Le Corps du Luth est ce que l'on appelle les éclisses, le dos, ou la donte du Luth : mais en l'Epinette, c'est le coffre, qui se peut faire de toute sorte de bois : encore que l'experience & la raison ait appris aux ouuriers qu'il faut faire vne grande distinction entre les bois, parce qu'ils desirent d'estre employez & maniez diuersement, car les plus poreux, & les plus resineux, & qui par consequent tiennent plus de l'air, ont d'autres vsages en la fabrique des Instrumens que ceux qui sont plus denses, plus materiels & plus terrestres. Il faut donc que l'ouurier ait esgard à deux choses quand il fait les Instrumens, à sçauoir à l'harmonie ou resonance de l'Instrument, & à la force & solidité, qui sont deux choses qui demandent le bois contraire en qualité, car l'harmonie le demande delié, & consequemment fragile, & sujet à se dementir, & la solidité le demande espais & grossier, or ce qui est grossier est sourd.
Comme aux corps naturels, l’ame est le commencement & la cause de tous mouuements naturels : ainsi […] au corps de Musique, la Mode est le commencement & la source de tous les effects & operations d’icelle : d’autant que c’est la partie formelle de la musique […] & partant a plus de force, & puissance, les moye[n]s plus propres, & plus excellents, pour attirer avec plus d’efficace les cœurs & affections des hommes (en quoy consiste le principal effect de la musique) que nulle autre partie d’icelle.
Pour satisfaire, donc, à ceste question [du ton ou de mode], nous monstrerons premierement, ce que c’est de Mode, non seulement selon l’opinion des modernes, ains au[ss]i suiuant l’authorité des plus anciens : puis prouuerons, qu’il en doit avoir douze, à sçauoir, six superieures, & six inferieures ; Finalement declarerons, que ce nombre icy n’est point seulement conuenable & bien seant, conforme, ains requis, & du tout necessaire à la perfection du corps d’icelle.
Mais il y a d'autres manieres de renforcer la voix qui dépendent des corps exterieurs, comme l'on experimente aux chordes que l'on [p030] touche dans l'air qui est libre, lors qu'elles ne sont pas attachees sur vn instrument, & qu'il n'y a nul corps qui en conserue le son, qui paroist fort foible & petit en comparaison de ce qu'il est, quand on entend la mesme chorde sur vn corps concaue, comme sur le Luth, & sur les autres instrumens à chorde.
D'où l'on peut conclure que tous les lieux qui sont creux & concaues renforcent la voix, dautant qu'ils conseruent plus long-temps le mouuement de l'air, ou qu'ils sont cause qu'vne plus grande quantité d'air se meut & tremble plus long-temps : Et puis que les contraires viennent des causes contraires, il faut aduoüer que la voix est d'autant plus foible, que le lieu où elle se fait est moins concaue, & plus solide : de là vient que la table des Luths resonne mieux quand elle est plus mince & plus deliee, & que les sons deuiennent plus sourds lors qu'elle est plus épaisse : & consequemment que les tables d'or, d'argent, d'yuoire, de büis, ou d'autre bois solide & massif, ne sont pas si bonnes que celles de cedre, de sapin, ou des autres bois qui sont plus legers, plus poreux, & plus rares ; ce qui leur donne vne certaine espece de concauité, & vn tremblement qui apporte de la grace & de la force aux sons. Et si nous n'auions point de palais, & que le son se fist simplement par la languette sans estre retenu & conserué dans la bouche, il paroistroit beaucoup moindre & plus foible. Quant aux autres manieres de renforcer la voix, qui dependent de la reflexion qui se fait par le moyen des corps formez & figurez en ouale, en parabole, ou en hyperbole, nous en parlerons apres. Il y a encore vne autre maniere qui sert à renforcer la voix, à sçauoir la continuation des corps qui seruent à faire le son, on qui le conseruent dans vn long espace, comme l'on experimente aux poûtres, au bout desquelles on oit les moindres coups dont on les frappe à l'autre bout, & aux voûtes et arcades des ponts, qui portent la voix & les autres bruits par toute l'arcade, beaucoup plus loin qu'ils n'iroient sans ceste aide. Ie laisse mille autres manieres dont on peut aider la voix, parce qu'elles peuuent estre rapportees aux precedentes, ou qu'il en faudra traiter dans vn autre lieu.
Ils [les bransles] se dansent fort grauement en rond au commencement du Bal souz mesme cadence & bransle de corps ; dont le premier s'appelle Bransle simple, qui n'auoit autrefois que six mesures & huict pas, mais on le compose à present de dix pas, de douze mouuemens & de six mesures binaires : l'Exemple que i'en donne est du septiesme Mode transposé vne Quarte en haut, afin qu'il ayt son ♭ mol en ♭ fa ♮ mi : & son mouuement est Dactylique spondaique − ∪ ∪ − −.
A quoy l'on peut adiouster que les sons, & les mouuemens des chansons gayes approchent plus pres de la vie, que ceux des airs tristes, puis que la vie consiste dans vn mouuement perpetuel & continu, car les battemens d'air qui font les sons aigus, & les mouuemens rythmiques qui sont plus frequens, s'approchent plus pres de la continuité que ceux des sons graues, & des mouuemens pesans & tardifs des airs tristes, qui representent vne vie interrompuë & mourante. Et l'on experimente que les chansons gayes sont si propres à danser, que ceux mesmes qui n'ont iamais apris cet exercice se mettent à danser, ou tesmoignent par quelque mouuement du corps le contentement qu'ils reçoiuent de ces Chansons : ce qui n'arriue point aux airs tristes & lugubres, qui sont plus propres pour faire pleurer & mourir les Auditeurs, que pour les faire rire, ou les faire viure : car ces airs sont composez de mouuemens propres pour engendrer la tristesse, & consequemment pour faire tomber des defluxions sur les membres, qui les rendent enfin paralytiques & incapables de mouuement.
Or pour parler comme il faut de l'Epinette, nous deuons considerer sa matiere, sa figure, ses parties, ses chordes, ses sons, son harmonie & son vsage tant ez concerts, que lors qu'elle est consideree toute seule, ce que nous ferons succinctement, & le plus clairement qu'il nous sera possible. Quant à la Matiere, il faut considerer trois choses aux Instrumens à chorde, & comme les Anatomistes diuisent le corps humain en la teste, au thorax & aux membres, dont la teste est le siege de la raison, & le domicile des sens, & le thorax est le lieu des parties vitales, aussi peut-on diuiser toute sorte d'Instrumens de Musique en corps, en table & en manche, comme font les ouuriers.
Le Corps du Luth est ce que l'on appelle les éclisses, le dos, ou la donte du Luth : mais en l'Epinette, c'est le coffre, qui se peut faire de toute sorte de bois : encore que l'experience & la raison ait appris aux ouuriers qu'il faut faire vne grande distinction entre les bois, parce qu'ils desirent d'estre employez & maniez diuersement, car les plus poreux, & les plus resineux, & qui par consequent tiennent plus de l'air, ont d'autres vsages en la fabrique des Instrumens que ceux qui sont plus denses, plus materiels & plus terrestres. Il faut donc que l'ouurier ait esgard à deux choses quand il fait les Instrumens, à sçauoir à l'harmonie ou resonance de l'Instrument, & à la force & solidité, qui sont deux choses qui demandent le bois contraire en qualité, car l'harmonie le demande delié, & consequemment fragile, & sujet à se dementir, & la solidité le demande espais & grossier, or ce qui est grossier est sourd.
Et les ouuriers qui donnent beaucoup de son aux Epinettes, les rendent de peu de duree, de là vient qu'il y faut perpetuellement trauailler ; & ceux qui les font trop massiues, les rendent sourdes & incommodes. Par consequent si l'on veut faire le corps de l'Epinette, il faut imiter la nature en la structure de l'animal, qui fait les os durs & grossiers pour le soustien du corps, & les muscles molets & delicats pour l'vsage des mouuemens. [p102] Les deux barres du trauers, & tous les sommiers sont au lieu des os, & les quatre ais qui doiuent estre deliez, sont au lieu des muscles. Quant aux sommiers ils sont ordinairement de bois de hestre, par ce que ce bois est bien dur & bien liant, ce que n'ont pas le buys, l'ebene, l'iuoire ou les autres bois durs. Les ais du costé sont de tillot, ou de quelqu'autre bois blanc, afin que l'Epinette soit plus legere : autrement ils peuuent estre de tel autre bois que l'on veut, pourueu que l'espaisseur soit proportionnee à la dureté du bois, car le plus dur & le plus solide doit estre plus delié, & le plus tendre doit estre plus espais, afin qu'ils fassent autant de corps l'vn que l'autre. Le fonds peut aussi estre de tel bois que l'on voudra, mais les ouuriers le font de sapin aux grandes Epinettes, & le font espais d'vn doigt, afin qu'elles soient plus legeres & plus portatiues.
Quant à la table, elle doit estre de bois resineux, comme de cyprez ou de cedre, & principalement de sapin, qui est le plus estimé de tous les bois pour cet vsage. Son espaisseur est d'vne ligne ou enuiron, & quand elle est bien collee & appuyee sur les tringles ou sommiers, c'est elle proprement qui compose l'instrument, car si l'on tend des chordes sur vne table de sapin de cette espaisseur, elle rend du son, encore qu'il n'y ait derriere ou dessus nulle boëte, nul coffre, ou corps d'instrumens, le reste ne seruant quasi que pour la tenir en estat, afin qu'elle puisse supporrer la tension des chordes. Toutesfois les parois d'alentour en augmentent le son, & luy donnent quelque qualité, en le rendant plus doux, plus aigre, plus perçant, plus creux, ou plus sec, & mieux prononçant qu'il ne seroit autrement.
La prominence qui excede le corps de l'instrument, & qui semble continuer ledit corps en droite ligne, est appellee le manche par les ouuriers, & ioüeurs d'instrumens, & sert pour estendre les chordes dessus, afin qu'elles [p103] ayent vne longueur suffisante, & que le Musicien pose les doigts dessus pour faire faire diuersitez de tons à vne mesme chorde ; or il y a autant de cheuilles au bout des manches qu'il y a de chordes sur l'instrument, afin qu'on les puisse hausser ou baisser à volonté, comme l'on void au luth, aux violes, aux mandores, aux guiterres & aux violons […]
Or ce que l'on appelle le Clauier en l'Epinette, est composé de plusieurs morceaux de bois longs & plats par le bout, qui sont arrangez selon l'ordre des tons & des demy tons de Musique, & se meuuent de haut en bas entrans dans le corps de l'Epinette ; & sur l'extremité du bout, qui est caché au dedans, il y a vn autre petit morceau de bois qui sert à toucher les chordes, & qui se nomme sautereau, à cause de son vsage, car il saute quand on iouë de l'Epinette.
Cette figure estant regardee de son point de perspectiue est si facile à comprendre, qu'il n'est pas besoin d'vn plus long discours. Il faut seulement remarquer que l'on se met au milieu pour en sonner, au lieu que l'on se met au bout du clauecin, comme l'on void dans sa figure : mais la disposition des clauiers monstre assez de quel costé l'on se doit mettre pour les toucher. Or A C B D monstrent le corps de cet instrument, dont le couuercle est Z Y A C, qui se ioint à l'ais du derriere auec des crampons mis en A, & en [p109] C.
