Harmonie universelle

Complete title: 
Harmonie universelle contenant la pratique et la théorie de la musique
Year (text): 
1636
Editor: 
Sébastien Cramoysi
Place: 
Paris
Modern editions: 
Paris: CNRS, 1965 (introd. François Lesure)
Edition used: 
Paris: CNRS, 1965

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Volume: 
B. Voix, II, 04
Page: 
094-095

L'on peut premierement diuiser les chansons en Diatoniques, Chromatiques, & Enharmoniques, & en mettre autant d'especes comme ces trois genres en ont ; mais pour parler des chants qui sont en pratique, on les diuise en autant d'especes qu'il y a de modes differens, à sçauoir en 12, dont chaque espece peut quasi auoir vne infinité d'indiuidus, puis que l'on en fait 40320 des 8 notes de chaque Octaue, encore que l'on ne repete nulle note deux fois, comme ie [p095] monstreray dans la 8 proposition.

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Volume: 
B. Voix, II, 04
Page: 
095
Sequence: 
1

En troisiesme lieu, les chants se diuisent en autant d'especes que les passions ; car il y en a de tristes ou languissans, & de ioyeux ; il y en a de propres à la guerre, & d'autres à la paix. Ils se peuuent encore diuiser en Dactyliques, Anapestiques, Iambiques, &c. suiuant les differentes especes des vers & des mouuemens dont les anciens Poëtes & Musiciens ont vsé, & dont on se sert aux Balets.

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Volume: 
B. Voix, II, 04
Page: 
095
Sequence: 
2

A quoy l'on peut rapporter la diuision [des chants] que l'on en fait maintenant en trois genres, dont l'vn est le Vaudeuille ou la Chanson, l'autre est le Motet ou la Fantaisie, & le troisiesme genre contient toutes les especes de Danseries. Et finalement si l'on veut vne diuision plus particuliere, l'on peut mettre douze sortes de compositions de Musique qui se pratiquent en France, à sçauoir les Motets, les Chansons, ou les Airs, les Passemezzes, les Pauannes, les Allemandes, les Gaillardes, les Voltes, les Courantes, les Sarabandes, les Canaries, les Branles, & les Balets, dont l'on void des exemples à la fin de ce liure, où i'en mets les definitions, ou les descriptions.

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Volume: 
B. Voix, II, 04
Page: 
095
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3

Ie donneray encore d'autres exemples des Airs, & des beaux Chants dans le traité qui apprend à bien chanter : car ie veux seulement icy donner quelques chants Ecclesiastiques qui excitent la deuotion lors qu'ils sont bien chantez ; & pour ce sujet ie choisis certains versets de quelques Psalmes qui sont propres pour éleuer l'esprit à la contemplation des choses diuines, afin que le chant & la lettre se respondent mutuellement.

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B. Voix, II, 04
Page: 
096
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1

Or les quatre chants qui seruent aux quatre versets des Psalmes sont en vsage parmy les Prestres de l'Oratoire, qui les chantent auec vne grande deuotion ; & le dernier est vsité dans les prisons de Paris. Et l'on pourroit diuiser tous les chants Ecclesiastiques en Leçons, Versets, Respons, Antiennes, Psalmes, Cantiques, Hymnes, Sequences, & Messes, dont Cerone en rapporte vne grande partie dans son 3, 4, & 5 liure : l'on en trouue aussi plusieurs dans Glarean, & Franchin, sans qu'il soit besoin d'en charger ce traité.

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B. Voix, II, 04
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096
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2

C'est pourquoy ie ne mets pas icy les tons ordinaires du chant Gregorien ; & puis ie les ay déja donnez dans la 29 proposition du second liure de la Musique imprimé l'an 1627, à la fin duquel i'ay encore mis 12 chants à deux parties sur les 12 modes : & à la fin du second liure i'ay mis vn chant figuré à deux parties du premier mode, & vn autre du second, & finalement vn autre air spirituel à 4 parties. L'on trouuera aussi les exemples des 12 tons des chants de l'Eglise à la fin du sixiesme liure Latin, qui traite des genres & des modes. I'ajoûte seulement que le 5, le 6, & le 12 me semblent les plus beaux : mais chacun peut choisir celuy qui luy agreera dauantage pour sa consolation particuliere, & mesme il en peut faire tant de nouueaux qu'il voudra.

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B. Voix, II, 04
Page: 
096
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3

Or il est certain que lors que l'on chantera plusieurs chants de l'Eglise auec l'attention & la deuotion requise, l'on en receura vn grand contentement, car il y en a de fort beaux, par exemple les Hymnes, Veni creator spiritus, Sacris solemnijs, Pange lingua gloriosi corporis mysterium, Conditor alme syderum, Sanctorum meritis, Aue maris stella, & plusieurs autres. La mesme chose arriuera en chantant les Proses Victimae Paschali laudes, Lauda Sion Saluatorem, & les Antiennes Inuiolata, Salue regina, Regina caeli, &c. dont on vse dans les Eglises Catholiques : mais puis qu'on les trouue dans les Rituels, il n'est pas à propos de les mettre icy.

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Volume: 
B. Voix, II, 04
Page: 
096
Sequence: 
4

Ie conseille neanmoins à ceux qui aiment les chants de l'Eglise de se seruir des Heures de la Vierge qui ont esté imprimees chez Cauellat l'an 1598, car elles contiennent les chants de tout ce qui se chante le long de l'annee dans l'Eglise de Paris, à sçauoir toutes les Antiennes, ou Antiphones, toutes les Hymnes, les Psalmes, les 8 tons, plusieurs Proses, des Messes toutes entieres auec les Gloria in excelsis, le Credo, & plusieurs autres chants qui sont fort beaux ; de sorte que ie m'estonne que ces Heures qui deuroient se trouuer entre les mains de tant de personnes, soient si rares, & que l'on ne les r'imprime point.

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B. Voix, II, 04
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096
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5

Ie donneray encore plusieurs autres sortes de chants lors que ie parleray [à la fin du sixiesme liure Latin, qui traite des genres & des modes] des Danses, & des Balets, & de toutes les especes de chants dont on vse en France. Et l'on peut encore voir tous ceux que i'ay donné dans le 13 article de la 57 question sur la Genese. L'on peut aussi rapporter tous les chants que Goudimel, Claudin le Ieune, du Caurroy, Caignet, & les autres ont donné aux Psalmes mis en vers François, & toutes les Chansons spirituelles aux chants Ecclesiastiques, puis qu'ils seruent à eleuer l'esprit à la contemplation des choses diuines, & consequemment qu'ils suiuent le but & le dessein de l'Eglise. Et finalement on peut voir le chant de tous les Motets qui ont esté imprimez depuis que l'on a commencé à chanter à plusieurs parties.

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Volume: 
B. Voix, II, 05
Page: 
097
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1

PROPOSITION V. A sçauoir si l'on peut trouuer & prescrire des regles & des maximes infallibles selon lesquelles on fasse de bons Chants sur toutes sortes de lettres & de suiets, & si les Musiciens en ont quand ils font des Airs & des Chants.
Cette difficulté est l'vne des plus grandes de toutes celles de la Musique, car puis que personne n'a encor estably de certaines regles propres pour faire de beaux chants sur toutes sortes de sujets, c'est signe que l'on n'en peut establir, car il n'est pas ce semble probable que les Musiciens qui ont vescu depuis vne si longue suite d'annees & de siecles n'en eussent estably, tant pour s'en seruir aux rencontres, que pour en faire part à leurs successeurs, comme ils ont fait des autres preceptes de cét Art.
En effet les plus excellens Maistres preuueut tous les iours par experience qu'ils n'ont point de regles asseurees pour faire de bons chants, puis qu'ils ne les rencontrent le plus souuent que par boutades, & par hazard, comme ils confessent eux-mesmes ; de là vient qu'ils sont quelquefois des iours entiers sans pouuoir faire vn air, ou vn chant qui leur plaise, & qui leur satisfasse ; & d'autrefois ils en font plusieurs en peu de temps, qui leur naissent dans l'esprit suiuant les differentes dispositions de leur imagination, & de leur santé.

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B. Voix, II, 05
Page: 
097
Sequence: 
2

Or s'ils auoient des regles certaines, ils [les plus excellens Maistres] pourroient faire tels chants qu'ils voudroient à toute sorte d'heures & de rencontres, comme les Architectes peuuent faire le dessein d'vn bastiment, & les Mathematiciens des demonstrations, & tirer des lignes droites & courbees de toutes façons en tout temps, parce qu'ils ont des regles certaines & infallibles. La maniere dont se seruent les Compositeurs confirme cette verité, car ils tastent sur le Luth, sur l'Epinette, sur la Viole, ou sur d'autres Instrumens plusieurs sortes de tons & d'accords pour r'encontrer vn chant qui leur plaise, ou bien ils fueillettent Claudin, Guedron, & les autres Maistres pour prendre quelques parties de chant d'vn costé, & les autres parties en dautres lieux, afin de ramasser ces fragmens, & d'en faire vn chant entier. Or s'ils auoient des regles certaines, ils s'en seruiroient sans prendre deçà & delà des vns & des autres, ce qu'ils font quelquefois sans beaucoup de raison & de iugement.

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Volume: 
B. Voix, II, 05
Page: 
097
Sequence: 
3

Mais ie veux apporter de plus puissantes raisons, dont l'vne se prend du peu de connoissance que nous auons de la nature des interualles Harmoniques, desquels il faut vser pour faire les chants. Et l'autre se prend de l'ignorance des mouuemens dont l'on ne sçait pas la theorie, ny la pratique, car nous n'auons point de Musiciens qui puissent establir la suite des mouuemens necessaires pour exciter les auditeurs à telle passion que l'on voudra.

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Volume: 
B. Voix, II, 05
Page: 
097-098

A quoy l'on peut ajoûter la connoissance des choses qui sont necessaires au parfait Musicien, dont i'ay parlé dans vn autre lieu, comme celle du temperament des auditeurs, & celle des esprits, & de la maniere dont il faut vser pour eschaufer & refroidir l'imagination & l'appetit, afin d'appaiser ou d'exciter les passions. Et puis la multitude des Airs va iusques à l'infiny, & la bonté des chants depend le plus souuent de la fantaisie du Compositeur, & de ceux qui les mettent en credit ; ce qui empesche que l'on puisse prescrire des regles infallibles si [p098] l'on ne veut comprendre & renfermer l'infinité de l'imagination & de la caprice des hommes dans les bornes de quelques maximes qui fassent vne chose finie de l'infiny.

