Alborada, ou alvorada,f. La matinée, une aubade, c'est une musique de voix, ou d'instrument qui se fait ordinairement par les amoureux à l'aube du jour devant l'huis de leurs maistresses.
[. .] tel est d'vn temperament chaud & bilieux, qui a la voix aussi graue & aussi forte que celuy qui a le temperament froid & terrestre: & l'on trouue des Chantres dont la Basse est égale, qui ont le temperament bien different; de sorte qu'il faut conclurre [sic] que le grauue & l'aigu de la voix n'est pas vn signe infaillible du temperament, ny de la force de l'homme, ou de l'animal; & plusieurs ont la voix aussi forte & grosse, qui sont plus foibles que ceux qui l'ont plus foible & plus aiguë. De là vient que la gravité de la voix ne conclud autre chose qu'vne plus grande ouuerture de la glotte; & que la force de la voix n'est signe ou celle du poulmon, ou de la force des muscles du larynx. neantmoins l'on peut dire que les plus grosses & les plus fortes voix sont souuent accompagneées d'vne plus grande force de corps, dont elles sont comme le symbole & la marque.
Laquelle cognoissance [des modes] est si utile & proufitable, non seulement aux maistres de chapelle, & à ceux qui font profession d’enseigner la Musique, mais aussi aux simples Musiciens; que sans icelle, ceux-là ne se peuuent deuëment acquitter d’vn seul poinct de leur deuoir, soit pour bien dresser vn chœur, ou concert de Musique, & do[n]ner vn ton propre, & conuenable aux voix; soit pour remettre et rabiller bien tost les faultes qui se peuuent commettre en chantant […].
Et [le diapason] est aussi la mesure essentielle [de la musique], par-ce que ce qui est pardessus le diapason, est le mesme que ce qui est contenu en iceluy: ce qui se voit [p4]clairement, par les sept lettres premieres de l’alphabeth (comme a esté dict) A. B. C. D. E. F. G. par lesquelles il faut passer pour former un diapason, d’autant que du diapason en auant, il faut repeter de nouueau les mesmes lettres: ce qui signifie, que ce sont aussi les mesmes consonances, & les mesmes voix, que les premieres.
[…]plusieurs autres donnent tesmoignage des sept voix differentes susdites, par-ce que la viij. respond à la premiere, la ix. à la ij. & ainsi des autres.
Qui est cause, que Pline […] appelle le diapason l’assemblee de tous les accords; Et Pythagore estimoit (comme dict Plutarque) que c’estoit assez, d’arrester & diffinir de la Musique, iusque au composé du diapason, d’autant que ce qui est pardessus, est de mesme nature & condition que ce qui [p5] est contenu en iceluy.
Feste et esbat cest chanterie / La devant dieu en voix serie / On ne sçaroit bien dire lose / A comparer a plus grant chose / Leur beau passe temps qua musique / Tant est ioyeuse et angelicque / Tesmoing tous bons entendemens / Et les musicaulx instrumens / Quo[n]t les sai[n]tz anges par droictures / Par tout en ces belles paintures / Pourquoy au gra[n]t ho[n]neur et gloire / Des chantres dignes de memoire / Quon ne scaroit trop exaulcer / Ne priser ce doibs tu penser / Ma pleu de dire ces beaux mos / Pour donc repre[n]dre mon propos / La sont les grans musiciens / Qui composent tousiours liens / Comme iapercoy en maint lieu / A la grant louange de dieu / Quelque chanterie nouuelle [f113v] / Doulce plaisant deuoste et belle / Hympnes, proses, messe, motez / Que la caboche en milletes / Te puist on espoutrer quoquart / De gros mailletz en beau piquart / A trois, a quatre, a cinq, a six / Bien remplis doulcement assis / Et tant plaisans, sans point doubter / Que qui les chante ou oit chanter / En a le cueur tout resjouy / Co[m]me dompstaple et du fay / Qui tant doulcement en leur temps / Par bel et devost passe temps / Ont composay ce scay ie bien / Et plusieurs aultres gens de bien / Robinet de la magdalaine / Binchoiz, fede, iorges et hayne / Le rouge, alixandre, okeghem / Bunoiz, basiron, barbingham / Louyset, mureau, prioris / Jossequin, brumel, tintoris / Et beaucoup daultres ie tasseure / Dont nay pas memoire a ceste heure / Je te vueil bien dire quilz font / Grant honneur es lieulx ou ilz sont / Cest ung deduyt que destre la / Et si te dy avec cela / Pour resveiller bien les oreilles / Quilz iouent si bien que merveilles / Des orgues en tant de beaux lieux / Lune des choses soubz les cieulx / Qui est plus plaisante a ouir / Pour tout humain cueur resiouir / Et doibs scauoir que cest lyens / Que les grans princes terriens / Se fournissent pour leurs chapelles / De bons chantres et de voix belles / Dorganistes semblablement / Bien iouans merveilleusement
Au dedans de ceste voulte y auoit dix concerts de musique, differens les vns des autres : & fust ceste voulte dicte & appelee Doree, tant à cause de sa grande splendeur, que pour le son & harmonie de la musique, qui y fut chantee : laquelle pour ses voix repercussives, aucuns de l’assistance estimerent estre la mesme voix qui fut conuertie en air repercussif, appelé depuis Echo : & d’aultres plus instruits en la discipline Platonique, l’estimerent estre la vraye harmonie du ciel, de laquelle toutes les choses qui sont en estre, sont conservees & maintenues.
En cest equipage entrerent en la salle, chantans la chanson suyuante : à chacun couplet de laquelle, respondoit de la voulte d’or l’vne des musiques, toute à voix.
Chanson des Sereines […] A sa trompe accordez vos voix Pour chanter d’un grand Roy la louange immortelle. On voit de la mer sortir […] Le chœur des sœurs Nereides […] Tethys s’arreste à la voix De Glauque, qui de ses doigts Touche les nerfs d’une Lyre : Allons son chant escouter, Il me semble lamenter […]
Deçà & delà […] marchoyent à pied huict Tritons à longues queuës, […] representez par les chantres de la chambre du Roy, ioüans de lyres, lutz, harpes, flustes, & autres instrumens, auec les voix meslees.
Chant des satyres
O Pan, Diane irritee S’est des forests absentee Et tant de nymphes des bois Qui souloyent dessous leur dance Presser l’herbe à la cadance Des doux accords de leurs voix.
Dessus la lyre d’yvoire Elles chantoyent la victoire De Iupiter Roy des Dieux, Armé de foudre & d’orage, Qui meit des Geans la rage Sous ses pieds victorieux.
Leur bal estoit delectable, Et leur voix tres-agreable, Aussi Phebus la prisoit : Quand elles chantoyent de France Les loix, les Rois, l’abondance,
Leur vers tant plus nous plaisoit.
Le chant qui frape l’oreille, La reiouit à merveille S’il publie la vertu D’vn Roy, graue de iustice, Qui par ses mœurs a le vice Non par force combatu.
Dés que ce bois ainsi meublé se presenta à la veue des Satyres, ils changerent aussi tost de chant, & dirent la chanson suyuante : laquelle dura iusques à ce qu’ils furent deuant le Roy, sans que la musique de la voute doree oubliast son deuoir & coustume de respondre auec les voix & instruments.
Deux d’entre elles ioüyoient de luts, & les deux autres chantoyent, qui donnerent grand plaisir à la compagnie, pour la douceur de leurs voix excellentes : auec lesquelles ils dirent la chanson suyuante, respondant à icelles la voulte doree.
Et ce pendant la musique de la voulte doree, composee d’instrumens & de toutes voix ensemble, commença ainsi que s’ensuit, auec vne telle douceur & harmonie, que les assistans comme estonnez pensoyent ouir à l’arriuee de ceste deesse, quelque partie de la melodie harmonieuse des cieux.
