voulu que les dictions composées de voyelles & de consonantes signifiassent leurs pensées & les objects exterieurs ; de sorte qu'il n'y a nulle autre difference entre la parole & le chant, sinon que le chant est ce semble plus propre & plus naturel pour signifier les passions & les autres choses, & particulierement celles qui consistent dans le mouuement.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 33
Page: 
041-042

Car le chant du demiton est propre pour exprimer la tristesse, & celuy du diton est propre pour expliquer la ioye : & si l'on auoit examiné la nature de tous les interualles, l'on trouueroit la conformité qu'ils peuuent auoir auec chaque chose, de sorte que l'on en pourroit vser au lieu de nos dictions ordinaires pour nous faire entendre & pour exprimer la nature des choses : mais ils seroient incommodes, parce qu'il faudroit chanter en parlant, & ceux qui n'ont point la voix propre pour faire les interualles des sons, ne pourroient expliquer leurs [p042] pensées ; c'est pourquoy l'on peut conclure que les paroles, dont les discours sont faits, sont plus excellentes que les chants, si ce n'est que l'on les fasse seruir de paroles, quoy que l'on puisse dire qu'ils sont plus excellens, parce qu'ils ont tout ce qu'a la parole, & qu'ils sont mieux reglez qu'elle, à raison des iustes proportions que gardent leurs interualles ; mais les paroles & les discours ont des interualles qui peuuent estre aussi bien reglez que ceux des chants.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 35
Page: 
043-045

PROPOSITION XXXV. Determiner quels sont les vices & les imperfections de la voix ; & si l'on peut faire chanter la Musique à vne voix mauuaise & inflexible.
[…] [p044] Iosquin a fait voir qu'vne voix inflexible & mauuaise peut chanter sa partie, car ayant promis à Louys XII, dont il estoit Musicien, de luy faire chanter sa partie, quoy qu'il eust la voix discordante, & tres-mauuaise, il fit vne composition à quatre parties, & fit aduoüer au Roy qu'il pouuoit chanter en Musique.
Il faut neantmoins remarquer qu'il est necessaire que la voix tienne ferme sur vn ton, ou sur vne chorde, & qu'elle soit constante ; car si elle varie tellement qu'elle n'ait nul arrest, il n'est pas possible qu'elle chante sa partie quoy qu'vniforme, si ce n'est qu'en variant elle face de certains tons dont on puisse remarquer les differences, & que cette varieté garde quelque sorte d'vniformité ; car l'on ne peut regler ce qui est dereglé & des-ordonné que par le moyen de ce qui est reglé & ordonné, comme l'on ne peut soudre les difficultez des nombres irrationels, & de l'algebre que par les rationels, & par les equations : ce qui monstre que toute sorte de diuersité dépend de l'vnité à laquelle toutes choses doiuent retourner comme à leur source & à leur origine. Ie donne donc la piece de Musique dont i'ay parlé, afin de ioindre l'exemple au discours. [p045]

Details

Volume: 
B. Voix, I, 37
Page: 
046
Sequence: 
1

PROPOSITION XXXVII. Expliquer comme l'on peut apprendre à chanter par toutes sortes de degrez & d'interualles sans maistre.
Cette proposition ne promet rien qui ne soit bien aysé, car celuy qui veut apprendre à chanter sans Maistre, & qui ne veut pas que personne sçache qu'il apprend à chanter, n'a besoin que d'vne chorde tenduë sur vn morceau de bois de trois pieds de long, & d'vn ou deux poulces de large ; à quoy peuuent seruir toutes sortes de bastons portatifs, dans lesquels on peut tellement cacher, & couurir ladite chorde, que nul ne la pourra voir ; car les petits cheualets que l'on coulera souz la chorde suiuant les degrez diatoniques, ou ceux des autres genres, conduiront la voix comme l'on voudra, ou si l'on ne vent qu'vn cheualet, il monstrera tous les interualles, & les degrez possibles, dont on remarquera les raisons par le moyen des nombres qui seront escrits dessous la chorde, ou auec le compas. Or ce baston peut encore seruir à plusieurs autres vsages, car ceux qui voyagent peuuent remarquer l'estenduë de la voix de toutes sortes de personnes, et combien elle est graue, ou aiguë […]