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B. Voix, II, 05
Page: 
098

Il faut neantmoins auoüer que l'on peut trouuer des regles si certaines, que l'on ne manquera iamais à faire de bons chants sur toutes sortes de sujets, pourueu que l'on entende la lettre ; car si le Musicien François qui n'entend que sa langue vouloit mettre de l'Espagnol ou de l'Italien en Musique, il ne pourroit pas accommoder la note à la lettre. I'auoüe qu'il est difficile de trouuer & de pratiquer les regles dont nous parlons, dautant qu'elles requierent vne parfaite connoissance de la nature des sons, & de leurs interualles, & des passions & affections que l'on desire exciter ou appaiser. Mais peut-estre que cette connoissance n'est pas impossible, soit que les anciens l'ayent euë, comme tiennent ceux qui croyent qu'Aristote, Plutarque, & les autres Autheurs ne proposent rien des especes & des effets de la Musique que ce qui est veritable, & qui disent que les Grecs auoient la connoissance du temperament des auditeurs, de la nature des passions, & des interualles ; ou que lesdits anciens n'ayent point eu d'autre connoissance que nous, ou plustost qu'ils ayent moins connu dans la Musique que les Maistres qui composent maintenant, & qui enseignent la pratique & la theorie de l'Harmonie, comme croyent plusieurs, qui ne deferent pas tant aux anciens que les autres. Car puis que l'inuention des regles pour faire de bons chants dépend de la raison, du iugement, & de l'experience, il faudroit que nous fussions dépourueus de ces facultez, & instrumens, si nous ne pouuions rien establir que par emprunt des anciens, dont ie ne veux pas icy parler dauantage, dautant que i'ay fait vn discours particulier pour examiner s'ils estoient plus sçauans que nous dans la Musique, & s'ils faisoient de meilleurs Chants, & de meilleurs Concerts.

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Volume: 
B. Voix, II, 06
Page: 
098-099

PROPOSITION VI. Determiner de quelles regles & maximes l'on doit vser pour faire de bons chants, & en quoy les sons & les chants sont semblables aux couleurs.
Si nous pouuons trouuer & establir des regles infallibles pour faire de bons chants sur toutes sortes de sujets, nous ferons ce qui est de plus difficile & de plus [p099] excellent dans la Musique : car quant à la composition de deux, ou plusieurs parties, l'on en trouue assez qui y reüssissent, mais l'on n'en trouue point, ou du moins l'on en rencontre fort peu qui fassent de bons chants sur tous les sujets qu'on leur propose. Et si l'on demande pourquoy il est plus difficile de faire vn bon chant que d'ajoûter des parties au chant qui est déja fait, & de composer à deux, ou plusieurs parties, ie responds qu'il faut estre plus sçauant pour faire de bons chants, que pour composer à plusieurs parties, comme l'on pourra facilement conclure du discours qui suit.

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B. Voix, II, 06
Page: 
099
Sequence: 
1

Ie dis donc premierement que c'est vne regle infallible pour les chants, qu'il faut suiure & imiter le mouuement de la passion à laquelle on veut exciter les auditeurs ; par exemple, si l'on veut exciter à la guerre, ou à la cholere, il faut vser du mouuement Iambique, ou de l'Anapestique. Où il faut remarquer que ie commence les regles par le mouuement que l'on doit donner aux chants, dont on peut dire ce que l'Orateur disoit de la prononciation, ou du recit des harangues, & vn autre de l'humilité pour les vertus Chrestiennes, & sainct Paul de la Charité comparee aux vertus Theologales, à sçauoir que comme ces vertus sont les principales & les plus difficiles à aquerir, de mesme le mouuement des chansons est la principale partie du chant, & celle qui a plus d'energie, & de force sur l'Auditeur, que toutes les autres choses qui font & qui accompagnent le chant ; de sorte que qui sçait donner les vrais mouuemens, sçait la meilleure partie de la Musique, & la regle la plus necessaire de toutes celles qui seruent à faire des chants. Mais ce n'est pas icy le lieu de parler de ces mouuemens, dautaut qu'ils appartiennent au liure de la Rythmique.

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B. Voix, II, 06
Page: 
099
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2

La seconde regle [pour les chants] appartient aux interualles, & degrez dont il faut vser dans les chansons, laquelle est semblablement necessaire, car elle consiste à vser des mesmes interualles ou degrez dont vse la passion à laquelle on veut exciter : par exemple, si la cholere monte par tons, ou demitons, il faut que le chant monte par mesmes degrez, encore que cecy ne soit pas si necessaire que l'on ne puisse se seruir d'autres degrez en chantant que de ceux de la passion, particulierement lors que l'on ne cognoist pas par quels degrez elle va : or il est certain que les chants ont esté inuentez pour exciter les passions ; par exemple, pour resiouyr l'Auditeur, car la resiouyssance appartient aux passions, dont elle est le fondement, le commencement, & la fin, car le plaisir n'est autre chose qu'vn amour parfait & accomply, comme l'amour & le desir, est vn plaisir commencé, & imparfait.

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B. Voix, II, 06
Page: 
099
Sequence: 
3

Ie ne crois pas qu'il faille d'autres regles pour faire de bons chants sur toutes sortes de sujets, car la suite des degrez & des interualles des sons qui composent le chant, & la cognoissance du mode dont il faut vser, sont comprises dans la seconde regle [de cette proposition] ; & toutes sortes de vers, & de mouuements sont contenus dans la premiere : quant à la bonté de la voix, & à la prononciation, elles n'appartiennent pas aux regles des chants, mais à la methode, & à la maniere de chanter, & au Chantre, dont nous parlerons ailleurs.
Quant à la relation des sons qui composent le chant, comme celle du Triton, & de la fausse Quinte, qui sont quasi les seules relations mauuaises tant au plain chant, que dans la Musique (encore que ces interualles, & tous les autres puissent entrer dans les recits, lors que le sujet le requiert) il en faudra parler dans le liure de la Composition.

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B. Voix, II, 06
Page: 
100
Sequence: 
1

Il faut seulement icy remarquer que les chants sont semblables aux nuances des couleurs, qui se suiuent tellement que l'on ne passe pas d'vne extremité à l'autre sans passer par celle du milieu. C'est pourquoy l'on peut s'instruire pour faire de bons chants par la consideration desdites nuances ; car comme l'on a sept interualles, ou huit sons dans l'estenduë de l'Octaue, dont on a coustume d'vser ; de mesme l'on prend pour l'ordinaire sept ou huit couleurs pour chaque nuance, comme l'on experimente à la nuance du pourpre, du bleu, & du vert de tulipe, ou de citron ; de sorte que l'on peut comparer chaque chant à chaque nuance, si n'est que l'on veüille rapporter tous les chants de l'vn des genres de Musique à vne espece de nuance : par exemple, les chants dont on vse dans nostre Diatonique, à la nuance de verd, & ceux des autres especes du genre Diatonique aux autres sortes de nuances.

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Volume: 
B. Voix, II, 06
Page: 
100
Sequence: 
2

Or l'on pourroit choisir les huit principales especes de nuances, à sçauoir les trois des trois sortes de verds, & les nuances du bleu, du iaune, du rouge, du colombin, & du pourpre, pour les comparer aux huit especes de la Diatonique : si ce n'est que l'on aime mieux diuiser toutes les nuances, comme toutes les especes de Musique, en trois genres, à sçauoir en la nuance du verd, du iaune, & du rouge, dont chacune en contiendra plusieurs autres, comme chaque genre de Musique contient plusieurs especes.
A quoy l'on peut ajoûter que si l'on fait des chants de douze degrez dans l'Octaue en la diuisant par demitons, que l'on a semblablement des nuances de douze couleurs, comme celle du rouge ; & qu'vne nuance peut auoir autant de couleurs que l'Octaue de sons, ou d'interualles, car l'vne & l'autre peuuent estre diuisees en vne infinité de degrez.

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B. Voix, II, 06
Page: 
100
Sequence: 
3

En effet s'il est permis de s'instruire par l'analogie des autres choses, l'on peut comparer les simples sons aux simples couleurs, les interualles des sons aux meslanges desdites couleurs, & les chants aux tableaux ; car comme les Peintres, les Teinturiers & les Floristes remarquent qu'il y a des couleurs simples & premieres, dont les autres sont composees ; de mesme les Musiciens considerent qu'il y a des sons plus simples les vns que les autres ; ce que l'on peut dire du proslambanomenes, parce que les battemens ou mouuemens d'air dont il est composé sont plus proches de l'vnité & du repos, dont la nete est la plus éloignee ; de sorte que les sons du milieu sont composez de ces deux extremes, à raison qu'ils participent de la tardiueté & de la pesanteur de l'vn, & de la vitesse de l'autre, comme les couleurs du milieu participent des deux extremes, à sçauoir du blanc & du noir, dont on peut s'imaginer que les deux premieres couleurs des Peintres, c'est à dire le bleu & le iaune, sont composees, desquelles on fait apres toute sorte de verd.

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Volume: 
B. Voix, II, 06
Page: 
100-101

L'on peut donc dire que le proslambanomene respond au iaune, que quelques-vns croyent estre la propre couleur de la terre, parce qu'ils disent qu'elle est toujours de cette couleur lors qu'elle est en sa pureté : ce qu'ils confirment par celle dont Adam fut creé, laquelle estoit vne argille iaune, suiuant l'etimologie du mot Hebreu ; par la moüelle de tous les arbres qui prend aisément cette couleur, par les feüilles des arbres & des herbes, & par les fleurs des tulipes qui deuiennent iaunes apres auoir perdu le verd ; & par les autres couleurs lesquelles sont faites du iaune (qui demeure tousiours, à raison de son sel & de sa terrestreité) & du bleu qui s'éuapore & s'enuolle, comme s'il retournoit vers le ciel qui semble estre son [p101] origine, parce qu'il depend de sa lumiere, c'est pourquoy ils disent que cette couleur est semblable à la Nete, dont le mouuement viste & leger imite la rapidité des cieux, car plus on oste de mouuemens des sons du milieu, & plus on approche du silence du proslambanomene, auquel on compare la terre.

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B. Voix, II, 06
Page: 
101
Sequence: 
1

D'où l'on peut conclure que la Mese est le son le plus agreable de tous, puis qu'il participe également du ciel & de la terre, comme fait le verd naissant, lequel est composé d'égales parties du bleu & du iaune. Mais si l'on compare les interualles de Musique à deux couleurs, l'on peut considerer si le bleu ou le iaune estant comparé auec le verd font aussi bon effet que le proslambanomene, ou la Nete comparees à la Mese, auec laquelle elles font l'Octaue ; & si l'on compare les chants aux nuances des couleurs, l'on peut supputer de combien de sortes de couleurs il faut vser depuis le bleu, ou le iaune iusques audit verd pour y passer insensiblement, ou le plus agreablement qui se puisse faire ; & qu'elle proportion il y a entre ces couleurs d'approche, afin de remarquer si les passages que l'on fait du proslambanomene ou de la Nete à la Mese, doiuent estre remplis dautaut d'interualles, & qui ayent des raisons égales ausdites couleurs, afin de faire le plus beau chant de tous les possibles, & de le chanter parfaitement.