L’Eschelle est vne constitution de plusieurs lignes & espaces esgalement produits, contenant en soy certains ordres de clefs, & de deductions de voix ordonnées selon trois diuers chants. Et est dicte eschelle par similitude: Car tout ainsi qu’en vne eschelle on peut monter, & deualer de degrés en degrés haut, ou bas selon qu’on veult, aussi de clef en clef, on peut co[m]modement par icelle esleuer, ou abaisser sa voix à son plaisir.
Trois ordres de clefs. BAS. MOYEN. HAVT. Signes des clefs principalles. Lettres des Clefs. Esleuation de voix, selon les Clefs ascendantes. F-fa vt. G-sol-re-vt. A la mi re. B-fa-♮mi. C sol fa vt. D-la-sol-re. E la mi. f-fa-vt. g sol re vt. a-la-mi-re. b fa ♮mi. c-sol-fa-vt. d la sol re. e-la-mi. ff fa vt. gg-sol-re-vt. aa la mi re. bb-fa♮mi. cc sol fa vt. dd-la-sol-re. ee la mi. Depression de voix, selon les clefs descendantes. Deductions du bas ordre, Deductions du moyen ordre, Deductions du haut ordre selon le chant de 1. ♭mol, 2. ♮dur, 3. Nature : vt, re, mi, fa, sol, la.
Icelle [l’eschelle] est principaleme[n]t diuisée en deux, sçauoir est en ordres de clefs, & deductions de voix. Et pour autant qu’on ne peut bonnement auoir l’intelligence des clefs (lesquelles sont co[m]posées principaleme[n]t de voix) ne des deductions de voix, sans premierement entendre que c’est que voix. Il sera bon, auant que passer outre, icelles briesuement declairer. Icy donc nous appelons voix, vn son par lequel la vertu des clefs est exprimée, & sont six en tout demonstrées par six sylabes, vt, re, mi, fa, sol, la : Dont les trois premieres (à sçauoir vt, re, mi) sont propres à monter, & trois autres (à sçauoir la, sol, fa) sont propres à deualer. Et pour ce que d’icelles les vnes profere[n]t vn son doux, les autres dur (à l’esgard des douces) les autres mediocres. Aucunes sont appellées Douces : vt, fa, Mediocres ou Naturelles : re, sol, Dures : mi, la.
Entre lesquelles [clefs] faut noter qu’il y en a trois pri[n]cipales signifiées par certai[n] characteres, touiours situés en lignes : par lesquels on peut cognoistre la situation de toutes les autres : Dont l’une est f fa vt du moyen ordre, demo[n]strée par tel charactere (a). L’autre de c sol fa vt du mesme ordre demo[n]strée par tel (b) La troisisme est gg sol re vt du haut ordre demonstrée par tel (c) Et ne sont iamais autre part situées q[ue] co[m]me l’o[n] les voit en l’eschelle. Reigle. S’il aduient aucunesfois qu’il faille mo[n]ter pl[us] haut, ou deualer plus bas, outres les trois ordres de clefs, alors faudra vsurper les voix des octaues.
Pour venir à la premiere partie de l'eschelle comprena[n]t l'ordre des clefs, faut sçauoir que c'est que clef. Clef donc n’est autre chose qu’une composition de lettres, & sylabes (representant voix) nous do[n]nant la premiere cognoissance du chant. Les lettres ne seruent qu’a garder l’ordre entre les sylabes, & icelles conioindre ensemble. Et sont dittes clefs par similitude pour auta[n]t qu’elles nous do[n]nent ouuerture du chant ainsi qu’une clef d’une serrure. Icelles sont diuisées en trois ordres esgaux, sçauoir est en bas, moyen, & haut.
Deduction est donc vne conduite de six voix, selon leurs chants & situations propres : & tout ai[n]si qu’il y a trois ordres de clefs, aussi sont trois deductions de voix comprises en chascun ordre : Dont la premiere est du chant de B mol, lequel prend tousiours son origine de l’vt de F f ffa vt estant demonstré par tel charactere b, lequel est ainsi appellé pour ce qu’en quelque lieu qu’il soit mis (qui est proprement en B b bb fa ♮ mi) il demo[n]stre q[ue] illec faut proferer fa, qui est vne voix douce (comme auons dit) à laquelle quand on monte faut faindre, & amolir sa voix ne l’esleuant que de demi ton seulement.