Details

Volume: 
B. Voix, I, 37
Page: 
046
Sequence: 
2

[…] les Maistres des Concerts peuuent s'en seruir [de la voix] pour donner le ton, & pour remarquer les differences des tons de Chappelle de toute l'Europe : & les Orateurs tant sacrez que profanes peuuent conduire leurs voix par le moyen de cette chorde, tant pour prendre le vray ton de leurs voix lors qu'ils commencent, que pour le hausser ou le baisser dans la suitte du discours, suiuant la dignité des sujets dont ils traictent.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 37
Page: 
046-047

L'on peut semblablement se seruir du Luth, & de tous les autres Instrumens à chorde, dont l'Epinette est la principale, & la plus aisee, à raison que ses touches sont tellement disposees, que l'on fait tel interualle ou degré que l'on veut d'vne seule main, ou mesme sans la main, car il suffit d'abbaisser les touches de son clauier, soit auec le pied, ou auec la bouche, ou en quelqu'autre maniere que l'on voudra, suiuant les artifices & les ressorts dont i'ay [p047] parlé dans le traité de l'Orgue & de l'Epinette. Mais l'Orgue est le plus propre de tous les Instrumens pour apprendre à chanter, à raison que ses tons tiennent aussi long-temps que l'on veut, afin de donner loisir à la voix de s'ajuster, & de s'accoustumer à toutes sortes de tons & d'interualles.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 37
Page: 
047

Or ceux qui apprendront la Musique en ceste maniere [en utilisant l'orgue pour apprendre à chanter], feront les interualles plus iustes que ceux qui ont appris des Maistres, pourueu que le clauier & les tuyaux soient disposez comme ceux que i'ay expliquez au traité de l'Orgue, dans lequel les tons & les demitons majeurs & mineurs, les dieses, & toutes les consonances sont dans leur iustesse & dans leur perfection ; & consequemment celuy qui aura appris à chanter sans Maistre enseignera mieux à entonner iuste que nul autre. Mais il ne pourra pas donner la grace aux chants & aux passages qui dépendent des roulemens de gorge, & des autres delicatesses & tremblemens dont on vse maintenant pour porter la voix du graue à l'aigu, & de l'aigu au graue ; c'est pourquoy s'il veut perfectionner sa voix, il a besoin de Maistre, à raison que les Instrumens ne peuuent enseigner de certains charmes que l'on inuente tous les iours pour embellir les chants, & pour enrichir les Concerts.
Il y a vne autre maniere d'apprendre qui est plus Philosophique, mais elle est plus difficile, car elle consiste à faire trembler l'air qui sort de l'ouuerture du larynx autant de fois que la chorde qui fait le son que l'on veut imiter, & que l'on fait sans le sçauoir lors que l'on chante à l'vnisson d'vn autre son, & lors que l'on le fera par science l'on chantera plus raisonnablement.

Details

Volume: 
B. Voix, I, 44
Page: 
059-060

PROPOSITION XLIV. Expliquer pourquoy quelques-vns parlent du nez, s'il y a moyen d'y remedier, & quels sons l'on peut faire auec le nez. […]
[p060] Quant aux sons qui sortent du nez, le premier est celuy qui fait la respiration, dont la forte inspiration produit le ronflement. L'on en rencontre aussi qui ioüent des instrumens à vent auec le nez, par exemple du flageollet & des flustes, ou qui chantent la Musique à deux parties, l'vne auec la bouche, & l'autre auec le nez. Quelques-vns imitent aussi le ieu d'Orgues, que l'on appelle le nazard, en pressant l'vne des narines auec l'vne des mains, & en frappant de l'autre main contre l'autre narine.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
089
Sequence: 
1

PROPOSITION PREMIERE.
La Chanson ou l'Air est une deduction de la voix, ou des autres sons, par de certains interualles naturels ou artificiels, qui sont agreables à l'oreille & à l'esprit, & qui signifient la ioye, la tristesse, ou quelqu'autre passion par leurs diuers mouuemens.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
089
Sequence: 
2

