Harmonie universelle

Complete title: 
Harmonie universelle contenant la pratique et la théorie de la musique
Year (text): 
1636
Editor: 
Sébastien Cramoysi
Place: 
Paris
Modern editions: 
Paris: CNRS, 1965 (introd. François Lesure)
Edition used: 
Paris: CNRS, 1965

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Volume: 
D. Inst., III, 06
Page: 
121-122

Quant à la 6. Colomne de cette table, elle contient le diametre des chordes [p122] de l'Epinette diuisé en 80. parties ; de sorte que chaque nombre represente combien le diametre de chaque chorde contient de 80. parties : & parce qu'il n'y a que quinze sortes de nombres, à raison qu'il n'y a que quinze grosseurs de chordes, le mesme nombre monstre à combien de sons, & pour combien de chordes chaque grosseur peut seruir : par exemple, 4. estant repeté trois fois, & 3. quatre fois, &c. signifie que la chorde, dont le diametre est de 4/80 peut seruir pour trois chordes de l'Epinette, & celle dont le diametre est de 3/80, pour quatre chordes, &c. La septiesme Colomne contient la grosseur de chaque chorde, qui est semblablement expliquée par 80 ; de sorte que si la premiere contient 50/80, la seconde a 45/80, & ainsi des autres iusques à la fin de la table.

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Volume: 
D. Inst., III, 06
Page: 
122-123

Or ce que i'ay dit de la grosseur, & du diametre des chordes de l'Epinette, & de la Harpe dans ces deux tables, peut estre appliqué aux chordes du Luth, & des Violes, quoy que leurs chordes ne soient pas ordinairement differentes en longueur : car si l'accord des Violes va de Quarte en Quarte, la seconde doit estre moins grosse d'vn tiers que la premiere ; c'est à dire que si la premiere chorde a quatre parties de grosseur, la seconde en doit auoir trois ; & si l'accord [p123] estoit de ton en ton, comme dans la Gamme, ou de demy ton en demy ton, comme sur l'Epinette, la seconde chorde doit estre moins grosse que la premiere d'vne huictiesme, ou d'vne quinziesme partie ; c'est à dire que la diminution des grosseurs suit la raison des interualles harmoniques, si l'on veut que l'instrument rende vne parfaite harmonie, particulierement lors que l'on touche les chordes à vuide, comme l'on fait sur la Harpe, & sur l'Epinette, & quelquefois sur le Luth, sur la Viole, & sur la Guiterre.

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Volume: 
D. Inst., III, 07
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123
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1

PROPOSITION VII. Vn homme sourd peut accorder le Luth, la Viole, l'Epinette, & les autres instrumens à chorde, & treuuer tels sons qu'il voudra, s'il cognoist la longueur, & la grosseur des chordes : de là vient la Tablature des sourds.

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Volume: 
D. Inst., III, 06
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123
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2

L'on peut auoir de plusieurs sortes de chordes, qui soient esgales en longueur & grosseur, comme celle des Monochordes ; ou inesgales en longueur & esgales en grosseur : ou inesgales en longueur & grosseur, comme celles des Harpes & de l'Epinette ; ou esgales en longueur, & inesgales en grosseur, comme celles des Violes, & du Luth. Or de quelque maniere qu'elles soient differentes, l'homme sourd les peut mettre à tel accord qu'il voudra, pourueu qu'il sçache leurs differences tant en matiere, qu'en longueur, & grosseur. Ce que ie demonstre premierement aux chordes, qui sont esgales en toutes choses, afin de commencer par les plus simples, parce que lors qu'elles sont tenduës par des forces esgales, elles font l'vnisson, puisque choses esgales adioustees à choses esgales, les laissent esgales.

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Volume: 
D. Inst., III, 07
Page: 
123
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3

Or voicy les regles generales, dont il faut vser pour faire toutes sortes d'accords, lesquels seruiront icy de preuue, & de Demonstration, d'autant que nous auons fait voir ailleurs, qu'elles sont veritables & infaillibles.
Premiere Regle. Si les chordes sont esgales en longueur & grosseur, & que l'vne fasse le son graue qui est en C fa vt, quand elle est tenduë auec le poids d'vne liure, il faut tendre l'autre auec quatre liures pour la faire monter à l'octaue, d'autant que les poids sont en raison doublée des interualles harmoniques, ausquels on fait monter les chordes ; or l'interualle de l'octaue est de 2. à 1. dont la raison de 4. à 1. est doublée.

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Volume: 
D. Inst., III, 07
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123
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4

Seconde Regle. Il faut encore adiouster au susdit poids la seiziesme partie du plus grand poids, ou 1/4 du plus petit, afin que l'accord soit iuste : par exemple, il faut adiouster quatre onces aux quatre liures precedentes pour faire l'octaue iuste : par consequent 4 1/4 liures contre 1, estant suspenduës à deux chordes esgales font l'Octaue parfaite.

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D. Inst., III, 07
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123
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5

Troisiesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Quand les chordes sont esgales en grosseur, & inesgales en longueur, & que l'on veut les mettre à l'vnisson, les forces qui tendent les chordes, doiuent estre en raison doublée de la longueur des chordes : par exemple, si l'vne a deux pieds de long, & l'autre vn pied, & que celle-cy soit tenduë par vne force, il faut tendre celle-là auec 4. liures, & adiouster 1/4 de liure, comme i'ay dit dans l'autre regle, pour la faire monter de l'Octaue qu'elle faisoit en bas, iusques à l'vnisson de la plus courte.

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D. Inst., III, 07
Page: 
124
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1

Quatriesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Quand les chordes sont esgales en grosseur, & esgales en longueur, les forces qui ont mesme raison que les grosseurs, les mettent à l'vnisson ; par exemple, si l'vne a 2. de grosseur, & l'autre 3. & que la premiere soit tenduë auec 2. forces, la 2. estant tenduë auec 3. forces sera à l'vnisson : & si la chorde estoit cent fois plus grosse, la force centuple la metteroit à l'vnisson.

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D. Inst., III, 07
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124
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2

Cinquiesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Si les chordes sont esgales en grosseur & en longueur, il faut recompenser la longueur, & la grosseur pour les mettre à l'vnisson, suiuant la simple raison des interualles pour la grosseur, & la raison doublée des mesmes interualles pour la longueur ; c'est à dire que la raison des forces doit estre composée de la simple raison, & de la doublée des interualles. Par exemple, si l'vne est grosse & longue comme 2, & l'autre comme 1, & que l'on vueille les mettre à l'vnisson, si celle qui est comme 1. est tenduë par vne liure, celle qui est comme 2. doit estre tenduë par 6 1/4 liures, par ce que la raison d'vn a 6 1/4 est composée de la raison d'vn à deux, qui recompense la double grosseur de la chorde, & de celle d'vn à 4 1/4, qui recompense la double longueur.

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D. Inst., III, 07
Page: 
124
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3

Sixiesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Si les chordes sont esgales en longueur, & inesgales en grosseur : par exemple, si l'vne est grosse de trois parties, & l'autre d'vne, & que l'on vueille faire descendre, ou monter celle de trois à quelque interualle, comme à l'Octaue, il faut premierement les mettre à l'vnisson par la 4. regle, en tendant celle de 3. parties auec 3. liures, & celle d'vne auec vne liure ; & pour faire monter la chorde de trois à celle d'vne, la raison de la force doit estre doublée de la raison de l'Octaue, & consequemment il la faut tendre auec la force, ou le poids de douze liures, & de douze onces, ou de la seiziesme partie de douze liures, comme i'ay dit dans la seconde Regle. Et si l'on veut la faire descendre à l'Octaue d'en bas, la force doit estre sousquadruple de trois, à sçauoir 11. 1/4 onces, car il faut diminuer douze onces d'vne seiziesme partie, comme il faut augmenter douze liures d'vne seiziesme partie. Finalement, si l'on veut faire monter la chorde 1. à l'Octaue en haut, de la chorde 3, quand elles sont à l'vnisson, il la faut tendre auec 4 1/4 forces, si l'autre est tenduë auec trois.

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D. Inst., III, 07
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124
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4

Septiesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Si les chordes sont inesgales en grosseur & longueur, il les faut premierement mettre à l'vnisson, par la cinquiesme Regle ; puis il faut prendre les 2. chordes de cette 5. Regle, qui sont à l'vnisson, quand l'vne est tenduë par vne liure, & l'autre par 6 1/4. En troisiesme lieu les forces doiuent estre en raison doublée des interualles, ausquels on veut faire monter l'vne des chordes : par exemple, si l'on veut monter la chorde tenduë auec 6 1/4 liures iusques à l'Octaue, il la faut tendre auec 26. liures, & 9. onces, car 26. 3/5 liures contiennent 4. fois 6 1/4 liures, & la seiziesme partie de 25. liures.

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Volume: 
D. Inst., III, 07
Page: 
124-125

Huictiesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Il faut obseruer la mesme Methode dans la diminution des forces, des poids, ou des tensions, quand on lasche les chordes pour les faire descendre, laquelle on garde à l'augmentation des poids, qui font monter les mesmes chordes ; mais il faut que les raisons soient soudoublées des interualles pour recompenser les differentes longueurs, & non doublées, comme deuant : c'est à dire qu'il faut diminuer les forces en mesme raison que l'on les augmentoit, [p125] de sorte que pour baisser les chordes, il faut faire en diminuant, ce que l'on faisoit en augmentant, pour les hausser.

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Volume: 
D. Inst., III, 07
Page: 
125
Sequence: 
1

Neufiesme Regle [pour faire toutes sortes d'accords]. Si les chordes sont de differente matiere ; par exemple de leton, de boyau, d'acier, d'or & d'argent, il faut premierement les mettre à l'vnisson auec des forces cogneuës, puis il faut suiure les regles precedentes. Or pour les mettre à l'vnisson, ie suppose l'experience, qui monstre que le son de celle d'acier tenduë auec 3 liures à mesme raison au son des chordes d'or, d'argent & de cuiure, que les nombres qui sont vis à vis de chaque chorde de la table qui suit, par lesquels on void que l'or fait la Quarte en bas auec celle d'argent, que celle d'argent fait le ton maieur auec l'acier, qui fait le semi-ton maieur en haut auec celle de cuiure, laquelle fait le Triton auec l'or, qui fait la Quinte auec l'acier ; les lettres E, A, B, ♮ monstrent que le son de la chorde d'or est en E mi la, de l'argent en A mi la re, du cuiure en B fa, & de l'acier en ♮ mi. Mais pour les mettre à l'vnisson, supposé que la chorde d'acier soit tenduë auec 3 liures, il faut tendre celle d'or auec 6 3/4 liures, & 1/16 : c'est à dire 6 onces, vn gros & demy, qui font 7 liures, 2 onces, vn gros, & 1/2 : celle d'argent doit estre tenduë auec vn poids, qui soit à 3 liures, comme 81 est à 64, suiuant la raison doublée du ton maieur, & ainsi des autres. Or la tablature qui suit, contient 4 tables pour seruir aux sourds, laquelle est si facile qu'il n'est pas besoin de l'expliquer.

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D. Inst., III, 07
Page: 
125
Sequence: 
2

Tablature harmonique pour les sourds. [Les 8 sons, ou notes de l'Octaue : VT, RE, MI, FA, SOL, RE, MI, FA - Les 7 degrez de l'Octaue : ton mi., ton mai., sem. mai., ton mai., ton mi., ton mai., semi. maj. - Table I. La tension des chordes proportionnées selon la raison doublée des interualles. - Table II. La grosseur des chordes proportionnée selon la raison simple des interualles. - Table III. La longueur des chordes proportionnées selon la raison simple des interualles. - Table IV. La Tension des chordes proportionnées selon la raison simple des interualles].

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Volume: 
D. Inst., III, 07
Page: 
126
Sequence: 
1

L'Vsage des Tables precedentes. Premierement si les chordes sont esgales en grosseur & longueur, il faut proportionner leurs tensions suiuant la premiere table. 2. si elles sont esgales en longueur & tension, il faut proportionner leur longueur suiuant la 2. table. 3. si elles sont inesgales en grosseur, longueur & tension, apres auoir proportionné la grosseur par la 2 table, & la longueur par la 3, il faut proportionner les tensions suiuant la 4. table. Or encore que la raison de la tension des chordes inesgales en longueur & grosseur doiue estre composée des raisons simples, & doublées des interualles pour estre mises à l'vnisson, neantmoins la raison simple suffit pour les mettre aux interualles de l'Octaue suiuant la 4. Table, sans que la pratique de la 5, & 6 regle soit necessaire : car si les chordes A & B esgales en grosseur sont tenduës de mesme force, & que B soit double d'A en longueur, la chorde B fait l'Octaue en bas auec A ; & si la chorde C esgale à B en longueur, mais double en grosseur est mise à l'vnisson de B par vne double force, C fera l'Octaue auec A, si elle est tenduë d'vne force qui soit double de la force qui tend A.

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Volume: 
D. Inst., III, 07
Page: 
126
Sequence: 
2

Quant aux chordes de differentes matieres, il ne faut point d'autre table que celle des tensions, qui les mettent à l'vnisson, parce que lors qu'elles sont à l'vnisson, il faut seulement obseruer ce que nous auons dit des autres.

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Volume: 
D. Inst., III, 08
Page: 
126-127

PROPOSITION VIII. Que l'on peut sçauoir la grosseur, & la longueur des chordes sans les mesurer, & sans les voir, par le moyen des sons.