La seconde [deduction] est du chant de ♮ dur, lequel prend tousiours son origine de l’vt de G g gg sol re vt demo[n]stré le plus souuent par la figure d’un b quarré ainsi ♮ (Do[n]t aucuns luy ont do[n]né le nom) aucunesfois par telle xx estant appellée ♮ dur, pour auta[n]t qu’e[n] quelque lieu semblablement qu'elle soit signée (qui est aussi proprement en B b bb fa ♮ mi) elle demonstre qu’il y faut proferer mi, qui est vne voix dure (à l’esgard de fa) à laquelle qua[n]d on monte faut esleuer sa voix d’un ton entier sans aucuneme[n]t la feindre, ou amolir : co[m]me dirons par cy apres.
De l’entonnement des six voix. Ayant cogneu les parties de l'eschelle à sçauoir l'ordre des clefs, & deductions de voix, il faut en apres sçauoir bien ento[n]ner ces six voix de deduction. Et pour ce co[m]modement faire, faut esleuer, ou abaisser sa voix de to[n] en ton, excepté de mi à fa ou de fa à mi, ou il ne faut qu’u[n] demy to[n].
Il est donc à sçauoir que ton n’est autre chose qu’une distance d’une voix à vne autre par vne seco[n]de parfaitte : laquelle se fait d’une ferme, & non fainte esleuation, ou abaissement de voix : Co[m]me d’vt iusques à re, de re à mi en montant, ou de mi à re, de re à vt en deuallant. Demi ton est vne distance d’une voix à vne autre p[ar] vne seco[n]de imp[ar]faitte, laquelle se fait d’une molle & fainte esleuation, ou abaisseme[n]t de voix de mi à fa, ou de fa à mi, ou bien de la à fa en montant, & de fa à la en descendant quand il ne faut monter que d’un degré par dessus les six voix. Et il ne faut entendre iceluy estre appellé demi ton, co[m]me n’estant que la moitié d’un ton : Car vn ton (Co[m]me dit Macrobe en son second liure Chap. j. sur le songe de Sçipion) selon sa nature ne peut estre diuisé en deux : & pourta[n]t il est dit improprement demi ton pour ce qu’il ne se profere du tout si parfaitement qu’un ton.
Pour donc bien & seurement ento[n]ner ces six voix, faut (co[m]me auons dit) premiereme[n]t sçauoir esleuer & abaisser de ton en ton, ou bien de secondes en seco[n]des : puis de Tierces en tierces, de Quartes en quartes, de Quintes en quintes, finablement de Sextes en sextes.
Reigle. Toutesfois & quantes que par dessus ces six voix s’en trouuera vne seule n’excedante que d’vne seco[n]de, elle s’appellera fa, sa[n]s faire muance, laquelle faudra profferer mollement mesmement sans aucun signe de ♭ mol, porueu que celuy de ♮ dur n’y soit mis.
Des muances. Estant exercé à bien entonner ces six voix, faudra apres sçauoir deualler plus bas, ou mo[n]ter plus haut que icelles : ce qu'on ne peult bonnement faire sa[n]s muance. Pour donc ce mieux ente[n]dre, & pouuoir faire, fault sçauoir que c'est que muance, et co[m]me elle se fait.
Muance (comme disent plusieurs) est vn cha[n]gement d’vne voix pour vne autre en vne mesme clef, pour monter ou deualler d’une deduction en autre, & pourtant elle se fait tant en montant, qu’en deuallant. Pour monter il conuient pre[n]dre re, & pour deualler la, & combien qu’il y aye quelque raison p[our] laquelle on deburoit prendre vt pour monter, aussi bien que la pour deualler : Toutefois puisque l’usage est ainsi receu par tout, ie ne veux pas m’ingerer à rien co[n]tredire en c’est endroit.