PROPOSITION VIII. Que l'on peut sçauoir la grosseur, & la longueur des chordes sans les mesurer, & sans les voir, par le moyen des sons. L'on peut s'imaginer plusieurs façons pour treuuer la longueur, & la grosseur des chordes : premierement par le compas, dont on vse pour mesurer la grosseur, & la longueur de toutes sortes de corps, mais les chordes des instrumens sont si deliées, que le compas ne peut seruir pour treuuer leur diametre : 2. l'on iuge de leur grosseur par le toucher, car en les maniant on iuge à peu pres de combien les vnes sont plus grosses que les autres ; mais cet examen est trop grossier, & trop incertain. 3. on les mesure par les trous des filieres, car les fils, ou les chordes qui passent, & qui sont tirées par vn mesme trou sont d'esgale grosseur ; mais parce que l'on ne sçait pas la proportion des trous de la filiere, & que quand on la cognoistroit, on n'a point ordinairement de filiere, ny de trous pour mesurer la grosseur des chordes, & que cet instrument ne sert qu'aux chordes de metal, cette maniere ne peut estre vtile aux Musiciens. 4. on les peut mesurer par l'eau, ou par les autres liqueurs, car celle qui fera sortir deux fois autant d'eau d'vn vase plein, sera deux fois aussi grosse, si elles sont de mesme longueur : mais les chordes de boyau se gastent dans l'eau, & cette façon de mesurer les corps est trop difficile, & trop incertaine pour plusieurs raisons, que ie deduis ailleurs. 5. par les balances, car celle qui pesera deux fois autant, sera deux fois aussi grosse, si elle est de mesme matiere, & de mesme longueur : mais le poids d'vne chorde d'instrument, par exemple, de la chanterelle d'vn Luth, est si petit, que l'on a de la peine à [p127] remarquer les differences du poids de telles chordes. C'est pourquoy il faut se seruir d'vne autre maniere pour mesurer la grosseur desdites chordes, car quant aux longueurs, il est tres-facile de les sçauoir par le seul compas, ou par la comparaison des vnes aux autres. Or cette maniere peut estre appellee harmonique, d'autant qu'elle se pratique par les sons en cette façon.
Si ceux qui font aussi grand estat d'vne bonne chorde que de tout l'instrument prennent la peine de treuuer le ton de la table, i'estime qu'ils auront du contentement à comparer ces deux vnissons, & qu'ils aduouëront que l'vnisson est le plus puissant, & le plus excellent de toutes les consonances, comme i'ay prouué dans les liures de la Theorie, puis que l'vnion qui se fait du ton de la table auec celuy de la chorde rend vne harmonie rauissante, car il ne se fait quasi qu'vn mesme son des deux ; quoy que ie ne vueille pas reietter les autres raisons que l'on peut apporter de la bonté des chordes, par exemple que l'air enfermé dans le corps de l'instrument doit estre tres-bien proportionné à la longueur de la chorde, qui ne doit pas trouuer vne trop grande quantité d'air à esbransler, &c.
COROLLAIRE VI Ce qui a esté dit iusques à present peut aussi seruir pour la tablature du tremblement ou fremissement des cloches, & du mouuement de tous les autres corps, par exemple du mouuement des fueilles d’arbres, des oyseaux qui volent, & des autres corps qui battent l’air, parce que lors qu’vn corps bat autant de fois l’air que les chordes des instrumens, l’on peut dire qu’il fait l’vnisson auec lesdites chordes. De là vient que l’on ne peut apporter d’autre raison formelle & immediate, pourquoy vne cloche a le son plus graue ou plus aigu que l’autre, sinon parce que les parties de l’vne fremissent plus viste, & consequemment battent l’air plus souuent. Il faut neantmoins remarquer que l’on n’oyt pas les battemens d’air de toutes sortes de corps, quoy qu’ils soient [p146] aussi frequents que ceux de la chorde du Luth, de la Viole & des Cloches, comme il arriue quand l’air battu n’est pas enfermé, & que ses mouuemens ne sont pas reflechis, comme ils sont par la table & par le corps des instrumens : de là vient que l’on a de la peine à ouyr les chordes de Luth qui se meuuent dans vn air libre, tandis que l’on les tient par les deux extremitez auec les doigts, d’autant que le son n’estant pas reflechy n’est pas assez fort pour estre ouy, comme i'ay desia remarqué dans vn autre lieu.
COROLLAIRE VII Il est aysé de conclure de tout ce discours que l'on peut determiner les sons, les consonances & les dissonances que font les mouuemens du vent, du tonnerre, de la gresle, des boulets de canon, & des flesches, pourueu que l'on cognoisse combien de fois l'air est battu par ces corps : car on cognoist le nombre de ces battemens, quand on oyt le son ou le bruit desdits corps, si l'on a l'oreille assez bonne pour iuger de la grauité, ou de l'aigu du son. Il faut conclure la mesme chose du bruit que fait la flamme de la chandelle, & des bruits differents que l'on remarque dans l'art, ou dans la nature : ce qui peut encore seruir pour iuger de la legereté & de la pesanteur des corps qui se meuuent, ou de la force dont ils sont poussez ; comme ie monstre dans vn autre discours.
Il faut maintenant expliquer la seconde partie de cette Proposition, laquelle enseigne que les sons des metaux qui ont plus de Mercure, ont leurs sons plus graues ; que ceux qui ont plus de souphre fixe, rendent des sons plus aigus, & que le corps est plus pesant qui a plus de mercure, & que celuy qui a plus de souphre est plus leger, & consequemment que les sons aigus suiuent la legereté, & les graues la pesanteur des corps.
L'on peut neantmoins faire vne obiection en faueur du plomb, qui est plus pesant, & qui rend vn son plus sourd que les autres metaux, encore qu'il soit plus imparfait qu'eux, quant à sa solidité metallique ; toutesfois il n'a pas cette imperfection à raison de l'abondance du souphre combustible, mais à cause de la crudité de son mercure qu'il a plus grande que les autres metaux imparfaits : c'est pourquoy il a le son aussi graue ou plus que l'or, car comme l'excez du chaud & du sec fait que le corps à le son aigu, de mesme l'excez de l'humide, du froid & de l'aqueux, qui se trouue au plomb, fait qu'il a le son plus graue & plus sourd. Quant au cuiure franc, il est plus parfait & moins souphreux que le cuiure iaune, qui a plus de souphre aërien, impur & combustible : en suitte dequoy il doit, ce semble, auoir le son plus sourd, encore que l'on ne remarque pas de difference entre les sons de la chorde de cuiure & de leton, à cause, peutestre, qu'elle n'est pas sensible, non plus que la difference de leurs poids, comme l'on peut voir aux tables precedentes.
Or l'experience nous apprend que les metaux les plus parfaits sont les plus pesants, & qu'ils rendent des sons plus graues ; & que ceux qui ont plus de souphre, font des sons plus aigus, d'autant que le souphre est sec & chaud, & participe plus de la nature de l'air que le mercure, qui est aqueux, humide & froid : de là vient que les corps sont plus rares, & ont leurs parties plus esloignées & plus meslées d'impuretez & d'air, ce qui les rend propres pour le son : le mercure au contraire fait que les parties du corps sont plus compactes & plus serrées, & qu'elles ne sont pas meslées de tant de parties d'air, lequel est le principal suiet du son.
COROLLAIRE Si les Alchymistes nous pouuoient donner la cognoissance certaine du temperament de chaque corps par leurs trois principes : par exemple, quel principe predomine en l'homme, qui a 4. degrez de cholere, de ioye, ou de tristesse ; & supposé qu'vn homme pese cent liures, combien il a de liures de chaque espece de sel, combien de souphre & de mercure tant en poids qu'en grandeur ; quel principe se diminuë, s'altere ou s'augmente en toutes sortes de maladies & de passions de l'ame, combien chaque repas augmente les trois principes, combien il s'en dissipe tous les iours ; en quel poids & en quelle quantité les trois principes se doiuent rencontrer en celuy qui a les qualitez d'vn Musicien, & en quelle quantité & en quel poids ils sont en chaque metal, ils nous soulageroient grandement, & nous obligeroient à suiure la maniere de raisonner tant en ce qui appartient aux sons & aux pesanteurs, qu'aux autres qualitez des corps, dont i'ay desia traisté dans les liures de la Theorie selon leurs principes. Mais si l'on veut donner la raison de la diuersité des sons sans sortir de la Philosophie, ou de la Medecine ordinaire, il faut dire que le son le plus graue vient du metal, ou du corps le plus terrestre & le plus pesant, & qui à plus d'eau meslée auec sa terre, & que le son aigu vient du feu & de la chaleur qui est dans chaque corps : car l'on experimente que plus vn homme à de bile & de cholere, & plus il parle haut & aigu ; ce qui est representé par les chordes des instrumens qui sont les plus deliées & les plus courtes, & par toutes sortes de mouuements qui sont brusques & legers.
Et puis qu'il faut limer lesdites cheuilles en tournant la lime en forme d'helice ou de vis, afin qu'elles tiennent mieux dans leurs trous, & qu'on les puisse tirer plus viste & plus aysément pour changer les chordes, & mille autres choses que l'exercice apprendra. Il faut seulement remarquer que l'vn des principaux secrets de l'Epinette consiste à barrer la table, dont la bonté depend de l'excellente barrure, qui a esté pratiquée en perfection par Anthoine Potin, & Emery ou Mederic, que l'on recognoist auoir esté les meilleurs Facteurs de France, ausquels les meilleurs Facteurs de maintenant, à sçauoir Iean Iacquet, le Breton, & Iean Denys ont succedé, lesquels sont excellents en leur art : & peut-estre que ce siecle en produira qui adiousteront de nouueaux secrets, & de nouueaux charmes aux instrumens : par exemple, l'on peut faire toucher les chordes par quelques corps qui imiteront la douceur des doigts, & l'harmonie du Luth : l'on peut imiter les battemens, le flattement & tous les autres charmes des autres instrumens sur l'Epinette, que quelques-vns montent de chordes de Luth, afin d'en rendre l'harmonie plus douce.
Les deux autres rangs de chordes ne paroissent pas aussi entortillez aux 2 & 3. rang des cheuilles du clauier, afin d'euiter l'embarras & la confusion des chordes, dont il n'y a icy que deux rangées, à sçauoir les ordinaires des simples Harpes, dont chaque ton n'est pas diuisé en deux demy-tons, lesquelles sont entortillées au premier rang des cheuilles, par le bout β, qui est rond, & [p170] qui est percé d'vn petit trou, par lequel on passe la chorde, de peur qu'elle n'eschappe, comme l'on fait aux cheuilles du Luth, & des autres instrumens. Les quatre pans de bois qui sont entre E & H, monstrent la moitié du corps exterieur, sur lequel la table est posée, & consequemment signifient qu'il est composé de huict pans, quoy que l'on le puisse faire rond, ou de telle autre figure que l'on voudra. F & G monstrent les ouyes, qui sont faites en forme de treffle. Or il y a 29 chordes dans ce premier rang, lesquelles font 4 Octaues entieres, comme celles de l'Epinette ; de sorte que l'on peut dire que la Harpe est vne Epinette renuersée, à laquelle l'on peut accommoder vn clauier semblable à celuy du Clauecin, afin de la faire seruir d'Epinette, comme font quelques Italiens, qui la nomment Graue-cymbale, & d'imiter l'Epigone d'Ambraciotte, ou le Simice, dont Vincent Galilée donne les figures à la 40, & 41. pages de ses Dialogues de la Musique.
