Harmonie universelle

Complete title: 
Harmonie universelle contenant la pratique et la théorie de la musique
Year (text): 
1636
Editor: 
Sébastien Cramoysi
Place: 
Paris
Modern editions: 
Paris: CNRS, 1965 (introd. François Lesure)
Edition used: 
Paris: CNRS, 1965

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Volume: 
D. Inst., V, 09
Page: 
243

Or il est certain que l'on peut adiouster le ieu des Fifres à l'Orgue, afin de l'enrichir d'vne nouuelle grace, mais il n'est pas possible de suppleer les gentillesses de la bouche, de la langue, & des levres auec les soufflets ordinaires de l'Orgue : i'ay dit Ordinaires, parce que l'on y peut adiouster des ressorts qui seruiront pour donner quelque nouuelle vigueur, ou douceur aux sons. Mais ie parleray plus amplement des Orgues dans vn liure particulier ; cependant les ioüeurs de Fifre & de Fleutes pourront inuenter des moyens pour faire qu'vn seul homme puisse ioüer tout seul de plusieurs instrumens tout à la fois, comme l'on pratique dans la Sicile & ailleurs, où l'on embouche deux ou trois Flustes en mesme temps, qui sont faites de cannes, & dont les sons ont de certains charmes particuliers qui imitent ceux de la voix. Si l'on auoit trauaillé aussi curieusement à perfectionner cet espece d'instrumens comme l'on a fait aux Orgues, l'on auroit peut-estre rencontré la maniere de ioüer quatre ou cinq parties d'vn mesme vent de la bouche : & si l'on vouloit prendre la peine de les percer tellement, que le genre Diatonic estant d'vn costé, comme il est en effet, le Chromatic & l'Enharmonic fussent des deux autres costez, l'on executeroit aysément tout ce que les Grecs ont sceu, auec vn petit morceau de bois : mais ie laisse cette recherche aux Facteurs, aussi bien que la recherche du Diapason necessaire pour les percer iustement, quoy que les precedens monstrent les endroits des trous Diatoniques assez exactement pour en faire d'autres à l'imitation.

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Volume: 
D. Inst., V, 09
Page: 
243-244

Quant à la tablature du Fifre, qui monstre tous ses tons, & la maniere de boucher ses trous pour chanter toutes sortes d'airs & de chansons, elle n'a pas vne si grande Estenduë que celle de la Fluste precedente, car elle n'est que d'vne Quinziesme, comme l'on void dans la tablature qui suit. [p244]
Mais il faut remarquer que la levre & la langue doiuent trauailler en mesme temps pour faire parler la Fluste en perfection, & qu'il faut donner vn coup de langue, & vn peu de la levre à chaque ton, afin que toutes les notes soient articulées ; ce qui suffit iusques à ce que nous parlions du Tambour, dont on accompagne cet instrument. Or l'on peut rapporter tous les autres instrumens à trous à ceux que i'ay expliquez iusques icy. Voyons maintenant ceux qui n'ont point de trous, apres auoir icy mis l'exemple qui suit à quatre parties pour les Fleutes d'Allemand.
[Air de Cour pour les Flustes d'Allemand].


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Volume: 
D. Inst., V, 10
Page: 
244-245

