Et au regard des instruments de musicque, il apprit à jouer du luc, de l'épinette, de la harpe, de la flûte de Allemand et à neuf trous, de la viole, et de la sacqueboutte.
Le sujet, & le premier element de la musique, est le son: non tel quel, mais seulement celuy qui est d'vne harmonieuse estenduë (com[m]e dict Thiard) entendant par ce mot, harmonieuse, que la voix puisse estre baissee, ou haussee; & par ce mot, estenduë, ou duree, qu'elle demeure ferme & stable en vn mesme estat, affin d'exclure le tonnere [sic], ou tel autre extreme bruict inconstant, duquel on ne peut comprendre l'estat: com[m]e aussi vn son si infirme, qu'on n'en pourroit remarquer la continuation ou estat: lesquels ne peuuent de rien seruir à ceste science.
Feste et esbat cest chanterie / La devant dieu en voix serie / On ne sçaroit bien dire lose / A comparer a plus grant chose / Leur beau passe temps qua musique / Tant est ioyeuse et angelicque / Tesmoing tous bons entendemens / Et les musicaulx instrumens / Quo[n]t les sai[n]tz anges par droictures / Par tout en ces belles paintures / Pourquoy au gra[n]t ho[n]neur et gloire / Des chantres dignes de memoire / Quon ne scaroit trop exaulcer / Ne priser ce doibs tu penser / Ma pleu de dire ces beaux mos / Pour donc repre[n]dre mon propos / La sont les grans musiciens / Qui composent tousiours liens / Comme iapercoy en maint lieu / A la grant louange de dieu / Quelque chanterie nouuelle [f113v] / Doulce plaisant deuoste et belle / Hympnes, proses, messe, motez / Que la caboche en milletes / Te puist on espoutrer quoquart / De gros mailletz en beau piquart / A trois, a quatre, a cinq, a six / Bien remplis doulcement assis / Et tant plaisans, sans point doubter / Que qui les chante ou oit chanter / En a le cueur tout resjouy / Co[m]me dompstaple et du fay / Qui tant doulcement en leur temps / Par bel et devost passe temps / Ont composay ce scay ie bien / Et plusieurs aultres gens de bien / Robinet de la magdalaine / Binchoiz, fede, iorges et hayne / Le rouge, alixandre, okeghem / Bunoiz, basiron, barbingham / Louyset, mureau, prioris / Jossequin, brumel, tintoris / Et beaucoup daultres ie tasseure / Dont nay pas memoire a ceste heure / Je te vueil bien dire quilz font / Grant honneur es lieulx ou ilz sont / Cest ung deduyt que destre la / Et si te dy avec cela / Pour resveiller bien les oreilles / Quilz iouent si bien que merveilles / Des orgues en tant de beaux lieux / Lune des choses soubz les cieulx / Qui est plus plaisante a ouir / Pour tout humain cueur resiouir / Et doibs scauoir que cest lyens / Que les grans princes terriens / Se fournissent pour leurs chapelles / De bons chantres et de voix belles / Dorganistes semblablement / Bien iouans merveilleusement
Vous pouviez encor alleguer, que nostre seigneur (en Sainct Mathieu unziesme et Sainct Luc 7) reprochoit aux pharisiens, rebours et mal affectionnez, Nous avons chanté et flutté, et vous n’avez pas dancé. Je vous diray, il vous fault faire comme fit Demetrius lequel ayant blasmé les dances, après qu’il eut veu dancer une mascarade en laquelle on representoit l’adultere de Mars et Venus, confessa qu’il n’y avoit si belle chose au monde. Vous pouvez en peu de temps recouvrer ceste perte consideré mesmement que vous estes musicien, et que la dance est dependant de la musique et modulations d’icelle, qui est un des sept arts liberaux.
Surquoy ie luy remontray que mon dessein estoit composé de trois parties, sçauoir des poësies, qui deuoyent estre recitees : de la diuersité de musiques, qui deuoyent estre chantees : & de la varieté des choses, qui deuoyent estre representees par la peinture.