Quant aux pieces qui se ioüent sur la Harpe, elles ne sont point differentes de celles qui se iouent sur le Luth & sur l'Epinette, c'est pourquoy l'on peut icy repeter celles que i'ay mises cy-dessus. Mais ie donne encore vne autre figure d'vne simple Harpe, afin que l'on considere la façon des anciens Harpions qui donnent vn certain fremissement desagreable aux chordes, & les raisons de 23 interualles des 24 chordes qui font la Vingt-quatriesme ; car les nombres qui sont à la droite sur le corps les expliquent. L'on void aussi les noms que les Grecs ont donné à chaque chorde dans l'escriture qui est entre lesdites chordes : les characteres qui sont au haut des lignes ont esté pris de Porphyre & des autres Auteurs Grecs anciens : mais i'ay mis les lettres de nostre Eschele ordinaire sur les cheuilles, afin que l'on comprenne par cette seule figure comme Guy Aretin a accommodé les characteres de l'Alphabet Latin aux chordes des Grecs, dont les vnes estoient mobiles, à sçauoir toutes celles vis à vis desquelles ie n'ay pas mis la diction Grecque ἐϛως, qui signifie immobile, parce que les chordes qui ont cette diction demeuroient tousjours au mesme ton sur les instrumens, au lieu que toutes les autres pouuoient estre haussées ou baissées selon la difference des genres & de leurs especes.
Quant aux parties de ces instrumens anciens d, h, l, & I est le trauers, qui est lié aux branches, ou aux cornes f, g, n, o, & qui tient les cheuilles h l, dont on bande les chordes. La coquille sert de table, laquelle est droite dans la figure h i, pres de laquelle on void le Plectrum des anciens, lequel n'est autre chose qu'vn baston dont ils frappoient les chordes, comme l'on fait maintenant au Psalterion, duquel ie donneray la figure & l'vsage. Les trois instrumens du milieu sonnent lors que la main qui les empoigne par leurs manches R, V, & a les secouë & les esbranle : R Q & Z a font voir la forme des Cistres anciens, vsitez en Ægypte. Mais il faut remarquer que les barres de fer, ou de leton, ou de quelqu'autre matiere S T, & b c se meuuent horizontalement de S en T & de T en S, afin de frapper le corps du Cistre Q & Z, & de faire des sons à l'vnisson, comme font les anneaux des Cymbales, ou triangles d'acier dont on vse maintenant. L'instrument V X se meut [p173] perpendiculairement de X en V, & d'V en X, afin que les petits morceaux de leton ou d'acier Y, &c. se frappent & meinent le bruit auquel ils sont destinez & appropriez. Monsieur Naudé m'a enuoyé vne figure d'vn sacrifice ancien, dans laquelle l'vn de ceux qui y sont representez, tient cette figure par le manche V. Quant à l'animal representé sur le Cistre R Q, à sçauoir si c'est vne chate, vn lyon, ou vn bœuf, suiuant les differentes opinions que l'on [p173bis] a de ce que les AEgyptiens representoient dessus pour honorer leur Isis, i'en laisse la recherche aux Critiques, car il suffit que ie donne fidelement tout ce que i'ay peu trouuer dans les marbres & dans les medailles antiques.
PROPOSITION XXVI [XXVII]. Expliquer la figure, la matiere, les parties, l'accord, & l'vsage des Regales de bois, que l'on appelle Claquebois, Patoüilles, & Eschelettes. Pvis que les Flamands se seruent de morceaux de bois pour faire des Regales semblables aux Epinettes, & que ie ne veux rien obmettre de tout ce qui est en vsage chez nos voisins, il est raisonnable de representer cet instrument composé de dix-sept bastons, afin qu'il ayt l'estenduë d'vne Dix-septiesme, dont le son le plus graue est fait par A C, qui doit estre cinq fois aussi long que B D, puis que leurs deux sons suiuent la raison de cinq à vn ; quoy qu'on y puisse adiouster autant de bastons comme il y a de chordes sur l'Epinette. A B G H monstre le parallelogramme qui contient les dix-sept marches du clauier, dont chacune est semblable à la marche E F que i'ay mise à part, afin que l'on comprenne comment la teste F frappe les bastons de ce Claquebois lors que l'on abbaisse la palette E. Or les bastons sont attachez à des clous, ou à des cheuilles en α & β, & sous A & C, afin qu'ils tiennent ferme lors qu'ils sont tendus en l'air. Quant à la matiere on les fait d'vn bois resonnant, comme de hestre, ou de tel autre bois que l'on veut ; mais si on les faisoit d'acier, de leton, ou d'argent, ils rendroient vne harmonie plus agreable. L'accord de ces bastons depend de leurs grandeurs qu'il faut proportionner selon les loix que i'ay prescrit dans les liures de la Theorie : mais leur vsage peut apporter de la lumiere à la Physique, encore que ceux qui en vsent se contentent du plaisir qu'ils reçoiuent des sons, ou de l'apprentissage qu'ils font auec cet instrument pour toucher apres les carillons des cloches, dont [p176] ils se seruent en Flandre pour ioüer toutes sortes de chansons & de concerts, comme ie monstreray dans le liure des Cloches ; d'autant que l'on peut determiner quel est le ton de toutes sortes de corps par le moyen de ces Regales, & par consequent l'on peut sçauoir la raison que leur pesanteur à auec leurs sons, afin de conclure de nouuelles choses de leurs qualitez manifestes ou ocultes ; par exemple si l'on fait des Cylindres de plusieurs sortes de pierres, les sons plus aigus feront voir celles qui seront plus dures, plus seiches, ou plus legeres, &c.
l'adiouste encore la figure B D E pour representer l'eschelle dont les Turcs & plusieurs autres se seruent en frappant dessus auec vn petit baston au bout duquel on met vne petite boule. Cet instrument est composé de douze bastons qui vont tousjours en se diminuant depuis le 12 D E iusques au premier A B. Le plus grand baston a ordinairement 10 pouces de longueur, & consequemment le dernier doit estre de trois pouces & 1/3, afin de faire la Douziesme dont la raison est de 3 à 1, encore que les Facteurs les diminuent si peu que le premier est seulement double du dernier, parce qu'ils recompensent la longueur par l'espaisseur ; mais ie monstreray plus exactement dans les liures de la Theorie, quelle proportion il y a entre les corps solides & leurs sons. Quant à la base de ces bastons Cylindriques, elle a coustumé d'estre Elliptique, quoy qu'elle puisse auoir telle autre figure que l'on voudra : par exemple la ronde, ou la quarrée, car on les peut faire parallelepipedes, en forme de prismes, &c. L'on peut sçauoir la quantité de chaque baston en trouuant l'aire de l'ellipse de leurs bouts, dont le plus grand diametre est 1/9, ou 1/10 partie de longueur, & le moindre est sesquialtere du plus grand, car la hauteur ou longueur du Cylindre multipliée par sa base donnera la solidité, & consequemment la quantité du baston. Il faut aussi remarquer que l'on perce chaque baston vers ses deux extremitez, afin de les attacher tellement ensemble qu'ils soient separez par le moyen d'vne petite patenostre ou boule, de peur qu'ils ne se touchent, autrement l'on ne pourroit pas les frapper si distinctement les vns apres les autres comme il est requis pour en distinguer leurs sons, qui donnent autant de plaisir que ceux des autres instrumens, lors qu'on fait les diminutions & les fredons dont cette eschelle est capable. Or ie viens aux instrumens qui se touchent auec l'archet, afin qu'il ne manque rien dans cet œuure.
Car encore que l'on iouë plusieurs parties ensemble sur le Luth & sur l'Epinette, & consequemment que ces instrumens soient plus harmonieux [que le Violon], neantmoins ceux qui iugent de l'excellence de la Musique, & de ses instrumens par la beauté, & par l'excellence des airs & des chansons, ont des raisons assez puissantes pour maintenir qu'il [le Violon] est le plus excellent, dont la meilleure est prise des grands effets qu'il a sur les passions, & sur les affections du corps & de l'esprit. Mais auant que de passer outre, il faut expliquer la figure des Violons, dont le moindre se nomme la Poche, à raison qu'il est si petit que les Violons qui enseignent à danser, le portent dans leurs poches. Cet instrument est composé de trois parties, comme les autres instrumens, à sçauoir de la table L E, du manche D B, & du corps, dont on void seulement le costé M D. Il a souuent les trois ouuertures, qui sont icy marquées de G F & E, qui a la figure d'vn coeur, & les deux ouuertures G F s'appellent les ouyes. Le dessus du manche D B, sur lequel les chordes sont estenduës, est [p178] nommé la Touche : I H represente le cheualet, qu'il faut s'imaginer releué & posé à plomb sur la table. K L signifie la queuë, qui est faite d'vn morceau de bois, auquel les chordes sont attachées du costé K ; elle est attachée & arrestée au bouton M : les autres l'appellent le Tirant. La lettre A est dans la teste du manche, sur laquelle l'on peut faire vn Orphée, ou tel autre ornement que l'on veut : ce qu'il faut remarquer pour tous les ornemens dont on vse sur les autres instrumens, que quelques-vns couurent de nacres de perles, de rubis, ou d'autres pierres precieuses, quoy que cela ne serue de rien à la bonté de l'instrument.
Quant à l'estenduë de chaque partie, elle est de quatre quintes qui font la Dix-septiesme maieure, car outre les trois Quintes qu'elle fait à vuide, elle monte encore d'vne quinte par le moyen du manche que l'on touche. Et les excellens Violons qui maistrisent cet instrument peuuent faire monter chaque chorde iusques à l'Octaue par le moyen du manche, sur lequel ils treuuent 144 demy-tons pour transposer les 12 modes en tel lieu, & à tel ton qu'ils veulent. Or les 2 figures precedentes suffisent pour faire comprendre celles des autres parties, qui ne different que de grandeur, comme il arriue aux autres instrumens, dont les plus grands esbranlent vne plus grande quantité d'air, & font des sons plus graues & plus profonds. Quant à la grosseur & à la longueur des chordes, elles doiuent suiure celles des Violons, & les raisons de l'harmonie : par exemple, celles du Dessus doiuent estre huict fois moindres que celles de [p180] la Basse, lors qu'elles montent plus haut de trois Octaues, si l'on desire que la Musique soit parfaite, encore que ceux qui ioüent de cet instrument n'obseruent pas ces grandeurs si exactement, & que les Facteurs ne fassent pas les tables, les corps, & les manches en mesme raison que les sons qu'ils en veulent tirer, neantmoins s'ils en veulent prendre la peine, il n'est pas si difficile que l'on ne puisse le pratiquer, car si la plus grosse chorde de la Haute-contre est plus basse d'vne Quinte que celle du Dessus, il faut que ces quatre chordes soient sesquialteres de celles du Dessus tant en longueur qu'en grosseur, c'est à dire qu'elles ayent trois pieds de long si celles du Dessus ont deux pieds ; & si la plus grosse de la Taille descend plus bas d'vne Octaue que celle du Dessus, elles doiuent auoir toutes leurs dimensions doubles de celles du Dessus. Finalement, si la plus grosse chorde de la Basse est à la Douziesme, ou à la Quinziesme du Dessus, elle doit auoir ses chordes trois ou quatre fois plus grosses & plus longues. Mais i'ay fait vn discours particulier de la raison de toutes sortes de chordes dans le traité de l'Epinette, où l'on void la iuste proportion de leurs grandeurs.