Laquelle cognoissance [des modes] est si utile & proufitable, non seulement aux maistres de chapelle, & à ceux qui font profession d’enseigner la Musique, mais aussi aux simples Musiciens ; que sans icelle, ceux-là ne se peuuent deuëment acquitter d’vn seul poinct de leur deuoir, soit pour bien dresser vn chœur, ou concert de Musique, & do[n]ner vn ton propre, & conuenable aux voix ; soit pour remettre et rabiller bien tost les faultes qui se peuuent commettre en chantant […].
Et [le diapason] est aussi la mesure essentielle [de la musique], par-ce que ce qui est pardessus le diapason, est le mesme que ce qui est contenu en iceluy : ce qui se voit [p4] clairement, par les sept lettres premieres de l’alphabeth (comme a esté dict) A. B. C. D. E. F. G. par lesquelles il faut passer pour former un diapason, d’autant que du diapason en auant, il faut repeter de nouueau les mesmes lettres : qui nous signifie, que ce sont aussi les mesmes consonances, & les mesmes voix, que les premieres.
[…] plusieurs autres donnent tesmoignage des sept voix differentes susdites, par-ce que la viij. respond à la premiere, la ix. à la ij. & ainsi des autres. Qui est cause, que Pline […] appelle le diapason l’assemblee de tous les accords ; Et Pythagore estimoit (comme dict Plutarque) que c’estoit assez, d’arrester & diffinir de la Musique, iusque au composé du diapason, d’autant que ce qui est pardessus, est de mesme nature & condition que ce qui [p5] est contenu en iceluy.
Le sujet, & le premier element de la musique, est le son : non tel quel, mais seulement celuy qui est d'vne harmonieuse estenduë (com[m]e dict Thiard) entendant par ce mot, harmonieuse, que la voix puisse estre baissee, ou haussee ; & par ce mot, estenduë, ou duree, qu'elle demeure ferme & stable en vn mesme estat, affin d'exclure le tonnere, ou tel autre extreme bruict inconstant, duquel on ne peut comprendre l'estat : com[m]e aussi vn son si infirme, qu'on n'en pourroit remarquer la continuation ou estat : lesquels ne peuuent de rien seruir à ceste science.
clef, n'est autre chose icy, qu'vne composition de lettres & syllabes (representant voix) nous donnant la premiere cognoissance du chant : & est dicte clef, par similitude, pour-autant qu'elle nous donne ouuerture du chant, comme vne clef d'vne serrure.
Les lettres ne seruent qu'à garder l'ordre entre les syllabes, & icelles conioindre ensemble. Les sillabes sont six en tout, à sçauoir, vt, re, mi, fa, sol, la. Lesquelles aucuns appellent voix, d'autant qu'elles nous rendent vn son, par lequel la vertu des clefs est exprimée : & pource que d'icelles les vnes profere[n]t vn son doux, les autres dur, & les autres mediocre, aucunes sont appellées douces {vt fa : les autres dures {mi la ; & les autres mediocres {re sol. Des six voix susdits sont instituées trois deductions, selon trois divers chants, a sçauoir ♮ quaire, nature, ♭mol.
Deduction est vne conduyte des six voix [...], selon leur chant & situation propre (comme dict Guilliand au 4. chap. de son 2. traicté) & tout ainsi qu'il y a trois ordres de clefs, aussi y a il trois deductions de voix, comprises en chascun ordre. Dont la premiere est du chant de ♮ quaire, lequel pre[n]d tousiours son origine de l'vt de G solreut : la deuxième est [p10] du chant de nature, lequel prend tousiours son origine de l'vt de C solfavt : & la troisiesme est du chant de ♭mol, lequel prend son origine de l'vt de Ffaut, estant demonstré par ce charactere, ♭. Exemple.
Et combien que les clefs [...], en leur constitution ordinaire, soient disposées et distinguées par lignes [p11] & espaces esgales, si est-ce que les voix y conduites sont differentes & inesgales : par-ce que du mi au fa, il n'y a que demy ton, encor que l'espace soit esgal à celuy du re au mi, où il y a vn ton. Qui est cause, que des sept clefs susdictes, encores qu'elles contiennent sept voix differentes [...] il n'en reuient toutesfois, pour la matiere du diapason, que cinq tons, & deux demy tons petits, lesquels ne peuuent accomplir vn ton, ayant moins d'vn comma. Car le ton est diuisé en deux demy tons, l'vn petit, et l'autre grand. Le petit demy ton s'appelle diese, ou diacisme : le grand demy ton s'appelle apotome, & ce en quoy le grand excede le petit s'appelle coma.