Elle commanda pareillement au sieur de Beaulieu (qui est à elle) qu’il fist & dressast en son logis tout ce qui se pouuoit dire de parfaict en musique, sur les inuentions qui luy seroyent par moy communiquees, seruans au suject de la matiere.
Au milieu duquel à l’obiect de ceste grotte, fut faitte vne motte de terre, qui prenoit sa leuee au pied d’icelle grotte : sur laquelle estoit assis le Dieu Pan vestu en Satyre, enuelopé d’vn mandillet de toile d’or, ayant vne couronne d’or sur sa teste, & tenant en sa main gauche vn baston noüailleux & espineux, & en la droite ses flageolets ou tuyaux dorez, desquels il deuoit sonner en temps ordonné. Au dedans de la grotte, & derriere l’huys d’icelle, fut disposee la musique des orgues doulces, pour iouër aussi en temps & lieu […]
Au dedans de ceste voulte y auoit dix concerts de musique, differens les vns des autres : & fust ceste voulte dicte & appelee Doree, tant à cause de sa grande splendeur, que pour le son & harmonie de la musique, qui y fut chantee : laquelle pour ses voix repercussives, aucuns de l’assistance estimerent estre la mesme voix qui fut conuertie en air repercussif, appelé depuis Echo : & d’aultres plus instruits en la discipline Platonique, l’estimerent estre la vraye harmonie du ciel, de laquelle toutes les choses qui sont en estre, sont conservees & maintenues.
[…] & estoit ce lieu plus remarquable, d’autant qu’il falloit que par iceluy passassent les musiques des intermedes, & les chariots, qui s’alloyent presenter deuant le Roy.
En cest equipage entrerent en la salle, chantans la chanson suyuante : à chacun couplet de laquelle, respondoit de la voulte d’or l’vne des musiques, toute à voix.
Mais dés que ceste belle compagnie eut comparu deuant leurs maiestez, aussi tost ceste musique cessa, & lors Glaucus & Tethys se meirent à chanter seuls le dialogue suyuant : à la fin de chacun couplet duquel, toute la musique des Tritons respondoit, reprenant les deux derniers vers, ainsi que verrez cy dessous.
Ces Satyres faisans le tour de la salle, continuerent leur chanson de musique : & à chacun des couplets vne des musiques de la voute doree respondoit, comme verrez cy apres.
Dés que ce bois ainsi meublé se presenta à la veue des Satyres, ils changerent aussi tost de chant, & dirent la chanson suyuante : laquelle dura iusques à ce qu’ils furent deuant le Roy, sans que la musique de la voute doree oubliast son deuoir & coustume de respondre auec les voix & instruments.
Au milieu d’iceluy estoit le Dieu Pan […] qui ayant descouvert les nymphes des bois approcher son temple, commença en signe de resiouissance pour leur venue, de iouër de son flageolet, duquel il a esté iadis l’inuenteur. Ce fut lors qu’on entendit vne douce, plaisante & harmonieuse musique des orgues, dedans la grotte, derriere le Dieu Pan : & cessant ceste musique d’orgues sourdes, la damoyselle de Victry s’addressant au Dieu Pan, luy parla en ceste sorte.
[…] apres les huict Satyres […] recommencerent lors la chanson qu’ils auoyent chantee à leur entree : & à chacun couplet la musique de la voute dorée respondoit : & durant ce chant, le bois des Dryades se retira & sortit de la salle.
Et ce pendant la musique de la voulte doree, composee d’instrumens & de toutes voix ensemble, commença ainsi que s’ensuit, auec vne telle douceur & harmonie, que les assistans comme estonnez pensoyent ouir à l’arriuee de ceste deesse, quelque partie de la melodie harmonieuse des cieux.