PROPOSITION X. Expliquer toutes sortes de Trompes & de Cors, & particulierement ceux qui seruent à la Chasse.
I'Explique les instrumens à Bocal apres les Flustes, parce qu'ils me semblent les plus simples, car ils n'ont que deux trous : à sçauoir celuy par où l'on pousse le vent, & celuy par où il sort. Les Bergers vsent de ces Trompes & de ces Cors en prenant des cornes de belier, ou de bœuf, qu'ils coupent par le petit bout, afin de faire le trou de l'emboucheure, dans lequel ils mettent vn baston de sureau percé & creusé, qui leur sert de porte-vent & de bocal ; ce qui est si facile à comprendre qu'il n'est pas besoin d'en donner la figure. Quelques-vns vsent de morceaux de bois, ou de pieces de poterie faite en façon de cornes pour le mesme suiet : car il suffit que l'on imite les sons des cors de chasse ou de la Trompette. A quoy l'on peut rapporter les differentes [p245] industries des enfans, qui imitent ces instrumens auec des tuyaux, ou des tiges d'oignons, & auec plusieurs autres choses qu'ils trouuent creusées, & propres pour ce suiet. Quant aux cornes de Belier, les Hebrieux en vsoient pour annoncer leurs Iubilez de cinquante en cinquante ans : ce qu'ils faisoient, à ce que l'on dit, en souuenance du belier qui parut à Abraham dans le buisson en eschange du sacrifice qu'il vouloit faire de son fils Isaac, dont on aura plus de lumiere en lisant ce que l'Escriture dit du Iubilé & de son origine, qui vient de la diction יובל Iobel, laquelle signifie vn belier. Mais il est difficile de sçauoir si ceux qui auertissoient du Iubilé sonnoient de cette corne en la tenant dans la main, ou s'ils l'entoient sur quelque canal ou porte-vent : quoy qu'il en soit, nous sçauons que l'on vsoit de sept Trompettes, ou de sept Cors [p246] pour annoncer le Iubilé, comme on list au 6. chapitre de Iosué, où Dieu commande que les Prestres sonnent desdites Trompettes autour de Iericho pour en faire tomber les murailles.

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Volume: 
D. Inst., V, 10
Page: 
246
Sequence: 
1

Or il suffit icy d'expliquer tous les Cors de chasse, dont on a coustume d'vser, d'autant que ie parleray apres des Trompettes. Les quatre figures precedentes les representent tous, car A B monstre la figure du grand Cor, & C D celle du Cor à plusieurs tours, mais il n'est pas si vsité que l'autre. La Trompe E F, qui n'a qu'vn tour, est la plus vsitée, c'est pourquoy ie l'ay mise auec son Enguicheure L, M, G, H 1, 2, 3. Les cordons qui ont des houppes pendantes attachées aux points L & M, & ceux qui sont marquez par K & I seruent pour eslargir, & pour estressir l'enguicheure à proportion du corps de celuy qui porte le Cor & qui en sonne. Les autres cordons G 3, & H 2 tiennent la Trompe en estat par le moyen des trois anneaux 1, 2, 3.
N O represente le troisiesme Cor, que l'on appelle ordinairement le Huchet : & la cinquiesme figure P O fait voir le Cornet de Poste, que l'on ioint sur le corps auec le cordon R. Où il faut remarquer que ces Cors n'ont que deux parties considerables, à sçauoir leurs emboucheures A, C, E, N, que l'on fait d'argent, de cuiure, de corne, de bois, ou de telle autre matiere que l'on veut : & leurs pauillons B, D, F, O. Les emboucheures s'appellent bocals, ou bouquins, comme ie diray encore an traité des Cornets à bouquin, & des Serpents, & s'entent tellement dans le corps des trompes, qu'on les oste aysément quand on veut.

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Volume: 
D. Inst., V, 10
Page: 
246
Sequence: 
2

Quant à l'estenduë de leurs tons [celle des Cors], elle est differente selon l'adresse & l'habileté de celuy qui en sonne, car il se rencontre des Chasseurs qui leur donnent autant d'estenduë comme à la Trompette, dont ie parleray apres. Les tons qui seruent à la chasse sont descrits par le Fouilloux dans le liure de la Venerie chapitre 43. c'est pourquoy ie n'en veux pas parler : quoy que l'on puisse y remarquer plusieurs choses, dont il ne s'est pas auisé : par exemple, à sçauoir si les tons (dont il vse pour appeller & aduertir les Chiens) sont plus propres que les autres, dont la trompe est capable. Si la diction Tran, dont il se sert pour exprimer les sons du Cor, est la meilleure de toutes celles qui se peuuent imaginer pour ce suiet : si cet instrument est plus propre pour la chasse que ceux qui ont des anches, comme les Haut-bois, ou que ceux de percussion, comme les Cloches ou les Tambours. Si les sons du Cor ont plus de rapport & de sympathie auec l'ouye, & l'imagination des chiens, que le son des autres instrumens : Si l'on peut inuenter des instrumens, dont les sons fassent venir & appriuoiser toutes sortes d'animaux farouches, comme quelques-vns estiment, particulierement si on les appelloit par les noms qu'Adam leur imposa : quoy qu'il n'y ayt à mon aduis nul son qui soit plus propre pour les faire venir où l'on veut, ou pour les arrester, que celuy qui imite leurs cris & leurs voix, comme l'on experimente aux apeaux des Cerfs, des Sangliers, des Cailles & de plusieurs autres animaux terrestres & volatiles.