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B. Voix, II, 06
Page: 
101
Sequence: 
2

Car il y a de l'apparence que la nature suit tousiours le mesme train en ses ouurages, & que le chant qui l'imitera doit estre estimé le plus parfait, soit que l'oreille y consente ou non, puis que la raison est la maistresse, & consequemment qu'elle est plus croyable.

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B. Voix, II, 06
Page: 
101
Sequence: 
3

L'on peut donc examiner de combien de couleurs il faut nuer le iaune, ou le bleu, duquel on veut passer au verd gay, ou dudit verd au iaune, & au bleu, ou de l'vn de ceux-cy à l'autre, & faire autant d'interualles depuis le son graue iusques à celuy du milieu, & du milieu iusques à l'aigu, afin de voir si le chant qui sera conduit par ces nuances sera le meilleur de tous.
Et parce que l'on aime la diuersité des chants, comme celle des tableaux (à raison de l'estat de changement dans lequel nous viuons assujetis à sa vanité malgré que nous en ayons) lors que l'on diuersifiera les chants, & que l'on quittera la precedente nuance pour passer à des couleurs éloignees, ou à des sons separez, & dis-joints, il faut que le son ou la couleur ayent de l'analogie, & de la conuenance auec les autres ausquels nous passons.

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B. Voix, II, 06
Page: 
101
Sequence: 
4

Et parce que l'on fait les sauts de l'Octaue, de la Quinte, de la Quarte, des Tierces, & des Sextes, il faut voir les transitions des couleurs qui respondent à ces passages, afin de sçauoir si leur agreement est semblable, & si ce qui se trouue beau dans la suite des sons a vne égale beauté dans la suite, & la liaison des couleurs.

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B. Voix, II, 06
Page: 
101-102

Or il n'y a rien dans la Musique plus semblable à la lumiere que le son aigu, parce qu'il comprend tous les autres qui viennent de sa diuision, ou de sa diminution iusques à ce qu'il retourne dans le silence ; car s'il perd vne 24 partie de son mouuement il fait le demiton mineur ; s'il en perd vne 15 il fait le majeur ; si vne 9, [p102] ou 10, il fait le ton mineur, ou majeur, & s'il en perd la moitié, il fait l'Octaue, & ainsi des autres, iusques à ce que les rayons, ou les influences de ses mouuements, qu'il depart aux autres sons, soient tellement diminuez qu'il paruiennent au proslambanomene, qui tient le plus du silence, comme le noir tient plus des tenebres que nulle autre couleur, à raison de l'affoiblissement des rayons lumineux qui le produisent, ou qui le font paroistre.

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B. Voix, II, 06
Page: 
102

Il faut encore remarquer qu'il y a plusieurs couleurs qui se nuent, comme il y a plusieurs genres & especes de Musique ; & que l'on peut comparer les degrez de chaque espece de Musique auec la nuance de chaque couleur ; par exemple, la nuance du verd, du iaune, & du rouge auec les degrez du genre Diatonic, Chromatic, & Enharmonic, car les chants peuuent finir par la voix la plus graue, ou la plus aigue, comme la nuance de chaque couleur finit d'vn costé par le noir, qui represente l'ombre, les tenebres, & le silence ; & de l'autre costé par le blanc, qui represente l'esclat de la couleur, la lumiere, & la vistesse des sons aigus.

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Volume: 
B. Voix, II, 06
Page: 
102-103

D'ailleurs, le son du milieu que les Grecs appellent la Mese, represente la couleur qui est nüee ; & comme l'on vse ordinairement de sept couleurs dans chaque nuance, de mesme l'on vse de 7 interualles ou degrez dans chaque Octaue, dont il y en a 2, 3 ou 4 dessus, & trois ou quatre dessous ladite Mese : i'ay dit 3 ou 4 dessus, ou dessous, parce qu'il y en a 4 dessous, lors que la Quinte est dessous, & 3 lors qu'elle est dessus ; ce que les Musiciens appellent diuision Harmonique. C'est pourquoy il faudroit voir si la nuance d'vne couleur est plus agreable lors qu'il y a plus de degrez de nuance en bas iusques au noir, qu'en haut iusques au [p103] blanc, comme l'Octaue est plus agreable lors qu'elle a plus de degrez en bas, c'est à dire lors qu'elle a la Quinte dessous.

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Volume: 
B. Voix, II, 06
Page: 
103
Sequence: 
1

Il faut encore considerer si toutes les principales couleurs qui se nuent peuuent estre reduites à 7, comme les Octaues, afin que chaque espece d'Octaue qui a 8 sons & 7 interualles, soit comparee à chaque couleur principale, & aux 7 ou 8 couleurs qui luy seruent de nuance ; & finalement si les nuances sont dautant plus ou moins agreables, qu'elles ont vn plus grand nombre de couleurs, & qu'elles paroissent moins distinctes, comme les chants ont coustume d'estre plus ou moins agreables, selon que leurs degrez sont moindres ou plus grands : comme il arriue lors qu'au lieu des 8 sons Diatoniques de l'Octaue, on la diuise en 12 demitons sur l'Orgue & sur le Luth, par le moyen des degrez Chromatiques, ou qu'on la diuise en 24 interualles par le moyen des degrez Enharmoniques, car les nuances des couleurs peuuent estre de 12, & de 24 differentes couleurs, que l'on peut mettre entre le vray verd, & le verd le plus brun d'vn costé, & le verd le plus foible de l'autre.

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Volume: 
B. Voix, II, 06
Page: 
103
Sequence: 
2

COROLLAIRE I
Les bons Compositeurs disent que les chants doiuent estre semblables aux corps composez des quatre Elemens, afin qu'ils ayent la fermeté de la terre dans leur mesure constante & reglee ; la netteté de l'eau, parce qu'il faut éuiter toute sorte d'embarras & de confusion dont l'oreille peut estre blessee ; la vistesse & la mobilité du feu par ses diminutions, ses passages, ses tremblemens, & ses fredons ; & puis le bel air, qui est l'ame du chant. L'on peut aussi comparer les interualles dont on vse dans les chants, aux couleurs que produisent les metaux : ce qui se fait en differentes manieres ; par exemple le plomb calciné auec l'estain fait l'émail blanc ; le fer calciné fait le iaune des verres ; ce que fait aussi l'antimoine : le cuiure rend le verre turquin, ou bleu selon les differentes preparations que l'on luy donne ; & l'argent estant meslé auec d'autres choses fait vne varieté de couleurs. Ie laisse tout ce que les potiers de terre, & les Chymiques font par le moyen des metaux, parce qu'il suffit d'en auertir les Musiciens afin que s'ils veulent rapporter chaque metail, & toutes leurs couleurs à ce qui arriue aux interualles, ou mouuemens des chants, ils sçachent les experiences des artisans.

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Volume: 
B. Voix, II, 07
Page: 
103
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3

PROPOSITION VII. Determiner s'il est possible de composer le meilleur chant de tous ceux qui se peuuent imaginer, & si estant composé il se peut chanter auec toute la perfection possible.

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B. Voix, II, 07
Page: 
104

Or l'on peut considerer le Chant ou l'Air en deux manieres ; premierement en sa composition, & puis apres sa composition ; qui peut estre faite en tant de façons (comme il appert par le grand nombre de chants qui se rencontrent dans l'estenduë d'vne double, triple, & quadruple Octaue, encore que l'on ne parle point des diuers mouuemens, ou des differentes mesures) qu'il est presque incroyable, & qu'il semble estre impossible qu'vn homme puisse composer tous les Airs qui se rencontrent dans le nombre des sons dont on vse ordinairement dans les chansons, encore qu'il composast l'espace de cent ans sans cesser. Ce seroit donc par hazard s'il rencontroit le plus beau chant de tous ceux qui se peuuent faire, & ne pourroit connoistre s'il seroit le plus excellent, puis que la connoissance d'vne chose qui vient en comparaison auec d'autres, ne peut s'acquerir qu'en la comparant auec celles qui luy sont rapportees.

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B. Voix, II, 07
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105
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1

De mesme, quoy qu'vn air soit le plus accomply de tous ceux qui se peuuent faire selon les regles de l'Art, neanmoins si on le considere hors de la composition, & comme chanté ou écouté, & receu par le sens de l'oreille, il ne semblera pas si excellent comme il est, si la voix de celuy qui chante, & l'oreille de celuy qui l'écoute, ne sont parfaitement disposees, & les plus excellentes de toutes celles qui se peuuent imaginer. Car on experimente que les bons airs chantez par de mauuaises voix ne sont pas si agreables que ceux qui sont beaucoup moins excellens, quand ils sont chantez par de bonnes voix.

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B. Voix, II, 07
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105
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2

L'on doit encore considerer le suiet de la chanson ; car si l'air est lié à quelque matiere, soit prose, ou vers, il sera plus agreable que s'il estoit separé de toute sorte de sujet, dautant que le iugement de l'oüie se faisant dans le sens commun, & non seulement dans les replis & les cauernes des oreilles, si l'air ne porte rien auec soy que le son, il ne peut estre si bien goûté de l'esprit, que lors que le son est joint à quelque parole qui a conformité & analogie auec le chant.

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B. Voix, II, 07
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105
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3

C'est pourquoy il arriue souuent que les airs ne peuuent estre si bien retenus quand ils sont chantez sans sujet, que quand ils ont vne lettre, ou vn sujet, parce que les syllabes des dictions nous font ressouuenir des sons qu'il faut éleuer, ou baisser & des temps qu'il faut faire longs ou briefs. A quoy l'on peut ajoûter que les refreins & les reperises des airs se font plus sensiblement & plus agreablement reconnoistre sur vne lettre, laquelle sert beaucoup pour les faire estimer & agreer.

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B. Voix, II, 07
Page: 
105-106

Or comme vn Air sans sujet est moins parfait qu'vn Air attaché à quelque sujet, de mesme vn Air conjoint à vn sujet, dont le sens n'a qu'vn leger rapport auec l'Air chanté, est moins agreable qu'vn autre Air qui aura le sens de son sujet conforme & proportionné ; par exemple, si l'on vouloit chanter vn Air de guerre sur des paroles trainantes, molles, & transies d'amour, cet Air ne seroit pas si agreable que s'il estoit chanté sur des paroles mâles, hardies, & guerrieres : [p106] car comme il faut vn autre air pour animer, & pour échaufer que pour retenir, & pour refroidir, aussi faut-il d'autres paroles.