[…] et durant ceste descente la musique de la voute doree commença à chanter auec nouueaux intruments, & differents des precedens : la plus docte & excellente musique, qui iusqu’à lors eust esté chantee & ouye […]
La musique finie le sieur de Sauornin (qui est au Roy, pour estre doué de beaucoup de bonnes parties, & principalement tresexcellent au chant, & en la composition des airs de musique) representant Iupiter, s’apparut en la nuee […] & estant encor en la nuee chanta ces vers.
Pan […] s’eiouïssant de leur arrivee, se meit à iouer de son flageol à sept tuyaux, & feit aussi sonner les orgues sourdes auec vne nouuelle musique, & ceste harmonie estant finie, Minerue commence à parler au Dieu Pan en ceste sorte […]
Alexandre Macedonien iadis excité par l’exemple d’Achiles, estoit tant studieux de Musique, que rien plus il n’approuuoit. Ce cognoissant la Royne des Amazones Talestris, quelque fois apres qu’ils eurent co[n]nenu, luy fit present d’un instrument musical, comme de chose laquelle plus en ce moude il aymoit [...]
Mvsiqve (laquelle est appelée practique) est vn art nous enseignant la maniere de bien chanter. D’icelle sont deux especes, c’est à sçauoir la simple, autrement appellée plain chant (de laquelle p[ar]lerons seuleme[n]t en ce premier traicté) & la figurée, que le vulgaire appelle chose faite (& d’icelle traicterons au seco[n]d) lesquelles sont differente par ce que l’une (sçavoir est la simple) a ses notes quasi toutes de forme, figure, & quantité semblables, esta[n]t proferées sans accroissement, ou diminution aucune. La figurée au contraire a les siennes de diuerse forme, ou figure (dont elle pre[n]d le nom figurée) & selon leur varieté inesgale ce profferent sous diuerse quantité, estant augme[n]tées, ou diminuées selon qu’il est requis en Mode, Temps, & Prolation.
Or combien qu'en-ce elles soient differentes [musiques simple et figurée], il y a toutesfois telle affinité entre elles, que l'une, & l'autre sont fondées sur mesmes principes : desquels le co[m]mun fondeme[n]t est l'eschelle de laquelle quiconques n'a parfaitte cognoissance, il ne peut rien cognoistre en l'art de Musique.
Icy en brief (amy lecteur) tu as les preceptes de Musique plaine communs à Musique figurée : Parquoy ne reste plus qu'a voir ceux lesquels sont propres à la figurée : Au traitté desquels si nous sommes plus prolixes, ne t'esmerueilleras en rien : Considerant la difficulté, & dignité trop plus grande d'icelle requerir de soy plus ample declaration. Fin du premier traitté.
Comme aux corps naturels, l’ame est le commencement & la cause de tous mouuements naturels : ainsi […] au corps de Musique, la Mode est le commencement & la source de tous les effects & operations d’icelle : d’autant que c’est la partie formelle de la musique […] & partant a plus de force, & puissance, les moye[n]s plus propres, & plus excellents, pour attirer avec plus d’efficace les cœurs & affections des hommes (en quoy consiste le principal effect de la musique) que nulle autre partie d’icelle.
Laquelle cognoissance [des modes] est si utile & proufitable, non seulement aux maistres de chapelle, & à ceux qui font profession d’enseigner la Musique, mais aussi aux simples Musiciens ; que sans icelle, ceux-là ne se peuuent deuëment acquitter d’vn seul poinct de leur deuoir, soit pour bien dresser vn chœur, ou concert de Musique, & do[n]ner vn ton propre, & conuenable aux voix ; soit pour remettre et rabiller bien tost les faultes qui se peuuent commettre en chantant […].
C’est ceste partie [la mode] diuine (comme dict Ciceron tertio de Oratore) qui penetre iusques a l’ame, rauit les esprits, change les affections ; en somme, c’est elle qui produit les effects admirables, qui se lisent & racomptent de la musique.