IL n'y a rien de plus difficile que de trouuer la definition des choses dont on veut parler ; ce qui arriue icy : car la nature de la chanson est aussi difficile à connoistre, comme elle est facile à oüir. Or il faut remarquer que la diction air dont on vse pour signifier le chant, se prend en plusieurs manieres ; car elle signifie premierement le troisiesme element, qui s'étend depuis la surface de la terre iusques à la Lune […]
Secondement, l'air signifie la maniere dont on parle, on interroge, ou l'on répond, particulierement si l'on parle en cholere ; car nous disons qu'on a répondu d'vn tel air, &c. Ce qui signifie presque la mesme chose que le ton de la voix, ou l'accent auec lequel on répond. Cette diction peut auoir plusieurs autres significations, selon les diuerses choses ausquelles on la peut accommoder, par exemple aux visages : car quand quelque tableau ou quelque personne ressemble à vn autre, nous disons qu'il en a de l'air. Mais la troisiesme signification est quand elle exprime la mesme chose que la chanson, ou le chant dont nous nous seruons pour chanter quelques fantaisies, soit que nous prononcions quelques paroles, ou que nous chantions sans paroles auec les notes de la Musique, ou en quelqu'autre maniere. Cecy estant presupposé, ie dy que la definition que i'ay mise dans cette proposition comprend tout ce qui appartient à l'essence du chant : premierement la deduction, ou conduite de la voix est le genre, car le chant a cela de commun auec les harangues, les discours & les paroles dont nous nous seruons en parlant les vns aux autres.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
090
Sequence: 
1

Secondement i'ay dit, ou des autres sons, parce qu'on peut ioüer les Airs sur les Instrumens de Musique. Tiercement i'ay ajoûté, par de certains interualles naturels ou artificiels, ce qui fait que les chants sont differens d'auec les discours qui n'ont point d'interualles certains, par lesquels nous montions ou descendions en parlant, encore que la voix monte ou descende sans qu'on prenne garde aux interualles qu'elle fait.
Neanmoins quelques-vns croient que si nous éleuions nos voix selon que requiert le discours que nous tenons, & que nous fissions tous les interualles necessaires pour persuader ce que nous disons, que nous ferions des merueilles ; particulierement si nous aioûtions les accens propres à cet effet, comme i'ay dit dans le traité de la Musique Accentuelle.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
090
Sequence: 
2

Quatriesmement, i'ay dit naturels, ou artificiels [dans le titre de cette proposition], dautant que nous appellons les interualles naturels, qui sont faits par tout le monde, c'est à dire aussi bien par le Berger qui est au bois, ou à la campagne, comme par les Musiciens, tels que sont les interualles de la Diatonique : mais les artificiels ont esté inuentez par les Musiciens pour embellir leur art, & pour enrichir leurs chants, comme sont le demiton mineur, la diese, &c. qui ne se pratiquent point hors de la Musique, si ce n'est par hazard.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
090
Sequence: 
3

En cinquiesme lieu, i'ay dit qui sont agreables à l'oreille, & à l'esprit [dans le titre de cette proposition] : car encore que les airs soient tristes, neanmoins ils nous plaisent souuent autant ou plus que quand ils sont gays. En fin i'ay dit par leurs mouuemens, par lesquels i'entens la Rythmique, ou les pieds metriques, dont on accompagne les airs, comme sont les Dactyles, les Spondees, & les Choriambes, dont ie traite au liure de la Rythmique : car le changement du mouuement apporte vne grande difference aux airs, encore qu'on ne change pas leurs interualles.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
090
Sequence: 
4

Il faut neanmoins remarquer qu'il n'est pas tellement necessaire de changer les interualles des sons graues & aigus, qu'on ne puisse trouuer quelque espece d'air sans eux, si nous parlons de tout ce qui peut estre appellé air, ou chant en quelque maniere que ce soit : car quelques vns disent qu'on peut sonner vn air sur le Tambour, encore que tous ses tons soient vnisons, dautant que les diuers mouuemens ou les diuerses mesures qu'on donne aux sons du Tambour peuuent representer quelque chanson, ou quelque fantaisie. Ce qui conuient pareillement à la voix qui peut representer plusieurs choses par les diuerses mesures, & par tous les mouuemens de la Rythmique : ce qui arriue aussi à plusieurs Pseaumes, qui commencent, finissent, & sont chantez sur vne mesme note, ou sur vne mesme interualle, & au chant dont plusieurs Religieux se seruent : Mais les autres aiment mieux l'appeller vn simple recit qu'vn chant, comme est le chant dont nous nous seruons, & plusieurs autres à nostre imitation, comme les Capucins, Carmes déchaux, &c. dautant que nous ne faisons aucuns interualles, & que nous n'obseruons point d'autre mesure que celle des syllabes.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
090
Sequence: 
5