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B. Voix, II, 07
Page: 
106
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1

De plus, vn sujet en vers rend le chant plus agreable qu'vne prose, dautant que le vers frape plus subitement le sens commun, & enuelope en peu de paroles vn sens plus aigu, & plus subtil, qui donne vn particulier contentement au sens commun, ou à l'esprit : car la volupté se faict au sens commun, comme le chatoüillement au corps, par vn mouuement subit & non preueu. Certes i'estime qu'il faut conclure qu'il n'est pas au pouuoir d'vn homme de trouuer l'air le plus parfait de tous, encore qu'il fust chanté par les plus belles voix du monde : car cet air se deuant parfaitement raporter au sens d'vn vers parfait, & n'estant pas possible de trouuer le vers le plus parfait de tous, l'on ne sçauroit arriuer à la perfection de l'air dont nous parlons.

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B. Voix, II, 07
Page: 
106
Sequence: 
2

Quant au chant que l'on considere comme oüy, & receu par les oreilles d'autruy, il n'est pas plus aysé de le rendre parfait que quand il est consideré en l'autre façon ; car les temperaments particuliers, & les humeurs & inclinations des hommes estant aussi differentes qu il y a de personnes au monde, il est impossible de trouuer vn Air qui plaise également à tous, & d'apporter ce souuerain degré de plaisir que l'on attend d'vn chant de Musique parfaitement agreable. Tel se plaist à vne seule voix qui ne peut goûter la perfection d'vn Concert, & vn autre au contraire : l'vn n'estime pas les voix si elles ne sont iointes aux Instruments, & vn autre n'approuue ny les Instruments à vent, ny ceux qui se seruent de chordes.
Quelques-vns se plaisent à vne Musique douce, les autres à vne plaine, forte, & massiue : il en est comme des viandes, chacun a son goust, ou pour mieux dire, comme de l'Eloquence, l'vn l'aime plaine, & diffuse, l'autre concise & nerueuse : Tel se plaist aux vers lyriques, qui ne sçauroit goûter les heroïques : A peine se trouue-t'il deux hommes qui aiment & qui suiuent vn mesme stile. Il en est ainsi de la Musique, car le melancholique aime vn autre air que le bilieux ; & entre les diuersitez des melancholiques il se rencontre diuerses inclinations aux airs & aux chants de Musique.

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B. Voix, II, 07
Page: 
106
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3

Or ie croy que toutes les considerations que i'ay rapportees dans ce discours font voir assez clairement que le meilleur chant de tous les possibles ne peut estre fait par nos Musiciens, & qu'ils ne pourroient mesme iuger s'il est le meilleur de tous, encore qu'ils l'eussent rencontré par hazard : C'est pourquoy il n'est pas besoin de nous estendre dauantage sur ce sujet, dont nous parlerons encore ailleurs ; comme lors que nous examinerons si l'on peut iuger quel est le meilleur de deux, ou de plusieurs chants proposez : car bien que l'on ne puisse pas faire le meilleur chant de tous les possibles, parce que si les hommes auoient fait vn chant où ils ne peussent plus rien desirer, nous pourrions encore dire que Dieu ou les Anges le peuuent rendre meilleur. Ce qui n'empesche pas neantmoins que l'on ne puisse establir des regles propres pour faire de bons chants, autrement il faudroit confesser que les Maistres de Musique ne peuuent faire vn bon chant que par rencontre & par hazard, & que les ignorans en peuuent faire d'aussi bons qu'eux, ce qui est difficile à croire : Et l'experience ne nous fait point voir de chants composez par les païsans qui soient aussi bons que ceux de Guedron, & des autres Maistres, dont le principal exercice consiste à composer des chansons & des airs.

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B. Voix, II, 07
Page: 
107

COROLLAIRE
Puis que la beauté des airs consiste particulierement dans leur varieté, & qu'il y en a qui croyent que l'on ne peut plus faire de chants qui n'ayent déja esté faits, il faut considerer cette diuersité, & monstrer que tous les hommes du monde n'ont pû faire tous les airs contenus dans la main Harmonique, ou dans le systeme & l'échele ordinaire de Musique, encore qu'ils eussent fait tous les iours mille chants differens depuis la creation du monde iusques à present, comme il sera aisé de conclure par les propositions qui suiuent, dans lesquelles l'on apprendra toutes les especes de combination, conternation, &c. et plusieurs autres choses qui sont tres-remarquables.

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B. Voix, II, 23
Page: 
163
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1

PROPOSITION XXIII. Expliquer toutes les especes des Airs, des Chants, & des Dances dont se seruent les Musiciens.

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B. Voix, II, 23
Page: 
163
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2

On peut reduire toutes les sortes de chants à trois genres, à sçauoir à la Chanson, ou Vaudeuille, au Motet, ou à la Fantaisie, & à toutes les especes de danceries ; ou à douze sortes de compositions de Musique, à sçauoir aux Motets, Chansons, Passemezzes, Pauannes, Allemandes, Gaillardes, Voltes, Courantes, Sarabandes, Canaries, Branles, & Balets, dont ie mets icy la definition ou la description, & l'origine auec vn exemple de chacune, afin que tous les puissent comprendre tres-aisément.

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B. Voix, II, 23
Page: 
163-164

Mais parce que i'ay déja donné quelques exemples des chants de l'Eglise dans la 4 proposition, & des chants de deuotion dans vn [p164] autre lieu, & que ie reserue les Motets & les autres pieces à deux ou plusieurs parties de contre-point tant simple que figuré pour le liure de la Composition ; ie mettray seulement icy les exemples des Chansons ou des Airs qui seruent à faire dancer, & à ioüer sur les Instrumens, dont la plus grande partie est propre pour les Violons.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164
Sequence: 
1

Or la chanson que l'on appelle Vaudeuille est la plus simple de tous les Airs, & s'applique à toute sorte de Poësie que l'on chante note contre note sans mesure reglee, & seulement selon les longues & les breues qui se trouuent dans les vers, ce que l'on appelle mesure d'Air ; sous laquelle sont compris le plein chant de l'Eglise, les Faux-bourdons, les Airs de Cour, les Chansons à danser & à boire, & les Vaudeuilles, & n'y a souuent que le seul Dessus qui parle, que l'on appelle aussi le suiet, & ce sans accords ou consonances des autres parties, parce que faire vne chanson signifie simplement mettre en chant, ou donner le chant à quelques paroles.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164
Sequence: 
2

Or cette grande facilité fait appeller les chansons Vaudeuilles, parce que les moindres artisans sont capables de les chanter, dautant que l'autheur n'y obserue pas ordinairement les curieuses recherches du contre-point figuré, des fugues, & des syncopes, & se contente d'y donner vn mouuement & vn air agreable à l'oreille ; ce que l'on nomme du nom d'Air, comme de sa principale, & presque seule partie : au lieu que le Motet ou la Fantaisie est vne pleine Musique figuree, & enrichie de toutes les subtilitez de cette science.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164
Sequence: 
3

On l'appelle Motet, parce que l'on vse d'vne periode fort courte, comme s'il n'y auoit qu'vn mot à dire ; ce qui arriue quand on veut signifier quelque discours fort bref, lequel mot estant mis en Musique s'appelle Motet. Et lors que le Musicien prend la liberté d'y employer tout ce qui luy vient dans l'esprit sans y exprimer la passion d'aucune parole, cette composition est appellee Fantaisie, ou Recherche.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164
Sequence: 
4

Quant aux danceries, il y a plusieurs especes qui appartiennent à la Musique Metrique, dautant qu'elles sont sujettes à de certaines mesures, ou pieds reglez & contez : & l'on en peut inuenter vn nombre infiny selon les inuentions qui naissent tous les iours dans les esprits de ceux qui s'en meslent. I'expliqueray seulement dans cette proposition, & dans les deux autres qui suiuent celles qui nous sont connuës, & qui sont particulieres à la France, ou naturelles aux autres nations dont nous les auons tirees.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164
Sequence: 
5

La Passemezze est vn chant à l'Italienne propre à dancer : elle seruoit le temps passé d'entree aux basses dances : or elle se dance en faisant quelques tours par la sale auec certains pas posez, & puis en la trauersant par le milieu, comme le mot le porte ; ou bien elle a ce nom du pas & demy dont elle se mesure : son exemple est du premier mode en son propre ton, & se rapporte au pied Choreobachique ∪ ∪ ∪ ∪ − − : sa mesure est binaire.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164
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6

La Pauanne vient d'Espagne, & est ainsi nommee parce que ceux qui la dancent font des roües l'vn deuant l'autre à la façon des Paons, & auec telle grauité que la cappe & l'espee ne nuisent de rien, & qu'elles semblent estre necessaires pour mieux contrefaire la roüe des Paons, d'où cette dance a pris son nom : elle marche sur le mesme pied que la precedente, & a 16 mesures & 14 couplets : son exemple est du 4 mode.

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B. Voix, II, 23
Page: 
164-165

L'Allemande est vne dance d'Allemagne, qui est mesuree comme la Pauanne, mais elle n'a pas esté si vsitee en France que les precedentes : on peut l'appeller [p165] Vaudeuille, ou Gauote, & a sa mesure binaire. Son exemple est du second Mode : on se contente auiourd'huy de la iouër sur les instrumens sans la dancer, non plus que la Passemezze, si ce n'est aux Balets : son Exemple est du second Mode.

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B. Voix, II, 23
Page: 
165
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1

La Sarabande a esté inuentée par les Sarrazins, ou Mores, dont elle a pris son nom ; car on tient que la Comedienne nommée Sarabande la dança la premiere en France : quelques-vns croyent qu'elle vient du mot Espagnol Sarao, lequel entr'autres significations veut dire Bal en Espagnol, ou de Banda qui signifie assemblée, comme si plusieurs se deuoient assembler pour cette sorte de dance : ce que les Mores obseruoient peut-estre, encore que les François & les Espagnols ne la dancent qu'à deux. Son mouuement est Hegemeolien ∪ ∪ ∪ − ∪. Elle se dance au son de la Guiterre, ou des Castaignettes, & ce par plusieurs couplets sans nombre : ses pas sont composez de tirades, ou de glissades : son Exemple est de l'onziesme Mode transposé vn ton plus bas : sa mesure est Hemiolia, & suit le battement du Mareschal.