[…] Si nous considerons, que les effects susdicts [de la musique] doiuent estre raportez aux Modes, ou (comme aucuns disent) aux Tons de Musique, comme à la partie principale, & à la cause formelle de la musique ; combien deuons nous estimer d’auantage les Modes ou Tons […], lesquels proprement & essentiellement produisent lesdits effects ?
Tout ce qui se traicte en la Musique, ne sont que preambules, & moyens disposez pour paruenir au but, & à la perfection de ceste science, qui est la vraye cognoissance des Modes.
[…] les ancie[n]s ont tousiours deferé aux Modes toute la force de la Musique. Ce que font aussi les autheurs plus modernes […] qua[n]t ils attribue[n]t à chacune Mode sa qualité & son effect particulier.
[...] toute l’energie & la force de la Musique est referée aux Modes, pour produire diuers effects. La raison de cecy est que la Mode (co[m]me a esté dict) est l’ame & la partie formelle de la Musique, de laquelle (comme de sa source) elle doit tirer sa propriété, sa force et tous ses effects : Quia forma dat esse rei.
[…] plusieurs musiciens du iourd’huy, ou se portants pour tels, en font si peu de cas, qu’il leur semble vne chose du tout impertinente à la Musique, de s’empescher beaucoup des Tons (ainsi appellent-ils les Modes) reputants la cognoissance d’iceux, vne scie[n]ce friuole & du tout inutile. Les vrays Musiciens ne parlent point ainsi : ains, au contraire, tiennent ceste partie de la Musique qui traicte des Modes, non seulement pour la plus haute, & la plus excellente, ains pour la fin, & la perfection de toutes les autres.
Or m'estant aperçeu, que la pluspart des Musiciens, non seulement les vulgaires & triviaulx, mais aussi les principaux & plus huppez, ie dis gens doctes, & ayants publié leurs œuvres sur le faict de la Musique, n'ont eu telle cognoissance des Modes & des tons, qu'il appartient, n'ayant sçeu bonnement distinguer entre les douze Modes de Musique, & les huict tons de l'Eglise, par où ils ont mis & amené en la Musique vne telle confusion & chaos, que & eux, & tous autres qui ont voulu suiure, s’y sont perdus de telle sorte, qu'il ne leur a esté possible d'en sortir, non plus que d'vn labyrinthe inextricable ; i’ay iugé estre conuenable, voire necessaire, de descouurir les erreurs des susdits, & faire vne claire distinction d’entre les douze Modes, & huict tons, en deschiffrant la nature & proprieté, tant des vns, que des autres […], leur montrant [aux jeunes musiciens] au doigt ce que c’est des douze Modes […]
En la troisiesme partie, la Musique est diuisée en Musique pleine, & Musique figurée, ou mesurée ; où se traicte au[ss]i des nottes de Musique, de la figure, & ligature d’icelles ; des degrez de la Musique sur le nom de Mode (qu’aucuns appellent Mœuf) temps, & Prolation, des signes & marques par lesquelles ils sont signifiez : de la Mesure qu’on doit tenir en iceux respectiuement : du Point musical, & autres menutez que nous estimons pouuoir proufiter, tant aux maistres qu’aux disciples, pour entendre le faict de la Musique.
La troisiesme & derniere signification (qui est la plus impropre, encores qu’elle soit assez commune entre les Musiciens) est, quant ce mot, ton, est usurpé pour signifier une sorte, ou espece de Musique, que nous appellons proprement, Mode, ou Harmonie. En laquelle signification, il se prend auiourd’huy vulgairement, quant on demande, combien il y a de tons en la Musique : comme si on demandoit, combien de Modes, ou combien de sortes ou especes d’harmonies il y a en la Musique.
Ptolomeus, pour prouuer qu’il y a viij. modes, dict, qu’il doibt auoir viij. especes de diapason, par-ce que les sept especes susdites n’accomplissent point le disdiapason, qui est le grand [p3] systeme (comme ils disent) contenant toute la musique ancienne.