Or il faut remarquer que les parties du milieu, c'est à dire la Taille, la Cinquiesme partie, & la Haute-contre sont de differentes grandeurs, quoy qu'elles soient toutes à l'vnisson, & consequemment lors que la surface de la Haute-contre est à celle du Dessus comme neuf à quatre, c'est à dire double sesquiquarte, & que leurs corps ont mesme raison que 27 à 8, c'est à dire triple surtripartissante 8, la surface de la Taille deuroit estre à celle du Dessus comme 4 à 1, afin que leurs soliditez fussent comme de 8 à 1, c'est à dire octuples : & finalement la surface de la Basse deuroit estre à celle du Dessus comme 16 à vn, & le corps de celle-là au corps de cettuy-cy, comme 64 à 1. Ce qu'il faut semblablement obseruer aux Violes, aux Luths, & à tous les autres instrumens, dont on fait des concerts, d'autant que ie ne parleray plus de ces proportions dans les autres discours. Quant à la Tablature des Violons & des Violes, elle n'est pas differente des notes ordinaires de la Musique, encore que ceux qui n'en sçauent pas la valeur, puissent vser de nombres, ou de tels characteres qu'il leur plaira pour marquer leurs leçons & leurs conceptions, & pour escrire des tablatures particulieres, comme sont celles du Luth, & de la Guiterre : quoy que les notes vaillent mieux que les lettres, d'autant qu'elles marquent les sons, la valeur des mesures, & toutes sortes de temps, & qu'elles sont plus vniuerselles dans l'Europe. Or si l'on veut quitter les noms, dont les anciens ont exprimé leurs modes, à sçauoir Dorien, Phrygien, Lydien, l'Ionien & les autres, & que l'on vueille leur imposer des noms plus intelligibles que ceux des Grecs, l'on peut appeller le Ton, ou le mode du Violon, le mode gay & ioyeux, comme celuy de la Viole & de la Lyre, le mode triste & languissant ; celuy du Luth, le mode prudent & modeste ; celuy de la Trompette, le ton hardy & guerrier, & ainsi des autres suiuant la proprieté de chaque instrument.
Or on les fait [les Violes] de toutes [p192] sortes de grandeurs, dans lesquelles l'on peut enfermer de ieunes Pages pour chanter le Dessus de plusieurs airs rauissans, tandis que celuy qui touche la Basse chante la Taille, afin de faire vn concert à trois parties, comme faisoit Granier deuant la Reyne Marguerite. Il faut les faire du moins assez grandes pour en tirer l'harmonie que l'on desire, & la figure qui suit a esté prise sur vne Basse de Viole longue de quatre pieds & demy ou enuiron, quoy que l'on puisse les faire de sept ou de huict pieds, si l'on a les bras assez grands [p193] pour en ioüer, ou si l'on vse de quelque artifice qui puisse suppleer le mouuement des doigts de la main gauche, ou de celle qui tient l'archet. La longueur de la Viole se prend depuis le bouton I, iusques à la lettre A, qui monstre le lieu des cheuilles, quoy que si l'on veut seulement prendre sa longueur par ses chordes, elle soit depuis le cheualet G iusques au sillet B, parce qu'elles ne tremblent & ne sonnent qu'entre ces deux termes : ce qui arriue semblablement aux autres instrumens, dont la longueur des chordes est bornée par le sillet & par le cheualet. M L K monstrent l'espaisseur du corps, ou la hauteur des éclisses, qui est plus ou moins grande selon la volonté des Facteurs, & l'harmonie que l'on en veut tirer. Le bout ou la partie M C de la touche B M C ne touche pas à la table de la Viole marquée de C D E G, mais elle est en l'air ; de sorte que l'on passe aysément les doigts entre elle & la table. Le cheualet G est haut de deux, trois, ou quatre doigts, dont le pied gauche G est soustenu d'vn petit baston que l'on void, & que l'on releue par l'ouye E, quand il est tombé : H monstre l'endroit de la queuë H I, auquel les six chordes sont attachées ; & I fait voir les chordes de fil d'arichal ou de fer, qui attachent la queuë au bouton I.
PROPOSITION VIII [VI]. Determiner si la chorde qui est touchée & pressée par l'archet, fait autant de tours & de retours en mesme temps que celle qui est touchée du doigt, lors qu'elles sont à l'vnisson. Si l'vnisson de toutes sortes de chordes suffit pour demonstrer que le nombre de leurs tours & de leurs retours est esgal dans vn temps esgal, il n'y a nul doute qu'elles tremblent autant de fois les vnes que les autres, & consequemment que celle que l'on touche auec l'archet, fait autant de retours contre le mouuement de l'archet, que si elle estoit touchée d'vne plume ou du doigt. Mais puis que l'archet pousse tousiours la chorde d'vn mesme costé, tandis que son coup se fait de droit à gauche, ou de gauche à droit, il semble qu'elle ne peut reuenir à contresens, & au contraire de l'archet qui la tient en mesme estat, & qui la conserue dans la situation qu'il luy à donnée, lors qu'il la poussée iusques où elle a peu aller. A quoy l'on peut adiouster que les tremblemens de la chorde ne sont pas entierement necessaires pour faire le son, car l'on experimente souuent que plusieurs corps estant pressez, frottez & meus contre des pierres, des carreaux, du bois, ou de la terre dure font des sons semblables à ceux des Violes, encore que l'on n'apperçoiue point de tremblemens, ou de retours dans la friction desdits corps. Neantmoins il faut conclure que la chorde fait autant de tremblemens dessouz [p197] l'archet que dessouz le doigt, & que le son des Violes n'est point different en cela d'auec celuy des Luths, & consequemment que les chordes ne feroient point de son, ou qu'elles ne feroient pas le mesme son, si l'archet ou quelqu'autre force les poussoit tellement de droit à gauche, ou de gauche à droit, qu'elles ne peussent auoir leurs retours libres, si ce n'est que ce qui les pousse feist autant de retours que les chordes en doiuent faire, comme il arriue aux vents qui frappent les rochers, les arbres & les maisons en faisant diuers bruits.
Or puis que chaque son est determiné quant au graue, ou à l'aigu par le nombre des battemens de l'air, & que la chorde ne le peut battre qu'vn certain nombre de fois dans vn mesme temps, il est necessaire que l'air ayant esté battu se reflechisse sur la chorde, & qu'en faisant son retour elle luy donne vn nouueau mouuement ; ce que l'on peut conceuoir en deux manieres, car l'on peut dire que l'air a vne plus grande tension, c'est à dire qu'il est tellement disposé, que quand il est frappé il va plus viste, & a ses retours plus frequens que la chorde, ou les autres corps par lesquels il est frappé ; de mesme que la chorde qui est tenduë sur vn instrument, va beaucoup plus viste que le doigt, la plume, ou l'archet dont elle est touchée, à raison de la disposition qu'elle a acquise par sa tension : ou bien l'on peut dire que l'air ayant esté frappé & enuoyé, par exemple, à costé droit de la chorde reuient apres qu'elle s'en va à main gauche, de sorte qu'elle le trouue en chemin, & qu'elle le repousse pour la seconde fois en luy adioustant vn nouueau mouuement, afin qu'il face desormais l'Octaue en haut auec le mouuement, ou le son naturel de la chorde, qui garde tousiours vn mesme temps pour vn mesme nombre de retours, tandis que l'air fait deux retours contre vn : mais quand la chorde le rencontre la troisiesme fois, elle luy imprime encore vn 3. mouuement, de sorte qu'il a trois retours contre vn pour faire la Douziesme, & puis la Quinziesme, & la Dix-septiesme. A quoy l'on peut adiouster que l'air ayant esté frappé par la chorde, se diuise premierement en deux parties, puis en 3, 4, 5, &c. qui font les sons precedens, parce que cette diuision est la plus aysée de toutes : & si l'on admet les atomes de Democrite, l'on peut dire que les differentes parties de la chorde qui frappent l'air differemment, diuisent & rompent la Sphere de l'air en 2, 3, 4 & 5 parties, ou que la mesme partie de la chorde le rompt differemment selon ses differentes dispositions ; de sorte que l'vne des parties de l'air se rompt en deux, l'autre en trois, quatre ou cinq parties, &c.
L'on peut augmenter le nombre des chordes [de la Vielle], que l'on met ordinairement à l'vnisson, ou à l'Octaue, comme celles des doubles, ou triples Clauecins ; mais si l'on met six bourdons qui fassent l'Octaue, la Douziesme, la Quinziesme, la Dix-septiesme & la Dix-neufiesme, suiuant les nombres 1, 2, 3, 4, 5 & 6, l'on aura vne parfaite Harmonie, que l'on pourra varier en differentes manieres, en adioustant ou soustrayant telles chordes que l'on voudra, & en les esloignant de la rouë N O P : car ces chordes du bourdon & les autres ne peuuent sonner si elles ne touchent à la rouë qui leur sert d'archet ; c'est pourquoy elle doit estre bien polie, afin que les chordes ne souffrent point de sauts en frayant dessus : mais il est necessaire de la frotter de Colophone, comme le crin ou la soye des archets ordinaires du Violon, autrement les chordes ne sonneroient pas. Mais cette rouë n'a pas les charmes de l'archet, quoy que l'on puisse remedier à cette imperfection. Or chaque marche du clauier de la Vielle a deux petits morceaux de bois perpendiculaires, que l'on peut nommer les touches, puis qu'elles seruent pour toucher les deux chordes qui sont à l'vnisson, lors que l'on pousse les marches [p213] du costé C, vers le costé F H, autrement ils ne touchent pas lesdites chordes, comme l'on void à la cinquiesme marche, dont les deux morceaux de bois ne touchent pas les chordes : ce qui arriue à toutes les autres marches, lors qu'on les laisse retourner dans l'assiette ordinaire qu'elles ont quand leurs bouts ne paroissent pas du costé F H, comme l'on void au bout de la cinquiesme marche. Il faut encore remarquer que le clauier E F G H est semblable à vne petite caisse esleuée sur la table O Q C D, afin que les branches des marches auec leurs touches soient logées dedans ; & que cette caisse est entrée & colée sur ladite table, souz laquelle est le corps & le concaue, ou le creux de la Vielle. Mais on la cache par le moyen d'vn couuercle, qui s'attache au costé F H. La rouë se couure semblablement d'vn morceau de sapin, courbé en rond comme l'anse d'vn seau de bois, qui tient aux petits morceaux de bois α β : quoy que i'aye laissé l'vn & l'autre à descouuert, afin que l'on voye toutes les parties de cet instrument.