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B. Voix, II, 23
Page: 
165
Sequence: 
2

La Volte monstre ce semble par son nom qui signifie torner, qu'elle vient d'ltalie, car elle se dance en tornant : quoy qu'il y ayt si long-temps qu'elle est en France, qu'on la peut dire naturelle. Elle a peut-estre aussi ce nom, parce qu'apres quelques pas droits l'homme fait sauter la femme, qu'il meine en tornant, & qu'apres l'auoir menée vn tour vn certain temps, il la prend du bras gauche par le fort du corps, & la fait tourner plusieurs tours en la leuant fort haut, comme s'il la vouloit faire voler : sa mesure est ternaire, & suit le mouuement du petit tambour. Elle a deux mesures & vn pas, & contient le quatriesme Pæon ∪ ∪ ∪ −, le Dijambe ∪ − ∪ −, & l'Ionique mineur ∪ ∪ − −. Son Exemple est du dixiesme Mode transposé.

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B. Voix, II, 23
Page: 
165
Sequence: 
3

La Courante est la plus frequente de toutes les dances pratiquées en France, & se dance seulement par deux personnes à la fois, qu'elle fait courir souz vn air mesuré par le pied Iambique ∪ −, de sorte que toute cette dance n'est qu'vne course sautelante d'allées & de venuës depuis le commencement iusques à la fin. Elle est composée de deux pas en vne mesure, à sçauoir d'vn pas de chaque pied : or le pas a trois mouuemens, à sçauoir le plier, le leuer, & le poser. Son mouuement est appellé sesquialtere ou triple, & son Exemple est du quatriesme Mode en son propre ton. L'on peut neantmoins luy donner telle mesure que l'on voudra.

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Volume: 
B. Voix, II, 23
Page: 
165
Sequence: 
4

La Gaillarde est vne dance qui a pris son nom de la gaillardise dont on vse en la dançant, & de la liberté qui permet d'aller de biais, de trauers, & de long par tous les endroits de la sale, tantost terre à terre, & tantost en cabriole, ce qui se fait entre chas & en sauts ronds. Quelques-vns disent qu'elle vient de Rome, de là vient qu'ils l'appellent Romanesque : sa mesure est ternaire, & suit le mouuement du tambour Italien, ou le pied Pyrrichianapeste ∪ ∪ ∪ ∪ −. Elle a ordinairement trois pas & cinq mesures. Son Exemple est du dixiesme Mode. Mais parce que le discours ne suffit pas pour donner la parfaite intelligence de ces especes de dances, si l'on n'en void la Pratique, i'en mets icy des Exemples ; quoy qu'il faille remarquer que l'on peut accommoder d'autres mouuemens que les precedens aux Exemples qui suiuent.

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Volume: 
B. Voix, II, 24
Page: 
167
Sequence: 
1

PROPOSITION XXIV. Expliquer toutes les sortes de Bransles dont on vse maintenant dans la France, tant aux Balets, & aux Bals, qu'aux autres recreations.

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B. Voix, II, 24
Page: 
167
Sequence: 
2

Apres auoir expliqué toutes les sortes de Chants, dont on vse dans les Passemezzes, Pauannes, Sarabandes, Courantes, Gaillardes, Voltes, & Allemandes, il est raisonnable que nous expliquions les especes de Bransles, qui sont propres à nostre nation. Or il y en a de six especes, qui se dansent maintenant à l'ouuerture du Bal les vns apres les autres par tant de personnes que l'on veut, car vne troupe entiere se tenant par les mains se donne d'vn commun accord vn bransle continuel, tantost en auant, & tantost en arriere ; ce qui se fait souz diuers mouuemens, ausquels on approprie plusieurs sortes de pas selon la difference des airs, dont on vse.

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B. Voix, II, 24
Page: 
167
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3

Ils [les bransles] se dansent fort grauement en rond au commencement du Bal souz mesme cadence & bransle de corps ; dont le premier s'appelle Bransle simple, qui n'auoit autrefois que six mesures & huict pas, mais on le compose à present de dix pas, de douze mouuemens & de six mesures binaires : l'Exemple que i'en donne est du septiesme Mode transposé vne Quarte en haut, afin qu'il ayt son ♭ mol en ♭ fa ♮ mi : & son mouuement est Dactylique spondaique − ∪ ∪ − −.

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Volume: 
B. Voix, II, 24
Page: 
167
Sequence: 
4

Le second Bransle s'appelle Gay, & se danse plus viste que le premier : il est composé de six mouuemens, de trois pas, & de deux mesures, & suit le battement du tambour de Suisse, c'est à dire qu'il se danse souz l'Ionique mineur ∪ ∪ − −. Son Exemple est aussi du septiesme Mode transposé comme le precedent, & sa mesure est ternaire.

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Volume: 
B. Voix, II, 24
Page: 
167-168

Le troisiesme se nomme Bransle à mener, ou de Poitou, sa mesure est sesquialtere, ou hemiolia. Il a neuf pas, six mesures & dix-huict mouuemens : sa mesure est Peonique. Or chacun meine le Bransle à son tour, & le premier qui le meine quitte la main gauche & fait la reuerence à la personne qu'il tient de la main droite ; & apres auoir baisé la main, il la reprend & meine le Bransle, qui coule fort viste, & ayant fait vn ou deux tours par la sale, il quitte la personne qu'il tenoit par la main, afin d'aller chercher la queuë du Bransle, & de donner la main gauche à la personne qu'il trouue au bout ; & si tost que chacun a mené quelqu'vn à son tour, on se remet en rond pour dancer les [p168] autres Bransles. Quelques-vns rapportent le mouuement de cette dance au battement du Mareschal : son Exemple est encore du septiesme Mode.

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B. Voix, II, 24
Page: 
168
Sequence: 
1

Le quatriesme [Bransle] s'appelle Bransle double de Poitou : sa mesure est Hemiolia, il a vnze pas, huict mesures & vingt-quatre mouuemens ; & imite le mouuement du Mareschal, ou de l'Iambique ∪ − : son Exemple est encore du septiesme Mode. Le cinquiesme se nomme Bransle de Montirandé, sa mesure est binaire, mais elle est fort viste. Il a huict mesures, & seize mouuemens, & est diuisé en trois parties differentes de pas, dont la premiere en a vnze, la seconde douze, & la troisiesme en a dix. Son Exemple est de l'onziesme Mode transposé vn ton plus bas, & se peut rapporter au mouuement Anapestique. ∪ ∪ −.

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Volume: 
B. Voix, II, 24
Page: 
168
Sequence: 
2

Le sixiesme [Bransle] s'appelle la Gauote, c'est à dire la dance aux chansons : sa mesure est binaire assez graue, & se peut rapporter au mouuement Choreobacchique ∪ ∪ ∪ ∪ − −, il a huict pas, quatre mesures, & seize mouuemens ; son Exemple est aussi de l'onziesme Mode transposé vn ton plus bas. Il fait la conclusion des Bransles, & apres auoir esté dancé vne fois, ou deux en rond, celuy qui a commencé le Bransle à mener, fait la reuerence à sa Dame, deuant laquelle il dance seulement huict pas, & l'ayant prise souz le bras droit, il luy fait faire vn tour, & puis vn autre du bras gauche auec chacun huict pas, & luy ayant fait la reuerence il la remet en sa place, & reprend la sienne ; & apres que chacun a fait la mesme chose à son tour, on fait la reuerence generale, & chaque homme remene sa femme au lieu où il l'auoit prise pour dancer : or il faut remarquer que l'on peut faire vne infinité de Bransles souz chacune de ces especes, & que l'on en peut adiouster tant d'autres que l'on voudra : par exemple les Passe-pieds de Bretagne […]

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Volume: 
B. Voix, II, 24
Page: 
170
Sequence: 
1

PROPOSITION XXV. Expliquer les dances & les mouuemens des Balets ordinaires ; & particulierement la Canarie, la Bocanne, la Courante à la Reyne, la Bohemienne, & la Moresque.

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Volume: 
B. Voix, II, 24
Page: 
170
Sequence: 
2

La Bocanne est vne Courante figurée, qui a ses pas mesurez, & ses figures particulieres ; elle a quatre couplets, à sçauoir deux fois la premiere partie du chant, & deux fois la seconde : elle s'appelloit cy deuant la Vignonne, mais le chant qui a esté fait de nouueau, luy a donné le nom de son auteur : elle a sa mesure triple, ou sesquialtere, comme les autres Courantes : son Exemple est de l'onziesme Mode transposé vn ton plus bas, comme celuy de la Courante à la Reyne. Mais elle a neuf couplets, dont la premiere partie se chante deux fois, & la seconde vne fois : elle se recommence par trois fois, & est de mesure sesquialtere comme les autres Courantes. Ausquelles i'adiouste deux airs de Balet de different mouuement : & à la fin du liure i'en donneray encore vn troisiesme composé de toutes sortes de mouuemens, qui peuuent seruir à toutes sortes d'airs & de chansons.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
172
Sequence: 
1

PROPOSITION XXVI. Determiner si les chansons, que l'on appelle tristes & languissantes, sont plus agreables & plus douces que celles que l'on appelle gayes.