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Volume: 
D. Inst., III, 08
Page: 
127
Sequence: 
1

Si l'on veut sçauoir combien de deux chordes de mesme longueur, & de mesme matiere l'vne est plus grosse que l'autre, il faut tendre la plus deliée auec vne force, & il y aura mesme raison de sa grosseur à celle de l'autre, que de la force precedente à la force qui mettra la plus grosse à l'vnisson ; par exemple, si la plus deliée est tenduë d'vne liure, & l'autre de 12, celle-cy sera plus grosse 12 fois. On treuuera la mesme chose si l'on commence par la grosse ; & si on ne veut pas prendre la peine de les tendre, & de les mettre à l'vnisson, il suffit de remarquer l'interualle de leurs sons, & leurs poids, car si celle qui est tenduë d'vn moindre poids, a le son plus aigu, elle est plus deliée ; or l'on treuuera la proportion de leurs grosseurs en considerant la raison des 2 poids, & des 2 sons ; par exemple, quand elles sont tenduës par vn mesme poids, si le son de la plus deliée fait la Quinte en haut, sa grosseur sera à celle de la plus grosse comme 4 à 9, mais parce que nous supposons que leurs tensions sont inesgales, il faut treuuer la raison de leurs tensions ; ie suppose donc que la petite ayt 3 de tension, & la plus grosse 4, leurs tensions seront comme 3 à 4, & consequemment leurs grosseurs seront comme 1 à 3, d'autant que la raison triple est composée de la raison doublée de l'interualle de leurs sons, & de la sesquialtere de leurs tensions.

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Volume: 
D. Inst., III, 08
Page: 
127
Sequence: 
2

Ces proportions sont fondées sur les regles de la precedente Proposition, c'est pourquoy il n'est pas necessaire de les expliquer plus amplement, car l'on peut se seruir desdites regles pour treuuer toutes sortes de grosseurs de chordes, sans vser d'autre mesure que de celle des sons, qui est la plus iuste de toutes, pourueu que l'on en vse comme il faut. Quant aux longueurs, elles ne sont pas plus difficiles à treuuer que les grosseurs, car supposé que l'on cognoisse la proportion des grosseurs, l'on treuuera les longueurs par les sons ; par exemple, si les chordes de mesme grosseur sont à l'Octaue l'vne de l'autre auec mesme poids, celle qui fait l'Octaue en haut est plus courte de moitié : mais si les poids sont differents, il en faut sçauoir la difference, puis que toutes sortes de chordes differentes tant en grosseur qu'en longueur peuuent estre mises à l'vnisson, ou à tel interualle que l'on voudra, par le moyen des differentes tensions. Or la seule application des regles de l'autre proposition oste toutes les difficultez, qui peuuent se rencontrer sur ce sujet, & chacun peut dresser des tables semblables aux precedentes, pour treuuer toutes sortes de longueurs, & de grosseurs de chordes par leurs sons.

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Volume: 
D. Inst., III, 09
Page: 
127-128

PROPOSITION IX. A sçauoir si l'on peut cognoistre la grosseur d'vne chorde d'instrument de Musique sans en faire comparaison auec d'autres chordes.
Le son ne nous peut seruir pour la resolution de cette difficulté, d'autant que nous ne pouuons comparer la chorde auec d'autres chordes, ny auec d'autres sons ; & les compas sont trop grossiers pour mesurer le diametre des [p128] chordes, qui seruent aux instrumens, comme i'ay desia remarqué ; il faut donc prendre plusieurs parties de la mesme chorde, & les arranger les vnes pres des autres, iusques à ce qu'elles couurent quelque partie notable d'vn pied de Roy, ou de quelqu'autre mesure cogneuë ; par exemple, supposé qu'il faille 3 chordes pour couurir vne ligne, qui est la 1/12 partie d'vn poulce, la chorde proposée aura 1/3 de ligne de diametre : & ce qui n'estoit pas assez sensible pour estre mesuré, sera rendu tres-sensible, & facile à mesurer en cette façon : ce qui arriue semblablement à plusieurs autres choses ; par exemple, l'on a de la peine à voir, & à mesurer vn grain de sable tres-menu, & quand on le prend auec plusieurs autres, il est facile à mesurer. Mais si l'on veut empescher que la chorde ne se gaste, il faut auoir vn cylindre, sur lequel le pied de Roy soit marqué & diuisé en lignes, afin d'enuironner ledit cylindre de plusieurs tours de chorde pour couurir tout le pied de Roy, ou vne partie notable, comme le poulce, la ligne, &c.

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Volume: 
D. Inst., III, 09
Page: 
128

Si l'on veut se seruir de l'eau pour treuuer la grosseur d'vne chorde qui soit, par exemple, de cuiure, il faut remplir le vaisseau, dans lequel l'on veut enfoncer la chorde, ou marquer le lieu de dedans le vaisseau auquel touche l'eau, afin de voir combien elle fera sortir ou monter d'eau, car ayant treuué la base, ou le diametre du Cylindre d'eau esgal en hauteur à la chorde, l'on aura la grosseur de la chorde. L'on peut encore mesurer la grosseur des chordes de metal en les reduisant premierement en Cube, ou en globe, par le moyen de la fonte : mais puis que la premiere maniere conserue les chordes de metal, & de boyau en leur entier, elle est la plus vtile & la plus facile, encore qu'elle ne soit pas Geometrique, d'autant qu'en tournant les chordes autour du cylindre de bois, ou de metal, l'on peut plus ou moins presser leurs circonuolutions, & faire qu'il y en ayt plus ou moins sur le pied de Roy, selon la force dont elles sont pressées ; neantmoins l'on approchera plus pres de leur veritable grosseur par ce moyen, que par nul autre, ce qui suffit en cette matiere, où les choses ne peuuent pas estre trouuées plus exactement par la mechanique. Mais ie parleray plus amplement de la differente maniere de peser toutes sortes de corps, & d'en sçauoir la grandeur par le moyen de l'eau dans le liure des Cloches : & l'on peut voir ce que i'en ay dit dans les liures de la Theorie.

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Volume: 
D. Inst., III, 09
Page: 
128-129

PROPOSITION X. Determiner si l'on peut accorder le Luth, la Viole, l'Epinette & les autres instrumens à chordes, sans se seruir des sons, ny des oreilles, par la cognoissance des differens alongemens que souffrent les chordes.
Cette proposition a besoin de quelques suppositions, dont la verité depend de l'experience & de la raison, car il faut sçauoir qu'elle raison il y a des differens racourcissemens des chordes aux sons differens quant au graue & à l'aigu, c'est à dire qu'il faut cognoistre combien il faut tourner la cheuille pour faire monter la chorde au second, trois, & quatriesme ton, supposé que l'on sçache combien il la faut tourner pour la mettre au premier, ou au second : & si, par exemple, vne force la fait racourcir d'vn doigt, combien 2, 3, ou 4 forces, &c. la feront racourcir : cecy estant posé, l'on peut marquer les chordes auec de petits points à chaque lieu, afin que les points respondent à [p129] certains lieux de l'instrument, qui feront voir quand les chordes seront d'accord, mais vne seule marque imprimée sur la chorde suffit pour cognoistre de combien de tons elle monte, ou descend, pourueu que l'on puisse mesurer son racourcissement, ou son alongement par le moyen de cette marque, ou des tours de la cheuille ; ce que l'on fera aysément si l'on compare la marque de la chorde auec quelqu'autre marque de la Table de l'instrument, qui fera recognoistre combien la chorde s'alonge, on se doit alonger à chaque ton, ou demy-ton.

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Volume: 
D. Inst., III, 10
Page: 
129
Sequence: 
1

Neantmoins parce que la chorde, dont on s'est desia seruy, & qui s'est estenduë & alongée, à souffert de l'alteration, & qu'elle s'estend plus facilement la seconde fois que la premiere, & la troisiesme fois plus facilement que la seconde, & ainsi consequemment, comme on remarque à toutes sortes de chordes, qui s'alongent de plus en plus auec le temps, encore qu'on ne leur donne point de nouuelle tension, il n'est pas possible d'accorder vn instrument par la cognoissance des premieres tensions que l'on a experimentées aux chordes, si quant & quant l'on ne sçait de combien l'extension de chaque chorde doit estre plus grande à la 2, 3, ou 5 fois, qu'à la premiere : c'est pourquoy il suffit icy de remarquer combien chaque chorde s'estend depuis son ton plus graue iusques à son plus aigu, auant qu'elle rompe, afin que l'on puisse conclure par la diuision de l'extension en esgales parties, combien chaque ton ou demy-ton fait plus, ou moins estendre la chorde : toutes-fois les extensions ne sont pas tousiours esgales, encore que l'on y adiouste des forces esgales, car les dernieres sont quasi tousiours plus grandes que les premieres.

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Volume: 
D. Inst., III, 10
Page: 
129
Sequence: 
2

L'experience fait voir que les chordes de Luth s'estendent pour le moins d'vne vingtiesme partie, auant qu'elles rompent, car la chanterelle qui a cinq pieds de long, & que l'on tend auec vne demie liure, s'estend de trois poulces ou enuiron, depuis l'extension qu'elle reçoit de cette demie liure iusques à ce qu'elle rompe par la force de trois liures & demie. Et apres qu'elle est tenduë par vne demie liure, la seconde demie liure que l'on y adiouste la faict alonger d'vn demy poulce, & la troisiesme la fait encore alonger d'vn autre demy poulce, & ainsi consequemment iusques à ce qu'elle se rompe, n'y ayant point d'autre difference, sinon que les derniers alongemens sont vn peu plus grands que les premiers.
Quant aux chordes de leton, & des autres metaux, elles s'alongent beaucoup moins que celles de boyau, d'autant que leurs fibres ne sont pas susceptibles de si grands alongemens, que les filamens de celles de boyau qui s'alongent quasi de la mesme façon que la glus, & les filets des arraignées, parce qu'ils sont composez d'vne grande multitude de parties spermatiques.

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Volume: 
D. Inst., III, 11
Page: 
130
Sequence: 
1

PROPOSITION XI. Determiner de combien l'air est plus sec, ou plus humide chaque iour par le moyen des sons, & des chordes.
L'Experience fait voir que les chordes de la Viole montent plus haut en temps humide que quand le temps est sec, car elles se haussent d'vn ton, d'vne Tierce, ou d'vne Quarte, quand le temps est humide & pluuieux ; cecy posé, il faut voir si l'on peut dire que l'air, ou le temps soit d'autant plus humide que les chordes montent plus haut : c'est à dire, si quand vne chorde monte plus haut d'vne Tierce maieure, dont la raison est de 4 à 5, l'air est plus humide d'vne quatriesme partie qu'il n'estoit deuant ; car le plus grand terme de la Tierce maieure est plus grand d'vn quart que son moindre terme, or la chorde qui faisoit le moindre terme de cette Tierce en temps sec fait son plus grand terme en temps humide, & consequemment elle bat cinq fois l'air en temps humide, qu'elle ne battoit que 4 fois en temps sec.

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Volume: 
D. Inst., III, 11
Page: 
130
Sequence: 
2

Ce qui arriue parce que le temps humide l'enfle & l'acourcit [la chorde], ou la tend dauantage qu'elle n'estoit tenduë en temps sec, de sorte qu'on peut dire que l'humidité la racourcit d'vne quatriesme partie, puis qu'il faut qu'vne chorde soit plus longue d'vn quart pour faire la Tierce maieure, bien que ce racourcissement ne paroisse pas en longueur, d'autant qu'vne plus grande tension recompense ce racourcissement ; car ie parle icy des chordes, qui sont arrestées par deux cheualets, & qui ne peuuent s'alonger. Il n'est pas besoin de considerer si la chorde est plus grosse en temps humide, car cela n'est pas sensible, & si peu de grosseur n'apporte quasi point de difference au son : c'est pourquoy il faut seulement considerer la plus grande tension de la chorde, à laquelle le temps humide apporte autant comme si on augmentoit sa tension, car quand vne chorde est tenduë par le poids d'vne liure, il faut la tendre par vne liure & 9 onces pour la faire monter à la Tierce maieure, d'autant qu'il faut doubler la raison de cette Tierce, comme i'ay dit ailleurs. Et si elle monte d'vn ton maieur, elle fait autant comme si l'on adioustoit 17/64 d'vne liure au poids de la liure qui la tendoit en temps sec.

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Volume: 
D. Inst., III, 11
Page: 
130
Sequence: 
3

Il est tres-aysé de treuuer toutes les autres tensions que font les differents degrez de l'humidité, en doublant les raisons comme i'ay dit : mais il est tres-difficile de sçauoir si les degrez de cette humidité suiuent les raisons des sons, ou des poids : c'est à dire si l'humidité est comme 9, & 8, quand elle fait les deux sons du ton maieur, ou si elle suit la raison doublée du ton, ou la raison triplée des solides, de sorte qu'on puisse dire que le temps est plus humide d'vne huictiesme partie, quand la chorde se hausse d'vn ton ; ou plus humide de 17 parties sur 64, parce que la raison sesquioctaue estant doublée fait la raison sur dix-sept partissante soixante quatre : ou plus humide de 217 parties sur 512, parce que la raison sesquioctaue estant triplée donne la raison sur deux cens dix-sept partissante cinq cens douze.

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Volume: 
D. Inst., III, 11
Page: 
131
Sequence: 
1

Mais il faut considerer d'autres choses dans la differente matiere des chordes, car les chordes de boyau, ou de fil de chanure s'alterent, & s'enflent plus facilement, & plus sensiblement que les chordes d'acier, d'airain, ou d'argent : d'autant que les metaux ne sont pas si poreux, & si mols comme les chordes de boyau, c'est pourquoy il faut se seruir de celles-cy, pour iuger si l'air est plus humide ou plus sec, parce que celles d'airain ne changent pas leur son si facilement sur l'Epinette, que celles de boyau sur la Viole. D'ailleurs la chorde de boyau peut auoir vne si grande humidité, qu'elle se laschera plustost qu'elle ne se tendra, ce qui monstre qu'il est difficile d'establir quelque chose de certain sur cet accident, & sur cette experience. Or l'on peut icy considerer deux ou trois accidens des chordes, car elles deuiennent plus courtes, ou plus grosses, ou elles font vn son plus aigu. Quant à leur racourcissement on remarque que les chordes, dont on vse pour sonner les cloches, sont plus courtes à l'hyuer qu'à l'esté, ce qui arriue semblablement à celles qui sont suspenduës aux voultes des Eglises pour abbaisser les lampes, comme l'on remarque dans les Eglises Cathedrales, dont les voultes sont fort esleuées, dans lesquelles lesdites chordes s'acourcissent à l'hyuer d'vne toise, ou enuiron.