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Volume: 
D. Inst., V, 10
Page: 
246-247

Mais ie laisse toutes ces difficultez pour parler de la maniere dont on vse pour sonner du Cor ; ce qui se fait en embouchant son Bocal, que l'on presse contre les levres, soit en le mettant à l'vn des costez de la bouche, ou au milieu : or il faut que le bout de la langue entre dans le Bocal, afin d'y conduire le vent, qui se perd si l'on ne ferme bien fort tous les endroits des levres où le Bocal ne touche pas ; de là vient qu'il est difficile de sonner de cet instrument [p247] quand on à perdu les dents aux lieux où l'on applique le bocal, parce que le vent se perd aysément par le lieu de la breche qui manque de dent, & ne peut estre assez bien retenu par la seule force des levres.
Apres que l'on a embouché le Cor, on peut en sonner en trois ou quatre manieres, à sçauoir en imitant simplement le vent d'vn soufflet, comme il arriue aux sons qui coulent sans estre animez : & puis en remuant la levre qui est dans le Bocal, ce que l'on fait en deux manieres, dont la premiere consiste à faire deux sons d'vn seul coup, ou mouuement de levre, & l'autre depend d'autant de coups ou de mouuemens de levre, comme l'on fait de sons differens, ce qui anime dauantage les sons : encore que l'on n'vse pas du mouuement de la langue, dans lequel consiste la plus excellente maniere de sonner de la trompe, & de tous les autres instrumens à vent, car lors que la langue martele chaque son, l'instrument imite la voix humaine & la parole, d'autant qu'il articule ses sons : ce qu'il faut remarquer pour toutes sortes d'instrumens à Bocal, & mesme pour les autres qui sont plus ou moins susceptibles de toutes ces emboucheures & de ces mouuemens, que l'on peut transporter sur les tuyaux des Orgues par le moyen de plusieurs industries, qui peuuent rendre leurs sons beaucoup plus agreables. Mais l'on entendra encore mieux tout ce qui appartient aux Cors, par ce que ie diray de la Trompette dans les discours qui suiuent.

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Volume: 
D. Inst., V, 10
Page: 
247

COROLLAIRE
Si les Chasseurs veulent auoir le plaisir de faire des Concerts à quatre ou plusieurs parties auec leurs Cors, il est assez aysé, pourueu qu'ils sçachent faire les tons iustes, & qu'ils proportionnent tellement la longueur & la largeur de leurs Trompes, qu'elles gardent les mesmes raisons que les tuyaux d'Orgues : par exemple, si le plus grand Cor à six pieds de long, il fera le Diapente en bas contre celuy qui aura 4 pieds de longueur : ie diray ailleurs si leurs largeurs doiuent estre en raison Sesquialtere. Et si l'on adiouste vn troisiesme Cor long de trois pieds, il fera la Quarte contre le second, de sorte que les trois feront vn Trio parfait, & toucheront les trois principales chordes du premier mode : ausquels il sera aysé d'en adiouster trois ou quatre autres pour faire les autres accords. Il y a plusieurs autres choses qui concernent les Cors, dont nous parlerons apres ; i'adiouste seulement qu'on les peut faire de chrystal, de verre, de terre, de pierre, &c. & que les Facteurs y peuuent ioindre vne grande quantité d'industries qui les feront autant admirer que les autres instrumens.

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Volume: 
D. Inst., V, 11
Page: 
247-248

PROPOSITION XI. Expliquer la matiere, la figure, les parties, la fabrique & l'estenduë de la Trompette.
La Trompette est l'vn des plus anciens instrumens de Musique, comme il est aysé de conclure par celles qui seruoient aux Prestres des Iuifs, car Moyse en feit deux d'argent par le commandement de Dieu, lequel nous lisons au 10. chapitre des nombres : & l'experience fait voir qu'elles sont fort bonnes d'argent de trauail, dont i'ay expliqué la Loy dans vn autre lieu. Mais on les fait ordinairement de laton, c'est à dire de cuiure meslé auec de la calamine, [p248] dont ie parleray dans le liure des Cloches ; quoy que l'on puisse les faire de fer, d'estain, de bois, &c. Or le laton est tres-propre pour cela, tant à raison de sa dureté & de sa fermeté, que de la facilité qu'il y a de le battre & de l'estendre à coups de marteau, & de ce qu'il dure tres-long temps, & qu'il couste fort peu à l'esgard de l'or & de l'argent, dont ceux-là peuuent se seruir pour faire des Trompettes, qui font faire des Luths de cette mesme matiere.