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B. Voix, II, 26
Page: 
172
Sequence: 
2

Cette Proposition n'est pas inutile, car estant bien expliquée elle nous fera cognoistre la nature de l'homme, ou de la Musique. Or il semble que l'on ne doit pas douter que les chansons gayes ne soient plus agreables que les tristes, puis que tous les hommes desirent de se resiouyr, & fuyent la tristesse qui ruine la santé & l'oeconomie du corps ; de là vient que le Sage a dit que la tristesse desseiche les os, Tristitia exsiccat ossa.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
172
Sequence: 
3

D'abondant l'on experimente que les airs des Balets, & des Violons excitent dauantage à raison de leur gayeté qui vient de la promptitude de leurs mouuemens, ou de leurs sons aigus, que les airs que l'on iouë sur le Luth ou sur les basses des Violes, lesquels sont pour l'ordinaire plus graues & plus languissans.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
172
Sequence: 
4

Et les Trompettes nous font encore voir cette verité, quand ils se seruent du premier Mode, qui est le plus gay de tous, & qui excite toutes sortes d'hommes à se resiouyr : car nous experimentons en nous mesmes que les mouuemens du coeur & de l'imagination suiuent les sons & les mouuemens de la Trompette.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
172
Sequence: 
5

A quoy l'on peut adiouster que les sons, & les mouuemens des chansons gayes approchent plus pres de la vie, que ceux des airs tristes, puis que la vie consiste dans vn mouuement perpetuel & continu, car les battemens d'air qui font les sons aigus, & les mouuemens rythmiques qui sont plus frequens, s'approchent plus pres de la continuité que ceux des sons graues, & des mouuemens pesans & tardifs des airs tristes, qui representent vne vie interrompuë & mourante. Et l'on experimente que les chansons gayes sont si propres à danser, que ceux mesmes qui n'ont iamais apris cet exercice se mettent à danser, ou tesmoignent par quelque mouuement du corps le contentement qu'ils reçoiuent de ces Chansons : ce qui n'arriue point aux airs tristes & lugubres, qui sont plus propres pour faire pleurer & mourir les Auditeurs, que pour les faire rire, ou les faire viure : car ces airs sont composez de mouuemens propres pour engendrer la tristesse, & consequemment pour faire tomber des defluxions sur les membres, qui les rendent enfin paralytiques & incapables de mouuement.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
172
Sequence: 
6

Neantmoins tous les Musiciens sont de contraire aduis, & tant les Auditeurs que ceux qui chantent, aduoüent qu'ils reçoiuent plus de plaisir des Chansons tristes & languissantes, que des gayes, dont il n'est pas facile de trouuer vne raison si puissante, qu'elle fasse esuanouyr toutes les autres raisons contraires. Toutesfois ie ne doute pas qu'il n'y ayt quelque raison de cet effet prodigieux qui semble combattre toutes les loix de la nature, puis qu'elle est faite & conseruée par le plaisir.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
173

Il faut donc considerer la nature des airs tristes, qui consiste en plusieurs choses : car la voix des airs tristes represente la langueur & la tristesse, par sa continuation, par sa foiblesse & par ses tremblemens : & les demitons & dieses representent les pleurs & les gemissemens à raison de leurs petits interualles qui signifient la foiblesse : car les petits interualles qui se font en montant ou descendant, sont semblables aux enfans, aux vieillards & à ceux qui reuiennent d'vne longue maladie, qui ne peuuent cheminer à grand pas, & qui font peu de chemin en beaucoup de temps ; par exemple lors que l'on fait le demiton maieur en montant, l'on fait vn mouuement qui ne monte que de la quinziesme partie de la voix precedente, & quand l'on monte d'vn demiton mineur, l'on n'aduance son chemin que d'vne vingt-quatriesme partie du son qui precede.

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Volume: 
B. Voix, II, 26
Page: 
174-175

Ie laisse plusieurs autres choses, dont la consideration est remarquable, par exemple pourquoy la quinziesme & la vingt-quatriesme partie d'vn mouuement est plus propre pour les chants tristes, que la huictiesme, ou [p175] neufiesme partie, car l'on n'adiouste qu'vne quinziesme partie de mouuement pour faire le demiton maieur, & vne 24. pour faire le mineur, qui sont propres pour representer la tristesse ; au lieu que l'on adiouste 1/8 pour le ton maieur, & 1/9 pour le ton mineur dont l'on vse pour les Chants gays.
Or il faut remarquer que le Chant est d'autant plus triste qu'il a dauantage de demitons qui se suiuent, & consequemment que la Chromatique est propre pour chanter les airs tristes, & la Diatonique pour chanter les gays ; & qu'il est tres-difficile de sçauoir si le demiton mineur est plus triste que le demiton maieur, & de combien il est plus propre pour exprimer la tristesse : ce que l'on peut semblablement dire de la diese Enharmonique.

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B. Voix, II, 26
Page: 
175
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1

Quant aux raisons contraires que i'ay rapportées en faueur des Chants gays, l'on peut premierement respondre que la tristesse que l'on conçoit des chants lamentables, ne destruit pas le temperament, & que si elle l'altere, que l'esprit ayme mieux frustrer le corps de quelque volupté, & luy faire perdre quelque chose de son temperament, que de se priuer du grand contentement qu'il reçoit des Chants lugubres. Mais pour entendre cecy, il faut remarquer que la Musique separe en quelque maniere l'esprit du corps, & le met dans vn estat, où il est plus propre à la contemplation qu'à l'action, & consequemment que le Chant venant à cesser, il se trouue tout estonné de se voir priué du grand contentement qu'il receuoit dans l'estat d'abstraction, où la Musique l'auoit transporté.

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B. Voix, II, 26
Page: 
175
Sequence: 
2

Et parce que les sons & les mouuemens des airs tristes font vne plus forte impression sur l'esprit, ils le rauissent dans vne plus profonde speculation ; & lors qu'il est contraint de la quitter, il luy semble qu'il sort d'vne grande lumiere pour rentrer dans des tenebres fort espaisses. Cecy estant posé, ie dis que l'on n'ayme pas la tristesse, quand l'on ayme les airs lamentables, mais que l'on ayme l'estat de separation, auquel se trouue l'ame dans la contemplation de ces airs.

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B. Voix, II, 26
Page: 
176

Or l'on peut conclure de tout ce discours, que les airs gays sont plus propres pour exciter la ioye exterieure, qui empesche les fonctions de l'esprit, & particulierement celle de la contemplation : & que les tristes sont plus propres pour produire la ioye interieure, que l'entendement reçoit dans son abstraction, & dans sa retraite. Car les humeurs terrestres & grossieres se dissipent & tombent en bas à la presence des airs lugubres, comme les vapeurs qui obscurcissent l'air, tombent à terre, & s'esuanouyssent à la presence du Soleil : de sorte que l'esprit demeure libre, & gouste mieux le plaisir de la Musique ; & comme s'il commençoit à se separer du corps, il est rauy par vn eschantillon de la beauté des idées eternelles.

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B. Voix, II, 27
Page: 
177

PROPOSITION XXVII. Expliquer tous les mouuemens dont on vse dans les airs François, & particulierement dans les Balets, auec vn exemple, & quant & quant la Rythmique.

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B. Voix, II, 27
Page: 
177-178

Encore que les mouuemens qui seruent aux Airs & aux dances, appartiennent à la Rythmique dont nous n'auons pas encore parlé, neantmoins il a esté necessaire d'en traiter icy, afin de faire comprendre les differentes especes des Airs, & des chants dont vsent les François : mais il est si aysé d'entendre tout ce qui concerne ces mouuemens, qu'il n'est pas necessaire d'en faire vn liure particulier, puis que les plus excellens pieds metriques, qui ont donné le nom, & la naissance à la Rythmique des Grecs, sont pratiquez dans les airs de Balet, dans les chansons à dancer, & dans toutes les autres [p178] actions qui seruent aux recreations publiques ou particulieres, comme l'on aduoüera quand on aura reduit les pieds qui suiuent aux airs que l'on recite, ou que l'on iouë sur les Violons, sur le Luth, sur la Guiterre, & sur les autres instrumens.
Or ces pieds, peuuent estre appellez mouuemens, afin de s'accommoder à la maniere de parler de nos Practiciens, & compositeurs d'airs ; c'est pourquoy ie me seruiray desormais de ce terme, pour ioindre la Theorie à la Pratique, apres auoir donné l'exemple d'vn balet qui a seize mouuemens differens, qui sont exprimez par les nombres qui suiuent chaque clef ; car 2 signifie que le mouuement est deux fois plus viste que le precedent, & 3, 4, &c. qu'il est quatre fois plus viste : quoy que cette difference de vitesse ne varie pas l'espece des mouuemens dont ie parle maintenant.

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B. Voix, II, 27
Page: 
179
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1

Ie laisse vne infinité d'autres Exemples, afin d'adiouster les mouuemens mesurez, que i'explique auec les deux caracteres ordinaires dont on vse pour marquer les brefues, & les longues dans toute sorte de Poësie, comme l'on fait pour marquer ce vers Trochaique, dont les longues syllabes ont cette petite ligne droite − pour leur signe, & les brefues ont ce demicercle ∪ :

il faut donc remarquer que le temps brief est dans les mouuemens ce que le point est dans la Geometrie, ou l'vnité dans les nombres ; & que le premier pied, ou mouuement est composé de deux temps brefs ; le second d'vn temps bref & d'vn long, & ainsi des autres qui suiuent, dont les douze premiers sont simples, & les vnze derniers sont composez, car quant aux autres qui sont composez d'vn simple & d'vn composé, ou de deux composez, ie n'en veux pas parler, d'autant qu'ils ne sont autre chose qu'vne repetition des precedens, ou qu'ils doiuent plustost estre nommez vers, ou metres, que pieds ou mouuemens. Or bien qu'au lieu du temps brief l'on mette deux, quatre, ou huit temps si courts qu'ils ne durent pas dauantage que le temps bref, & qu'ils ayent vne autre grace, & d'autres effets bien differens, neantmoins ils sont pris pour vne mesme chose à l'egard de l'espece du temps, ou du mouuement, comme il arriue lors que pour la minime, qui signifie la premiere partie du pied iambique, l'on met deux noires, quatre crochuës, huict doubles crochuës, ou seize triples crochuës, dont ie parle ailleurs.

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B. Voix, II, 27
Page: 
179
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2

Table des mouuemens, ou pieds mesurez :



[Mouuemens simples de deux & trois temps, &c. propres pour les Airs, & les Dances : Pyrriche, Iambique, Trochaique, Spondaique, Tribraque, Dactylique, Anapestique, Scolien, Cretique, Bacchien, Palimbachien, Molosse.
Mouuemens composez : Preceleumatique, Peonique premier, Peonique second, Peonique troisiesme, Peonique quatriesme, Ionique maieur, Ionique mineur, Choriambique, Antispastique, Iambique redoublé, Trochaique redoublé].

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B. Voix, II, 27
Page: 
179
Sequence: 
3

Si nos Compositeurs ont l'oreille si delicate qu'ils craignent que ces vocables Grecs ne la blesse, ils peuuent vser de tels noms qu'il leur plaira, par exemple de ceux qui donnent à leurs airs, dont ils disent que ceux-cy ont le mouuement de la Courante, ceux-là de la Sarabande, & ainsi des autres : ou de ceux qui se remarquent aux differens battemens des Tambours, des mareschaux, des fleaux dont plusieurs battent ensemble les bleds dans les granges, & dans les aires, & plusieurs autres que l'on obserue dans plusieurs arts. Quoy qu'il en soit, il est necessaire que tous les airs, & toutes les danses se facent souz les mouuemens precedens, dont chaque partie peut estre appellée pied, pas, ou point.