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D. Inst., III, 11
Page: 
131
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2

Busbeque Ambassadeur à Constantinople pour Ferdinand Roy des Romains, recite vne chose tres-remarquable sur ce sujet dans sa premiere Epistre, à sçauoir qu'vn ingenieur, qui auoit entrepris de leuer vn obelisque sur vn piedestal, ayant recogneu que les chordes de ses Machines estoient trop longues d'vn poulce, les arrosa d'eau, laquelle les feist accourcir autant comme il falloit pour faire reüssir heureusement son entreprise, ce qui luy donna vn grand credit parmy le peuple, qui commençoit à se mocquer de luy ; & ce qui fait voir la difference d'vn ingenieur ordinaire, d'auec celuy qui cognoist la nature des choses.
Quant à la grosseur, on peut trouuer de combien elle s'augmente, lors que l'on sçait le racourcissement : car supposé, par exemple, qu'elle s'acourcisse d'vne 20. partie, elle se grossira aussi d'vne 20. partie ; & si elle s'acourcit de moitié, elle se grossit de moitié ; si ce n'est qu'elle reçoiue seulement des condensations differentes souz mesme volume, de sorte qu'elle soit tousiours de mesme grosseur, & que cette grosseur soit seulement plus rare en temps sec, & plus dense & solide en temps humide.
Quant à la tension, l'on en peut iuger en deux façons, premierement par le son, car si la chorde d'vn instrument de Musique monte plus haut d'vne Quarte, elle enseignera de combien sa tension s'est augmentée, c'est à dire que la tension de la chorde en temps humide sera à la tension de la mesme chorde en temps sec, comme 16 est à 9, car il faut que les tensions, & les forces qui font les tensions, soient doublées des simples raisons que gardent les interualles harmoniques, comme i'ay demonstré dans vn autre lieu.

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D. Inst., III, 11
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131-132

Mais si l'on suppose que la chorde deuienne plus grosse en temps humide à mesme proportion qu'elle s'acourcit, il faudra autant augmenter sa tension, comme la grosseur s'est augmentée : c'est à dire que si sa grosseur s'est augmentée d'vne vingtiesme partie, il faudra augmenter sa tension d'vne vingtiesme partie pour expliquer les interualles, ausquels la chorde est montée. Par exemple, au lieu d'appliquer les tensions de 16 à 9 à la chorde susdite, si la chorde s'est grossie d'vne 20 partie, il faudra adiouster la raison de 21 à 20 à la raison de 16 à 9, pour sçauoir la tension de la chorde en temps humide, car les [p132] simples raisons des tensions recompensent les differentes grosseurs des chordes. Si les sons montent à mesme proportion que les chordes des cloches, & que toutes les autres s'acourcissent en temps humide, ou en hyuer, il est facile de sçauoir combien les chordes des instrumens monteront, car si elles se racourcissent d'vne 8. partie, les instrumens auront monté d'vn ton maieur, d'autant que la chorde a 9 parties en temps sec, & n'en a que 8 en temps humide : il est facile d'adiouster plusieurs autres exemples.

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D. Inst., III, 11
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132
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1

L'on peut donc conclure combien les chordes des instrumens s'acourciroient, si elles n'estoient detenuës par les cheuilles ; par exemple, elles s'acourciroient d'vne qninziesme partie, quand elles montent d'vn semiton maieur. Semblablement l'on peut dire de combien les chordes, qui s'acourcissent à raison qu'elles sont libres, receuroient vne plus grande tension, si elles estoient arrestées, car la raison doublée des longueurs de la chorde en temps sec & humide donnera la tension : par exemple, si la chorde s'acourcit d'vne quinziesme partie, la raison de sa longueur en temps sec & humide sera de 16 à 15, laquelle estant doublée donne la raison de 256 à 225, c'est à dire quasi de 17 à 15 ; par consequent la chorde de la Viole qui monte d'vn demy-ton, est plus tenduë de deux parties sur 15, qu'elle n'estoit deuant, supposé qu'elle ne grossisse point par la tension, autrement il faut adiouster autant de degrez à la susdite tension, comme l'humidité a adiousté de nouuelles parties à sa grosseur.

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D. Inst., III, 11
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132
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2

Or l'on peut disposer les chordes en deux manieres pour treuuer les proportions, & les differences des humiditez du temps ; premierement en les suspendant, comme sont les chordes des cloches & des lampes, car si l'on graduë la muraille ou le bois, à qui elles respondent, c'est à dire, si l'on diuise le plan, vis à vis duquel elles sont suspenduës, en plusieurs parties esgales, dont la plus basse soit à niueau du bout de la chorde, quand elle a sa plus grande longueur, & la plus haute soit à niueau du lieu, où la chorde est la plus courte, les degrez du milieu marqueront les differents racourcissements de la chorde, & consequemment les differents degrez de l'humidité, ou de la seicheresse, comme les degrez du Verre Calendaire, que l'on appelle Themoscope, montrent les degrez du froid & du chaud ; ce que i'explique par la chorde A B C, dont la plus grande longueur est A C, & la moindre A B, de sorte quelle a l'espace B C, pour son racourcissement, lequel on peut diuiser en tant de parties que l'on voudra, afin de sçauoir si le temps est plus humide de 2, 3, ou 4, degrez, quand la chorde s'acourcit d'autant de parties.

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D. Inst., III, 11
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132
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3

Secondement, on peut se seruir des chordes, qui sont arrestées par les deux bouts, comme sont celles de la Viole, du Luth & des autres instrumens à chorde, car si on suspend vn poids au milieu de la chorde, & qu'on diuise le plan, vis à vis duquel la chorde descend qui tient le poids suspendu, de sorte que la plus basse diuision soit à niueau du poids, on verra les differents degrez de l'humidité par les differentes esleuations du poids, comme on recognoist les differents degrez de lumiere, & de chaleur par les differentes esleuations du Soleil. Mais parce que nous ne sçauons pas si de tous les degrez d'humidité chacun fait racourcir les chordes esgalement, c'est à dire si le 2 degré les fait autant racourcir comme le 1, le 3 comme le 2, &c. l'on ne peut determiner cette difficulté qu'en general pour les differents degrez d'humidité.

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D. Inst., III, 11
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133
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1

COROLLAIRE II
Quand les chordes s'acourcissent par l'humidité, il semble que toutes leurs parties se r'acourcissent esgalement, supposé que l'air qui les enuironne soit esgalement humide par tout, car il n'y a nulle raison qui empesche cette esgalité lors que la chorde pend librement en bas, ou qu'elle porte vn fardeau bien leger : mais lors qu'elle est arrestée & tenduë sur le Monochorde, ou sur les autres instrumens, elle peut s'enfler dauantage vers le milieu, où il semble qu'elle endure moins de violence, parce qu'elle est plus molle en ce lieu que pres des cheualets, & consequemment elle est plus susceptible de l'humidité de l'air ; quoy que l'on puisse obiecter que la chorde est plus ouuerte & plus poreuse aux lieux où elle est la plus dure, & où elle est, ce semble, plus bandée, mais toutes ces difficultez sont traictées dans vn autre lieu.

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D. Inst., III, 11
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133
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2

COROLLAIRE III
Il semble que l'enflement des chordes se fait par l'eau, ou par les vapeurs qui s'insinuent dans les pores des chordes, quand elles ne s'acourcissent point, ce qui fait que toutes les parties de la chorde endurent vne plus grande violence, parce que chaque partie d'humidité contraint chaque partie de la chorde de luy faire place, & de s'estendre plus fort que deuant, ou en d'autres lieux que celuy qu'elle occupoit, & qui luy estoient propres & naturels ; mais quand elles s'acourcissent, il semble qu'elles fassent la mesme chose qu'vn homme qui se racourcit, & qui rassemble les parties de son corps le mieux qu'il peut lors qu'il a grand froid, ou qu'il se prepare au combat : ce que l'on remarque semblablement aux insectes, & aux vers qui rampent sur la terre, car ils se ramassent & s'acourcissent pour se rendre plus forts, pour euiter les coups & pour se conseruer.
Or apres auoir consideré toutes ces particularitez des chordes, il faut voir de quelle longueur elles doiuent estre sur l'Epinette, & sur les autres instrumens pour faire des sons dont l'oreille puisse iuger, & comme l'on peut determiner leur ton quand l'oreille ne peut l'apperceuoir.

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D. Inst., III, 12
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134
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1

PROPOSITION XII. Determiner quelle grosseur, & longueur doiuent auoir les chordes des instrumens pour faire des sons agreables, & dont on puisse iuger à l'oreille : & comme l'on peut sçauoir le ton, ou le son de toutes sortes de chordes, quand elle sont trop longues, trop lasches, ou trop courtes pour faire des sons, qui puissent estre ouys.

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D. Inst., III, 12
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134
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2

Quant à la seconde partie de la Proposition, elle est tres-aysée à resoudre, puis que nous auons expliqué la maniere de sçauoir combien chaque chorde donnée tremble de fois en vn temps donné, c'est à dire combien elle fait de tours & de retours ; car puis que le graue, ou l'aigu du son est mesuré & determiné par les nombres des tremblemens de chaque chorde, l'on ne peut cognoistre ledit nombre, que l'on ne sçache quant & quant la qualité du son, c'est à dire quel lieu il tient dans le Systeme harmonic. Ce que l'on comprendra plus aysément par exemples, que par de plus longs discours. Ie suppose donc qu'vne chorde de Luth ou d'Epinette ayt 15 pieds de long, & qu'elle soit trop longue pour iuger auec l'oreille du son qu'elle fait : or si on la tend auec vne force de 6 liures, elle fera 10 retours dans vne seconde minute, & parce que le son qui respond au ton de Chappelle est fait par 60 retours dans l'espace de ladite seconde, l'on sçaura que le son de 10 retours est plus bas d'vne dix-neufiesme que ledit ton de Chappelle, puis que les sons sont aux sons, comme les retours aux retours, & qu'il y a mesme raison de 60 à 10, que de 6 à 1, qui contient la raison de la Dix-neufiesme.

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D. Inst., III, 12
Page: 
134-135

Semblablement si la chorde est trop courte, & qu'elle n'ayt qu'vn poulce, c'est à dire que la douziesme partie d'vn pied de Roy, c'est chose asseurée que l'oreille ne pourra iuger du son qu'elle fera, mais si on luy donne l'estenduë [p135] de 15 pieds, & que l'on treuue qu'elle tremble 10 fois comme deuant, l'on trouuera son ton par la regle de 3, car les retours de la chorde d'vn poulce de long sont aux retours de celle de 15 pieds, comme 15 est à 1/12, c'est à dire comme 180 est à 1, c'est pourquoy la chorde d'vn poulce fera 1800 retours, tandis que celle de 15 pieds n'en fera que 10, & consequemment le son de la chorde d'vn poulce sera de 180, quand celuy de la chorde de 15 pieds sera 1, de sorte que ces deux sons feront la Cinquante-troisiesme, c'est à dire la Quarte augmentée d'vn comma sur 8 Octaues. Or il est tres-aysé d'accommoder ce discours à toutes sortes d'autres chordes, puis qu'il n'y a nul son si graue, ou si aigu, que l'on ne puisse treuuer par le moyen des tremblemens & des retours. Où il faut encore remarquer que l'oreille commence à iuger de l'aigu du son de la chorde, qui a deux poulces de long, & consequemment qui est 96 fois plus longue que large, supposé qu'elle ayt 1/4 de ligne en diametre ; & parce que ce nombre approche de cent, l'on peut prendre pour fondement de ce discours, que la longueur des chordes doit estre centuple de leur diametre pour faire le premier son, c'est à dire le plus aigu, dont l'oreille puisse iuger.

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Volume: 
D. Inst., III, 12
Page: 
135

Dabondant parce que la chorde n'a point de son qui puisse entrer dans l'harmonie en qualité d'agreable, ou de passable, qu'elle n'ayt pour le moins demy pied de long, il s'ensuit qu'elle doit estre 288 plus longue que large pour commencer à rendre de l'harmonie qui soit supportable ; & parce que ce nombre approche de 300, l'on peut dire que la longueur des chordes doit estre trecentuple de leur diametre pour faire leur premier son : finalement parce que les mesmes chordes peuuent faire des sons dont l'oreille peut iuger, encore qu'elles ayent 12 pieds de long, l'on peut dire que les chordes font des sons, qui ne surpassent pas la capacité de l'oreille, quand leur longueur est à leur diametre, comme 6912 est à 1. Et parce que ce nombre approche de 700, l'on peut mettre ce nombre pour les bornes de la longueur des chordes, par où l'on peut determiner quelle raison il y a de la longueur qu'elles doiuent auoir pour faire le meilleur son, auec leur plus grande & leur moindre longueur.

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Volume: 
D. Inst., III, 13
Page: 
135-136

PROPOSITION XIII. Determiner pourquoy il y a des chordes meilleures les vnes que les autres sur les instrumens ; ce qui rend les chordes fausses : comme l'on peut sçauoir si vne chorde sonne mieux sur vn instrument que sur les autres : & comme l'on cognoist les chordes fausses.
Il y a deux principales raisons pour lesquelles les chordes sonnent mieux les vnes que les autres, dont l'vne se tient de la part des chordes, à sçauoir lors qu'elles sont mal-faites, soit que la faute vienne de la part de l'ouurier, ou du temps mal propre dans lequel elles ont esté faites, ou de la matiere qui est trop seiche, ou trop humide, ou qui a d'autres mauuaises qualitez qui rendent la chorde inesgale & fausse : de là vient que l'on rencontre des chordes dont on ne peut nullement vser, à raison que l'on ne peut leur faire prendre vn ton qui soit propre à la Musique, parce que le son en est trop sourd & trop obscur. Or l'on cognoist qu'vne chorde est fausse auant que de la tendre sur les instrumens, lors qu'estant tirée par les deux bouts, elle ne fend pas l'air esgalement, & qu'elle ne fait pas paroistre vne figure semblable à vn plan parallelle [p136] ou perpendiculaire à l'horizon, quand la tension de la chorde est horizontale ou perpendiculaire.

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Volume: 
D. Inst., III, 13
Page: 
136
Sequence: 
1

Mais l'œil n'est pas souuent assez subtil pour remarquer la fausseté de la chorde, & la main qui la treuue esgale en toutes ses parties, se trompe souuent : car si elle est plus molle ou plus dure, plus rare, ou plus dense & plus seiche, ou plus humide en vn lieu qu'en vn autre, elle ne rendra pas vn son esgal & vniforme, parce que le boyau dont la chorde est faite, n'est pas esgal en toutes ses parties, soit qu'il y ayt vne plus grande multitude de fibres dans l'vne que dans l'autre, ou que la faute vienne de la part de l'ouurier.
Quant aux chordes qui sont toutes bonnes, & dont les vnes sonnent mieux sur de certains instrumens que sur les autres, cela peut arriuer à cause qu'elles sont mieux proportionnées aux vns qu'aux autres : de là vient que les plus grosses chordes rendent plus d'harmonie sur les grands Luths, que sur les petits ; & qu'il se rencontre ordinairement vne chorde sur chaque instrument, qui sonne mieux que toutes les autres, & qui a vn ton entre tous ceux qu'elle peut auoir par ses differentes tensions, ou ses differens racourcissemens ; qui surpasse tous les autres : ce qui arriue peut estre lors que la chorde est à l'vnisson de la table du Luth, & consequemment les meilleurs tons de ceux qu'elle fait apres doiuent estre à l'Octaue, & à la Douziesme de ladite table, ce qu'il faut entendre lors que la chorde est assez longue, car si elle estoit trop courte à proportion de sa grosseur, ou trop longue à proportion de ce qu'elle est mince & deliée, elle ne feroit pas ouyr le meilleur de ses tons, encore qu'elle fust à l'vnisson de la table du Luth, ou des autres instrumens.

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D. Inst., III, 13
Page: 
136
Sequence: 
2

Or i'ay monstré dans la douziesme Proposition, la proportion qu'il faut garder de la longueur des chordes à leurs grosseurs pour rendre vn bon son, & ie diray ailleurs comme il faut trouuer le ton de la table de toutes sortes d'instrumens ; c'est pourquoy il suffit icy de conclure que l'on sçaura quelle chorde sonne le mieux de toutes les autres sur vn instrument proposé, lors que l'on cognoistra le ton de la table de l'instrument, car celle qui ayant la longueur, & la tension requise sera à l'vnisson de ladite table rendra le meilleur son : & s'il s'en rencontre plusieurs de mesme grosseur, longueur & tension qui soient à l'vnisson, celle dont les parties seront plus vniformes sonnera le mieux ; & si toutes les parties des vnes sont aussi esgales que celles des autres, elles sonneront esgalement.

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Volume: 
D. Inst., III, 13
Page: 
136
Sequence: 
3

Si ceux qui font aussi grand estat d'vne bonne chorde que de tout l'instrument prennent la peine de treuuer le ton de la table, i'estime qu'ils auront du contentement à comparer ces deux vnissons, & qu'ils aduouëront que l'vnisson est le plus puissant, & le plus excellent de toutes les consonances, comme i'ay prouué dans les liures de la Theorie, puis que l'vnion qui se fait du ton de la table auec celuy de la chorde rend vne harmonie rauissante, car il ne se fait quasi qu'vn mesme son des deux ; quoy que ie ne vueille pas reietter les autres raisons que l'on peut apporter de la bonté des chordes, par exemple que l'air enfermé dans le corps de l'instrument doit estre tres-bien proportionné à la longueur de la chorde, qui ne doit pas trouuer vne trop grande quantité d'air à esbransler, &c.

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Volume: 
D. Inst., III, 13
Page: 
136-137

Or il est aysé de prouuer que l'instrument ayde à la bonté de la chorde, d'autant qu'elle n'est plus si bonne, quand elle est mise sur vn autre instrument d'esgale grandeur, quoy qu'il se rencontre d'autres chordes qui sont aussi [p137] bonnes sur cet instrument comme estoit la premiere chorde sur l'autre : mais si cette raison ne plaist pas à ceux qui touchent le Luth & l'Epinette, il leur est permis d'en chercher vne meilleure. Il faut cependant remarquer que l'on tient que la troisiesme chorde de la Viole est ordinairement la meilleure, & que l'on remarque semblablement la mesme difference de bonté dans les tuyaux de l'Orgue, dont il y en a quasi tousiours quelqu'vn qui surpasse tous les autres : mais i'en parleray plus amplement dans le liure de l'Orgue. Quant aux chordes, il est assez facile de remarquer leur meilleur ton en les touchant à vuide, ou en vsant des touches, & lors que l'on a le ton de la table, l'on peut experimenter si le ton de la chorde qui se fait auec les touches est meilleur que celuy qui se fait à vuide, ou à l'ouuert, quand celuy des touches fait l'vnisson, ou quelqu'autre consonance auec la table : quoy que le doigt, qui touche la chorde sur le manche, puisse souuent estre cause qu'elle ne sonne pas si bien qu'a vuide, car il est difficile de toucher si bien de la main gauche, que ce contact ne nuise pas dauantage à son harmonie, que si elle estoit touchée à vuide sur vn nouueau sillet.

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Volume: 
D. Inst., III, 13
Page: 
137
Sequence: 
1

COROLLAIRE
Si l'on veut sçauoir ce que les accords de la table apportent aux chordes, il faut remarquer de quelle maniere vne mesme, ou plusieurs sonnent à l'vnisson, à l'Octaue & à la Quinte de la table, &c. & si la bonté de la chorde tenduë à l'vnisson surpasse autant la bonté de celle qui est à la Quinte, comme la bonté, ou la douceur de l'vnisson surpasse la douceur de la Quinte.

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D. Inst., III, 14
Page: 
137
Sequence: 
2

PROPOSITION XIV. Determiner combien l'on peut toucher de chordes, ou de touches du clauier dans l'espace d'vne mesure, c'est à dire combien l'on peut faire de notes à la mesure sur l'Epinette ; & si l'archet va aussi viste sur la Viole, & sur le Violon ; ou si la langue & les autres organes qui font les passages, & les fredons peuuent faire autant de notes à la mesure que l'Epinette.
L'on peut toucher les chordes de Luth, & de l'Epinette en deux manieres, à sçauoir toutes, ou plusieurs en mesme temps, comme il arriue lors que l'on abbaisse plusieurs touches du clauier en mesme temps, pour faire plusieurs consonances ou dissonances ; ou l'vne apres l'autre, comme l'on fait aux passages & aux fredons, & c'est de cette maniere que ie parle icy. Or il faut remarquer que les Musiciens ont inuenté des notes pour signifier toutes leurs mesures c'est à dire tous les temps, ou toutes les especes de durée qu'ils donnent aux sons & aux voix, dont ils composent toutes sortes de chansons & de motets : & que celle qui signifie vne mesure est blanche, & sert comme de pied, de diapason & de regle à toutes les autres, qui augmentent ou diminuent ordinairement leurs valeurs de moitié en moitié, de sorte que la 2 vaut la moitié d'vne mesure, la troisiesme le quart, la 4 la 8 partie, la 5 la 16 partie, la 6 la 32 partie, & la 7 la 64 partie, qui est la moindre de toutes celles qu'ils ont inuentées, parce qu'ils ont iugé que l'on ne pouuoit pas chanter vne note en vn moindre temps qu'en la 64. partie d'vne mesure.

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Volume: 
D. Inst., III, 14
Page: 
137-138

Il faut encore remarquer qu'ils font durer vne mesure plus ou moins comme [p138] ils veulent : mais il est necessaire d'establir vn temps certain & determiné pour la mesure, si l'on veut sçauoir combien l'on peut faire de sons, c'est à dire combien l'on peut chanter de notes dans le temps d'vne mesure : & parce que les Astronomes ont diuisé chaque minute de temps en 60 parties, & que chaque 60 partie de minute, qu'ils nomment seconde, est esgale à vn battement ordinaire du poux, comme i'ay desia dit ailleurs, ie suppose maintenant qu'vne mesure dure vne seconde minute, & dis qu'il n'y a point de main si viste qui puisse toucher plus de 16 fois vne mesme chorde, ou plusieurs, ny voix qui puisse chanter plus de 16 notes ou doubles crochuës dans le temps d'vne seconde minute, & consequemment que ceux qui font 32 notes à la mesure employent 2 secondes dans la mesure, & que ceux qui en font 64 font la mesure de 4 secondes ou de 4 battemens de poux : ce que i'ay obserué dans l'experience des meilleurs ioüeurs de Viole & d'Epinette, & ce que chacun remarquera en faisant reflexion sur le ieu de ceux que l'on estime auoir la main tres-viste & tres-legere, quand ils vsent de toute la vistesse qui leur est possible.

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Volume: 
D. Inst., III, 14
Page: 
138

D'où il s'ensuit que nul ne peut toucher plus de 960 fois vne, ou plusieurs chordes dans l'espace d'vne minute d'heure, ou 17600 dans vne heure. Quant à la comparaison de la vistesse dont on vse sur la Viole, sur l'Epinette, ou sur les autres instrumens, il est tres-difficile d'en iuger autre chose, sinon que ceux qui en ioüent en perfection peuuent les toucher d'vne esgale vistesse. A quoy i'adiouste que la voix & la gorge ne peuuent aller si viste que les instrumens : ce que l'on sera contraint d'aduoüer apres auoir comparé vn excellent ioüeur d'Epinette ou de Viole, auec vn excellent Chantre.

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Volume: 
D. Inst., III, 15
Page: 
138-139

PROPOSITION XV. Determiner si l'on peut toucher les chordes des instrumens, ou leurs touches si viste que l'oreille ne puisse discerner si le son est composé d'autres sons differens, ou s'il est vnique & continu.

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D. Inst., III, 15
Page: 
139
Sequence: 
1

Si la chorde estoit si longue qu'elle fust à l'vnisson d'vn tuyau d'Orgue de 24 pieds, & qu'elle ne batist l'air que dix fois dans l'espace d'vne seconde, l'oreille pourroit apperceuoir que le son ne seroit pas continu, puis que l'œil discerne tellement ces 10 retours que l'on les peut nombrer, supposé neantmoins que le son de chaque retour soit distinct & discontinu, & qu'il y ayt vn aussi grand nombre de sons differents qu'il y a de retours, car si le son du premier retour est continu auec le son du second, & que tous les sons des tours & des retours ne fassent qu'vn mesme son continu, l'oreille ne peut pas nombrer, ou cognoistre chaque partie du son que fait chaque tour & retour, si ce n'est qu'elle iuge de chaque partie du son par sa differente force ou grandeur.
Par exemple, puis que le son de la chorde, qui fait 10 retours dans vne seconde, s'affoiblit en mesme proportion que les retours de la chorde se diminuent, si le second retour est moindre que le premier d'vne dix-neufiesme partie pour le moins, & que les autres retours se diminuent tousiours en mesme proportion, comme ie suppose maintenant, il s'ensuit que si la premiere partie du son a 20 degrez de force, que la 2 partie n'aura que 19 degrez de force, que la troisiesme n'en aura que 18 1/20, & ainsi des autres, & consequemment que l'oreille distinguera ces parties, comme si elles faisoient des sons differents, si elle est assez delicate pour apperceuoir ces petites differences.

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D. Inst., III, 15
Page: 
139
Sequence: 
2

Mais ie ne croy pas que l'on rencontre des oreilles si iustes qu'elles puissent remarquer la diminution de chaque partie du son d'vne chorde ; c'est pourquoy ie viens à l'autre consideration de plusieurs chordes differentes en longueur, grosseur, ou tension, qui font des sons differents quant au graue & à l'aigu, & dis qu'il est plus aysé de remarquer la vistesse de l'archet, ou du doigt sur ces chordes differentes que sur vne mesme chorde, parce qu'elles ont de plus grandes differences, & que le graue & l'aigu de leurs sons ne peuuent tellement se ioindre que l'oreille n'en apperçoiue la difference, particulierement lors que les chordes font des dissonances ; de là vient que l'on ne peut toucher les chordes d'vn instrument si viste, que l'oreille ne iuge que l'on en touche plusieurs, encore que la vistesse soit esgale au toucher qui se fait de plusieurs chordes en mesme temps. Mais elle peut estre si grande, que l'oreille ne pourra iuger si elles sont touchées les vnes apres les autres ou toutes ensemble, quoy qu'il soit difficile de determiner quelle doit estre cette vistesse pour tromper l'oreille, & pour faire qu'elle croye receuoir plusieurs sons en mesme temps, qui se font en des temps differents.

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D. Inst., III, 16
Page: 
140
Sequence: 
1

PROPOSITION XVI. Determiner de quelle vistesse les chordes des instrumens se doiuent mouuoir pour faire vn son.
Cette proposition est l'vne des plus difficiles de la Musique, d'autant que l'oreille ne peut apperceuoir les sons qui sont trop foibles, comme l'on experimente en plusieurs, qui ont l'ouye plus ou moins subtile, quoy que l'on puisse dire que toute sorte de mouuement fait du son, particulierement lors que l'air est tant soit peu violenté. Mais parce qu'il est difficile, & peut-estre impossible de prouuer que le mouuement fasse vn son, quand nulle oreille ne le peut ouyr, il suffit de monstrer quel doit estre le mouuement des chordes pour faire des sons que l'oreille puisse apperceuoir, ce qui est tres-aysé si l'on comprend ce que i'ay dit ailleurs, car puis que l'experience fait voir que les retours des chordes se diminuent selon la proportion de 12 à 11 ; & que i'ay monstré que le 132 retour n'est que la cent milliesme partie de la premiere traction, & que l'on oyt assez clairement le son d'vne chorde l'espace de 2, ou 3 secondes minutes, quoy qu'elle soit touchée tres-foiblement, & que la premiere traction ou impulsion ne soit que du quart d'vne ligne, il s'ensuit que les chordes font des sons fort sensibles, encore que leur mouuement soit bien tardif, car supposé que l'on oye lesdits sons tandis que la chorde tremble 132 fois, elle ne fera pas l'espace d'vn poulce dans le temps d'vne seconde minute, & consequemment elle ne fera pas l'espace de cinq pieds dans le temps d'vne minute, qui dure assez long-temps pour faire vne promenade de soixante pas, encore que l'on marche assez lentement, comme chacun peut experimenter.

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D. Inst., III, 16
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140
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2

Il faut donc conclure qu'il suffit que les chordes se meuuent aussi viste qu'vne Tortuë, qui fait l'espace d'vn poulce tandis que le poux bat vne fois, veu mesme que l'on peut encore diminuer cet espace de moitié & dauantage : de sorte que si l'on prend la peine de calculer le chemin que font les retours des grosses chordes legerement touchées, l'on trouuera qu'il suffit qu'elles fassent le chemin d'vne ligne dans vne seconde minute pour faire vn son sensible.

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D. Inst., III, 17
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140-141

PROPOSITION XVII. L'on peut sçauoir combien de fois les chordes du Luth, de l'Epinette, des Violes & des autres instrumens battent l'air : c'est à dire, combien de fois elles tremblent, ou combien elles font de tours & de retours durant vn concert, ou en tel autre temps que l'on voudra determiner.
Il est tres-aysé de cognoistre le nombre des battemens, ou retours de toutes les chordes de tel instrument que l'on voudra, si l'on a compris ce que i'ay dit de ces tremblemens dans vn autre lieu, pourueu que l'on sçache le nombre des instrumens dont on vse, & l'espace du temps que dure le concert. Neantmoins ie veux icy repeter ce qui est necessaire pour l'intelligence de cette proposition ; & premierement que la chorde, qui est à l'vnisson d'vn tuyau d'Orgue de 4 pieds ouuert, fait 48 retours dans l'espace de la trois mille [p141] sixcentiesme partie d'vne heure, c'est à dire dans l'espace d'vne seconde minute, qui est la durée d'vn battement du coeur, ou du poux tres-lent & paresseux. Secondement, que les retours des chordes se multiplient en mesme proportion que les sons deuiennent plus aigus ; & consequemment lors que l'on sçait le nombre des retours d'vne chorde, dont on cognoist le son, on sçait quant & quant le nombre des retours de toutes sortes de chordes, dont on cognoist les sons.

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D. Inst., III, 17
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141
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1

Or cecy estant presupposé, Ie veux dresser vne table, par le moyen de laquelle l'on cognoistra tout aussi tost combien les chordes de tous les instrumens d'vn concert font de retours, ou combien de fois elles battent l'air ; & parce que chaque periode de la chorde comprend son allée & son retour, le nombre des battemens d'air est deux fois plus grand que celuy de ses retours, c'est pourquoy la table qui suit, monstrera seulement les retours, dont les nombres doublez donneront le nombre des battemens.
Et parce que les concerts à plusieurs parties contiennent ordinairement l'estenduë de 2, 3, ou 4 Octaues, & que tous les instrumens pris ensemble peuuent s'estendre iusques à 8 Octaues, comme i'ay monstré dans vn discours particulier ; la table qui suit contient 8 colomnes, dont chacune a vne Octaue entiere. Mais il faut remarquer que la premiere colomne, qui est à la marge, sert de conduite aux 8 suiuantes, dont les nombres qui representent les retours, ou les battemens des chordes, sont en mesme raison que ceux de ladite colomne ; quant à la premiere colomne des retours, elle comprend la plus basse Octaue, & la huictiesme contient la plus aiguë.

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D. Inst., III, 17
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141
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2

Or chaque Octaue a 19 chordes, notes, ou caracteres, d'autant qu'on ne peut marquer la Musique à plusieurs parties sans se seruir de ce nombre dans chaque Octaue, comme i'ay prouué dans vn autre lieu. Quant à l'vsage de cette table, il est si aysé, qu'il n'est quasi pas besoin de l'expliquer, car le premier nombre de la premiere colomne, à sçauoir 6, signifie que le son le plus graue de tous les instrumens, à sçauoir le son du tuyau d'Orgue de 32 pieds, se fait par les 6 retours de la chorde, qui bat 12 fois l'air dans l'espace d'vn battement de coeur ; & les autres nombres qui suiuent, tant dans cette Octaue, que dans les 7 autres, representent tousiours le nombre des retours de chaque chorde, qui respond à chaque note, ou lettre de l'Octaue, qui est marquée à la marge : par exemple, le premier ou le moindre nombre de la 8 Octaue signifie que la plus basse chorde de la 8 Octaue fait 768. retours dans l'espace d'vn battement de poux, c'est à dire dans le temps d'vne seconde minute : & le 2 nombre de la mesme colomne, à sçauoir 800, signifie que la chorde qui a ce son, fait 800 retours dans le mesme temps.
[Tablature du nombre des tremblemens que font les chordes - demy-ton mai. - demy-ton min. - comma - diese]

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D. Inst., III, 17
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141-143

D'où il s'ensuit que l'on sçaura combien de fois l'air est battu par chaque chorde en regardant cette table, car si l'on veut cognoistre le nombre des battemens de chaque chorde de l'vne des Octaues, par exemple de la Cinquiesme, qui monstre le nombre des retours, il faut prendre les nombres de la 6 Octaue, qui sont doubles de ceux de la 5, d'autant que i'ay desia dit que chaque periode de la chorde est composée du tour & du retour, & consequemment contient deux battemens d'air : mais si l'on prend l'vne des colomnes pour les battemens, & non pour les retours, la colomne precedente donnera le nombre des retours : par exemple, si la 6 colomne est prise pour le nombre des battemens, la 5. donnera le nombre des retours, qui sont tousjours [p142] la moitié de chaque nombre des battemens, de sorte que les deux colomnes qui se touchent, sont reciproques. Or puis que les nombres de ces 8. colomnes suiuent, ou contiennent les raisons des degrez de la Musique, l'on en peut vser pour composer telle piece que l'on voudra, comme nous nous sommes seruis ailleurs d'autres nombres, qui ont les mesmes raisons, pour le mesme sujet ; par dessus lesquels ceux-cy ont le priuilege de monstrer tous les [p143] retours de chaque chorde, & tous les battemens d'air, dont se forment les sons & la Musique, & consequemment ils sont plus propres pour expliquer la nature de l'Harmonie, que nuls autres nombres.

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D. Inst., III, 17
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143

Mais afin que l'on comprenne mieux l'vsage de cette table, par exemples que par discours, ie prends l'vn des airs du Sieur Boësset imprimé l'an 1630. qui commence par ces paroles, Diuine Amaryllis. qui est à 4 parties ; dont chacune chante 22 mesures sans pauses.
La voix, ou la note la plus graue de la Basse est sur F vt fa ; & parce que ceux qui font la Basse dans la chambre, ne vont pas ordinairement plus bas qu'vn tuyau d'Orgue de 4 pieds ouuert, qui est à l'vnisson de la plus grosse chorde de l'Epinette, qui a 3 pieds de long, il s'ensuit que la plus basse note de l'air susdit respond au premier, ou moindre nombre de la 4 Octaue, qui est dans la 4 colomne de la table precedente, c'est à dire au nombre 48.

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D. Inst., III, 17
Page: 
143-144

Quant à la voix plus aiguë du Dessus, elle est plus haute d'vne Vingtiesme maieure que la voix precedente de la Basse, & consequemment les 4 parties de cet air comprennent la 4 & 5 colomne toutes entieres, & la 6 iusques à son A mi la re. Or la table qui suit, fait voir les mesures de chaque Partie, & les retours de chaque chorde, car la premiere colomne de chaque partie represente les chordes, ou les lettres d'où dependent les notes ; la seconde contient le temps, ou la mesure des notes qui sont sur chaque lettre ; & la troisiesme comprend le nombre des retours que font les chordes qui appartiennent à la mesme lettre. Or parce que toutes les parties chantent tousiours ensemble sans se reposer, elles ont chacune 22 mesures, comme l'on void en adioustant toutes les mesures de chaque partie.
Tablature des retours ou mouuemens que font les chordes, ou les voix qui chantent l'air d'Anthoine Boësset Intendant de la Musique de la chambre du Roy, & de la Reyne.
[Basse - Taille - Haute-contre - Dessus - lettres - mesures - retours].


[p144] Or si l'on adiouste les battemens, ou retours de ces 4 parties, l'on en trouuera 12560 1/3, & l'on aura tous les retours de cette chanson : ce qui est si aysé à faire à ceux qui sçauent l'Arithmetique, qu'il n'est pas besoin de nous y arrester.

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D. Inst., III, 17
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144
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1

COROLLAIRE I
Il faut icy supposer que le tremblement des chordes cesse apres la mesure, c'est à dire si tost que l'on a leué les doigts, ou l'archet de dessus les chordes, car si elles tremblent encore apres, comme il arriue ordinairement aux chordes des Luths & des Violes, & que l'on vueille sçauoir le nombre de tous ces tremblemens, il faut premierement cognoistre combien de temps elles tremblent apres leurs sons ; car la durée de ces tremblemens estant supposée, il sera aussi aysé de treuuer le nombre de tous les tremblemens, comme de ceux qui se font pendant que les sons suiuent la mesure. Et si l'on chante cet air auec 24 Luths, Violes, ou Violons : de sorte que chaque partie ayt six instrumens, il faut multiplier le nombre precedent des retours par 6, & l'on aura 75362 retours que feront les chordes desdits instrumens dans le temps de 22 mesures. Or il faut remarquer que le temps d'vne mesure ne doit durer qu'vne seconde minute, c'est à dire la 3600 partie d'vne heure, & que si elle dure dauantatage, par exemple 2, ou 3 secondes, comme il arriue souuent, qu'il faut doubler ou tripler le nombre precedent des retours, comme il est tres-aysé de conclure de ces discours.

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D. Inst., III, 17
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144
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2

COROLLAIRE II
L'on peut tirer de l'vtilité de ces tremblemens, & particulierement la comparaison des mouuemens du cœur & du poux, & de plusieurs autres choses naturelles auec lesdits tremblemens ; or l'on peut considerer de combien chaque partie de Musique doit faire plus ou moins de retours l'vne que l'autre pour rendre vn concert parfait ; quoy que cette difficulté ne soit pas differente de celle que l'on propose, lors qu'on demande combien les parties doiuent estre esloignées les vnes des autres, c'est à dire combien elles doiuent estre graues ou aiguës pour faire vne excellente Musique, puis que les sons plus aigus se font par la multiplication, ou l'addition des retours, comme les plus graues se font par la diuision ou la souz-traction des mesmes retours, car toute la Musique n'est autre chose que l'addition, ou la soubtraction desdits retours, ou des battemens de l'air, comme i'ay desia remarqué dans vn autre discours.

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D. Inst., III, 17
Page: 
144-145

COROLLAIRE III.
Il y a de l'apparence que ceux qui prennent plaisir à esleuer leur esprit à Dieu, & qui desirent de luy offrir autant de mouuemens de leur amour & d'actes d'adoration, comme les chordes des instrumens qu'ils oyent, font de retours, ne diront pas que la cognoissance du nombre des battemens d'air soit inutile, & que ceux qui auront assez de iugement pour considerer que la Musique n'est autre chose que le nombre des differens battemens de l'air, & que le son, à proprement parler, n'est rien, si l'oreille ne luy donne la nature du son, & qu'il seroit plus veritable de dire que nous sentons des mouuemens d'air, que de dire que nous oyons des sons, aduoüront franchement qu'il [p145] n'est pas possible d'auoir vne parfaite cognoissance de la Musique, & mesme que l'on ne peut cognoistre ses principes, si l'on ne sçait ce que nous auons dit des retours & des battemens.

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D. Inst., III, 17
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145
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1

COROLLAIRE IIII
Or s'il faut conclure de cette proposition, que si quelques-vns pouuoient toucher 64 crochuës dans l'espace d'vne mesure, qui dure 1/60 de minute, qu'ils mouueroient les doigts, la main, ou l'archet autant de fois comme la chorde de B fa, qui est dans la 3. Octaue de la table precedente, fait de tours & de retours dans vne seconde minute, & consequemment qu'il ne seroit pas possible de distinguer ou de conter les mouuemens de l'archet, ou des doigts, ou les fredons de la gorge, que feroient lesdites 64 crochuës : car l'imagination ne peut conter distinctement que 10 battemens de la chorde dans vne seconde minute, quoy que l'on puisse iuger confusément d'vn plus grand nombre. Mais il est difficile d'expliquer comme se fait le son de la chorde que l'archet touche 64 fois dans vne mesure, car si cette chorde ne tremble pas dauantage de fois qu'elle est touchée, il semble que le mouuement de l'archet, ou du doigt qui touche la chorde, soit vne mesme chose auec lesdits tremblemens : en suite de quoy il faut dire que la chorde auroit le mesme son, quoy qu'elle ne tremblast point, d'autant que celuy qui la touche, supplée le tremblement qui vient de la tension de la chorde, puis qu'il luy fait faire 64 tours & autant de retours dans l'espace d'vne mesure : mais ie traicteray de cette difficulté dans le discours de la Lyre.

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D. Inst., III, 17
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145
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2

COROLLAIRE V
Si l'on comprend la tablature du retour, ou du battement des chordes, l'on peut dire le son que peut faire chaque chorde, encore que l'on n'oye nullement le son qu'elle a, pourueu que l'on voye ses retours ; car si, par exemple, elle fait seulement 6 retours dans l'espace de la mesure de ladite tablature, on est asseuré qu'elle fait la Vingt-deuxiesme contre la plus basse note de l'air precedent : & si l'on tendoit vn chable qui ne feist que trois retours dans le mesme temps, il feroit vn son plus bas de 4 Octaues que la plus basse note dudit air ; mais i'ay desia traicté de cette difficulté dans la 12. Proposition.

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D. Inst., III, 17
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145-146

COROLLAIRE VI
Ce qui a esté dit iusques à present peut aussi seruir pour la tablature du tremblement ou fremissement des cloches, & du mouuement de tous les autres corps, par exemple du mouuement des fueilles d’arbres, des oyseaux qui volent, & des autres corps qui battent l’air, parce que lors qu’vn corps bat autant de fois l’air que les chordes des instrumens, l’on peut dire qu’il fait l’vnisson auec lesdites chordes. De là vient que l’on ne peut apporter d’autre raison formelle & immediate, pourquoy vne cloche a le son plus graue ou plus aigu que l’autre, sinon parce que les parties de l’vne fremissent plus viste, & consequemment battent l’air plus souuent. Il faut neantmoins remarquer que l’on n’oyt pas les battemens d’air de toutes sortes de corps, quoy qu’ils soient [p146] aussi frequents que ceux de la chorde du Luth, de la Viole & des Cloches, comme il arriue quand l’air battu n’est pas enfermé, & que ses mouuemens ne sont pas reflechis, comme ils sont par la table & par le corps des instrumens : de là vient que l’on a de la peine à ouyr les chordes de Luth qui se meuuent dans vn air libre, tandis que l’on les tient par les deux extremitez auec les doigts, d’autant que le son n’estant pas reflechy n’est pas assez fort pour estre ouy, comme i'ay desia remarqué dans vn autre lieu.

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D. Inst., III, 17
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146
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1

COROLLAIRE VII
Il est aysé de conclure de tout ce discours que l'on peut determiner les sons, les consonances & les dissonances que font les mouuemens du vent, du tonnerre, de la gresle, des boulets de canon, & des flesches, pourueu que l'on cognoisse combien de fois l'air est battu par ces corps : car on cognoist le nombre de ces battemens, quand on oyt le son ou le bruit desdits corps, si l'on a l'oreille assez bonne pour iuger de la grauité, ou de l'aigu du son. Il faut conclure la mesme chose du bruit que fait la flamme de la chandelle, & des bruits differents que l'on remarque dans l'art, ou dans la nature : ce qui peut encore seruir pour iuger de la legereté & de la pesanteur des corps qui se meuuent, ou de la force dont ils sont poussez ; comme ie monstre dans vn autre discours.

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D. Inst., III, 17
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146
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2

COROLLAIRE VIII
Mais afin que l'on ne quitte pas ce discours sans en retirer quelque profit, il me semble que les Musiciens doiuent considerer que puis que les chordes qu'ils touchent, ne leur refusent iamais leurs mouuemens, & qu'elles obeyssent tres-promptement à leur volonté iusques à se rompre, quand il leur plaist, qu'ils doiuent imiter cette obeyssance si ponctuelle en suiuant la volonté de Dieu, & les bons mouuemens qu'il leur donne pour faire le bien & pour euiter le mal : car puis qu'il n'y a nul mouuement qui ne conduise au premier moteur, il est tres-raisonnable que les mouuemens, dont on reçoit de si grands contentemens, & d'où l'on tire vne si grande harmonie, nous menent à celuy, dont la Prouidence bat incessamment la mesure de l'harmonie de l'Vniuers, & gouuerne le grand concert de tout le monde, de peur qu'il soit dit dans l'Eternité que les Musiciens ont esté plus stupides & plus irraisonnables que les creatures inanimées, & qu'ils soient si mal-heureux que les chordes, dont ils ont tiré tant d'harmonie, seruent au grand iour du Iugement pour les lier & les affliger, s'ils ont si peu d'esprit & de iugement qu'ils ne rapportent pas l'harmonie de leurs chordes, & de leurs voix à la gloire de celuy qui seul merite les loüanges de toutes les Creatures, que le Prophete Royal exhorte à leur deuoir par ses dernieres paroles, omnis spiritus laudet Dominum.

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D. Inst., III, 18
Page: 
147
Sequence: 
1

PROPOSITION XVIII. Tous les Musiciens du monde feront chanter vne mesme piece de Musique selon l'intention du Compositeur, c'est à dire au ton qu'il veut qu'elle se chante, pourueu qu'ils cognoissent la nature du son. Vne nouuelle maniere de marquer, & de battre la Mesure est icy expliquée.

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D. Inst., III, 18
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147
Sequence: 
2

En effet l'on ne peut mieux representer le son que par le nombre desdits battemens, puis qu'ils ne sont nullement differens du son, que l'on appelle nombre sonant ou sonore, & si l'on vouloit composer auec des notes de mesme valeur, par exemple auec celles que l'on nomme semibreues, qui valent ordinairement vne mesure entiere, l'on pourroit vser de toutes sortes de temps, en faisant que la valeur des notes suiuist le graue, ou l'aigu des sons, c'est à dire la multitude des battemens de l'air ; ce qui peut arriuer en deux façons, car l'on peut diminuer la valeur des notes en mesme raison que le nombre des battemens s'augmente ; d'où il s'ensuiura que le Dessus ira plus viste que la Basse, car quand le Dessus chantera plus haut d'vne Octaue, la note semibreue ne vaudra qu'vne minime, c'est à dire vne demie mesure ; & s'il chante vne Quinziesme, elle vaudra seulement 1/4 de mesure, d'autant que le nombre des battemens qui font le Dessus est 2 ou 4 fois plus grand que celuy des battemens qui font la Basse.

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D. Inst., III, 18
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147-148

Mais il n'est pas necessaire de sçauoir le nombre des battemens pour faire seruir les mesmes notes à des temps differents, car il suffit de sçauoir combien [p148] les notes sont plus hautes, & plus aiguës les vnes que les autres pour diminuer leur valeur d'autant de degrez, que l'on augmente leur aigu. L'on peut semblablement augmenter la valeur des notes à proportion que leur aigu s'augmente ; & si l'on veut on augmentera ou l'on diminuera la valeur desdites notes en raison doublée, ou triplée du nombre des battemens de l'air, qui font les sons de chaque Partie : or la maniere la plus naturelle, dont on peut vser pour la valeur des notes, ou des voix & des sons, est celle qui donne les mesures les plus lentes & plus tardiues aux notes de la Basse, & les plus vistes à celles du Dessus, car puis que les battemens des sons du Dessus sont plus vistes que ceux de la Basse, il est raisonnable que le mouuement de ces notes soit aussi plus viste, afin que ces deux vistesses s'approchent de l'vnisson qu'elles feroient, si le mouuement des notes estoit aussi viste que celuy des battemens de l'air. Quant à la maniere dont on vse pour trouuer le son, lors que l'on a le nombre des battemens d'air dans vn temps donné, ie l'ay expliquée dans vn autre lieu, c'est pourquoy ie diray seulement icy qu'vne chorde longue de 48, ou de 24 pieds estant tenduë par vne force donnée, ou par vn poids cogneu tel que l'on voudra, monstre le nombre des battemens d'air, qui font chaque son, car les battemens se multiplient à proportion que l'on accourcit la chorde : de sorte que si elle bat trois fois l'air dans vn moment, lors qu'elle a 24 pieds de long, elle ne le bat que 72 fois quand elle n'a plus qu'vn pied de long.

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D. Inst., III, 18
Page: 
148
Sequence: 
1

COROLLAIRE I
Puis que les Musiciens cognoissent combien il faut de battemens d'air pour faire toutes sortes de sons, par le moyen des propositions precedentes, il est raisonnable qu'ils offrent autant de mouuemens de leur coeur, & autant d'actes de reuerence & d'adoration à Dieu, qui est le premier moteur, & dont l'ordre & la conduite est necessaire à chaque tremblement de chorde, & à chaque mouuement d'air ; & que le mouuement des chordes qui est si prompt & si viste que l'on ne le peut apperceuoir ou mesurer, nous fasse haster le pas pour nous approcher de celuy à qui appartiennent tous nos mouuemens & toutes nos pensées.

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D. Inst., III, 18
Page: 
148
Sequence: 
2

COROLLAIRE II
Si l'on veut determiner le ton de la voix, auquel l'on veut que la note, ou la partie proposée se chante, il n'y a nul moyen plus general & plus asseuré que de donner vn nom propre à chaque ton, qui soit pris du nombre des battemens d'air qui font toutes sortes de tons, ou de sons. Par exemple, si l'on veut chanter l'air precedent du Sieur Boësset, & que l'on vueille commencer par la premiere note de la Basse, il faut dire qu'elle est au ton de 48, d'autant que la chorde qui fait ce son, tremble 48 fois dans le temps d'vne mesure, qui dure 1/60 de minute, c'est à dire dans vne seconde.

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D. Inst., III, 18
Page: 
148-149

Et si ie voulois faire chanter ce vers hexametre François au mesme ton que ie le chante, lors que ie le commence à vn ton plus haut d'vne Tierce maieure que le plus bas ton de ma voix, & que ie voulusse que les Chinois le chantassent au mesme ton que moy, il suffiroit qu'ils cogneussent que le ton de la premiere note vaut 50, parce que la chorde qui est à l'vnisson de ce ton tremble 50 fois dans vne seconde ; c'est pourquoy 50 est le propre charactere, ou [p149] le propre nom de la premiere note de cet air : car il n'y a point de mesure si propre pour mesurer le graue & l'aigu des sons, que les nombres, par lesquels les Medecins peuuent remarquer le temperament ou la complexion des hommes aux differens tons de leurs voix, ou aux differens battemens de leur poux. L'on peut donc conclure de ce discours que le nombre des retours estant marqué vis à vis de chaque note, que tous les hommes du monde commenceront & chanteront la mesme piece de Musique au mesme ton, & que si tost qu'ils verront 50 à la marge du papier, dans lequel le vers precedent sera escrit, qu'ils le chanteront en mesme ton que moy. Où il faut remarquer que ces nombres de tremblemens peuuent seruir au lieu des notes, ou de la Tablature ordinaire des voix & des instrumens.

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D. Inst., III, 18
Page: 
149

COROLLAIRE III
Puis que i'ay monstré la maniere de chanter toute sorte de Musique au mesme ton que le Compositeur desire qu'elle soit chantée en tous les lieux du monde, il faut encore expliquer comme l'on peut garder la mesme mesure suiuant l'intention du mesme Compositeur, quoy qu'il soit mort ou absent. Ce qui est tres-aysé par le moyen d'vne chorde suspenduë, dont i'ay donné les vsages ailleurs, car il suffit que le Compositeur ou le Maistre de Musique marque la longueur de la chorde à la marge de la composition, dont chaque retour monstre le temps de la mesure. Par exemple, s'il veut que chaque mesure dure seulement vne seconde, il marquera 3 1/2 qui signifie que la chorde penduë à vn clou, & qui tient vn poids attaché à l'autre bout, fait chacune de ses allées, ou chaque retour dans vne seconde minute. Si l'on veut haster la mesure, & qu'elle ne dure qu'vne demie seconde, il faut accourcir la chorde en raison souz-doublée des temps ou des mesures, c'est à dire qu'il faut la faire 4 fois plus courte ; & si l'on veut qu'elle dure 2 secondes, il la faut faire de quatorze pieds ; si elle doit durer 3 secondes, elle aura 28 pieds 1/2, & pour 4 secondes, elle aura 52 pieds, &c. car les longueurs des chordes sont en raison doublée des temps.
Or si tous les Musiciens du monde se communiquoient les differens temps de leurs mesures, & les tons de leurs compositions en cette maniere, ils sçauroient quels mouuemens sont propres pour donner du plaisir à toutes sortes d'hommes, dont ils pourroient sçauoir les inclinations : car 50, qui est à la marge du Chant du 2 Corollaire, signifie le ton, & 14 signifie le temps de la mesure.

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D. Inst., III, 18
Page: 
149-150

COROLLAIRE IIII
L'on peut encore marquer la mesure, selon laquelle on veut faire chanter la Musique, par les battemens ou les tremblemens des chordes, dont on vse pour representer le ton ; par exemple, si l'on veut que chaque mesure dure 1/30 de minute, c'est à dire 2 secondes, & que le ton de la premiere note soit 50, il faut seulement marquer 100 à costé de la Musique, pour signifier que la mesure [p150] dure cent tremblemens de la chorde : & si la mesure dure 3", il faut marquer 150.

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D. Inst., III, 18
Page: 
150
Sequence: 
1

COROLLAIRE V
Or l'on peut faire seruir vne ligne droite pour faire entendre à toutes sortes d'hommes la longueur de la chorde qui marque les secondes minutes, car si l'on prend vne chorde ou vn filet, dont la longueur soit 14 fois aussi longue que la ligne A B, laquelle est esgale à la 4 partie d'vn pied de Roy, c'est à dire vne chorde de 3 pieds & demy, elle marquera iustement les mesures telles que l'on voudra. Mais puis que le Soleil fait les heures assez esgales, & que l'on peut les marquer aux Estoilles, & consequemment que tous les hommes du monde peuuent obseruer la longueur de la chorde, dont les tours sont esgaux à vne seconde, ou à telle autre partie de temps que l'on voudra, l'on peut vser de l'ombre ou des differentes hauteurs, & mouuemens du Soleil pour ce suiet, & pour signifier le ton qu'il faut prendre.