Ceux qui croyent que l'air est composé d'atomes, peuuent dire que les instrumens à vent sonnent lors qu'ils sont frappez par vne assez grande multitude de ces petits corps, qui se meuuent iusques à l'oreille des auditeurs, & que si la terre ne les pousse pas plus loin que chaque animal pousse les siens, que la sphere de l'air est fort petite : à laquelle succede le vuide ou l'ether, dans lequel les instrumens ne peuuent sonner. Mais il est plus vray semblable que l'air est continu depuis la terre iusques au firmament, & peut-estre par de là iusques à l'infiny, où iusques où il a pleu à Dieu de l'estendre, & que celuy que nous respirons n'est different de l'autre qu'en ce qu'il est meslé de plusieurs corps heterogenes, que l'on appelle vapeurs & exhalaisons, lesquelles sont peut-estre autour de la Lune, du Soleil & des Estoilles, comme autour de nostre terre, laquelle nous metterions entre les Planettes, si nous estions dans le Soleil, ou dans Mars. Reste maintenant à considerer si l'eau peut seruir pour faire sonner ces instrumens ; ce qui est tres-aysé à resoudre par l'experience, qui monstre qu'il n'est pas possible de les faire parler, de quelque maniere qu'on les embouche entre deux eaux, car ils ne font nul son lors que leur lumiere, ou leur emboucheure est enfoncée dans l'eau, qui peut seulement seruir pour les faire gazoüiller & fredonner, quand la lumiere est hors de l'eau ; comme il arriue aux petits instrumens dont on vse pour imiter le chant du Rossignol, ou des autres oyseaux, parce que le vent que l'on pousse s'insinuë dans l'eau, & la fait sousleuer en quantité de petites particules, qui sont cause de la diminution, & des tremblemens & martelemens du son.
PROPOSITION II. Expliquer de combien il y a d'especes d'instrumens à vent, & quel est le plus simple de tous. L'on peut diuiser ces instrumens en plusieurs manieres, dont i'en expliqueray icy les principales, par exemple, on peut leur donner le mesme ordre qu'ils tiennent dans l'vsage ordinaire, en ioignant ensemble ceux qui seruent à vn mesme concert, ou celuy des temps esquels on les a inuentez, ou celuy du nombre de leurs trous, &c. de sorte qu'il importe fort peu quel ordre l'on suiue, pourueu que l'on en entende la fabrique, la proportion & [p227] l'vsage. Or i'explique premierement ceux qui n'ont qu'vn trou, & puis ceux qui en ont deux, trois, ou plusieurs ; & parce qu'entre ceux qui n'ont que deux, trois, ou plusieurs trous, les vns ont des bocals, ou bouquins, que l'on peut appeller emboucheures, & les autres des tampons, des lumieres, ou des anches, ie parleray premierement de ceux-cy, & puis des instrumens à bocal : mais ie ioindray ceux que l'on embouche à costé par vn simple trou, auec ceux qui vsent de lumiere, laissant neantmoins à chacun l'entiere liberté de les disposer autrement. Quant au plus simple instrument, il est mal aysé de le determiner, car il semble d'vn costé que la Fluste, que l'on appelle Eunuque, & les autres qui rendent seulement la voix qu'ils ont receuë, par exemple les pots cassez, les coquilles, & les autres corps concaues, dans lesquels on parle pour renforcer la voix, sont les plus simples de tous, & d'ailleurs que l'on doiue attribuer cette simplicité à ceux qui n'ont qu'vn seul trou, comme il arriue aux flustes de Pan, dont vsent les Chaudronniers, aux petits sifflets, aux clefs percées, à l'vne des mains iointes, ou à toutes les deux qui seruent de sifflet, & à plusieurs apeaux, ou pipets dont on vse pour appeller & pour prendre les oyseaux. A quoy l'on peut adiouster que les chalumeaux de paille sont tres-simples, & qu'il n'y a nul instrument plus rural ou champestre, ny qui soit plus aysé à faire, si ce n'est qu'on leur prefere les cornes de boeuf & de belier, ou des autres animaux, dont ie parleray dans le discours des Cors de chasse.
Ie laisse plusieurs sons que produisent les vents à la rencontre des rochers, & des autres corps, parce qu'ils ne sont pas dans nostre disposition, & qu'ils ne peuuent seruir à la Musique, encore qu'il puisse arriuer qu'ils fassent toutes les parties d'vn concert par le moyen de plusieurs trous, qui se rencontrent quelquefois dans les rochers, & dans les montagnes : de sorte que l'on peut se tromper en s'imaginant que la douce confusion des sons que l'on oyt pres des bois, des forests, des rochers, des cauernes, &c. vienne de quelque Musique esloignée. Ce qu'il faut remarquer afin de ne faire pas passer pour miracle, ou pour prodige ce qui n'est que naturel, & que nostre religion, dont l'essence est si saincte & si veritable, qu'elle est digne de Dieu, ne soit pas mesprisée, lors que l'on veut l'appuyer, ou la confirmer par des actions que les ignorans publient quelquefois pour extraordinaires & miraculeuses, quoy qu'elles n'ayent rien de surnaturel, comme ie fais voir en plusieurs endroits de cet oeuure, qui peut seruir pour destruire la superstition, & pour affermir la vraye deuotion qui consiste particulierement à aymer Dieu de toute nostre affection & nostre prochain, c'est à dire tous les autres hommes, autant que nous mesmes, & à pratiquer toutes les actions que prescrit la vraye Religion, soit du corps, ou de l'esprit, auec la sincerité & la pureté que Dieu desire de la creature raisonnable.
PROPOSITION III. Expliquer la figure, la matiere, & la proportion de l'instrument que l'on attribuë à Pan, & son vsage. Il n'est pas necessaire d'auertir les Musiciens, & les Poëtes qu'il n'y a qu'vn seul Dieu, que nous adorons dans l'Vnité de son essence, & dans la Trinité [p228] des personnes, pour leur faire mespriser les fables qui introduisent le Dieu Pan auec le reste de la Theogonie Payenne, puis qu'ils le sçauent aussi bien que moy, & qu'ils n'ont point d'autre Dieu que le veritable ; c'est pourquoy ie ne m'arreste pas icy à descrire les courses, & les progrez de ce Dieu fabuleux : & il n'y a nulle apparence que les Sages de l'antiquité ayent entendu autre chose par ce nom que la nature vniuerselle, ou celuy qui le premier a monstré l'vsage que les roseaux, & les chalumeaux peuuent auoir dans la Musique. Ie laisse les differentes explications que l'on donne à la fable de Pan, & que l'on peut voir chez Noël le Conte, Bacon & les autres, parce qu'il suffit de sçauoir que l'instrument dont nous parlons peut auoir tant de differents tuyaux que l'on voudra, comme l'Orgue, & que si l'on n'en met que quatre, qu'ils representent les quatre elements, comme les sept, ou les huict signifient les sept Planettes auec le 8. ciel ; quoy que ie l'aye composé de douze tuyaux, afin de luy donner l'estenduë d'vne Douziesme, comme l'on void aux notes de Musique : de sorte que l'on peut choisir les huict premiers pour l'Octaue, ou les neuf pour les neuf Muses, &c. Vigenere traite fort amplement de Pan dans ses tableaux de Philostrate, où il dit qu'il a inuenté la Fluste à neuf trous, comme Minerue celle d'Allemand, & que les differentes parties de son corps signifient celles de toute la nature, ou de la chymie. Mais si l'on croid Polyaenus, Pan a esté l'vn des Capitaines de Bacchus, & est depeint auec deux cornes en la teste, parce qu'il inuenta les deux cornes dans les armées, c'est à dire la droite & la gauche. A quoy il adiouste, au commencement du premier liure des Stratagemes, qu'il mist les ennemis de Bacchus en desroute auec le grand bruit qu'il feist faire à ses soldats, par le moyen des Echo de la valée où ils estoient, qui multiplierent tellement les cris desdits soldats, que l'armée ennemie en fut espouuantée : c'est pourquoy l'on a dit que l'Echo est aymé de Pan, & que les vaines craintes ont esté appellées terreurs Paniques.
PROPOSITION VII. Expliquer le Diapason des Flageollets, & la maniere d'en sonner en perfection à vne ou plusieurs parties, auec vn exemple de Musique. C'est chose asseurée que le Diapason de cet instrument ne suit pas la proportion des consonances des interualles & des autres Diapasons, comme l'on peut voir dans la figure precedente, dans laquelle les distances des trous n'ont pas mesme raison entr'eux que les tons qu'ils font : ce qui est aysé à prouuer par l'experience, car si les Facteurs gardoient cette proportion, le Flageollet monteroit du moins à l'Octaue du son qu'il fait, quand ses six trous sont bouchez, lors que l'on ne bouche plus que le cinq & le 6 : d'autant que le corps du Flageollet, qui se prend depuis le haut de la lumiere C iusques au B de la pate, est double de C 4 ; & neantmoins cette partie de corps ne monte que d'vne Quinte : d'où il est euident que le reste du corps contribüe à la grauité du ton, & consequemment que le vent qui sort par le quatriesme trou, quand on bouche seulement le 5 & le 6, ne sort pas tout par ledit trou, & que quelques parties s'en vont par les autres trous qui suiuent, à sçauoir par le 3, 2, &c. & par l'ouuerture de la pate, comme l'on experimente en mettant la main vis à vis desdits trous.
Et l'on peut dire que ce qui sort d'air par ces trous, & que ce qui reste du corps du Flageollet depuis le quatriesme trou iusques à B, fait baisser le ton d'vne Quarte. D'ailleurs, si la distance des trous suiuoient la proportion de leurs tons, il faudroit que le quatriesme trou fust seulement plus esloigné d'vne huictiesme partie de la lumiere que le 5, & neantmoins il est esloigné d'vne quatriesme partie dauantage, quoy qu'il ne fasse descendre le Flageollet que d'vn ton. Il faut dire la mesme chose du troisiesme trou au regard du quatriesme. Quant au 3, 2 & 1, ils sont vn peu mieux reglez. Or il faut aduoüer que la seule experience peut donner le Diapason des Flageollets, puis que l'on ne void nulle raison pour laquelle le cinquiesme trou doiue estre plus esloigné du 4, & le 4 du 5 pour faire leurs 2 tons, que le 3 trou du 2, & le second du premier : quoy que ie ne doute nullement qu'il n'y ayt quelque raison de cette differente distance de trous, soit qu'on la prenne de la part du vent, qui est differemment inspiré, ou de la fabrique du Flageollet & des autres instrumens, ausquels il arriue la mesme chose : mais ie laisse cette recherche à ceux qui voudront & qui pourront passer plus auant, d'autant qu'il suffit d'auoir remarqué la iuste distance, & la vraye disposition des trous dans les deux figures precedentes, pour seruir de modelle à ceux qui voudront faire des Flageollets de toutes sortes de grandeurs, esquels il faut à peu pres obseruer la mesme proportion. C'est pourquoy ie viens à la maniere d'en sonner, qui consiste particulierement à pousser le vent comme il faut, & à boucher & ouurir les trous suiuant la tablature. Ie dis donc premierement qu'il faut tellement boucher les trous, que le vent n'en puisse sortir, afin de faire les tons iustes, & qu'il les faut seulement boucher à demy, lors que l'on veut faire les feintes, ou les demy-tons qui appartiennent à la Chromatique, car l'on peut faire vingt-huict demy-tons tout de suitte sur le Flageollet pour sonner toutes sortes de pieces chromatiques ; & s'il se rencontre des hommes [p235] qui puissent tellement boucher les trous qui fassent des quarts de ton pour les dieses Enharmoniques, ils pourront vser de ce genre sur cet instrument. Mais apres que l'on sçait faire tous les tons, il faut s'accoustumer à la vistesse & à la mesure, afin de faire toutes sortes de passages & de diminutions, & d'vser de toutes les douceurs & les mignardises, dont le Flageollet est capable ; ce qui ne se peut faire sans la vistesse des doigts, qui doiuent boucher & deboucher six ou huict fois les mesmes trous dans le temps d'vne mesure pour imiter les diminutions de la gorge, de la Viole, des Luths & des autres instrumens.