L'on peut se servir des Sons de chaque instrument de Musique, & des differens mouuemens que l'on leur donne pour discourir de toutes sortes de suiets, & pour enseigner & apprendre les sciences. Cette proposition est excellente, car elle enseigne la maniere de discourir de toutes choses en ioüant des instrumens, encore que celuy qui les touche, ou qui en oyt ioüer soit muet, car l'on peut discourir auec vn autre en ioüant de l'Orgue, de la Trompette, de la Viole, de la Fleute, du Luth & des autres instrumens, sans que nul puisse entendre le discours, que celuy qui sçait le secret, ce qui se peut pratiquer en plusieurs manieres. En premier lieu si le ioüeur d'instrumens, & l'auditeur se seruent d'vne tablature qui contienne toutes les lettres de l'alphabet : car chaque Son exprimera chaque lettre ; par exemple, les trois notes, ou les trois voix qui se treuuent dans G, re, sol, vt, pourront seruir pour ces trois lettres R, S, V, &c. & l'auditeur ayant son Luth, ou sa tablature deuant les yeux verra clairement les dictions que formera le ioüeur auec les Sons de son instrument, auquel il pourra respondre en ioüant d'vn autre instrument.
Proposition XXXI. A sçauoir si le Son aigu est plus agreable & plus excellent que le graue. Cette question peut estre decidée par l’experience & par la raison, mais il faut prendre le graue, & l’aigu d’vn mesme genre ; c’est à dire sur vn mesme instrument, ou dans les voix humaines, car ce seroit vne autre difficulté, si l’on vouloit faire comparaison de la voix aiguë d’vn homme, & du son graue d’vne Viole, ou d’vn Luth. L’on peut donc entendre cette difficulté de la comparaison du Son graue, & de l’aigu d’vn mesme instrument, par exemple du Luth, de la Viole, de l’Epinette, ou de l’vn des ieux d’Orgues, ou de la voix humaine : & la comparaison des voix se peut faire en deux manieres, à sçauoir de la voix graue de celuy qui fait la Basse, & de l’aiguë d’vn enfant, ou de la voix graue et aiguë d’vne mesme personne. Mais il ne faut pas comparer vne bonne voix auec vne mauuaise, car la bonté de la voix graue doit estre esgale à celle de l’aiguë, afin que la comparaison soit parfaite.
Proposition V. Expliquer la maniere de nombrer tres-aysément tous les tours & retours de chaque chorde de Luth, de Viole, d’Epinette, &c. & determiner où finit la subtilité de l’œil & de l’oreille. […] Il faut donc premierement determiner le son que l’on desire de la chorde, auant que de demander le nombre de ses retours, parce qu’elle en fait vn nombre d’autant plus grand dans vn mesme temps qu’elle a le son plus aigu. Ie suppose donc que l’on vueille sçauoir le nombre des retours de la chorde d’vne Epinette, ou d’vn Luth, lors qu’elle est à l’vnisson du ton de Chapelle, que l’on prend sur vn tuyau de quatre pieds ouuert, ou de deux pieds bouché faisant le G re sol, sous lequel les voix les plus creuses, ou les plus basses de France peuuent seulement descendre d’vne Quinte pour arriuer iusques au C sol vt. Or chacun peut porter ce ton auec soy par le moyen d’vne clef percée, ou d’vn Flageollet, qui monte à l’Octaue, à la Quinziesme, ou à tel autre interualle que l’on voudra par dessus ledit G re sol, parce qu’il suffit de se souuenir que ce son est plus haut que ledit ton de Chapelle d’vn interualle donné, pour l’exprimer apres auec la voix, ou autrement.