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Volume: 
D. Inst., V, 11
Page: 
248-249

Quant à l'estenduë de la Trompette, elle est merueilleusement grande, lors que l'on en sonne en perfection, & que l'on prend tous ses tons depuis le plus graue iusques au plus aigu, car elle fait vne Trente-deuxiesme : de sorte qu'elle surpasse tous les clauiers des Epinettes & des Orgues. Mais parce qu'il se rencontre peu de personnes qui la fassent descendre des deux derniers [p249] tons, qui sont marquez souz le C sol vt fa dans la figure de l'autre Trompette en taille douce que ie donneray apres, il suffit de luy donner l'estenduë d'vne Vingt-neufiesme, c'est à dire des quatre Octaues, qui font l'estenduë des clauiers : & parce que ie veux examiner pourquoy la Trompette fait les interualles des consonances deuant ceux des dissonances, & les plus grandes consonances deuant les moindres, il faut icy considerer les raisons desdits interualles, afin de rechercher pourquoy elle les choisit tellement que l'on n'en peut faire d'autres en leur place.
Or ie commence ces interualles par son ton plus graue, qui est en C sol vt fa, dans lequel ie les termine aussi, apres qu'il a esté trois fois repeté : mais il faut remarquer que les premiers nombres à main gauche ne vont que iusques à la Vingt-quatriesme, d'autant que l'on ne peut continuer les raisons des autres interualles sans vser de fraction, lors que l'on retient les termes radicaux : les seconds nombres qui sont à main droite, commencent par le 9, parce qu'il faut multiplier tous les precedens par 9, afin de continuer tous les interualles de l'estenduë d'vne Vingt-neufiesme sans aucune fraction.

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Volume: 
D. Inst., V, 12
Page: 
249-250

PROPOSITION XII. Expliquer pourquoy la Trompette ne peut faire les degrez en bas, comme en haut : & pourquoy elle fait l'Octaue dans son premier interualle, la Quinte dans le second, & ainsi des autres.
Il faut icy supposer l'experience qui est vniforme par tout le monde, à sçauoir que l'on ne peut faire vt, re, mi, fa, &c. depuis le premier ton de la Trompette, car ceux qui en sonnent font tousiours vt, sol, fa, c'est à dire la Quinte & puis la Quarte en haut : ce qui arriue semblablement aux Cors & aux Trompes. Il faut aussi remarquer que le ton, que l'on appelle ordinairement le premier, ou le plus bas de la Trompette, n'est pas celuy dont [p250] on vse ordinairement, & que i'ay nommé VT, car elle descend encore d'vne Octaue entiere, quoy que plusieurs Trompettes ne le croyent pas, parce qu'ils ne le peuuent faire, ou qu'ils ne l'ont iamais essayé.
Or il n'y a nul doute que le vent est autrement poussé & modifié pour faire le second ton, que pour faire le premier, & ainsi des autres, & que celuy qui fait le second a ses reflexions, ou ses retours deux fois aussi vistes que celuy qui fait le premier, comme i'ay demonstré dans les liures precedens. Ce qui arriue à raison du vent qui est poussé auec plus ou moins de violence ou de vistesse, & qui consequemment a ses retours plus ou moins frequens ; de sorte qu'il faut seulement donner la raison pourquoy cette plus grande vistesse fait plustost l'Octaue, & la Quinte &c. pour son premier, & son 2 interualle, qu'vn autre consonance ou qu'vne dissonance, & pourquoy le vent est determiné & contraint à faire deux fois autant de retours au second ton de la Trompette, & trois fois autant au troisiesme, &c. qu'au premier, comme l'on void dans l'estenduë de ses sons.