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B. Voix, II, 27
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180

Surquoy il est bon d'auertir les Maistres de Chœur qui composent les motets, & les autres pieces de Musique, dont la lettre est latine, que tout ce qu'ils feront chanter aura beaucoup plus de grace s'ils obseruent les syllabes longues & briefues, d'autant qu'ils rencontreront quasi toutes sortes de vers sans les chercher, dont Ephestion & les autres ont vsé : quoy qu'ils ne soient pas tellement obligez à faire toutes les longues & les brefues, qu'ils ne s'en puissent dispenser, comme ils font en allongeant la premiere syllabe briefue de chaque diction, en imitant la prononciation de la Prose, par exemple, on allonge la premiere syllabe de Dominus, & de Deus, &c..
Or ceux qui entendent le Latin receuront vn singulier plaisir à la lecture des six liures que sainct Augustin a fait de la Musique, & verront l'estat qu'il fait des mouuemens Rythmiques, comme il les trouue, & les remarque en toutes les choses du monde, & comme il esleue l'esprit à Dieu par leur moyen ; c'est ce que ie desire semblablement que facent ceux qui liront ces liures des Chants, afin qu'il n'y ayt nulle recreation, d'où l'on ne tire du secours pour porter la volonté à son deuoir, qui consiste particulierement à adorer les Decrets eternels de la Diuine maiesté.
Ceux qui voudront apprendre les regles particulieres qui seruent à faire des airs, & des chants propres pour esleuer l'esprit à Dieu, les trouueront dans les liures de la Composition & de l'art, ou de la Methode de bien chanter. F I N.

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C. Cons.
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0 - Préface
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1

La seconde [chose], à laquelle on doit prendre garde, est que ie ne repete point icy plusieurs choses que l'on pourroit desirer, parce que i'en ay fait des Traitez particuliers : par exemple ie ne mets pas les diuisions, les definitions & les descriptions des differentes especes de Musique, d'autant que ie les ay données dans les 17 premiers Theorêmes du premier liure du Traité de l'Harmonie Vniuerselle imprimé l'an 1627, où ie les explique si amplement qu'il est difficile d'y adiouster, soit qu'on regarde le sujet, & l'objet tant materiel que formel de la Musique, à sçauoir le Son dont ie parle tout au long dans le 7, 8, 9 & 10 Theorême : ou que l'on considere l'Harmonie Speculatiue, Diuine, Creée, Mondaine, humaine, Instrumentale, &c. A quoy l'on peut adiouter les deux Autheurs Grecs que i'ay torné en François, à sçauoir Bacchius & Euclide, dont i'ay donné la Musique toute entiere dans le 17 Theorême auec des Tables particulieres pour en faciliter l'intelligence. Et puis i'ay donné tous les principes de la Musique tant Theorique que Practique dans les autres Théorèmes qui fuiuent, iusques au 30, qui comprend ce que Salinas a de meilleur dans ses liures. Quant au second liure il contient toutes les comparaisons qui se peuuent faire des Sons, & de l'harmonie auec toutes les choses du monde qui sont proportionnées, de sorte qu'il n'est pas aysé d'adiouster aux 15 Theoremes dudit liure.

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C. Cons.
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0 - Préface
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2

I'ay encore traité de plusieurs autres difficultez touchant ce sujet, dans deux liures particuliers, à sçauoir dans les Preludes de l'harmonie, & dans les Questions Harmoniques l'an 1634, par exemple quel doit estre l'Horoscope du parfait Musicien, où ie monstre par les principes de l'Astrologie que l'on ne peut rien predire du temperament, ou de la vie des hommes par la cognoissance que l'on a des Astres, & où ie mets trois horoscopes d'vn parfait Musicien selon l'opinion de trois excellens Astrologues de ce siecle. I'ay traité aussi du temperament, de la capacité & de la science que doit auoir vn parfait Musicien ; du Iuge des concerts, si c'est l'oreille, ou l'entendement ; s'il est expedient d'vser du genre Enharmonic, par quel endroit se romperoit vne chorde esgale en toutes ses parties, laquelle seroit tirée esgalement : pourquoy les Grecs ont reglé toute leur Musique sur les Quartes ; pourquoy les Sons seruent à former les mœurs des hommes : quel iugement l'on doit faire de ceux qui hayssent la Musique, & si elle merite l'attention des hommes d'vn grand iugement & d'vn bon esprit : s'il appartient aux sçauans ou aux ignorans de iuger de la bonté des concerts : si la Theorie est preferable à la Pratique : fi les Grecs ont esté meilleurs Musiciens que les François, & d'où vient que la nature & les hommes se plaisent à la diuersité, dont ie parle dans la 14 Question Physique. le laisse ce que i'ay dit des raisons, des proportions, des medietez, des tons, & de tous les autres moindres, ou plus grands interualles de la Musique dans le second liure de la Verité des Sciences imprimé l'an 1625, & dans la 56 & 57 question diuisée en dix-sept Articles, inserée dans le Commentaire sur la Genese, où l'on void quasi tout ce qui concerne l'harmonie.

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C. Cons.
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3

La troisiesme chose est, que ie ne desire pas que l'on prenne les dictions demonstrer et determiner dont i'vse souuent au commencement des Propositions, au mesme sens, & en la mesme signification qu'en Geometrie, mais seulement comme l'autre diction à sçauoir, ou examiner &c. dont ie me sers pour mesme suiet, car ie sçay qu'il est trop difficile de pouuoir demonstrer aucune chose dans la Physique, si l'on prend la demonstration à la rigueur. C'est pourquoy chacun est libre de suiure telle opinion qu'il voudra selon les raisons les plus vrayes semblables : par exemple, ceux qui aymeront mieux tenir que tous les tons & les demitons doiuent estre esgaux (lesquels i'explique dans l'onziesme Proposition du liure des Dissonances) comme fait Steuin au commencement du premier liure de sa Geographie, & les Aristoxeniens d'Italie auec plusieurs autres, & non inesgaux comme les met Ptolomée, ne manqueront pas de raison ; & il sera difficile de leur demonstrer que la Quinte est iustement en raison sesquialtere, & le ton en raison sesquioctaue, ou s'il s'en faut vne milliesme partie, &c.

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C. Cons.
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4

[…] ceux qui preferent l'harmonie à la Physique pourront commencer […] par ces quatre liures des Consonances, qui a esté en effet le premier imprimé ; auquel succedent celuy des Dissonances, des Genres, des Especes de chaque Consonance, des Modes & de la Composition. Et puis il sera bon de lire le liure de la voix & des Chants ; & ceux des instrumens à chordes, à vent & de percussion : & finalement celuy des Sons, & du mouuement de toutes sortes de corps, par lesquels ceux qui ayment mieux la Physique, & les Mechaniques pouront commencer, de sorte qu'ils pourront mettre le liure du Mouuement de toutes sortes de corps le premier : celuy du mouuement & des autres proprietez des chordes le second : celuy des Sons le troisiesme : celuy des Chants le quatriesme : celuy de l'Art de bien chanter, &c. lecinquiesme : celuy des Consonances le septiesme : celuy des Dissonances le huictiesme : celuy des Genres & des Modes le neufiesme : celuy de la Composition le dixiesme : & puis les quatre des instrumens à chordes, & les trois autres des Instrumens à vent & de percussion, de sorte que cet ouurage contiendra 17, ou 18 liures s'il s'accomplit.

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C. Cons.
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5

La derniere chose consiste à expliquer pourquoy la figure circulaire toute pleine de nombres a esté adioustée à la planche en taille douce de la XII. Proposition du second liure des Dissonances, sans aucune explication : ce qui est arriué parce qu'elle a esté grauée apres l'impression, afin de conseruer la pensée & le labeur du sieur Cornu, qui a compris toute la theorie & les raisons des interualles harmoniques dans ce petit cercle, afin d'expliquer toutes les Consonances & les Dissonances qui se trouuent sur toutes les touches de l'Epinette, ou de l'Orgue. C'est pourquoy i'adiouste icy cette explication, que l'on peut transporter dans ladite douziesme Proposition ; & pour ce suiet ie repete les treize lettres de l'Octaue diuisée en douze demitons, comme elle est sur l'Epinette, afin que l'on comprenne plus aysément toutes les raisons qui sont d'vne lettre à l'autre.

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C. Cons.
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6

Soient donc les treize lettres de ladite figure circulaire C, cx, &c. où il faut remarquer que les deux G ne sont differents que d'vn comma, & qu'ils ne sont pris que pour vne seule chorde, ce que i'explique si clairement dans le troisiesme liure des Genres, & dans ceux des instrumens, qu'il n'est pas besoin d'en parler maintenant. I'adiouste seulement que ledit sieur a tellement compris le secret de ces deux G, qu'il à fort bien remarqué que l'on n'a point de Diapente en haut, ny de Diatessaron en bas lors qu'il n'y a qu'vn G, & que l'on fait les interualles iustes : car quant aux Facteurs d'Orgues ils diminuent vn peu chaque ton maieur, & augmentent le mineur pour distribuer le comma, qui est entre ces deux G, dont ie monstre l'vsage dans la 25 & 26 Proposition du liure des Genres.

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C. Cons.
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7

Cecy estant posé, les treize touches, ou lettres contiennent sept Tierces maieures de cinq à quatre, six Tierces mineures de six à cinq, neuf Quartes de quatre à trois, & neuf Quintes de trois à deux, six Sextes maieures de cinq à trois, sept mineures de huict à cinq, deux Septiesmes maieures de quinze à huict, & quatre mineures de neuf à cinq.

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C. Cons.
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8

Quant aux Dissonances qui se rencontrent dans la mesme figure, elles sont contenuës dans l'autre table qui suit, dans laquelle les petites lettres Italiennes signifient les degrez Chromatiques, quoy qu'elles soient sans les caracteres des dieses.
♮ à D, G à ♮, C à E de 32 à 27 Tierce mineure diminuée d'vn comma.
D à G, f à ♮ 27 à 20 Quarte diminuée d'vn comma.
♮ à f, e à f, F à g 75 à 64 Tierce mineure diminuée d'vne diese.
e à G 81 à 64 Tierce maieure trop grande d'vn comma.
B à G, D à ♮, d à C 27 à 16 Sexte maieure trop grande d'vn comma.
e à B, 405 à 256 Sexte maieure diminuée d'vn limma.
e à c, B à g 225 à 128 Septiesme mineure diminuée d'vne diese.
F à e, G à F, g à f, ♮ à A, C à B, E à D, 15 à 9 Septiesme mineure diminuée d'vn comma.
g à F, f à e, c à B, 128 à 75 Sexte maieure trop grande d'vne diese.
♮ à f, G à D, 40 à 27 Quinte diminuée d'vn comma.
G à e, 128 à 81 Sexte mineure diminuée d'vn comma.
f à B, c à F, g à c, 32 à 25 Tierce maieure trop grande d'vne diese.
C à f, G à c, 25 à 18 Quarte trop grande d'vn demiton mineur.
c à e, g à B, 256 à 225 Ton mineur trop grand d'vne diese.
c à G, f à C, 36 à 25 Quinte diminuée d'vn demiton mineur.
c à g, 675 à 512 Tierce maieure augmentée d'vn demiton moyen.
E à B, g à D, A à e, ♮ à F, 64 à 45 Quinte diminuée d'vn demiton moyen.
g à e, 1024 à 675 Sexte mineure diminuée d'vn demiton moyen.
♮ à e, 512 à 405 Quarte diminuée d'vn demiton moyen.
B à f, C à g, F à c, 25 à 16 Sexte mineure diminuée d'vne diese.
B à E, e à A, F à ♮, D à g, 45 à 32 Quarte augmentée d'vn demiton moyen.
Or il n'est pas necessaire d'expliquer les raisons des demitons & de la diese, puis que i'en parle tres-amplement dans la seconde Proposition du liure des Dissonances.