PROPOSITION VIII. Expliquer la figure, l'estenduë, la tablature, & l'vsage des Flustes d'Angleterre, que l'on appelle douces, & à neuf trous, auec vn exemple à quatre parties. Ces Flustes sont appellées douces, à raison de la douceur de leurs sons, qui representent le charme & la douceur des voix : on les appelle à neuf trous, parce que le huictiesme, qui est proche de la pate, est double, afin que cet instrument puisse seruir aux gauchers & aux droictiers. Or l'on embouche cette Fluste comme les precedentes, & le premier trou est marqué d'vn zero blanc, afin de signifier qu'il est derriere, & qu'il doit se boucher du pouce de la main gauche, dont les trois doigts suiuans seruent pour boucher le deuxiesme, le troisiesme, & le quatriesme trou, comme les trois de la droite bouchent le cinq, six & septiesme, car le huictiesme est destiné pour le petit doigt, que l'on appelle auriculaire, ce qui est representé si clairement par cette figure, qu'il n'est pas besoin d'vn plus long discours, car les huict nombres monstrent l'ordre des huict trous ; A signifie l'emboucheure, dont la fente est representée par le bout D. B C signifie la longueur de son corps, & le bout E F monstre encore vne autre sorte d'emboucheure, qui sert aux Tailles & aux Basses, qui ont deux pieds & 3/4 de longueur ; la Taille a vn pied cinq pouces, & le Dessus n'a qu'onze lignes. Mais pour entendre l'accord de toutes les parties, il faut remarquer que leur huictiesme trou estant ouuert, le Dessus est à la Neufiesme, & la Taille auec la Haute-contre est à la Quinte [p238] de la Basse : car la Haute-contre n'est pas differente de la Taille, d'autant que l'estenduë de l'vne suffit pour faire les deux parties, comme il arriue à plusieurs autres instrumens à vent & à chordes. Or ces Flustes font le petit ieu, comme celles qui suiuront apres font le grand ieu, mais elles se peuuent toutes accorder ensemble, comme font les grands & les petits ieux des Orgues.
Or il suffit icy d'expliquer tous les Cors de chasse, dont on a coustume d'vser, d'autant que ie parleray apres des Trompettes. Les quatre figures precedentes les representent tous, car A B monstre la figure du grand Cor, & C D celle du Cor à plusieurs tours, mais il n'est pas si vsité que l'autre. La Trompe E F, qui n'a qu'vn tour, est la plus vsitée, c'est pourquoy ie l'ay mise auec son Enguicheure L, M, G, H 1, 2, 3. Les cordons qui ont des houppes pendantes attachées aux points L & M, & ceux qui sont marquez par K & I seruent pour eslargir, & pour estressir l'enguicheure à proportion du corps de celuy qui porte le Cor & qui en sonne. Les autres cordons G 3, & H 2 tiennent la Trompe en estat par le moyen des trois anneaux 1, 2, 3. N O represente le troisiesme Cor, que l'on appelle ordinairement le Huchet : & la cinquiesme figure P O fait voir le Cornet de Poste, que l'on ioint sur le corps auec le cordon R. Où il faut remarquer que ces Cors n'ont que deux parties considerables, à sçauoir leurs emboucheures A, C, E, N, que l'on fait d'argent, de cuiure, de corne, de bois, ou de telle autre matiere que l'on veut : & leurs pauillons B, D, F, O. Les emboucheures s'appellent bocals, ou bouquins, comme ie diray encore an traité des Cornets à bouquin, & des Serpents, & s'entent tellement dans le corps des trompes, qu'on les oste aysément quand on veut.
PROPOSITION XIV. Expliquer pourquoy la Trompette ne suppose pas chacun de ces tons pour l'vnité, & par consequent pourquoy elle ne fait pas tousiours l'Octaue à chaque interualle. Pvis que l'on peut supposer 2, 4, 8, &c. aussi bien qu'vn pour le premier son de la Trompette, il est ce semble difficile de sçauoir pourquoy elle ne fait pas aussi aysément l'Octaue, ou la Quinte, ou tel autre interualle que l'on veut, au 3 & 4 interualle, &c. comme au 1 & au 2, puis que son 3 & 4 son, &c. peuuent aussi bien estre supposez pour l'vnité, comme le premier. Neantmoins il est aysé d'expliquer cette difficulté, si l'on veut vser de suppositions veritables, & de celles que donne la nature, sans s'amuser aux imaginaires, qui n'ont pas leur fondement dans la realité des choses, d'autant qu'il est certain que le premier son de la Trompette est au second comme vn à deux, car les battemens de l'air, qui font le premier son, durent deux fois autant que ceux qui font le second, c'est à dire que l'air bat deux fois dans le second son, tandis qu'il bat vne seule fois dans le premier son, comme i'ay prouué ailleurs ; de sorte que si l'on prend toute l'estenduë de la Trompette pour son corps entier, l'on trouuera qu'il est impossible que le premier son puisse estre supposé pour autre chose que pour l'vnité, le second pour le binaire, le troisiesme pour le ternaire, &c. Ce que l'on peut entendre par la comparaison d'vn [p254] corps, car si l'on suppose que l'vn de ses costez soit de deux pieds, & qu'il soit cube, c'est chose asseurée que la surface de l'vn de ses costez aura quatre pieds, & que sa solidité en aura huit : mais si apres auoir trouué quatre pour la surface, l'on vouloit encore supposer que cette surface n'a que deux pieds, l'on ne pourroit trouuer son conte, ny la solidité que l'on cherche, ny par consequent la verité. C'est pourquoy il faut tousiours suiure le premier fondement que l'on a pris dés le commencement, si l'on ne veut que tout ce qu'on bastit se ruine de soy-mesme : & consequemment si l'on prend l'vnité pour le premier son de la Trompette, il n'est plus permis de la supposer pour ses autres sons. La mesme chose arriuera, si l'on suppose 2, 3, 4, 5, &c. pour le premier son, car l'on rencontrera tousiours le mesme raisonnement, & les mesmes interualles que i'ay expliquez. Et si l'on obiecte qu'en supposant le premier son pour l'vnité, l'on peut s'en imaginer vn plus graue, qui se fasse par la moitié de l'vnité, & puis vn autre qui se fasse par le quart, & ainsi des autres, suiuant ces nombres 1/2, 1/4, 1/8, 1/16, &c. il faut respondre qu'il ne se peut faire de son d'vn demy, ou d'vn quart de battement ou de retour, car il faut pour le moins battre vne fois l'air pour faire vn son, or l'on ne peut le battre plus d'vne fois, qu'on ne le batte pour le moins deux fois, & puis trois fois, &c.
Quanto al tañer con buen ayre [...] se advierta, que para esto se requiere tañer las Seminimas de vna manera, y las Corcheas de tres. La manera que se ha de tener para tañer las Seminimas, es detenerse en la primera, y correr la segunda, y ni mas ni menos detenerse en la tercera, y correr la quarta, y desta forma todas las Seminimas, lo qual se haze, como si la primera Seminima tuuiesse pu[n]tillo, y la segunda fuesse Corchea, y semejanteme[n]te la tercera tuuiesse pu[n]tillo, y la quarta fuesse Corchea, y desta manera todas las Seminimas. Y tengase auiso, que la Seminima q[ue] se corre, no ha de yr muy corrida, sino vn poco moderada.
Dança. Quasi ducança, a ducendo, porque va uno delante que es le que la guía, y los demás le siguen; y por alusión dezimos el que guía la dança, por el que maneja algún negocio y lleva tras si los votos de los demás, siendo la guía y cabeça dellos. Antiguamente avía muchas diferencias de danças: unas de donzellas coronadas con guirnaldas de flores, y éstas hazían corros y cantavan y baylavan en alabança de los dioses. Otras eran de hombres en dos diferencias; unas mímicas, que responden a las de los matachines, que dançando representavan sin hablar, con solos ademanes, una comedia o tragedia; otras danças avía de hombres armados, que a son del instrumento y a compás ivan unos contra otros, y travavan una batalla. Éstos se llamaron pyrricos, del nombre de Pyrro, inventor deste género de dança, para acostumbrar a los mancebos a sufrir las armas y a caminar, y a saltar con ellas. […]
Y el día pasado y venida la noche, el dicho señor Condestable se retrayó a çenar, do asaz conbidados çenaron con él. Y después de muchos bayles e danças e cosautes e corros e otras maneras de plaser que todo el mundo andava como fuera de tiento, demandada e reçebida colaçión por todos, retrayóse a dormir.
[…] Todos los puntos contenidos en los sobredichos diapassones son de essencia de los modos. Algunas vezes se corrompen ciertos puntos, y se mudan (que siendo vno fa: lo hazemos mi, o siendo mi: se haze fa) por causas particulares: pero no por ello se muda el modo. Estos mesmos diapassones que contienen los modos naturales: han de guardar los accidentales. Por aquel signo no se tañera vn modo accidental: que no tuuiere complido el diapasson. Es impossible vno ser tal modo: si no guardare el diapasson del mesmo modo. No lo guardara si le faltare el semitono: porque este es anima del modo, y differencia specifica.
Los quiebros se han de hazer con la mano derecha, con tercero y quarto, y con segundo y tercero dedos, y con la mano yzquierda, con tercero y segundo, y con segundo y primero dedos, y quiebren de la parte de arriba lo mas apriesa que pudieren, y no ha de ser largo, sino lo mas corto que pudiere, haziendo siempre fuerça en la tecla que la figura de la cifra demonstrare, donde a el le pareciere hazer quiebro.
EL ORDEN QUE SE HA DE TENER PARA
subir y baxar en la tecla.