Neanmoins à proprement parler, ce n'est pas vn simple recit ou discours, ny vn chant, ou vn air, tel que ie l'ay definy, mais quelque chose de metoyen qui participe de l'vn & de l'autre : Quelques vns l'appellent chant en Ison par ce qu'il est égal, & ne se sert que d'vn seul interualle, car Ison signifie ce qui est égal.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
090-091

Or ce Chant en Ison, ou égal, peut receuoir quelques differences selon les differentes manieres dont il est chanté, ou recité : ce qui arriue particulierement [p091] en deux façons : premierement quand on s'arreste plus long temps sur quelque syllabe, & qu'on la prononce plus fort & auec plus de vehemence que les autres, en donnant quelque cadence au chant : ce qu'on remarque au chant des Capucins, qui font la penultiesme ou l'ante-penultiesme du milieu & de la fin de chaque verset des Pseaumes beaucoup plus longue, & qui la chantent plus fort que les autres syllabes, qu'ils font quasi aussi longues les vnes que les autres, & les chantent comme en roulant, ou en nombrant les syllabes sans les trainer, ce qui rend leur chant plus gay & plus agreable.
Secondement lors qu'on obserue exactement toutes les longues & les brefues, en donnant deux temps à la longue & vn à la brefue, tant à la fin qu'au commencement & au milieu, sans trainer plus long-temps vn mot l'vn que l'autre, comme il arriue à la prononciation des vers : il y a plusieurs autres manieres qui peuuent varier ce chant, à raison desquelles on dit que tels, ou tels Religieux, ou autres personnes, chantent d'vn tel, ou d'vn tel air, encore qu'ils ne se seruent point d'airs les vns ny les autres, si l'on prend l'air comme ie l'ay definy cy-dessus.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
091
Sequence: 
1

[…] vn Orateur, ou celuy qui represente quelque personnage sur le theatre peut obseruer tous les interualles tant Diatoniques, que Chromatiques, ou Enharmoniques qui se rencontrent dans vne Octaue, attendu que l'experience nous fait voir que la plus part des Predicateurs se seruent du demiton, du ton, de la Tierce-mineure, de la majeure, de la Quarte & de la Quinte en montant & en descendant, selon les diuers accents, ou les diuers mouuemens dont ils se seruent tantost dans vn lieu, & tantost en vn autre. De là vient que quelques excellens Musiciens tiennent que les discours esquels ces interualles se rencontrent sont des Faux-bourdons, & qu'ils peuuent estre mis au nombre des airs : ce qui se verifie de quelques Predicateurs qui parlent quasi comme s'ils chantoient, c'est pourquoy leur discours en est moins agreable, & moins profitable.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
091
Sequence: 
2

Neanmoins il n'y a nul discours tellement reglé qu'il monte ou descende par tous les interualles des airs, à sçauoir par tons, & demitons, &c. car il monte le plus souuent par des interualles insensibles, ou inconnus, quoy que l'on peût les discerner si l'on y prenoit garde : or tous les interualles des airs ou des chansons sont si bien reglez, qu'on ne manque iamais à les faire en tous les lieux où ils sont marquez ; d'où l'on a pris le prouerbe, cela est reglé comme vn papier de Musique : ce qui monstre que les Airs, & par consequent la Musique, garde vn ordre beaucoup mieux reglé que les discours qui n'ont rien d'arresté, & qui suiuent l'imagination, & l'intention de celuy qui parle.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 01
Page: 
091-092

Ce qu'Euclide a reconnu & remarqué au commencement de son traité de la Musique, quand il dit que le discours se sert d'vne voix continuë, qui ne cesse & ne se repose point iusques à ce que le discours soit acheué, & qui ne garde aucune regle certaine aux interualles en haussant ou baissant le son : mais le mouuement ou la deduction de la voix, ou du son qui fait les airs & les chansons, & qu'Euclide appelle Diastematique, ou Interuallaire, ne se conduit pas par des interualles continus, mais elle passe tantost d'vn ton à vn diton, tantost de la Tierce à la Quarte, ou à la Quinte, &c. & s'arreste quelquefois l'espace d'vn, [p092] deux, trois ou quatre battemens du poux, selon les regles & les pauses de la Musique, & selon la dignité du sujet.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 2
Page: 
092
Sequence: 
1

PROPOSITION II. L'air est vn mouuement, vne conduite, ou saillie des sons, ou de la voix par les interualles artificiels que les Musiciens ont estably, à sçauoir par les Demitons, les Tons, les Tierces, &c. dont nous expliquons les mouuemens & les passions de nostre ame, ou celles du sujet & de la lettre.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 02
Page: 
092
Sequence: 
2