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Volume: 
D. Inst., V, 12
Page: 
250-251

Il est certain qu'il n'y a nulle addition plus courte, & plus aysée que celle qui se fait d'vn à vn, d'vn à deux, d'vn à trois, &c. or quand la Trompette passe par les interualles que i'ay expliquez, elle ne fait autre chose que d'aiouster vn à vn, vn à deux, &c. il est donc necessaire qu'elle passe par ces interualles, si l'on ne l'en empesche en la forçant contre son naturel.

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Volume: 
D. Inst., V, 12
Page: 
251

L'on peut encore donner la raison de ces interualles par la diuision, d'autant que l'Octaue est engendrée par la diuision d'vne chorde en deux parties esgales, comme i'ay monstré dans le liure des Consonances ; & toutes les autres consonances sont produites par la seconde ou troisiesme bissection : mais l'adition est ce semble plus naturelle que la diuision, parce que la nature s'augmente & se multiplie par celle-là, & se diminuë & s'affoiblit par celle-cy. Quoy que si on considere le suiet ou la matiere des sons, l'on puisse dire qu'il est plus aysé de diuiser vne chorde en deux parties esgales, que de luy adiouster vne autre partie esgale, dont i'ay expliqué la raison dans le liure de la Voix.
Mais il y a encore plusieurs autres difficultez dans les autres interualles, & dans les autres tons de la Trompette, dont l'vne est pourquoy elle ne diuise pas la Quarte ou son cinquiesme interualle, lors qu'elle fait le septiesme & le huictiesme ton, comme elle diuise la Quinte en faisant le 5 & le 6 ; c'est à dire pourquoy elle n'adiouste pas vn retour aux 6 precedens du 6 ton pour faire la Sesquisexte, & puis la Sesquiseptiesme, au lieu desquelles elle fait encore la Quarte apres le sixiesme ton, ou apres le cinquiesme interualle de la Tierce mineure, par l'adition de deux battemens qu'elle adiouste aux six precedens.
L'autre difficulté consiste à sçauoir pourquoy elle ne fait pas tousiours l'Octaue à chaque saut, ou interualle qu'elle fait, attendu que chacun de ses sons ou de ses tons peut estre supposé pour l'vnité, & pour vn seul battement, aussi bien que le premier. La troisiesme est, pourquoy elle fait quelquefois vn ton plus bas, ou plus haut que le premier ton, dont nous auons parlé, au lieu de faire l'Octaue. Ie laisse plusieurs autres difficultez qui se rencontrent aussi dans les autres instrumens à vent, dont on pourra trouuer la solution dans les discours qui suiuent.

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Volume: 
D. Inst., V, 13
Page: 
251-252

PROPOSITION XIII. Expliquer pourquoy la Trompette ne fait pas la Sesquisexte dans son cinquiesme interualle, & qu'elle quitte le progrez qu'elle auoit suiuy iusques au sixiesme ton pour faire la Quarte qu'elle auoit desia faite au troisiesme interualle.
La Sesquisexte deuroit ce semble suiure la Sesquiquinte, puis qu'elle est le moindre interualle, ou la moindre raison qui suit la Tierce mineure, car elle est entre elle & le ton maieur, & est vn peu plus grande que le ton, que i'appelle maxime, de sorte qu'elle peut estre nommée le ton surmaxime. Mais parce qu'elle n'est ny consonance, ny difference des consonances, la nature qui est harmonique, la reiette & ayme mieux rompre la suite de ses interualles & de ses chansons, que de passer par vn interualle qui ne vaut rien, que pour blesser l'oreille & l'esprit, & nous enseigne quant & quant que nous deuons [p252] plustost faire ou endurer toute autre chose, que d'embrasser le vice, lequel est pire que toutes les dissonances, puis qu'il interrompt les mouuemens & les exercices de la vertu.