Cecy estant posé, ie dis premierement que la chorde qui fait ledit ton de G re sol, qui est le plus bas que ma voix puisse descendre bat 168 fois l’air, c’est à dire qu’elle passe 168 fois en son centre, ou par sa ligne de direction dans le temps d’vne seconde minute, ou qu’elle reuient 84 fois vers celuy qui la pousse, ou qui la tire. En second lieu, qu’vne chorde longue de dix-sept pieds & demi suffit pour en faire l’experience, d’autant qu’elle ne tremble pas trop viste, & qu’elle donne loisir de conter ses retours, comme l’on peut voir auec vne chorde de Luth, ou de Viole de la grosseur de celles dont on fait les montants des Raquettes (que l’on fait de douze intestins de mouton) laquelle reuient seulement deux fois dans le temps d’vne seconde, lors qu’elle est tenduë auec vne demie liure, quatre fois estant tendüe de deux liures, & huit fois estant tendüe de huit liures : or si l’on fait sonner vne partie de la chorde qui n’ayt que dix pouces, quand elle est bandée auec quatre liures, elle monte à l’vnisson du ton de chapelle, & quand elle est bandée de huit liures, estant longue de vingt pouces elle monte au mesme ton, & finalement quand elle n’est tenduë que par la force d’vne demie liure, elle fait le mesme ton, en prenant seulement la longueur de cinq pouces. […]
PROPOSITION VI. Les voix des hommes sont aussi differentes que leurs visages ; de sorte que l'on se peut reconnoistre & distinguer les vns des autres par la Voix ; & consequemment l'on peut establir la Phtongonomie, ou la Phoniscopie pour la Voix, comme la Physionomie pour les Visages.
L'experience enseigne la verité de cette Proposition, car la voix nous donne plus de lumiere pour connoistre quelqu'vn que ne fait le toucher ; de là vient qu'Isaac fut trompé en touchant Iacob qu'il reconnut à la voix. Et si l'on rencontre des hommes qui ayent la voix si semblable qu'on n'y puisse trouuer de difference, il y a semblablement des visages que l'on ne peut distinguer les vns d'auec les autres. Or ie parle maintenant de la voix naturelle qui n'est pas déguisée ; car ie feray vn discours particulier des voix que l'on contrefait, & que l'on imite si parfaitement, qu'elles peuuent aussi bien tromper l'oreille, comme la semblance des escritures & des visages trompe l'oeil. Galien a reconnu la capacité du thorax par la voix, quand il a dit que ceux qui ont la voix forte, & qui la peuuent continuer sans interruption, ont vn grand thorax : Ce qu'il confirme par l'exemple de ceux qui font faire audience dans les lieux publics, en faisant vne dipodie Iambique, qui se trouue en ces deux dictions, ἄκουε λαὸς ou ἄκουε πᾶς ; ce qu'il appelle, dire le pied, πόδα λέγειν, suiuant l'explication de Ioseph Scaliger, qui compare cette dipodie à celle de ces paroles, or escoutez ; & qui reprend l'explication de Mercurial, qui entend ce passage de la voix, dont on vsoit pour appeller les Luiteurs à la course, ou au combat. Pollux parle d'vn autre pied qu'il falloit laisser entre le lieu destiné pour le ieu des trompettes, & celuy où l'on bastissoit des maisons.
A quoy l'on peut adiouster que le visage, & la voix sont les miroirs de l'ame, qui suppleent en quelque façon à la fenestre que Momus desiroit vis à vis du coeur.
PROPOSITION VII. La Voix des animaux sert pour signifier les passions de l'ame, mais elle ne signifie pas tousiours le temperament du corps. L'experience enseigne la premiere partie de cette Proposition ; car les oiseaux, les chiens, & les autres animaux font vn autre cry quand ils se faschent, qu'ils se plaignent, ou qu'ils sont malades, que quand ils se réjoüissent, & se portent bien ; & la voix est plus aiguë en la tristesse & en la cholere, que hors de ces passions ; car la bile fait la voix aiguë, la melancholie, & le phlegme la fait graue, & l'humeur sanguin la rend temperée. De là vient que l'aiguë est comparée au feu, la graue à la terre & à l'eau, & la temperée à l'air.