C'est pourquoy les airs peuuent representer les diuers mouuemens de la mer, des cieux, & des autres choses de ce monde, d'autant qu'on peut garder les mesmes raisons dans les interualles de la Musique qui se rencontrent aux mouuemens de l'ame, du corps, des Elemens, & des cieux. De là vient que la Musique sert plus à la vie Morale, & est plus propre pour les moeurs que la peinture, laquelle est comme morte, mais la Musique est viuante, & transporte en quelque façon la vie, l'ame, l'esprit & l'affection du Chantre, ou du Musicien, aux oreilles & dans l'ame des auditeurs.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 02
Page: 
092
Sequence: 
3

Ce qui a peut estre esté cause que l'Eglise des Iuifs, & des Chrestiens en la Loy écrite, & en celle de grace s'est seruie de la Musique, afin de transporter les esprits des fideles iusques au ciel, & de faire vne heureuse alliance de nos coeurs & de nos voix auec la Musique celeste des Bien-heureux, car il est raisonnable que toutes les creatures se seruent d'vn mesme concert pour chanter les loüanges, & pour annoncer les grandeurs & les merueilles de leur Createur.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 02
Page: 
092
Sequence: 
4

Secondement i'ay dit, par interualles artificiels [dans le titre de cette proposition], car encore que la nature semble nous donner les interualles de la Diatonique, à sçauoir le ton majeur & le mineur, & le semiton majeur, neanmoins on se pourroit seruir d'autres interualles, comme de la Sesquisixiesme, Sesquiseptiesme, &c. dont ie parle ailleurs : ce qui reussiroit peut estre fort bien, particulierement quand on chante les airs d'vne seule ou tout au plus de deux voix […]

Details

Volume: 
B. Voix, II, 02
Page: 
092-093

Mais les Musiciens ont tousiours vsé des interualles Diatoniques, & particulierement ceux qui font profession de cet Art parmy les Chrestiens, encore qu'ils eussent pû choisiir d'autres interualles, par exemple [p093] ceux des differentes especes de Tetrachorde, que i'explique ailleurs. Et puis la suite des interualles de l'Air & de toute la Musique est artificielle ; car l'on ne peut s'en seruir si on ne l'a apprise par science, ou par exercice, & par la pratique : i'ay encore aioûté l'explication des mouuemens du suiet, d'autant qu'il n'est pas necessaire que nous exprimions nos propres mouuemens, ou passions, il suffit que nous imitions les passions des autres, ou du sujet proposé, comme il arriue presque tousiours à ceux qui chantent pour donner du plaisir aux auditeurs, car encore qu'ils soient tristes, ils peuuent chanter des Airs fort gays, ou des Airs tristes, encore qu'ils soient pleins d'alegresse.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 02
Page: 
093
Sequence: 
1

C'est pourquoy la Musique est vne imitation, ou representation, aussi bien que la Poësie, la Tragedie, ou la Peinture, comme i'ay dit ailleurs, car elle fait auec les sons, ou la voix articulee ce que le Poëte fait auec les vers, le Comedien auec les gestes, & le Peintre auec la lumiere, l'ombre, & les couleurs : voyons maintenant la diuersité des Airs, & des Chants, & particulierement ceux dont on vse en France, afin que le Musicien n'ignore rien de tout ce qui appartient à l'Harmonie. Et apres nous verrons ce qui est necessaire pour faire de beaux Airs, & s'il est possible d'en faire vn qui soit le plus beau de tous ceux qui peuuent estre faits sur quelque sujet, ou sans sujet.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 02
Page: 
093
Sequence: 
2

Neanmoins auant que de nombrer les diuerses especes de Chansons dont on vse maintenant il faut proposer vne difficulté qui nous donnera peut-estre vne nouuelle definition du Chant, à sçauoir quand, & à quel moment le son, ou la voix commence à estre chant, ce qui semble fort difficile à determiner, car le commencement des choses naturelles est ordinairement imperceptible, neanmoins le chant ayant quelque chose d'artificiel aura peut-estre son commencement plus facile à reconnoistre, que s'il estoit simplement naturel.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
093
Sequence: 
3

PROPOSITION III. Determiner à quel moment le son commence d'estre Chant, & quand il peut estre appellé Air, ou Chant.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
093
Sequence: 
4