Con la mano derecha han de subir con el tercero y quarto dedo, y baxar con el tercero y segundo, contando desde el pulgar que es el primero. Con la yzquierda han de subir con el quarto, y yr consecutiuamente hasta el primero, y luego tornar al quarto, y asi vaya subiendo todo lo que quisiere. Ha de baxar desde el pulgar hasta el quarto, y despues yr baxando con tercero y quarto hasta donde quisiere.
Las sextas y quintas ansi con la mano derecha como con la yzquierda, han de dar co[n] [f11] primero y quarto, con primero y tercero dedos, terceras se dan con quarto y segundo, y primero y tercero, y tercero y quinto dedos Esto se pone para los que no saben ninguna cosa tañer, y aduiertan que nunca den dos teclas con vn dedo, y tengan mucha que[n]ta de tañer muy limpio lo que pusieren, y hasta que tañan vna obra muy a compas y sin errar, no pongan otra, que sera trabajar en vano, y despues toparan glosas que no se podra tener esta orden de dedos, cada vno las haga con los dedos que mejor se amañare.
Los quiebros se han de hazer con la mano derecha, con tercero y quarto, y con segundo y tercero dedos, y con la mano yzquierda, con tercero y segundo, y con segundo y primero dedos, y quiebren de la parte de arriba lo mas apriesa que pudieren, y no ha de ser largo, sino lo mas corto que pudiere, haziendo siempre fuerça en la tecla que la figura de la cifra demonstrare, donde a el le pareciere hazer quiebro.
La occasion que los Compositores han tenido de hazer diuersas maneras de composiciones, assi mesmo los hizo hallar differentes ordenes de proceder en ellas: por esso vemos, que assi como las Canciones, los Romances, y las Villanescas son de otra manera, que no son los Madrigales, las Missas, ni los Motetes; assi mesmo por no hazerlas conuenir en todo, les dieron otro differente principio, y tambien otra manera de final. Pero hase de saber, que casi de ordinario en los Sonetos, en las Coblas y Canciones, y en los Villancicos, despues de hauer cantado alguntanto, se suele hallar vna señal formada con dos rayas coruas ò rectas, que ocupan dos espacios ò mas, y cada una tiene dos puntillos.
Les indes saluent le soleil en dançant, Et ceulx qui ont voyagé ez terres neufves rapportent que les sauvages dancent quant ilz aperçoivent le soleil se monstrer sur l’orizon. Socrates apprint a dancer de Aspasia. Les saliens tresnobles prebstres de Mars dançoient en leurs sacrifices. Les choribantes en frigie. Les lacedemoniens et ceux de Crete n’alloient a l’assault contre leurs ennemis sinon en dançant. Vulcan grava sur une targue une dance comme chose tresbelle a veoir. Museus et Orpheus, voulurent que leurs hymnes qu’ilz avoient composées en l’honneur des dieux, fussent chantées avec dances.
E ya del todo el día pasado, e la noche venida, e grant parte della pasada en baylar, e dançar, e cosautes, segund dicho es, vynyeron a la çena, más por no dexar la costunbre que porque a ninguno menester le fisiese, segund el día pasado avían comido. En la qual asy mismo fueron servydos y abastados de aquella mysma manera. Y después que los dichos señores y las otras gentes ovyeron çenado, luego los ministreles tocaron las duçaynas, los quales de aquellas fiestas, segund lo que trabajaron, no me pasmó syno cómo no perdieron el seso. Y al toque dellas, después quel dicho señor Condestable y la señora condesa, e doña Juana su hermana, e su hermano, e otros, un rato ovyeron dançado, sobrevino un esquadra de gentiles onbres de su casa, en forma de personas estrangeras, con falsos visajes, vestidos de muy nueva e galana manera, es a saber, de un fino paño muy mucho menos que verde; representando que salían de un qrudo cativerio, do les fue libertad otorgada condiçionalmente que a la dicha fiesta de los dichos señores Condestable y condesa vinyesen servir y onorar. Los quales dançaron e baylaron bien más de tres oras. Y dado fin al dançar, la colaçión de muchos confites y conservas fue mandada traer, y fecha, el señor Condestable se retrayó a su cámara con la señora condesa.
E los capellanes, al tienpo del dar agua a manos, bendisían las mesas, al prinçipio e al fin. Y desque avían comido [ceremonial del día de la fiesta de Navidad] e alçados los manteles, los chirimías e los otros ystrumentos tañían muy dulçemente altas e baxas e dançavan los gentiles onbres e pajes. E desque avían un rato dançado, el dicho señor [condestable] mandava levantar la mesa e dançava con la señora condesa, e el comendador de Montizón con doña Juana, su hermana, e las otras damas con quien su señoría mandava; e dançavan todos una ora o más. E acabando de dançar, mandava cantar cosantes e rondeles, en los quales él e la señora condesa e todas las otras damas e gentiles onbres andavan por una grand pieça, y esto acabado mandava traer colaçión para todos. E acabada de dar, ya era ora de bísperas e yvase a ellas, aconpañado de todos los gentiles onbres e otras gentes de la çibdad: los tronpetas e cherimías tocando delante. E dichas, bolvióse a su posada […].
Y desque avían çenado, los dichos cherimías e otros ynstrumentos tocavan baxas e altas e dançavan los gentiles onbres e pajes, e depués, el señor condestable, asy mesmo, con la señora condesa e sus hermanos el comendador de Montizón e doña Juana e las otras damas, e luego cantavan rondeles e cosantes […].
E desque avían dançado una ora o más mandava que cantasen rondeles e cosantes, en los quales él y la señora condesa, y las otras damas y los señores de la yglesia mayor e todos los conbidados andavan. Y después de aver por grand pieça cantado, mandava traer colaçión y retrayese. Y dende a poco yva a bísperas, en la orden que yva a misa, e en la misma orden venía de las dichas bísperas.
E luego trayan de comer con los tronpetas e atabales e cherimías, como en las otras fiestas. E desque todos los maestresalas, uno en pos de otro, benían a la dicha sala con el aguamanos, levantávanse todos en pie, e sus capellanes bendisían la mesa. E asy mesmo en fin de comer. E desque avían comido, los maestresalas alçavanlas las mesas, e los cherimías e los otros ynstrumentos tañían, baxas e altas, e dançavan los que lo sabían faser. Y después el señor condestable y la señora condesa dançavan un rato, e cantavan en cosante, como ya otras veses es dicho. Y después de la colaçión, subíase arriba con las dichas señoras, y dende a poco yva a bísperas.
Y el día pasado y venida la noche, el dicho señor Condestable se retrayó a çenar, do asaz conbidados çenaron con él. Y después de muchos bayles e danças e cosautes e corros e otras maneras de plaser que todo el mundo andava como fuera de tiento, demandada e reçebida colaçión por todos, retrayóse a dormir.
Y desque avían comido [ceremonail del día de la fiesta de navidad] e alçados los manteles, los chirimías e los otros instrumentos tañían muy dul çemente, altas e baxas; e dançavan los gentiles onbres e pajes. E desque avían un rato dançado, el dicho señor [condestable] mandava levantar la mesa e dançava con la señora condesa, e el comendador de Montizón con doña Juana, su hermana, e las otras damas con quien su señoría mandava; e dançavan todos una ora o más. E acabando de dançar, mandava cantar cosautes e rondeles, en los quales él e la señora condesa e todas las otras damas e gentiles onbres andavan por una grand pieça. Y esto acabado […] ya era ora de bísperas e ívase a ellas, aconpañado de todos los gentiles onbres e otras gentes de la çibdad: los tronpetas e cherimías tocando delante. E dichas, bolvíese a su posada […]
E a la noche [de la fiesta de Navidad], venido el tienpo del çenar, con las señoras ya dichas desçendíase a la sala de abaxo, con los tronpetas e atabales e chirimías tocando e tañiendo delante, donde todas las cosas estavan adereçadas para la dicha çena[…] Y desque avían çenado, los dichos cherimías e otros instrumentos tocavan. baxas e altas; e dançavan los gentiles onbres e pajes; e depués, el [p132] señor condestable, así mesmo, con la señora condesa, e sus hermanos el comendador de Montizón e doña Juana, e las otras damas; e luego cantavan rondeles e cosautes […]
E este dicho día, su señoría, con todas las señoras, iva a misa de terçia a la iglesia mayor, los tronpetas e chirimías delante tañendo. E acabada la misa, se venía a palaçio en la orden que avía ido. Y entrávase en la dicha sala de abaxo, donde estavan aparejadas las mesas e apáradores de plata, para él e para todos los conbidados […] E traían de comer, con los tronpetas e atabales e chirimías tocando delante; e así a cada manjar e la copa […] E acabado que avían comido, cada uno de los dichos maestresalas fazían alçar los vancos e mesas […] E los porteros guardavan la puerta de la dicha sala que non entrasen ningunos; e esto fecho, los chirimías e los otros instrumentos tañían baxas e altas, e començavan a dançar con la señora condesa, e el comendador de Montizón con doña Juana e las otras damas. E desque avían dançado una ora o más mandava que cantasen rondeles e cosautes, en los quales él y la señora condeas, y las otras damas y los señores de la iglesia mayor e todos los conbidados andavan […]
Laúd. Latine testudo.; instrumento de cuerdas, conocido y muy usado en España, en Italia y en África y en muchas otras naciones. Difiere de la vihuela por quanto no tiene el vientre o cuerpo quadrado sino redondo y giboso, hecho de muchas costillaas delgadas. Sutilmente pegadas unas con otras. Algunos quieren se aya dicho a laudandis heroibus, porque se cantan a él los romances, conviene a saber las hazañas de los reyes y príncipes. Yo pienso ser nombre derivado del griego, y que está corrompido de alieut: quitámosle la A y diziemo leud y laúd; y díxose assí por la forma que tiene de la varquilla de los pescadores, que es corta y ventricosa, y esto nos da a entender Alciato en un emblema […] Diego de Urrea dize ser arábigo […]
[…] El instrumento que agora llamamos salterio es un instrumento que tendrá de ancho poco más que un palmo, y de largo una vara, hueco por dedentro, y el alto de las costillas de cuatro dedos; tiene muchas cuerdas, todas de alambre, y concertadas de suerte que tocándolas todas juntas con un palillo guarnecido de grana hace un sonido apacible; y su igualdad sirve de bordón para la flauta, que el músico deste instrumento tañe con la mano siniestra y conforme al son que se quiere hacer, sigue el compás con el palote; úsase en las aldeas, en las procesiones, en las bodas, en los bayles y danças. Díxose a psallendo, porque al son suyo acostumbraban cantar.
Quant à la maniere d'apprendre à toucher l'Epinette, il faut premierement comprendre l'estenduë du clauier, & accoustumer les deux mains à toucher toutes sortes de marches pour faire toutes sortes de sons aussi viste que l'on en peut auoir l'imagination. Et puis il faut apprendre à toucher les accords des deux mains, & à les faire promptement tant contre les marches Diatoniques & naturelles, qui sont ordinairement blanches, que contre les feintes ou Chromatiques qui sont noires. En troisiesme lieu, il faut s'accoustumer aux tremblemens, & à toutes sortes de martelemens, de coulemens, & d'adoucissemens, & à diminuer toutes sortes de suiets & de parties, tantost à 8 crochuës, & à 16, à 32, & à 64 pour la mesure binaire ; & puis à 12, 24, & 48 pour la mesure ternaire. L'on peut encore vser d'autres sortes de mesures, par exemple de la sesquialtere, & de la sesquitierce comme faisoient les anciens ; surquoy il faut remarquer que l'on se trompe, lors que l'on croit que la mesure binaire est en raison double, & la ternaire en raison triple ou sesquialtere, car la binaire est en [p164] raison d'esgalité comme l'vnisson, & la sesquialtere des Practiciens en raison double comme l'Octaue, de sorte que l'on n'vse maintenant que de ces deux especes de mesure.