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Volume: 
D. Inst, V, 13
Page: 
252-253

D'ailleurs si elle [la Trompette] faisoit la Sesquisexte apres la Sesquiquinte, ses battemens seruiroient au nombre Septenaire, qui ne peut estre diuisé que par l'vnité, à laquelle elle ne peut retourner, c'est pourquoy elle quitte ce nombre impair, comme inutile à l'harmonie, pour passer au nombre de huict, qui est le premier cube apres l'vnité, & qui acheue la troisiesme Octaue, comme le 2 & le 4. son, dont il fait la repetition ou le redoublement : par où la nature fait voir combien elle ayme l'Octaue, à laquelle elle est arriuée par l'addition du second battement, au lieu de s'arrester à la Sequisexte par vn seul battement. Finalement quand elle bat l'air huict fois apres l'auoir battu six fois, elle fait la mesme chose que lors qu'elle le bat quatre fois apres l'auoir battu trois fois, d'autant qu'il faut iuger du progrez des consonances par la suite de leurs termes radicaux.
Or elle fait le ton maieur apres cette Quarte par l'addition d'vn seul battement, comme elle fait le mineur : car son ton estant composé de huict battemens, fait le ton maieur contre les neuf battemens du huictiesme ton, & cet 8 ton composé de 9 battemens fait le ton maieur contre les 10 battemens de son neufiesme son. Où il faut remarquer que tous les sons qu'elle choisit font des consonances auec ceux qui precedent, par exemple le neufiesme son composé de dix battemens fait l'Octaue auec le cinquiesme son : mais si elle faisoit la Sesquisexte auec son sixiesme son, le septiesme son ne feroit nulle [p253] consonance auec les sons precedens, & seroit semblable à l'Orateur qui agence si mal ses periodes & ses raisons, qu'elles n'ont nul bon rapport ensemble, & qu'elles blessent les oreilles.

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Volume: 
D. Inst., V, 14
Page: 
253-254

PROPOSITION XIV. Expliquer pourquoy la Trompette ne suppose pas chacun de ces tons pour l'vnité, & par consequent pourquoy elle ne fait pas tousiours l'Octaue à chaque interualle.

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Volume: 
D. Inst., V, 14
Page: 
254-255

Mais il se rencontre encore icy quelques difficultez dans l'ordre desdits sons, comparez à leur force & à leur foiblesse, car si la nature suit l'ordre des nombres, il semble que la Trompette ne doit iamais passer à la Quinte, qu'elle n'ayt premierement fait l'Octaue, & qu'elle ne doit iamais aller à la Quarte simple ou repetée, qu'elle n'ayt passé par l'Octaue & par la Douziesme : or l'experience enseigne que la Trompette monte, quand on veut, depuis son premier ton iusques au dernier sans passer par les interualles du milieu : par exemple, l'on peut faire la triple Octaue d'vn à huict dés le premier saut, & consequemment la Trompette ne suit pas necessairement l'ordre des nombres dont nous auons parlé. A quoy ie responds que cette consideration ne destruit nullement ce que i'ay dit de l'ordre des interualles, lors que l'on pousse le vent fort doucement, & peu à peu, ce qui n'empesche pas que l'on ne fasse de plus grands interualles, quand on le pousse d'vne grande violence, car si l'on donne autant de vent à la Trompette dés la premiere fois, comme à la troisiesme, c'est chose asseurée qu'elle montera plus haut d'vne Douziesme que son premier ton : & si on luy en donne autant comme elle en reçoit au quatriesme ton, elle montera d'vne Dix-septiesme, &c. d'autant que les derniers interualles contiennent les premiers, car la Quinziesme contient l'Octaue, comme la surface contient la ligne, & le Vingt-deuxiesme contient l'Octaue & la Quinziesme, comme le solide contient le plan & la ligne.

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Volume: 
D. Inst., V, 15
Page: 
255

PROPOSITION XV. Expliquer en quelle maniere l'on peut augmenter ou affoiblir la force de chaque son de la Trompette sans en changer le ton, c'est à dire l'aigu ou le graue.
Cette difficulté peut estre expliquée par ce que i'ay dit de la voix forte, & de l'aiguë dans le liure de la Voix, & de la difference de l'aigu & de la force des sons dans le liure des Instrumens à chorde, car l'air agité ne fait iamais le son plus aigu que ses agitations, ou ses battemens ne soient plus vistes. D'où il faut conclure que le mesme ton de la Trompette se fait tousiours d'vn mesme nombre de battemens d'air, quoy qu'il soit si foible ou si fort que l'on voudra : c'est pourquoy il faut dire que l'on pousse seulement vne plus grande quantité d'air, ou de vent en mesme temps, lors que l'on augmente la force du ton, & que les mouuemens & les battemens, ou les flux & reflux de l'air sont plus grands, mais qu'ils ne sont pas en vn plus grand nombre : quoy qu'il soit difficile d'expliquer la maniere dont il faut pousser le vent pour faire la distinction des sons forts, & des aigus auec la Trompette, si nous ne luy appliquons ce qui a esté dit de la force, & de la foiblesse du son que fait vne mesme chorde, & de la difference des voix fortes & des aiguës.

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Volume: 
D. Inst., V, 15
Page: 
255-256

Mais l'on peut obiecter qu'il s'ensuit que l'on pourroit faire toutes sortes de degrez auec la Trompette tant en haut qu'en bas, comme l'on fait auec la gorge, si les tons dependoient des differentes ouuertures de la bouche & de la glotte, puis que nous faisons toutes sortes de degrez en chantant : & qu'vn soufflet peut suppleer la bouche, & faire tous les tons de la Trompette, dont nous auons parlé, encore qu'il ayt tousiours vne mesme ouuerture, comme l'on experimente aux tuyaux d'Orgues, dont les vns montent à l'Octaue, & les autres à la Douziesme, lors qu'on les charge dauantage. A quoy l'on peut adiouster que la mesme ouuerture de la bouche & de la gorge fait des tons differents auec le Flageollet, & les autres Flustes à trous : d'où il faut, ce semble, conclure que la diuersité des tons de la Trompette, & des autres instrumens ne vient seulement pas des differentes ouuertures de la gorge, ou de la [p256] bouche.

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Volume: 
D. Inst., V, 15
Page: 
256-257

C'est pourquoy l'on peut dire que l'on ne fait point ordinairement les degrez en bas par les seules differentes ouuertures des levres ou de la gorge : & qu'apres l'ouuerture, dont on fait le 1 ton, l'on ne peut tellement les ouurir qu'on ne fasse monter la Trompette à la Quarte, ou à quelque moindre interualle, d'autant que quelque peu qu'on les ouure dauantage, elles ne peuuent adiouster moins d'vn retour ou d'vn battement d'air, aux battemens qui determinent le son precedent : de sorte qu'il est necessaire de faire la Quinte apres l'Octaue, & en suite tous les autres interualles dont i ay parlé : si ce n'est que l'on vse de la mesme ouuerture des levres en poussant vne differente quantité d'air d'vne force differente, laquelle on peut diuiser en tant de degrez que l'on voudra en affoiblissant, ou en augmentant le ton.
Il faut donc respondre à la premiere difficulté que les levres ne feroient pas toutes sortes de sons, comme elles font, si elles ne se serroient & se fermoient diuersement, car le poulmon ne seruant d'autre chose que de soufflet, dont l'artere vocale est le porte-vent, il faut que les levres qui touchent immediatement au bocal, modifient la voix ou le vent, pour faire les sons graues & aigus. Quant aux soufflets, lors que l'on aura fait voir qu'ils font tous les tons de la Trompette, nous expliquerons aysément comme cela se fait, ce qu'il ne faut nullement croire sans en voir l'experience, que l'on ne fera iamais à mon aduis : & quand on la feroit, il faudroit dire que la violence du vent fait vn plus grand nombre de battemens que deuant, car la vistesse dont on le pousse, peut suppleer à l'estrecissement du canal par où passe le vent : parce qu'il suffit que l'air batte, ou qu'il soit battu autant de fois qu'il est necessaire pour faire le ton que l'on desire : car il n'importe qu'il soit battu, ou qu'il batte, comme il n'importe nullement que la terre, ou le Soleil se meuuent pour faire le iour.