S'il est tres-difficile de remarquer le commencement du mouuement, & du temps, & par consequent celuy du son, qui n'est autre chose qu'vn mouuement, il n'est ce semble pas moins difficile de determiner quand le son commence d'estre Chant : car si toutes les parties d'vn Chant sont homogenes, c'est à dire de mesme nature, comme celle du son, & de l'air, il faut conclure que chaque partie du son, qui est perceptible, contient la nature du Chant, & qu'elle peut estre appellé Air.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
093
Sequence: 
5

Plusieurs tiennent que chaque partie de Musique est vn Chant, & neanmoins il y a des parties qui tiennent tousiours ferme sur vn mesme ton, sans hausser ou baisser, comme il arriue quelque fois à la Taille : & entre les Chants dont on vse pour chanter les Psalmes dans les Eglises Catholiques l'vne des intonations ne se sert point d'interualles : quoy que personne ne die que l'on ne chante pas quand on vse de ce ton.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
093-094

Et quand on se sert de cette intonation, on dit aussi bien qu'on commence à chanter que quand on se sert des Tons qui varient leurs interualles. La difficulté consiste donc en deux points, à sçauoir si le son qui ne hausse ny ne baisse point, peut estre appellé, & est en effet vn chant : & si chaque partie de ce son est Chant, [p094] ou quel espace de temps le son doit durer pour estre chant.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
094
Sequence: 
1

Si nous voulons apporter quelques distinctions ou diuisions entre les chants, il semble que l'on peut accorder toutes les pensees des Musiciens sur cette difficulté : Car si nous disons que le son, contre lequel se peuuent chanter vne ou plusieurs parties qui facent des consonances & de l'harmonie, est vn chant, l'on peut tenir que le simple son qui tient ferme, & consequemment que les discours des Orateurs, & de ceux qui font des interualles sensibles, comme les Italiens, & quelques Predicateurs qui chantent en parlant, peuuent estre nommez chants, lors qu'on peut faire quelque partie de Musique contre lesdits sons, ou discours.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
094
Sequence: 
2

Mais si nous parlons d'vn chant parfait, il desire des changements de son, & de differens interualles, comme sont les Diatoniques, & de certaines parties qui ne sont pas Homogenes, & de mesme nature, comme sont les differentes parties de l'eau, & de l'air : parce que le commencement doit estre different du milieu, & la fin doit estre differente de l'vn & de l'autre.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
094
Sequence: 
3

Quant à la duree du chant, les Musiciens n'ont encore rien estably sur ceste difficulté : il y en a de longs, de courts, & de mediocres : & l'on peut quasi dire la mesme chose des chants que des vers, car il n'y a point de vers qui ne puisse auoir vn chant ; & si le vers est inutile & imparfait, comme sont ceux ausquels il manque vn, ou plusieurs pieds, on peut appeller leur chant imparfait.
Toutesfois l'on peut dire que le chant doit pour le moins durer deux ou trois mesures pour estre accomply & parfait, afin qu'il ait son commencement, son milieu, & sa fin, car ses trois parties se rencontrent presque tousiours en toutes ces choses, particulierement en celles qui sont liees & obligees au mouuement, comme sont les chants dont nous parlons.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
094
Sequence: 
4

Mais ie traiteray apres plus amplement des parties du chant, & diray s'il est possible de trouuer des regles qui seruent à faire de beaux chants, de sorte qu'en les suiuant on ne puisse faillir au iugement, ou à la composition.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 03
Page: 
094
Sequence: 
5

Voyons maintenant combien il y a d'especes de chants dont on vse en France, car quant à ceux des anciens tant Grecs, que Latins, ils nous en ont laissé si peu de connoissance que nous ne pouuons en parler auec certitude : & les nations estrangeres n'en ont point que nous n'imitions assez heureusement, & s'il m'est permis de parler à notre auantage, que nous ne surpassions en quelque chose, particulierement en la politesse, en la delicatesse, & en la douceur dont on les recite ; car quant à la netteté, à la bonté, ou à la force de la voix, les Italiens les peuuent disputer auec toutes les autres nations : ioint qu'ils ont plusieurs beaux traits, & quantité d'inuentions dont nos chants sont destituez.

Details

Volume: 
B. Voix, II, 04
Page: 
094
Sequence: 
6

PROPOSITION IV. Expliquer toutes les diuisions & les especes des Chants & des Airs dont vsent les Musiciens, & donner des exemples des chants Ecclesiastiques.

Pages