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D. Inst., III, 18
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150
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2

COROLLAIRE VI
Il n'importe pas que i'aye donné le nombre exact des retours de la chorde, dont i'ay parlé dans les 2 dernieres Propositions, & ailleurs, parce qu'il suffit de sçauoir la methode de le trouuer precisément. Or il est si aysé d'accommoder la tablature precedente des retours à tel nombre que l'on voudra, qu'il n'est besoin que de la regle de trois, ou de proportion pour ce suiet. Par exemple, si au lieu de 48, qui signifie le F vt fa de la Basse d'Amaryllis, l'on descend d'vne Octaue plus bas, il faut marquer 24, & prendre la 3 colomne de la tablature.

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D. Inst., III, 18
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150
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3

COROLLAIRE VII
Il n'y a nulle difficulté à trouuer le nombre des retours de chaque chorde proposée, car si on l'estend de 10 ou 12 toises de long sur vn Monochorde, ou sur quelqu'autre plan, ou si on la suspend de haut en bas, de sorte qu'elle soit attachée & arrestée par les deux bouts, soit des deux costez auec deux cheualets, soit d'vn costé auec vn clou, & de l'autre auec vn poids, l'on contera aysément ses retours, d'autant qu'elle en fera vn fort petit nombre, par exemple 2 ou 3 dans chaque seconde. Mais il faut estre 2 ou 3 pour remarquer exactement le nombre de ces retours, dont l'vn conte les retours tandis que l'autre contera les secondes, car si l'on diuise le nombre des secondes par celuy des retours, l'on sçaura combien elle en fait en chaque seconde.
Et si l'on estend vne chorde d'Epinette ou de Luth de 100, ou de 120 pieds, comme i'ay fait, l'on trouuera que chaque retour de cette chorde se fait dans vne seconde, & que la moitié de la mesme chorde fait deux retours en vne seconde, que le quart en fait 4, la huictiesme partie 8, la seiziesme 16, la 32, trente deux, & ainsi des autres, car le nombre de ces retours croist en mesme raison que la longueur de la chorde se diminuë : de sorte que quand la chorde de 100. pieds de long fait vn retour dans vne seconde, ou dans vn battement du cœur & du poux, elle en fait 100. lors qu'elle n'a plus qu'vn pied de long, & 200. quand elle n'a plus qu'vn demy pied : mais i'ay expliqué ces retours si amplement dans vn autre lieu, qu'il n'est pas necessaire d'en parler icy.

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D. Inst., III, 18
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151
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1

COROLLAIRE VIII
Il faut encore remarquer que lors que i'ay dit qu'vne chorde de Luth fait vn certain nombre de retours, par exemple, quand celle qui est à l'vnisson d'vn tuyau de 8 pieds ouuert fait 24 retours dans vne seconde, que cela s'entend de 24 retours, dont chacun est composé d'vne allée & d'vne venuë, que l'on peut comparer au flux & reflux de la mer : ce que i'explique par cette figure A B C D, dans laquelle la chorde A B estant tirée en C retourne en D, & de D en F, & ainsi consequemment iusques à ce qu'elle se repose : de maniere que le chemin qu'elle fait de D en C, & de C en D, se prend pour vn seul retour ; d'où il s'ensuit qu'il y a tousiours deux fois autant de battemens d'air que de retours, & que quand la chorde A B frappe 24 fois le point D, ou l'espace qui est entre E & D, qu'elle bat 48 fois l'air au point E, puis qu'elle bat le point C autant de fois que le point D.

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D. Inst., III, 19
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151
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2

PROPOSITION XIX. L'on peut monter l'Epinette de chordes d'or, d'argent, de cuiure & des autres metaux, dont les plus pesans descendent plus bas, c'est à dire font les sons plus graues, à raison qu'ils ont plus de mercure, & moins de souphre fixe.
Ie prouue cette Proposition par l'experience que i'ay faite, & par la raison : quant à l'experience, elle fait voir que les metaux plus pesants ont le son plus graue, car si l'on tend des chordes d'or, d'argent, de cuiure ou de fer, qui soient parfaitement esgales en grosseur & en longueur, sur deux cheualets, & que l'on laisse pendre vn poids esgal à l'extremité de chaque chorde, afin qu'elles soient bandées esgalement, l'on trouue que le son de l'or est plus graue, & ainsi des autres.

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D. Inst., III, 19
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151-152

Voicy les experiences que i'ay faites auec des chordes passées par le mesme trou de la filiere, & qui sont aussi esgales en grosseur & longueur que l'art des hommes les peut esgaler : leur longueur est d'vn pied & demy de Roy : le poids que i'ay attaché à chaque chorde pour la faire bander & sonner est de trois liures ; le poids de chaque chorde est dans la table qui suit ; les balances auec lesquelles les chordes ont esté pesées sont si iustes, qu'elles ont le grain diuisé en 64 parties : en fin la qualité des metaux est telle que ie m'en vay la descrire. L'or fin, dont ie me suis seruy, est à 23 carats & demy, & vaut cette année 1625. à Paris, 36. liures l'once : l'or de trauail est à 22. carats, car il a deux deniers moitié de cuiure rouge & moitié d'argent, & vaut 32. liures l'once. L'argent fin, qui est à 12 deniers, vaut 24. liures le marc. L'argent de trauail, qui à 12 grains de cuiure sur vn marc, c'est à dire demy denier d'alloé, vaut 22. liures. Ie ne mets point la qualité du cuiure, ny du fer, car ie me suis seruy du commun. Voyons maintenant le poids, & les sons de toutes les chordes, dont chacune a son diametre de la sixiesme partie d'vne ligne : & la chorde de boyau, dont le diametre est de 3/7 de ligne, qui fait l'vnisson auec 2 liures & demie ; & celle qui a 4/7 de ligne, le fait auec trois liures neuf onces & 1/2. [p152]

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D. Inst., III, 19
Page: 
152

Or il faut remarquer que les plus grands nombres signifient les sons plus sourds ou plus graues, & les moindres les plus aigus : & qu'il est tres-facile de sçauoir quelles consonances ou dissonances font tous ces metaux les vns auec les autres, car puis que l'on void les nombres qui representent leurs sons, il faut seulement considerer la raison de ces nombres.
Quant au iugement de l'oreille, la chorde d'or fait la Quinte forte auec la chorde de fer : auec lequel l'or meslé fait la Quinte foible. L'argent fait le ton maieur auec le fer, auec lequel le cuiure fait le semiton maieur : l'argent auec le cuiure fait le ton mineur. L'or fin fait la Quinte diminuée auec le cuiure, qui fait le Triton auec l'or meslé. Finalement l'or fin fait la Quarte iuste auec l'argent, & la diminuée auec l'or meslé : mais si l'on veut trouuer ces comparaisons plus iustement que par l'oreille, il se faut seruir des nombres qui ont tous esté marquez par le moyen de l'vnisson ; ce que les Practiciens comprendront plus aysément par les notes qui suiuent, & qui monstrent le son de chaque chorde du metal, dont le nom est dessouz.

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D. Inst., III, 19
Page: 
153

Ie laisse les autres considerations, afin de remarquer les sons differents des metaux qui ne peuuent se tirer par les trous de la filiere, à raison qu'ils s'eschauffent & se fondent ; & bien qu'ils se peussent tirer, comme fait l'estain fin, que l'on appelle d'Angleterre ou de Cornüaille, neantmoins estant tirez, il n'est pas possible de les bander assez fort sur les cheualets pour faire quelque son, car ils se rompent apres s'estre allongez. C'est pourquoy i'ay fait fondre des pieces de tous ces metaux dans vn mesme moule, afin de treuuer la raison de leurs poids, & de leurs sons, que i'ay treuuée comme elle se void dans la table qui suit.

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D. Inst., III, 19
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154
Sequence: 
1

Mais puis que les espreuues des estains ne peuuent estre comparées auec les chordes des autres metaux, il faut les comparer ensemble. Ie dis donc que l'estain de glace & le commun font la Quinte diminuée, l'estain de glace & le sonant font la Tierce maieure iuste, & l'estain de glace & le fin la Tierce maieure diminuée : l'estain commun fait la Tierce mineure diminuée auec le sonant, & auec l'estain fin la Tierce mineure iuste ; en fin l'estain sonant faict le semiton mineur diminué, c'est à dire la diese à peu pres, & plus d'vn comma auec l'estain d'Angleterre ou de Cornüaille, c'est à dire le fin estain.
Or ie mets icy les sons de ces estains par les notes ordinaires en faueur des Practiciens, afin qu'ils n'ayent nulle peine à comprendre ce discours.

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D. Inst., III, 19
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154
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2

Il faut maintenant expliquer la seconde partie de cette Proposition, laquelle enseigne que les sons des metaux qui ont plus de Mercure, ont leurs sons plus graues ; que ceux qui ont plus de souphre fixe, rendent des sons plus aigus, & que le corps est plus pesant qui a plus de mercure, & que celuy qui a plus de souphre est plus leger, & consequemment que les sons aigus suiuent la legereté, & les graues la pesanteur des corps.

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D. Inst., III, 19
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155
Sequence: 
1

Or l'experience nous apprend que les metaux les plus parfaits sont les plus pesants, & qu'ils rendent des sons plus graues ; & que ceux qui ont plus de souphre, font des sons plus aigus, d'autant que le souphre est sec & chaud, & participe plus de la nature de l'air que le mercure, qui est aqueux, humide & froid : de là vient que les corps sont plus rares, & ont leurs parties plus esloignées & plus meslées d'impuretez & d'air, ce qui les rend propres pour le son : le mercure au contraire fait que les parties du corps sont plus compactes & plus serrées, & qu'elles ne sont pas meslées de tant de parties d'air, lequel est le principal suiet du son.

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D. Inst., III, 19
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155
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2

L'on peut neantmoins faire vne obiection en faueur du plomb, qui est plus pesant, & qui rend vn son plus sourd que les autres metaux, encore qu'il soit plus imparfait qu'eux, quant à sa solidité metallique ; toutesfois il n'a pas cette imperfection à raison de l'abondance du souphre combustible, mais à cause de la crudité de son mercure qu'il a plus grande que les autres metaux imparfaits : c'est pourquoy il a le son aussi graue ou plus que l'or, car comme l'excez du chaud & du sec fait que le corps à le son aigu, de mesme l'excez de l'humide, du froid & de l'aqueux, qui se trouue au plomb, fait qu'il a le son plus graue & plus sourd.
Quant au cuiure franc, il est plus parfait & moins souphreux que le cuiure iaune, qui a plus de souphre aërien, impur & combustible : en suitte dequoy il doit, ce semble, auoir le son plus sourd, encore que l'on ne remarque pas de difference entre les sons de la chorde de cuiure & de leton, à cause, peutestre, qu'elle n'est pas sensible, non plus que la difference de leurs poids, comme l'on peut voir aux tables precedentes.

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D. Inst., III, 19
Page: 
156

COROLLAIRE
Si les Alchymistes nous pouuoient donner la cognoissance certaine du temperament de chaque corps par leurs trois principes : par exemple, quel principe predomine en l'homme, qui a 4. degrez de cholere, de ioye, ou de tristesse ; & supposé qu'vn homme pese cent liures, combien il a de liures de chaque espece de sel, combien de souphre & de mercure tant en poids qu'en grandeur ; quel principe se diminuë, s'altere ou s'augmente en toutes sortes de maladies & de passions de l'ame, combien chaque repas augmente les trois principes, combien il s'en dissipe tous les iours ; en quel poids & en quelle quantité les trois principes se doiuent rencontrer en celuy qui a les qualitez d'vn Musicien, & en quelle quantité & en quel poids ils sont en chaque metal, ils nous soulageroient grandement, & nous obligeroient à suiure la maniere de raisonner tant en ce qui appartient aux sons & aux pesanteurs, qu'aux autres qualitez des corps, dont i'ay desia traisté dans les liures de la Theorie selon leurs principes.
Mais si l'on veut donner la raison de la diuersité des sons sans sortir de la Philosophie, ou de la Medecine ordinaire, il faut dire que le son le plus graue vient du metal, ou du corps le plus terrestre & le plus pesant, & qui à plus d'eau meslée auec sa terre, & que le son aigu vient du feu & de la chaleur qui est dans chaque corps : car l'on experimente que plus vn homme à de bile & de cholere, & plus il parle haut & aigu ; ce qui est representé par les chordes des instrumens qui sont les plus deliées & les plus courtes, & par toutes sortes de mouuements qui sont brusques & legers.

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D. Inst., III, 20
Page: 
156-157

PROPOSITION XX. Expliquer la proportion de toutes les parties de l'Epinette, & du Clauecin, & leur construction.

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D. Inst., III, 20
Page: 
157

Les trous des pointes du clauier E F sont percez au tiers de la longueur des marches, afin de donner la bassecule au derriere : & puis l'on separe le clauier en 49. ou 50. touches, dont on retrecist le derriere de demie marche sur chaque costé. C'est auec le mitan de ses marches que l'on marque le Diapason pour la conduire du clauier ; mais il faut que ses traits de sie finissent en s'eslargissant à queuë d'aronde, afin que les 50. pointes du bout des marches ayent du iour, & qu'elles ne touchent pas aux costez.
Or tandis que le clauier n'est encore que d'vne piece, il faut le poser sur la piece aux pointes, & l'arrester par les deux bouts auec deux pointes mises à la premiere & à la derniere marche, afin de le percer & de faire les trous au mitan des marches ; quoy que les trous des feintes doiuent estre à quatre lignes plus haut que celles des marches. Il faut aussi marquer la piece aux mortaises sur les bouts des marches, & tracer les mortaises dessus & dessouz ; & puis il la faut sier en deux, afin d'en coller vne moitié sur la table, & l'autre sur vne petite table de sapin, que l'on colle apres bien droit vis à vis de la premiere sur les deux barres du fonds : & pour ce suiet on fait cette piece, qui est de hestre bien doux, d'onze lignes de large, que l'on rabotte iusques à ce qu'elle soit tres-mince & deliée.

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D. Inst., III, 20
Page: 
157-158

Apres que le Diapason [de l'Epinette] a esté sié il le faut coller en sa place où il a esté marqué par le bout des marches : puis il faut arrester & coller la piece à mortaise de dessouz bien à plomb, partie sur le Diapason, & partie sur les barres, afin que les sautereaux n'empruntent point les vns des autres, lesquels il faut faire de cormier ou de poirier ; & puis il les faut marquer par nombres, afin de les recognoistre quand ils se meslent ensemble : or il est aysé de les dresser [p158] par le bout d'en haut, & de les tracer auec leurs languettes par le moyen d'vn eschantillon. Ces languettes doiuent estre de charme & leur ressort, qui se fait d'vn poil de porc, ne doit pas estre trop fort, afin qu'il les renuoye doucement. On fait apres vn trait de sie au haut du sautereau, afin d'y mettre vn morceau de drap pour amortir & esteindre le son de la chorde. Il faut tellement tailler les plumes qu'elles n'excedent les chordes que de leur espaisseur ; & afin qu'elles soient toutes de mesme longueur, il faut espacer les chordes sur les cheualets pour y mettre les pointes le plus esgalement que l'on pourra.

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D. Inst., III, 20
Page: 
158

Tout cecy estant fait, on barre la table [de l'Epinette] de 3 barres sur le derriere, dont l'vne se met en bas le long de la piece à mortaise entre le cheualet, & ladite piece : elle a vn pied de long & 3/4 de hauteur : les deux autres plus petites biaisent par derriere le cheualet, l'vne d'vn costé & l'autre de l'autre. On y colle encore vne autre grande barre de mesme longueur qui commence vis à vis du milieu du clauier, & va iusques à 10 sautereaux pres du bout d'en-haut, mais on y fait trois petites eschancrures dessouz, & deux aux moindres barres, afin qu'elles donnent plus d'harmonie à l'instrument.
On met encore la piece de dessouz pour porter la table par le deuant vis à vis du clauier à la hauteur du tringlage : c'est pourquoy on la colle contre les coffrets, les triangles & le sommier, & on l'attache encore auec des pointes, afin qu'elle tienne mieux. Apres que l'on a placé les feintes & que tout est bien sec, on releue le clauier afin de nettoyer les barres & les marches, & de les polir auec de la presle, & de coller la table à demeurer ; & pour ce suiet on vse de poinçons & d'estraignoirs tout à l'entour pour la faire ioindre bien iustement : son espaisseur n'est que d'vne ligne. Quand elle est seiche, on y adiouste des moulures en haut & en bas : & puis on espace les pointes à tenir les chordes par leurs œillets, & les cheuilles du sommier pour les bander. On a aussi coustume de ratisser la table & de la polir auec de la Presle, ce que l'on fait semblablement au clauier.

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D. Inst., III, 20
Page: 
158-159

Il ne faut pas aussi oublier de mettre des morceaux de drap sur les endroits des marches, sur lesquels les sautereaux portent & battent, afin qu'ils ne fassent point de bruit, mais il faut seulement les coller par les deux bouts, afin qu'ils soient plus mols & plus doux au milieu qui touche les sautereaux. Cecy estant fait on remet le clauier en sa place, & puis on emplume les languettes, & l'on coupe les sautereaux à mesure qu'on les fait parler : de sorte qu'il n'y a plus qu'à monter l'Epinette de bonnes chordes iaunes & blanches. Les iaunes sont pour la premiere Octaue, dont les 4 premieres doiuent estre de la troisiesme grosseur, (que les Facteurs appellent du numero trois) les suiuantes de la seconde, & les dernieres de la premiere : & celle des autres Octaues plus hautes doiuent estre des 3 autres grosseurs des blanches. Or cette Epinette de deux pieds & demy est à l'Octaue du ton de Chapelle : & celle que l'on faict de 3 pieds & 1/2 de long, de 17 poulces de large, & de 5 poulces de haut en œuure, est à la Quarte dudit ton de Chappelle, auquel descend celle de cinq pieds de long. Mais le sommier de ces plus grandes Epinettes n'est pas tout droit, car apres auoir costoyé l'ais du costé iusques à la moitié, il biaise & va trouuer la piece de derriere les tringlages 16 lignes plus bas que le bord d'enhaut. Ie laisse plusieurs choses qui sont si aysées dans la Practique, qu'on les comprend dans vn moment, par exemple, qu'il ne faut pas percer les trous des cheuilles, ou de la piece aux pointes auec vn vieil-brequin, parce que les [p159] trous ne tiennent pas les pointes & les cheuilles assez fort, mais auec vn poinçon mis dans le bois d'vn vieil brequin, afin que le bois des trous ne se mange point, & qu'il se presse tellement qu'il reuienne contre les cheuilles, à la maniere d'vn ressort, pour les tenir plus fermes.

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D. Inst., III, 20
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159
Sequence: 
1

Et puis qu'il faut limer lesdites cheuilles en tournant la lime en forme d'helice ou de vis, afin qu'elles tiennent mieux dans leurs trous, & qu'on les puisse tirer plus viste & plus aysément pour changer les chordes, & mille autres choses que l'exercice apprendra. Il faut seulement remarquer que l'vn des principaux secrets de l'Epinette consiste à barrer la table, dont la bonté depend de l'excellente barrure, qui a esté pratiquée en perfection par Anthoine Potin, & Emery ou Mederic, que l'on recognoist auoir esté les meilleurs Facteurs de France, ausquels les meilleurs Facteurs de maintenant, à sçauoir Iean Iacquet, le Breton, & Iean Denys ont succedé, lesquels sont excellents en leur art : & peut-estre que ce siecle en produira qui adiousteront de nouueaux secrets, & de nouueaux charmes aux instrumens : par exemple, l'on peut faire toucher les chordes par quelques corps qui imiteront la douceur des doigts, & l'harmonie du Luth : l'on peut imiter les battemens, le flattement & tous les autres charmes des autres instrumens sur l'Epinette, que quelques-vns montent de chordes de Luth, afin d'en rendre l'harmonie plus douce.

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D. Inst., III, 20
Page: 
159
Sequence: 
2

Quant aux Clauecins, puis qu'ils sont semblables aux Epinettes en plusieurs choses, il suffit de monstrer enquoy ils sont differents, ce que l'on void en partie dans les figures que i'en ay donné : ie dis donc premierement que le Clauecin doit auoir cinq pieds & trois poulces de long, deux pieds & trois poulces de large vers le clauier, sept poulces par la pointe, & dix-huict poulces par le bout où commence l'eschancrure circulaire, ou la piece ronde : on luy donne sept poulces de hauteur, & l'on met vn coffret au bout. Son clauier a 14 poulces en bas, & 12 en haut. L'on met de petites calles sur le bout des marches où posent les sautereaux, afin de changer les ieux, & pour ce suiet on leur donne 10 lignes de long & 4 d'espaisseur, & puis on les colle à quatre lignes pres du bout des marches. Ledit clauier est porté sur vn chassis qui se tire ; & pour ce suiet on fait la piece aux pointes qui est de bois de hestre, de 16 à 18 lignes en largeur, & de six en hauteur ou espaisseur. La piece a mortaises est aussi de hestre fort doux, & a 17 lignes en largeur, & 5 en espaisseur, afin d'estre siée en deux, apres auoir esté marquée sur le clauier à 4 lignes pres du bout des marches. Apres auoir estrecy le clauier de demie marche sur chaque costé du derriere, on le separe en 50. parties pour auoir la feinte coupée de B fa, & puis on trace les mortaises vis à vis des marches pour rapporter aux sautereaux, comme i'ay dit en parlant de l'Epinette.

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D. Inst., III, 20
Page: 
159-160

COROLLAIRE
Si l'on vouloit conter toutes les pieces differentes qui entrent dans le Clauecin, l'on en trouueroit plus de 1500, car il a cent chordes, dont les œillets s'accrochent à cent pointes, il a cent cheuilles, et 200. pointes sur ses 4 cheualets ; ses deux rangs de sautereaux ont 700. parties differentes. Le double rang des mortaises est diuisé par 50 fils de leton, le clauier a 50 marches posées sur 50 pointes, & les bouts du derriere des marches ont 50 pointes qui entrent dans les 50 traits de sie du Diapason, comme ceux de deuant ont 50 morceaux [p160] partie d'iuoire & partie d'ebene : ausquelles si l'on adiouste les morceaux de drap et de peau de mouton, toutes les pointes qui seruent à faire tenir le sommier, le tringlage et les autres pieces de bois, & toutes les barres & moulures differentes, il n'y a nul doute que l'on trouuera plus de quinze cens pieces dans le Clauecin ou dans l'Epinette à deux rangs de chordes.

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D. Inst., III, 21
Page: 
160
Sequence: 
1

PROPOSITION XXI. Expliquer les nouuelles inuentions que nostre siecle semble auoir adiousté à l'Epinette & aux Clauecins.
Il semble que ceux de l'autre siecle n'ont point eu de Clauecins, ny d'Epinettes à deux ou plusieurs ieux, comme nous en auons maintenant, qui ont quatre ieux, & quatre rangs de chordes, & que l'on nomme Eudisharmoste, dont le plus grand respond au 12 pieds de l'Orgue, le second est à l'Octaue, le 3 à la Douziesme, & le 4 à la Quinziesme en haut, soit qu'ils n'ayent qu'vn clauier, ou qu'ils en ayent deux ou trois. L'on peut encore y adiouster vn nouueau ieu à la Tierce maieure, ou plustost à la Dixiesme ou Dix-septiesme maieure, qui sont les repliques de ladite Tierce : ce qui pourroit seruir à la speculation de la nature, en considerant pourquoy deux chordes qui sont à la Quinte n'azardent, & quel effet ont celles qui font la Tierce soit maieure ou mineure, &c. Or encore qu'il n'y ayt que quatre ieux dans l'Eudisarmoste, neantmoins on les varie en plusieurs manieres suiuant le nombre des combinations, conternations & conquaternations qui se peuuent faire de quatre choses differentes, dont i'ay parlé fort amplement dans le liure des Airs & des Chants.

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D. Inst., III, 21
Page: 
160
Sequence: 
2

L'on peut encore rapporter à nostre temps l'inuention des tambours ou barillets, dont on vse pour faire ioüer plusieurs pieces de Musique sur les Epinettes sans l'industrie de la main, car les Allemands sont si ingenieux qu'ils font ioüer plus de 50. pieces differentes par le moyen de plusieurs ressorts, qui font mesme dancer des balets à plusieurs figures qui sautent & se meuuent à la cadence des chansons, sans qu'il soit besoin de toucher l'instrument, apres auoir bandé ses ressorts. Et ie ne doute pas que l'on ne puisse remplir vne ville toute entiere de Musique, de sorte qu'il n'y aura nulle maison qui n'ayt son harmonie, lors qu'on laschera quelque ressort, dont ie parleray peut-estre dans le liure des Orgues. L'on a semblablement inuenté des roüets harmoniques pour filer & pour deuider le fil, qui chantent ou se taisent quand on veut ; & chaque artisan peut mesler la Musique dans ses ouurages par le moyen des roües, des maniuelles, des pignons, des lanternes & de plusieurs sortes de ressorts, qui composent les Automates, que chacun nomme comme il luy plaist, par exemple Mador & Angelique. Quelques-vns font parler deux rangs de chordes auec vne seule plume d'vn sautereau, & d'autres emplument les sautereaux si delicatement que l'harmonie des chordes en est beaucoup plus rauissante, & ie ne doute nullement que l'on ne puisse encore adiouster plusieurs delicatesses, & plusieurs ieux aux Clauecins, dont la recherche appartient aux Facteurs.

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D. Inst., III, 22
Page: 
161
Sequence: 
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PROPOSITION XXII. Expliquer les figures des parties de l'Epinette, & la maniere de toucher le Clauecin, & tout ce que l'on peut iouër dessus.
Avant que d'expliquer la maniere de toucher le Clauecin, il faut icy mettre les figures qui seruent à l'intelligence de la construction de l'Epinette, d'autant qu'elles ne sont pas dans la 20. Proposition, qui ne peut estre entenduë sans elles. Ie dis donc que la figure A B C D represente le dedans d'vne Epinette, c'est à dire qui n'est pas encore couuerte de sa table. En second lieu, que D B peut estre pris pour le sommier sur lequel portent les cheuilles, quoy que ie l'aye appellé la barre, dans la 20. Proposition, comme C A Les marches dont on ne void que la moitié sont faites d'vn seul morceau de bois, lequel on diuise apres par les lignes qui sont icy marquées. Les noires signifient les feintes que l'on couure d'ebene, ou de bois noircy, C F monstre la piece aux pointes, & les petits points signifient le lieu des trous, & les pointes qui entrent dedans. M F est le tiers de la marche, dont F M comprend les 2/3 : ces marches se retrecissent peu à peu en approchant du Diapason I K, qui a autant de petits traits de sie, dans lesquels les pointes que l'on void au mitan du bout des marches entrent à l'ayse. G H est la piece à mortaises, dont chacune est taillée de la largeur de deux marches, & diuisée en deux parties esgales par vn fil de leton, afin qu'elle serue à deux sautereaux. Tout le reste peut estre entendu par la 20. Proposition, dont l'intelligence depend en partie de celle-cy.

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Volume: 
D. Inst., III, 22
Page: 
161
Sequence: 
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Quant à l'autre figure qui suit, elle represente le dedans & le dehors, car elle monstre le lieu, la largeur & la disposition des regles, dont sa barrure est composée, comme l'on void à sa plus grande barre, qui commence vis à vis du milieu des marches à p & va finir à q. Les 3 moindres sont n o, r s, & t u : les points G C, & C F monstrent les endroits des pointes qui tiennent les œillets des chordes. F G est le cheualet droit, & D H B le cheualet brisé, qui bornent la longueur Harmonique des chordes. D B monstrent les endroits des cheuilles, & finalement E K D est la piece aux pointes esgale à celle du dedans qui se void aussi dans la figure precedente.

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