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C. Cons., I, 01
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001
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1

LIVRE PREMIER. DES CONSONANCES. PREMIERE PROPOSITION. A sçauoir s'il y a des Consonances & des Dissonances dans la Musique, & quelles elles sont.

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C. Cons., I, 01
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001
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2

Cevx qui ne prennent nul plaisir à la Musique, ou qui tiennent toutes choses indifferentes, nient qu'il y ait des Consonances, ou des Dissonances, tant parce qu'ils ne prennent nul plaisir aux vnes et aux autres, que parce qu'ils n'estiment rien d'agreable ou de des-agreable dans la nature, dautant que ce qui plaist à l'vn déplaist à l'autre.

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C. Cons, I, 01
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001-002

Et puis, quel plaisir y a t'il d'apperceuoir que l'air est battu deux ou trois fois par vne chorde, pendant qu'il est battu quatre ou six fois par vn autre ? L'oreille & l'imagination n'est-elle pas plus contente de demeurer en repos que d'estre trauaillee par quarante-huit battemens d'air d'vn costé, & par nonante & six de l'autre, comme il arriue lors qu'on fait l'Octaue ?
D'ailleurs, pourquoy les battemens qui font la Seconde ou la Septiesme mineure, sont-ils plus des-agreables que ceux qui font la Quinte ou la Tierce ? Certainement cette difficulté n'est pas l'vne des moindres de la Musique ; car si le vray plaisir consiste à conseruer ou à faire croistre ce que nous auons, il est difficile de monstrer que les battemens d'air qui font les Consonances, aident à nostre conseruation, et augmentent la perfection du corps ou de l'esprit, puis que l'on experimente que ceux qui n'aiment pas la Musique, & qui la tiennent inutile, ou tout au plus indifferente, ne sont pas moins parfaits du corps & de l'esprit que ceux qui l'aiment auec passion.

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C. Cons., I, 01
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002
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1

Mais puis que tous les autres auoüent & asseurent que les interualles que nous appellons consonans sont agreables, & que les dissonans sont des-agreables, et que nous auons d'assez bonnes raisons pour prouuer cette verité, il n'y a nul danger d'asseurer qu'il y a des Consonances et des Dissonances, dont ie traiteray amplement dans ce liure, quand i'auray respondu aux obiections precedentes, dont la premiere oppose tous ceux qui ne trouuent rien d'agreable dans la nature, ce qui ne peut arriuer […]
Ceux qui desireront voir d'où l'on doit prendre le iugement des sons, et de leur agreement, pourront lire la 6 question des Preludes de l'Harmonie, où ie determine si le sens de l'oüye doit estre le iuge de la douceur des Concerts, ou si cét office appartient à l'entendement : & puis i'ay rapporté beaucoup de choses sur ce sujet dans la premiere question Harmonique, dans laquelle i'examine fort amplement si la Musique est agreable, si les hommes sçauans y doiuent prendre plaisir, et quel iugement l'on doit faire de ceux qui ne s'y plaisent pas, ou qui la mesprisent. […]
Quant aux raisons pour lesquelles les battemens d'air qui font les Consonances sont agreables, & ceux qui font les Dissonances sont des-agreables, ie les expliqueray dans le discours particulier de chaque Consonance, et dans celuy que ie feray de la Beauté & de la Proportion qui rend les choses agreables.

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C. Cons., I, 01
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002
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2

Mais afin que l'on ait quelque legere connoissance des Consonances dont nous parlerons desormais, ie les expliqueray icy briefuement dans les tables qui suiuent, & qui font voir toutes les simples Consonances, dont la premiere explique tellement leurs termes, que le plus grand nombre represente la plus longue ou la plus grosse chorde, & commence par l'Vnisson qui est marqué par l'vnité, & puis les autres suiuent depuis la moindre Consonance, à sçauoir depuis la Tierce mineure iusques à l'Octaue. Mais la seconde qui commence par l'Octaue, & finit par la Tierce mineure, represente les mouuemens ou les battemens de l'air qui font lesdites Consonances. C'est pourquoy ses moindres nombres qui sont en bas representent les plus grandes chordes, dont les retours sont plus lents ; & les plus grands nombres qui sont en haut signifient le plus grand nombre des retours & des battemens que font les moindres chordes. [Vnisson. Tierce mineure. Tierce maieure. Quarte. Quinte. Sexte mineur. Sexte maieur. Octaue.]

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C. Cons., I, 01
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003
Sequence: 
1

Quant aux repliques ou repetitions des Consonances, i'en parleray dans vn autre lieu. Neanmoins ie veux remarquer toutes les Consonances qui sont naturelles, afin de confirmer qu'il y a des Consonances dans la nature, puis que la Trompette nous les apprend, car lors qu'on en joüe, & que l'on commence par le son le plus graue de tous ceux qu'elle peut faire, l'on ne sçauroit passer de ce premier son à aucun son plus proche qu'à celuy de l'Octaue ; si l'on veut monter plus haut que le second son il faut faire vne Quinte entiere ; & si l'on passe outre, l'on ne peut faire vn moindre interualle que la Quarte : de sorte que ces trois interualles suiuent le progez naturel des nombres ; & si l'on fait vn 4 et vn 5 interualle, l'on fera la Tierce majeure & la mineure, dont le son aigu est éloigné d'vne Douziesme du plus graue de la Trompette.

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C. Cons., I, 01
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003
Sequence: 
2

Or ie donneray la raison pourquoy la Trompette fait plustost ces interualles que nuls autres dans le discours particulier de la Trompette ; car il suffit maintenant de marquer tous ces interualles dans la table qui suit, dont le premier rang contient les trois clefs de la Musique ; le second les notes ordinaires ; le troisiesme les nombres, qui monstrent tellement la raison des 6 consonances, que les plus grands signifient les plus grandes chordes : mais le dernier rang contient les nombres qui continuent tellement les raisons, que les moindres nombres signifient les retours des plus grandes chordes ; et parce qu'ils sont beaucoup moindres que ceux du 3 rang, quoy qu'ils soient les moindres de tous ceux qui peuuent continuer les raisons de toutes les consonances, il s'ensuit que la representation des battemens de l'air est plus excellente que celle de la longueur des chordes, puis que les nombres qui signifient lesdits battemens s'éloignent moins de l'vnité, qui est la source de la science, de la perfection, & du plaisir.

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C. Cons., I, 01
Page: 
003
Sequence: 
3

Or puis que nous auons parlé des Dissonances dans ce discours, il est raisonnable de les expliquer dans la table qui suit, & qui contient les six simples Dissonances qui sont comprises par l'Octaue. Où il faut remarquer que les moindres termes signifient les plus grandes chordes, parce qu'elles ne battent pas tant de fois l'air que les moindres qui sont representees par les plus grands nombres. [Dissonances. Semidiapente. Seconde mineure. Seconde maieure. Triton. Faussequinte. Septiesme mineure. Septiesme maieure]

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C. Cons., I, 01
Page: 
003-004

Mais ie veux encore donner vne autre figure qui contiendra les trois precedentes, & tous les degrez qui sont dans la [p004] Vingtdeuxiesme, dont la premiere colomne a 22 notes, la seconde contient les nombres qui expliquent les raisons de chaque degré suiuant la vraye Theorie, qui met l'inégalité des sons, c'est à dire qui met le ton majeur & le mineur, & consequemment les Tierces & les Sextes iustes, & qui vsent des moindres nombres pour signifier le moindre nombre des retours que font les plus longues ou les plus grosses chordes, & des plus grands pour exprimer le plus grand nombre des retours que font les moindres chordes ; ce qui n'arriue pas à la troisiesme colomne, à raison qu'elle a les nombres Pythagoriques, qui n'ont que le ton majeur, & qui n'ont point d'autre demiton que le Pythagorique, dont nous parlerons ailleurs. [Consonances. Nombres Legitimes. Nombres Pythagoriques. Notes. Consonances. Dissonances. VT, RE, MI, FA, SOL, LA, BI]

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C. Cons., I, 01
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004

La quatriesme [colonne de la figure] contient les syllabes qu'il faut prononcer sur chaque note : où il faut remarquer que i'vse de la nouuelle maniere de chanter dans les syllabes de la premiere Octaue, afin de monstrer comme l'on peut chanter sans muances en mettant la syllabe BI au lieu de MI, & en disant Vt, re, mi, fa, sol, la, bi, vt, au lieu de Vt, re, mi, fa, sol, re, mi, fa, qui suiuent en montant pour accomplir le Trisdiapasion de cette table. Mais i'expliqueray cette maniere de chanter plus au long dans le traité de la Methode & de l'Art de bien chanter. La cinquiesme monstre toutes les Consonances qui sont dans trois Octaues, c'est à dire dans la Vingtdeuxiesme ; & la derniere contient les Dissonances, dont ie traiteray plus particulierement en plusieurs propositions […] [Consonances. Nombres Legitimes. Nombres Pythagoriques. Notes. Consonances. Dissonances.]

Details

Volume: 
C. Cons., I, 01
Page: 
005
Sequence: 
1

Or il faut commencer par l'Vnisson, dautant qu'il est plus simple que les Consonances, & moins simple que le son, puis qu'il n'est pas possible de faire l'Vnisson, si du moins l'on n'vse de deux sons differens ; de sorte que l'Vnisson s'éloigne de la simplicité du son, comme la raison d'égalité s'éloigne de l'vnité : quoy que l'on ne puisse pas comparer le son auec l'vnité en toutes choses, dautant que le son est composé de plusieurs battemens d'air, & que l'vnité n'est nullement composee ; & puis le son est materiel, & l'vnité est immaterielle : & finalement le son dépend de l'oreille & de l'air, & l'vnité ne dépend que de Dieu, ou de l'entendement. Mais ie parleray plus amplement de la difference de l'Vnisson d'auec le son dans la proposition qui suit.

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