COROLLAIRE II Il est plus probable que ces differens sons viennent des differens mouuemens de l'air exterieur que de ceux de l'interieur, & que celuy-là estant frappé par la chorde fait quantité de petits mouuemens semblables a ceux de l'eau des verres que l'on fait sonner en pressant le doigt sur le bord, ou à ceux de l'eau, dans laquelle on plonge le bout d'vn Monochorde, dont la chorde de leton est partie en l'eau & partie en l'air, car estant touchée, l'eau fait plusieurs fremissemens, qui feroient peut-estre entendre les sons precedens, si l'ouye estoit assez delicate : en effet i'ay souuent experimenté que le coulement du doigt sur le bord du verre fait deux ou trois sons en mesme temps, comme ie diray dans le liure des Cloches, qui font semblablement plusieurs sons.
Le troisiesme se nomme Bransle à mener, ou de Poitou, sa mesure est sesquialtere, ou hemiolia. Il a neuf pas, six mesures & dix-huict mouuemens : sa mesure est Peonique. Or chacun meine le Bransle à son tour, & le premier qui le meine quitte la main gauche & fait la reuerence à la personne qu'il tient de la main droite ; & apres auoir baisé la main, il la reprend & meine le Bransle, qui coule fort viste, & ayant fait vn ou deux tours par la sale, il quitte la personne qu'il tenoit par la main, afin d'aller chercher la queuë du Bransle, & de donner la main gauche à la personne qu'il trouue au bout ; & si tost que chacun a mené quelqu'vn à son tour, on se remet en rond pour dancer les [p168] autres Bransles. Quelques-vns rapportent le mouuement de cette dance au battement du Mareschal : son Exemple est encore du septiesme Mode.
L'on peut encore remarquer plusieurs choses pour l'intelligence du Violon : par exemple qu'vn mesme doigt touchant les deux chordes prochaines, à sçauoir la quatriesme & la troisiesme, la 3 & la 2, ou la 2 & la chanterelle fait tousiours la Quinte sur tous les endroits de la touche : & si le Violon estoit autrement accordé, par exemple de Quinte en Quarte, le mesme doigt pourroit faire de perpetuels accords en touchant tousiours deux ou trois chordes, mais il faudroit que le cheualet fust plus bas qu'il n'est, & qu'il imitast celuy de la Lyre, dont ie parleray en vn autre lieu. Quant aux differens tremblemens que l'on peut faire de la main gauche, ie les explique dans le traité du Luth : il faut seulement remarquer que l'on doit vser d'autant de coups d'archet, que de battemens du doigt qui martele, si l'on veut que le martelement soit agreable : mais il faut seulement le faire couler aux tremblemens qui se font sans marteler.
Mais ie laisse toutes ces difficultez pour parler de la maniere dont on vse pour sonner du Cor ; ce qui se fait en embouchant son Bocal, que l'on presse contre les levres, soit en le mettant à l'vn des costez de la bouche, ou au milieu : or il faut que le bout de la langue entre dans le Bocal, afin d'y conduire le vent, qui se perd si l'on ne ferme bien fort tous les endroits des levres où le Bocal ne touche pas ; de là vient qu'il est difficile de sonner de cet instrument [p247] quand on à perdu les dents aux lieux où l'on applique le bocal, parce que le vent se perd aysément par le lieu de la breche qui manque de dent, & ne peut estre assez bien retenu par la seule force des levres. Apres que l'on a embouché le Cor, on peut en sonner en trois ou quatre manieres, à sçauoir en imitant simplement le vent d'vn soufflet, comme il arriue aux sons qui coulent sans estre animez : & puis en remuant la levre qui est dans le Bocal, ce que l'on fait en deux manieres, dont la premiere consiste à faire deux sons d'vn seul coup, ou mouuement de levre, & l'autre depend d'autant de coups ou de mouuemens de levre, comme l'on fait de sons differens, ce qui anime dauantage les sons : encore que l'on n'vse pas du mouuement de la langue, dans lequel consiste la plus excellente maniere de sonner de la trompe, & de tous les autres instrumens à vent, car lors que la langue martele chaque son, l'instrument imite la voix humaine & la parole, d'autant qu'il articule ses sons : ce qu'il faut remarquer pour toutes sortes d'instrumens à Bocal, & mesme pour les autres qui sont plus ou moins susceptibles de toutes ces emboucheures & de ces mouuemens, que l'on peut transporter sur les tuyaux des Orgues par le moyen de plusieurs industries, qui peuuent rendre leurs sons beaucoup plus agreables. Mais l'on entendra encore mieux tout ce qui appartient aux Cors, par ce que ie diray de la Trompette dans les discours qui suiuent.
Des tons, les Anciens ont dit l'un estre unison assavoir quand il resonne tout un que celui auquel il est raporté : l'autre dissonant assavoir quand il sonne inegalement à celui auquel il est raporté : desquels ceus qui coulent si pres de l'unisonance que l'élongnement de l'un à l'autre est obscur et incomprehensible, ne servent à mon propos, mais ceus que les Anciens ont nommez difiniz, et desquelz l'on peut aisement discerner l'espace du mouvement, servent de fondement necessaire à la Harmonie, et aus acors de Musique : car la Harmonie, naist de proporcion, et la proporcion doit estre raportee à quelque chose : feingnez qu'un ton soit acommodé en proporcion d'un unison, ne demeurera pas tel acouplement de deus sons egaus, sans Harmonie ? il faut donq à fin que de la proporcion des deus, la Harmonie procede, que l'un soit diferent à l'autre [...]
Or la main du Musicien peut suppleer à cela [treuuer le moyen de faire vn archet, qui touche les chordes aussi fort, ou aussi doucement que l'on desire], car à proportion que l'on baissera ou que l'on haussera les chordes, afin de rencontrer l'archet, elles seront touchees plus rudement, ou plus delicatement. Et l'on peut s'imaginer vn mouuement par des ressorts, ou auec le pied, qui fera tousiours cheminer l'archet, afin qu'il touche chaque chorde aussi long-temps que l'on voudra. Mais ie ne croy pas que l'on puisse suppleer les gentillesses de la main gauche, ny les fredons, & les douceurs & rauissements des coups de l'archet, dont les excellens ioüeurs de Violes & de Violons, comme les Sieurs Maugards, Lazarin, Bocan, Constantin, Leger & quelques autres, rauissent l'esprit des auditeurs.
LIVRE QVATRIESME DES INSTRVMENS A CHORDES. PREMIERE PROPOSITION. EXPLIQVER LA FIGVRE, LA MATIERE, les parties, l'accord, l'estenduë & l'vsage des Violons. Le Violon est l'vn des plus simples instrumens qui se puissent imaginer, dautant qu'il n'a que quatre chordes, & qu'il n'a point de touches sur son manche, c'est pourquoy l'on peut faire dessus toutes les Consonances iustes, comme auec les voix, dautant que l'on le touche où l'on veut : ce qui le rend plus parfait que les instrumens à touche, dans lesquels on est contraint d'vser du temperament, & d'affoiblir ou d'augmenter la plus grande partie des Consonances, & d'alterer tous les interualles de Musique, comme ie monstreray apres.
A quoy l'on peut adiouster que ses sons ont plus d'effet sur l'esprit des auditeurs que ceux du Luth ou des autres instrumens à chorde, parce qu'ils sont plus vigoureux & percent dauantage, à raison de la grande tension de leurs chordes & de leurs sons aigus. Et ceux qui ont entendu les 24. Violons du Roy, aduoüent qu'ils n'ont iamais rien ouy de plus rauissant ou de plus puissant : de là vient que cet instrument est le plus propre de tous pour faire danser, comme l'on experimente dans les balets, & par tout ailleurs. Or les beautez & les gentillesses que l'on pratique dessus sont en si grand nombre, que l'on le peut preferer à tous les autres instrumens, car les coups de son archet sont par fois si rauissans, que l'on n'a point de plus grand mescontentement que d'en entendre la fin, particulierement lors qu'ils sont meslez des tremblemens & des flattemens de la main gauche, qui contraignent les Auditeurs de confesser que le Violon est le Roy des instrumens.
L'on peut encore remarquer plusieurs choses pour l'intelligence du Violon : par exemple qu'vn mesme doigt touchant les deux chordes prochaines, à sçauoir la quatriesme & la troisiesme, la 3 & la 2, ou la 2 & la chanterelle fait tousiours la Quinte sur tous les endroits de la touche : & si le Violon estoit autrement accordé, par exemple de Quinte en Quarte, le mesme doigt pourroit faire de perpetuels accords en touchant tousiours deux ou trois chordes, mais il faudroit que le cheualet fust plus bas qu'il n'est, & qu'il imitast celuy de la Lyre, dont ie parleray en vn autre lieu. Quant aux differens tremblemens que l'on peut faire de la main gauche, ie les explique dans le traité du Luth : il faut seulement remarquer que l'on doit vser d'autant de coups d'archet, que de battemens du doigt qui martele, si l'on veut que le martelement soit agreable : mais il faut seulement le faire couler aux tremblemens qui se font sans marteler.
Quant à la perfection de la Pratique, elle consiste au beau toucher, lequel est la base & le fondement du plaisir qui doit contenter l'oreille : & parce que cet instrument n'a point de touches, il faut tellement aiuster les doigts sur chaque lieu du manche, que les sons persuadent vne proportion aussi bien reglée que s'il y auoit des touches comme à la Viole. En second lieu, il faut addoucir les chordes par des tremblemens, que l'on doit faire du doigt qui est le plus proche de celuy qui tient ferme sur la touche du Violon, afin que la chorde soit nourrie. Mais il faut appuyer les bouts des doigts le plus fort que l'on peut sur la touche, afin que les chordes fassent plus d'harmonie, & les leuer fort peu de dessus le manche, afin d'auoir assez de temps pour les porter d'vne chorde à l'autre. En troisiesme lieu, si l'on veut parfaitement reüssir, la main qui tient l'archet doit estre du moins esgale en vistesse à la gauche, d'autant qu'elle fait paroistre tous les mouuemens differens qui enrichissent les airs, & qui donnent de la beauté aux chants. En quatriesme lieu, il faut traisner l'archet sur les chordes, & repeter plusieurs fois le battement du doigt sur vn mesme ton, & puis sur vn autre, en continuant ainsi depuis le haut iusques en bas, pour faire les mignardises qui sont fort agreables, à raison de la belle modulation qui donne vn grand plaisir à l'ouye, quoy qu'il faille y proceder auec iugement. