Tenor: Una de las voces en la música concertada, dicha así, a teniendo, porque ordinariamente tiene y sustenta la cuerda y el ton y lleva el canto llano.
[…] si nous desirons sçauoir la grandeur du bastiment musical, ja plusieurs fois destruict & ruiné, & auoir particuliere cognoissance, comme anciennement il estoit diuisé en ses parties, & especes (qui sont les modes, ou bien, comme l’on dict à present, les tons musicaux) il nous faut addresser au diapason, qui en est le fondement, lequel demeurant tousiours entier sans aucune corruption, estant bien fondé en tous les endroicts & deuëment compassé en toutes les dimensions ([…].
Avant traicter quel est le vray nombre des Modes de Musique, qu'aucuns appellent les tons Musicaux; il faut premierement noter, que ce mot ( ton) est equiuoque, & a diuerses significations entre les Musiciens. La premiere est, quant il signifie vn son ferme, & stable: en laquelle signification nous disons, le ton de la cloche, le ton de l'orgue, le ton du pseaume: & de là vient, donner le ton, ou intonner; qui ne signifie autre chose, que designer le son, auquel on doibt commencer quelque chose. Laquelle signification est la plus propre, d'autant qu'elle conuient au commun vsage de parler, auquel le son ou bruit vehement, qui se faict en l'air, s'appelle le tonnerre.
Tenor: Una de las voces en la música concertada, dicha así, a teniendo, porque ordinariamente tiene y sustenta la cuerda y el ton y lleva el canto llano.
Et l’Armonique consiste en sept parties, à scavoir : des Sons des intervalles, des Genres, des Constitutions, des Tons, de la Mutation, et de la Mélopée.
La seconde [deduction] est du chant de ♮ dur, lequel prend tousiours son origine de l’vt de G g gg sol re vt demo[n]stré le plus souuent par la figure d’un b quarré ainsi ♮ (Do[n]t aucuns luy ont do[n]né le nom) aucunesfois par telle xx estant appellée ♮ dur, pour auta[n]t qu’e[n] quelque lieu semblablement qu'elle soit signée (qui est aussi proprement en B b bb fa ♮ mi) elle demonstre qu’il y faut proferer mi, qui est vne voix dure (à l’esgard de fa) à laquelle qua[n]d on monte faut esleuer sa voix d’un ton entier sans aucuneme[n]t la feindre, ou amolir : co[m]me dirons par cy apres.
De l’entonnement des six voix. Ayant cogneu les parties de l'eschelle à sçauoir l'ordre des clefs, & deductions de voix, il faut en apres sçauoir bien ento[n]ner ces six voix de deduction. Et pour ce co[m]modement faire, faut esleuer, ou abaisser sa voix de to[n] en ton, excepté de mi à fa ou de fa à mi, ou il ne faut qu’u[n] demy to[n].
Il est donc à sçauoir que ton n’est autre chose qu’une distance d’une voix à vne autre par vne seco[n]de parfaitte : laquelle se fait d’une ferme, & non fainte esleuation, ou abaissement de voix : Co[m]me d’vt iusques à re, de re à mi en montant, ou de mi à re, de re à vt en deuallant. Demi ton est vne distance d’une voix à vne autre p[ar] vne seco[n]de imp[ar]faitte, laquelle se fait d’une molle & fainte esleuation, ou abaisseme[n]t de voix de mi à fa, ou de fa à mi, ou bien de la à fa en montant, & de fa à la en descendant quand il ne faut monter que d’un degré par dessus les six voix. Et il ne faut entendre iceluy estre appellé demi ton, co[m]me n’estant que la moitié d’un ton : Car vn ton (Co[m]me dit Macrobe en son second liure Chap. j. sur le songe de Sçipion) selon sa nature ne peut estre diuisé en deux : & pourta[n]t il est dit improprement demi ton pour ce qu’il ne se profere du tout si parfaitement qu’un ton.
Pour donc bien & seurement ento[n]ner ces six voix, faut (co[m]me auons dit) premiereme[n]t sçauoir esleuer & abaisser de ton en ton, ou bien de secondes en seco[n]des : puis de Tierces en tierces, de Quartes en quartes, de Quintes en quintes, finablement de Sextes en sextes.
[…] plusieurs musiciens du iourd’huy, ou se portants pour tels, en font si peu de cas, qu’il leur semble vne chose du tout impertinente à la Musique, de s’empescher beaucoup des Tons (ainsi appellent-ils les Modes) reputants la cognoissance d’iceux, vne scie[n]ce friuole & du tout inutile. Les vrays Musiciens ne parlent point ainsi : ains, au contraire, tiennent ceste partie de la Musique qui traicte des Modes, non seulement pour la plus haute, & la plus excellente, ains pour la fin, & la perfection de toutes les autres.
Or m'estant aperçeu, que la pluspart des Musiciens, non seulement les vulgaires & triviaulx, mais aussi les principaux & plus huppez, ie dis gens doctes, & ayants publié leurs œuvres sur le faict de la Musique, n'ont eu telle cognoissance des Modes & des tons, qu'il appartient, n'ayant sçeu bonnement distinguer entre les douze Modes de Musique, & les huict tons de l'Eglise, par où ils ont mis & amené en la Musique vne telle confusion & chaos, que & eux, & tous autres qui ont voulu suiure, s’y sont perdus de telle sorte, qu'il ne leur a esté possible d'en sortir, non plus que d'vn labyrinthe inextricable ; i’ay iugé estre conuenable, voire necessaire, de descouurir les erreurs des susdits, & faire vne claire distinction d’entre les douze Modes, & huict tons, en deschiffrant la nature & proprieté, tant des vns, que des autres […], leur montrant [aux jeunes musiciens] au doigt ce que c’est des douze Modes […]
Laquelle cognoissance [des modes] est si utile & proufitable, non seulement aux maistres de chapelle, & à ceux qui font profession d’enseigner la Musique, mais aussi aux simples Musiciens ; que sans icelle, ceux-là ne se peuuent deuëment acquitter d’vn seul poinct de leur deuoir, soit pour bien dresser vn chœur, ou concert de Musique, & do[n]ner vn ton propre, & conuenable aux voix ; soit pour remettre et rabiller bien tost les faultes qui se peuuent commettre en chantant […].
[…] Si nous considerons, que les effects susdicts [de la musique] doiuent estre raportez aux Modes, ou (comme aucuns disent) aux Tons de Musique, comme à la partie principale, & à la cause formelle de la musique ; combien deuons nous estimer d’auantage les Modes ou Tons […], lesquels proprement & essentiellement produisent lesdits effects ?
Avant traicter quel est le vray nombre des Modes de Musique, qu'aucuns appellent les tons Musicaux ; il faut premierement noter, que ce mot (Ton) est equiuoque, & a diuerses significations entre les Musiciens. La premiere est, quant il signifie vn son ferme, & stable : en laquelle signification nous disons, le ton de la cloche, le ton de l'orgue, le ton du pseaume : & de là vient, donner le ton, ou intonner ; qui ne signifie autre chose, que designer le son, auquel on doibt commencer quelque chose. Laquelle signification est la plus propre, d'autant qu'elle conuient au commun vsage de parler, auquel le son ou bruit vehement, qui se faict en l'air, s'appelle le tonnerre.
La troisiesme & derniere signification (qui est la plus impropre, encores qu’elle soit assez commune entre les Musiciens) est, quant ce mot, ton, est usurpé pour signifier une sorte, ou espece de Musique, que nous appellons proprement, Mode, ou Harmonie. En laquelle signification, il se prend auiourd’huy vulgairement, quant on demande, combien il y a de tons en la Musique : comme si on demandoit, combien de Modes, ou combien de sortes ou especes d’harmonies il y a en la Musique.
En la seconde partie nous ferons paroistre que les huict tons de l’Eglise ont esté seulement instituez pour chanter les Pseaumes, & partant sont tout autres que les premiers tons, ou Modes, ayant les uns & les autres autre matiere, autre forme, & autre nature : Et pour ceste cause, ont esté de tout temps, autreme[n]t cognuz, & autrement appellez. Ce n’est donc merueille s’ils sont en nombre diuers. Pour lesquelles raisons, & plusieurs autres que pourrons alleguer, nous conclurons que ceux-là s’abusent grandement, lesquels, par un nombre, veulent confondre l’autre, &, par vne chose nouuellement forgée, veulent supprimer ce qui a tousiours esté.
La seconde signification [du mot ton] est, quant ce mot, ton, signifie la distance, ou espace, qui est de chascune notte à la voisine ; sauf que du my, au fa, il n'y a que demy ton. En laquelle signification, nous disons, que l'octaue contient cinq tons & deux demy : la quinte, trois tons & demy : & la quarte, deux tons & demy, & ainsi des autres consonnances.
Pour satisfaire, donc, à ceste question [du ton ou de mode], nous monstrerons premierement, ce que c’est de Mode, non seulement selon l’opinion des modernes, ains au[ss]i suiuant l’authorité des plus anciens : puis prouuerons, qu’il en doit avoir douze, à sçauoir, six superieures, & six inferieures ; Finalement declarerons, que ce nombre icy n’est point seulement conuenable & bien seant, conforme, ains requis, & du tout necessaire à la perfection du corps d’icelle.
[…] voudrions doubter de ce que si long temps, & continuellement a esté obserué au chant de l’Eglise Romaine ; qu’au contraire, nous pretendons asseurer & affranchir les huict tons susdicts, & rendre raison pertinente, pourquoy ils ont esté instituez. Seulement voulons tirer en question, si les huict tons susdits, doiuent ou peuuent preiudicier au nombre legitime des Modes de Musique, qui a esté plusieurs siecles auparauant.
[…] si nous desirons sçauoir la grandeur du bastiment musical, ja plusieurs fois destruict & ruiné, & auoir particuliere cognoissance, comme anciennement il estoit diuisé en ses parties, & especes (qui sont les modes, ou bien, comme l’on dict à present, les tons musicaux) il nous faut addresser au diapason, qui en est le fondement, lequel demeurant tousiours entier sans aucune corruption, estant bien fondé en tous ses endroicts & deuëment compassé en toutes [p2] ses dimensions […]
[…] aussi faut il necessairement, que le bastiment musical se rapporte au diapason, comme à son vray fondement, sans qu’il puisse eslargir plus auant que sa grandeur ne permet ; ains par la grandeur & estenduë du diapason, faut iuger de la grandeur de la musique, & du nombre des modes, ou des tons.
Et combien que les clefs [...], en leur constitution ordinaire, soient disposées et distinguées par lignes [p11] & espaces esgales, si est-ce que les voix y conduites sont differentes & inesgales : par-ce que du mi au fa, il n'y a que demy ton, encor que l'espace soit esgal à celuy du re au mi, où il y a vn ton. Qui est cause, que des sept clefs susdictes, encores qu'elles contiennent sept voix differentes [...] il n'en reuient toutesfois, pour la matiere du diapason, que cinq tons, & deux demy tons petits, lesquels ne peuuent accomplir vn ton, ayant moins d'vn comma. Car le ton est diuisé en deux demy tons, l'vn petit, et l'autre grand. Le petit demy ton s'appelle diese, ou diacisme : le grand demy ton s'appelle apotome, & ce en quoy le grand excede le petit s'appelle coma.
Plvsievrs font icy de grandes questions, & se trauaillent fort, pour sçauoir pourquoy le diapason est plustost composé de 5. tons, & deux demy, que de six tons entiers : ou bien pourquoy les deux demy tons ne peuuent accomplir vn ton entier : le ton se prennant icy en la seconde signification, à sçauoir pour la distance qu'il y a de chascune notte à sa voysine, sauf que du my au fa il n'y a que demy ton.
[...] il est impossible que le ton puisse estre diuisé en deux parties egales, ains seulement en deux demy tons, l'vn grand, & l'autre petit, d'où s'ensuyt, que les deux demy tons petits ne peuuent accomplir vn ton, & par conseque[n]t, le diapason contient moins de 6. tons : comme il se peut veoir aussi par l'experience, d'autant que deux trois-tons excedent notoirement le diapason.
[...] comme nature ne faict rien sans cause, aussi que ceste composition [le diapason] a esté ainsi naturellement ordonnee, pour le plus grand ornement de la musique. Car comme nous voyons, que la varieté cause vn embellissement & bien-seance en toute chose (comme il se voit és fleurs, peintures, tapisseries, et autres choses semblables) aussi est-il certain, que de ceste varieté de tons, et demy tons, procede toute la beauté, toute la douceur, & toute l'harmonie qu'il y a en la musique. Car si le diapason eut esté composé de six tons entiers, sans demy tons, il n'y eut eu qu'vne sorte de chant, qu'vne espece de consonance, sans aucune harmonie, d'autant que c'est le demy ton qui cause la difference entre les consonances, la varieté du chant, & finalement toute l'harmonie de la musique [...]
Mais si aucuns curieux veulent auoir quelque raison, pourquoy le diapason ne peut estre diuisé en six tons, ains seulement en 5. tons, & deux demy, nous en donnerons deux : l'vne tirée de Glarean, au 2. chapitre de son premier liure, où il monstre que le diapason ne peut estre composé de six tons, à cause du genre diatonique, lequel requiert, qu'apres trois tons, suyue tousiours vn demy ton comme il se peut veoir plus amplement au lieu susallegué. L'autre (qui faict plus [p15] à nostre propos) est, qu'il falloit que la matiere fut proportionnee à la forme : Or comme [...] la forme du diapason consiste principalement en la mediation, qui est entre les deux extremitez, laquelle le separe & diuise en deux parties inegales : il falloit aussi, que la matiere fut disposee pour receuoir ceste forme : Et ne sçauroit estre mieux composee (presupposee la longueur & estenduë du diapason) que de cincq tons & deux demy, lesquels ne pouuants estre diuisez en deux parties egales, elle est necessairement diuisee en deux parties inegales, l'vne contenant deux tons & demy, l'autre trois tons & demy : ceste-cy s'appelle diapente (que nous disons vne quinte) & l'autre, diatessaron, que nous appellons vne quarte.
Ayant, iusques à prese[n]t, traicté des douze modes de musique, il reste maintenant (suyuant nostre promesse) à parler des huict to[n]s des Pseaumes ; qui ne sont autre chose (comme a esté dict) que huict sortes de chant, inuentées pour chanter les Pseaumes.
L’on peut voir au traité du Luth, sur lequel le ton est diuisé en deux demi-tons, & l’Octave en douze demitons esgaux, de combien les Consonances & les Dissonances de cette diuision sont differentes de celles qui suiuent la proportion harmonique des nombres, que i’explique en plusieurs endroits, & de combien les Sons qui suiuent la proportion Arithmetique sont plus doux que ceux qui suiuent la Geometrique.
Proposition V. Expliquer la maniere de nombrer tres-aysément tous les tours & retours de chaque chorde de Luth, de Viole, d’Epinette, &c. & determiner où finit la subtilité de l’œil & de l’oreille. […] Il faut donc premierement determiner le son que l’on desire de la chorde, auant que de demander le nombre de ses retours, parce qu’elle en fait vn nombre d’autant plus grand dans vn mesme temps qu’elle a le son plus aigu. Ie suppose donc que l’on vueille sçauoir le nombre des retours de la chorde d’vne Epinette, ou d’vn Luth, lors qu’elle est à l’vnisson du ton de Chapelle, que l’on prend sur vn tuyau de quatre pieds ouuert, ou de deux pieds bouché faisant le G re sol, sous lequel les voix les plus creuses, ou les plus basses de France peuuent seulement descendre d’vne Quinte pour arriuer iusques au C sol vt. Or chacun peut porter ce ton auec soy par le moyen d’vne clef percée, ou d’vn Flageollet, qui monte à l’Octaue, à la Quinziesme, ou à tel autre interualle que l’on voudra par dessus ledit G re sol, parce qu’il suffit de se souuenir que ce son est plus haut que ledit ton de Chapelle d’vn interualle donné, pour l’exprimer apres auec la voix, ou autrement.
Cecy estant posé, ie dis premierement que la chorde qui fait ledit ton de G re sol, qui est le plus bas que ma voix puisse descendre bat 168 fois l’air, c’est à dire qu’elle passe 168 fois en son centre, ou par sa ligne de direction dans le temps d’vne seconde minute, ou qu’elle reuient 84 fois vers celuy qui la pousse, ou qui la tire. En second lieu, qu’vne chorde longue de dix-sept pieds & demi suffit pour en faire l’experience, d’autant qu’elle ne tremble pas trop viste, & qu’elle donne loisir de conter ses retours, comme l’on peut voir auec vne chorde de Luth, ou de Viole de la grosseur de celles dont on fait les montants des Raquettes (que l’on fait de douze intestins de mouton) laquelle reuient seulement deux fois dans le temps d’vne seconde, lors qu’elle est tenduë auec vne demie liure, quatre fois estant tendüe de deux liures, & huit fois estant tendüe de huit liures : or si l’on fait sonner vne partie de la chorde qui n’ayt que dix pouces, quand elle est bandée auec quatre liures, elle monte à l’vnisson du ton de chapelle, & quand elle est bandée de huit liures, estant longue de vingt pouces elle monte au mesme ton, & finalement quand elle n’est tenduë que par la force d’vne demie liure, elle fait le mesme ton, en prenant seulement la longueur de cinq pouces. […]
[…] & pour ce sujet ie dy premierement qu’il est aisé de dire le nombre des boyaux dont chaque chorde de Luth, de Viole, ou d’vn autre instrument est faite, par le son qu’elle fait : car apres auoir consideré le son de celle qui n’a qu’vn boyau, l’on sçait la raison de son ton auec celuy des autres chordes de telle grosseur qu’on voudra, soit qu’elles ayent vne mesme ou differente longueur & tension, pourueu que l’on cognoisse ladite tension & longueur : par exemple, si celle d’vn seul boyau longue d’vn pied tenduë par sept liures fait l’vt de C sol & que celle de deux pieds tenduë par sept liures descende vne Octaue, il est certain qu’elle est composee de trois boyaux, parce que si elle n’estoit tenduë que par quatre liures, elle n’aurait qu’vn boyau, puisque la tension est en raison doublee des sons, lors que les chordes sont d’esgale grosseur : & parce qu’outre cette double longueur, la grosseur est triple, il faut encore tripler le poids ou la tension de la chorde d’vn boyau pour auoir la tension de sept liures.
PROPOSITION XV. Que l'on peut chanter la Musique Chromatique, & l'Enarmonique, & faire le ton maieur & le mineur, & mesme le comma en tous lieux où l'on voudra.
D'ailleurs, l'on peut faire voir les lieux où se fait le ton mineur ou le majeur, car si l'vn tient ferme sur vne mesme note, & que l'autre chante par degrez conjoints, s'il [le praticien] commence à faire la Tierce mineure, & puis qu'il face la Quarte, il fera le ton mineur ; & s'il monte à la Quinte, il fera le ton majeur ; & s'il passe à la Sexte majeure, il fera le ton mineur. Semblablement s'il fait premierement la Tierce mineure, & puis la majeure, il fera le demi-ton mineur ; ce qui arriue aussi lors que l'on passe de la Sexte mineure à la majeure, ou de la majeure à la mineure.
Si nous n'auions l'exemple des anches qui nous font comprendre les mouuemens de la languette du larynx, que les Anatomistes appellent glotte, il seroit malaisé de sçauoir comment la voix d'vn homme peut auoir l'estenduë de 3 ou 4 Octaues, d'autant que la seule largeur de l'artere vocale & du larynx ne suffisent pas, comme l'on experimente aux tuyaux ordinaires des Orgues, qui ne peuuent estre assez élargis pour faire l'Octaue, quoy qu'ils soient six ou sept fois plus larges ou plus estroits, si quant & quant on ne les allonge ; car l'experience enseigne que de plusieurs tuyaux de mesme hauteur celuy qui est deux fois plus large ne descend que d'vn ton plus bas, & s'il est quatre fois plus large il ne descend que d'vne Tierce majeure, comme i'ay remarqué au traicté des Orgues.
Or il faut remarquer que la longueur de l'artere ne sert de rien pour rendre la voix plus basse ou plus haute, c'est à dire plus graue ou plus aiguë, comme i'ay desia dit dans la quatriesme Proposition, quoy que s'imaginent les Anatomistes, d'autant qu'elle ne sert pas dauantge à la languette du larynx, que le pied du tuyau, qui porte le vent des soufflets iusques à la lumiere où se rencontre la languette taillee en bizeau qui coupe l'air, car l'artere porte seulement le vent du poulmon au larynx, dont la languette demeure tousiours au mesme ton tandis qu'elle a vne mesme ouuerture, & que le vent est poussé d'vne égale force, de sorte que ce ton ne changeroit pas, encore que l'artere eust vne toise, ou qu'elle n'eust qu'vn poulce de longueur, comme l'on demonstre par le pied d'vn tuyau qui n'en change pas que le ton, quoy que l'on en diminuë la longueur tant que l'on veut.
I'ay dit cy-dessus, pourueu que le vent soit poussé d'vne égale force, à raison que la mesme ouerture & la mesme languette d'vn tuyau fait plusieurs tons differens par le moyen de la differente force du vent que l'on pousse auec la bouche, ou auec des soufflets : d'où l'on peut semblablement conclurre que la mesme ouuerture de la languette du larynx peut seruir à plusieurs tons differens, lors que l'on pousse le vent auec vne plus grande violence, quoy qu'il ne soit pas certain si ladite ouuerture s'estressit tousiours à chaque ton plus aigu, & si elle s'élargit à chaque ton plus bas, & plus graue.
PROPOSITION XXXV. Determiner quels sont les vices & les imperfections de la voix ; & si l'on peut faire chanter la Musique à vne voix mauuaise & inflexible. […] [p044] Iosquin a fait voir qu'vne voix inflexible & mauuaise peut chanter sa partie, car ayant promis à Louys XII, dont il estoit Musicien, de luy faire chanter sa partie, quoy qu'il eust la voix discordante, & tres-mauuaise, il fit vne composition à quatre parties, & fit aduoüer au Roy qu'il pouuoit chanter en Musique. Il faut neantmoins remarquer qu'il est necessaire que la voix tienne ferme sur vn ton, ou sur vne chorde, & qu'elle soit constante ; car si elle varie tellement qu'elle n'ait nul arrest, il n'est pas possible qu'elle chante sa partie quoy qu'vniforme, si ce n'est qu'en variant elle face de certains tons dont on puisse remarquer les differences, & que cette varieté garde quelque sorte d'vniformité ; car l'on ne peut regler ce qui est dereglé & des-ordonné que par le moyen de ce qui est reglé & ordonné, comme l'on ne peut soudre les difficultez des nombres irrationels, & de l'algebre que par les rationels, & par les equations : ce qui monstre que toute sorte de diuersité dépend de l'vnité à laquelle toutes choses doiuent retourner comme à leur source & à leur origine. Ie donne donc la piece de Musique dont i'ay parlé, afin de ioindre l'exemple au discours. [p045] Or il n'y a voix si mauuaise qu'elle ne puisse chanter cette Taille ; car si elle est entierement inflexible, elle ne peut manquer à tenir ferme ; & si l'on a peur qu'elle ne tienne pas ferme, & qu'en haussant ou baissant elle fasse des Dissonances, l'on peut faire souuent sonner vn tuyau d'Orgue pour la contraindre à tenir le mesme ton. L'on peut faire chanter le Dessus ou la Basse à la mesme voix, suiuant le ton qu'elle a : mais parce que la voix du Roy estoit propre pour le Tenor, Iosquin luy donna cette partie.
[…] les Maistres des Concerts peuuent s'en seruir [de la voix] pour donner le ton, & pour remarquer les differences des tons de Chappelle de toute l'Europe : & les Orateurs tant sacrez que profanes peuuent conduire leurs voix par le moyen de cette chorde, tant pour prendre le vray ton de leurs voix lors qu'ils commencent, que pour le hausser ou le baisser dans la suitte du discours, suiuant la dignité des sujets dont ils traictent.
L'on peut semblablement se seruir du Luth, & de tous les autres Instrumens à chorde, dont l'Epinette est la principale, & la plus aisee, à raison que ses touches sont tellement disposees, que l'on fait tel interualle ou degré que l'on veut d'vne seule main, ou mesme sans la main, car il suffit d'abbaisser les touches de son clauier, soit auec le pied, ou auec la bouche, ou en quelqu'autre maniere que l'on voudra, suiuant les artifices & les ressorts dont i'ay [p047] parlé dans le traité de l'Orgue & de l'Epinette. Mais l'Orgue est le plus propre de tous les Instrumens pour apprendre à chanter, à raison que ses tons tiennent aussi long-temps que l'on veut, afin de donner loisir à la voix de s'ajuster, & de s'accoustumer à toutes sortes de tons & d'interualles.
Or ceux qui apprendront la Musique en ceste maniere [en utilisant l'orgue pour apprendre à chanter], feront les interualles plus iustes que ceux qui ont appris des Maistres, pourueu que le clauier & les tuyaux soient disposez comme ceux que i'ay expliquez au traité de l'Orgue, dans lequel les tons & les demitons majeurs & mineurs, les dieses, & toutes les consonances sont dans leur iustesse & dans leur perfection ; & consequemment celuy qui aura appris à chanter sans Maistre enseignera mieux à entonner iuste que nul autre. Mais il ne pourra pas donner la grace aux chants & aux passages qui dépendent des roulemens de gorge, & des autres delicatesses & tremblemens dont on vse maintenant pour porter la voix du graue à l'aigu, & de l'aigu au graue ; c'est pourquoy s'il veut perfectionner sa voix, il a besoin de Maistre, à raison que les Instrumens ne peuuent enseigner de certains charmes que l'on inuente tous les iours pour embellir les chants, & pour enrichir les Concerts. Il y a vne autre maniere d'apprendre qui est plus Philosophique, mais elle est plus difficile, car elle consiste à faire trembler l'air qui sort de l'ouuerture du larynx autant de fois que la chorde qui fait le son que l'on veut imiter, & que l'on fait sans le sçauoir lors que l'on chante à l'vnisson d'vn autre son, & lors que l'on le fera par science l'on chantera plus raisonnablement.
Plusieurs tiennent que chaque partie de Musique est vn Chant, & neanmoins il y a des parties qui tiennent tousiours ferme sur vn mesme ton, sans hausser ou baisser, comme il arriue quelque fois à la Taille : & entre les Chants dont on vse pour chanter les Psalmes dans les Eglises Catholiques l'vne des intonations ne se sert point d'interualles : quoy que personne ne die que l'on ne chante pas quand on vse de ce ton.
Et quand on se sert de cette intonation, on dit aussi bien qu'on commence à chanter que quand on se sert des Tons qui varient leurs interualles. La difficulté consiste donc en deux points, à sçauoir si le son qui ne hausse ny ne baisse point, peut estre appellé, & est en effet vn chant : & si chaque partie de ce son est Chant, [p094] ou quel espace de temps le son doit durer pour estre chant.
C'est pourquoy ie ne mets pas icy les tons ordinaires du chant Gregorien ; & puis ie les ay déja donnez dans la 29 proposition du second liure de la Musique imprimé l'an 1627, à la fin duquel i'ay encore mis 12 chants à deux parties sur les 12 modes : & à la fin du second liure i'ay mis vn chant figuré à deux parties du premier mode, & vn autre du second, & finalement vn autre air spirituel à 4 parties. L'on trouuera aussi les exemples des 12 tons des chants de l'Eglise à la fin du sixiesme liure Latin, qui traite des genres & des modes. I'ajoûte seulement que le 5, le 6, & le 12 me semblent les plus beaux : mais chacun peut choisir celuy qui luy agreera dauantage pour sa consolation particuliere, & mesme il en peut faire tant de nouueaux qu'il voudra.
Ie conseille neanmoins à ceux qui aiment les chants de l'Eglise de se seruir des Heures de la Vierge qui ont esté imprimees chez Cauellat l'an 1598, car elles contiennent les chants de tout ce qui se chante le long de l'annee dans l'Eglise de Paris, à sçauoir toutes les Antiennes, ou Antiphones, toutes les Hymnes, les Psalmes, les 8 tons, plusieurs Proses, des Messes toutes entieres auec les Gloria in excelsis, le Credo, & plusieurs autres chants qui sont fort beaux ; de sorte que ie m'estonne que ces Heures qui deuroient se trouuer entre les mains de tant de personnes, soient si rares, & que l'on ne les r'imprime point.
Or s'ils auoient des regles certaines, ils [les plus excellens Maistres] pourroient faire tels chants qu'ils voudroient à toute sorte d'heures & de rencontres, comme les Architectes peuuent faire le dessein d'vn bastiment, & les Mathematiciens des demonstrations, & tirer des lignes droites & courbees de toutes façons en tout temps, parce qu'ils ont des regles certaines & infallibles. La maniere dont se seruent les Compositeurs confirme cette verité, car ils tastent sur le Luth, sur l'Epinette, sur la Viole, ou sur d'autres Instrumens plusieurs sortes de tons & d'accords pour r'encontrer vn chant qui leur plaise, ou bien ils fueillettent Claudin, Guedron, & les autres Maistres pour prendre quelques parties de chant d'vn costé, & les autres parties en dautres lieux, afin de ramasser ces fragmens, & d'en faire vn chant entier. Or s'ils auoient des regles certaines, ils s'en seruiroient sans prendre deçà & delà des vns & des autres, ce qu'ils font quelquefois sans beaucoup de raison & de iugement.
La seconde regle [pour les chants] appartient aux interualles, & degrez dont il faut vser dans les chansons, laquelle est semblablement necessaire, car elle consiste à vser des mesmes interualles ou degrez dont vse la passion à laquelle on veut exciter : par exemple, si la cholere monte par tons, ou demitons, il faut que le chant monte par mesmes degrez, encore que cecy ne soit pas si necessaire que l'on ne puisse se seruir d'autres degrez en chantant que de ceux de la passion, particulierement lors que l'on ne cognoist pas par quels degrez elle va : or il est certain que les chants ont esté inuentez pour exciter les passions ; par exemple, pour resiouyr l'Auditeur, car la resiouyssance appartient aux passions, dont elle est le fondement, le commencement, & la fin, car le plaisir n'est autre chose qu'vn amour parfait & accomply, comme l'amour & le desir, est vn plaisir commencé, & imparfait.
Or il n'y a rien dans la Musique plus semblable à la lumiere que le son aigu, parce qu'il comprend tous les autres qui viennent de sa diuision, ou de sa diminution iusques à ce qu'il retourne dans le silence ; car s'il perd vne 24 partie de son mouuement il fait le demiton mineur ; s'il en perd vne 15 il fait le majeur ; si vne 9, [p102] ou 10, il fait le ton mineur, ou majeur, & s'il en perd la moitié, il fait l'Octaue, & ainsi des autres, iusques à ce que les rayons, ou les influences de ses mouuements, qu'il depart aux autres sons, soient tellement diminuez qu'il paruiennent au proslambanomene, qui tient le plus du silence, comme le noir tient plus des tenebres que nulle autre couleur, à raison de l'affoiblissement des rayons lumineux qui le produisent, ou qui le font paroistre.
Il faut neanmoins remarquer qu'il n'est pas tellement necessaire de changer les interualles des sons graues & aigus, qu'on ne puisse trouuer quelque espece d'air sans eux, si nous parlons de tout ce qui peut estre appellé air, ou chant en quelque maniere que ce soit : car quelques vns disent qu'on peut sonner vn air sur le Tambour, encore que tous ses tons soient vnisons, dautant que les diuers mouuemens ou les diuerses mesures qu'on donne aux sons du Tambour peuuent representer quelque chanson, ou quelque fantaisie. Ce qui conuient pareillement à la voix qui peut representer plusieurs choses par les diuerses mesures, & par tous les mouuemens de la Rythmique : ce qui arriue aussi à plusieurs Pseaumes, qui commencent, finissent, & sont chantez sur vne mesme note, ou sur vne mesme interualle, & au chant dont plusieurs Religieux se seruent : Mais les autres aiment mieux l'appeller vn simple recit qu'vn chant, comme est le chant dont nous nous seruons, & plusieurs autres à nostre imitation, comme les Capucins, Carmes déchaux, &c. dautant que nous ne faisons aucuns interualles, & que nous n'obseruons point d'autre mesure que celle des syllabes.
Neanmoins il n'y a nul discours tellement reglé qu'il monte ou descende par tous les interualles des airs, à sçauoir par tons, & demitons, &c. car il monte le plus souuent par des interualles insensibles, ou inconnus, quoy que l'on peût les discerner si l'on y prenoit garde : or tous les interualles des airs ou des chansons sont si bien reglez, qu'on ne manque iamais à les faire en tous les lieux où ils sont marquez ; d'où l'on a pris le prouerbe, cela est reglé comme vn papier de Musique : ce qui monstre que les Airs, & par consequent la Musique, garde vn ordre beaucoup mieux reglé que les discours qui n'ont rien d'arresté, & qui suiuent l'imagination, & l'intention de celuy qui parle.