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Volume: 
D. Inst., V, 16
Page: 
257

PROPOSITION XVI. Expliquer pourquoy la Trompette & les autres instrumens à vent ne font pas tousiours les interualles dont nous auons parlé : & pourquoy ils font souuent le demi-ton ou le ton, au lieu de l'Octaue, de la Quinte, ou de la Douziesme, &c.
L'experience fait quelquefois voir que la Trompette monte, ou descend d'vn ton depuis son second son : ce qui arriue semblablement à plusieurs tuyaux d'Orgues, dont les vns montent seulement d'vn demiton, ou d'vn ton, outre lequel nul vent ne les peut faire passer ; & les autres montent iusques à l'Octaue ou au delà, quand on force le vent : ce qui arriue aussi à quelques Flustes, & aux Flageollets, qui montent auec vn vent tres-doux de ton en ton iusques à la Quinte auant que de prendre leur ton naturel, comme i'ay experimenté : mais ces sons sont si foibles & si peu marquez, qu'il est difficile d'en iuger.
Or la principale difficulté consiste à sçauoir comment la Trompette, & les autres instrumens changent le nombre des battemens de leur premier, ou de leur second son, &c. c'est à dire 1, 2, ou 3 battemens en 16 battemens, lors qu'ils font le demy-ton maieur, ou en neuf battemens, quand ils montent d'vn ton maieur, car il faut (ce semble) qu'ils supposent que le premier & le second son soient composez de quinze, ou de huict battemens, afin que l'addition d'vn seul battement fasse l'interualle d'vn demy-ton, ou d'vn ton : ce qui n'est pas possible, puis qu'vn ou deux battemens ne peuuent se changer en quinze ou huict battemens.

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Volume: 
D. Inst., V, 16
Page: 
257-258

Mais si l'on se souuient de ce que i'ay demonstré dans les autres liures, à sçauoir que le second son de la Trompette, & tous les autres de mesme ton se font par des battemens fort vistes, & que le vent bat du moins quarante fois le trou du bocal dans le temps d'vne seconde minute, quand elle fait le second son, il est aysé d'entendre comment le mesme son peut estre supposé pour huict, neuf, dix, quinze & dauantage de battemens, lors qu'on le compare aux battemens d'vn autre son, puis que quarante contient huict, neuf, dix, quinze fois, &c. car si le troisiesme son, par exemple, se fait de quarante cinq battemens en vn temps esgal à celuy auquel se font les quarante precedens, il n'y a nul doute qu'il fera le ton maieur auec le second son : de sorte qu'il faut seulement expliquer de quelle maniere le vent [p258] doit estre poussé dans la Trompette depuis le premier son iusques au second pour faire 1 1/8 battement, au lieu d'en faire deux dans vn temps esgal à la durée du premier son, ou plustost pour faire neuf battemens au lieu des huict du premier son. Car i'ay desia dit qu'il faut que chaque battement soit entier pour varier le ton.

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Volume: 
D. Inst., V, 16
Page: 
258

D'où l'on peut encore tirer des raisons pour expliquer pourquoy la Trompette, & les autres instrumens font l'Octaue pour leur premier interualle, & qu'ils ont ce semble plus de peine, ou moins d'inclination à faire le ton, ou le demi-ton, qu'ils ne font pas si nettement, ny si constamment comme l'Octaue. Or ils font ces degrez au lieu de ladite Octaue, lors que l'on ne pousse pas le vent assez fort, quoy qu'il soit difficile de sçauoir pourquoy ils ne font pas aussi bien les Tierces, la Quarte & la Quinte, comme le ton & le demiton, auant que de passer à l'Octaue ; dont ceux qui auront plus de loisir, ou d'esprit que moy peuuent trouuer la raison dans les mouuemens du vent que l'on pousse, & dans la figure interieure, & la construction de l'instrument, qui sont causes de plusieurs sons particuliers, & de plusieurs interualles que l'on apperçoit ez vns, quoy qu'ils ne soient pas dans les autres.
Ce qu'il suffit d'auoir remarqué sans qu'il soit necessaire de particulariser mille petites circonstances qui se rencontrent aux sons, & aux interualles de chaque instrument, & dont on ne sçauroit expliquer les raisons à moins que d'en faire vn liure entier. Ce que l'on doit reseruer à ceux qui ont consommé toute leur vie à considerer, & à pratiquer les instrumens : car ie ne veux pas demeurer si long temps à parler de la Trompette, que i'oublie les autres, c'est pourquoy ie viens à l'explication de son Diapason & de son vsage.

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Volume: 
D. Inst., V, 17
Page: 
259

PROPOSITION XVII. Expliquer le Diapason des Trompettes, c'est à dire les differentes grandeurs qu'elles doiuent auoir pour faire les quatre parties de Musique, & toutes sortes de Concerts : & la figure & l'vsage de la Sourdine.

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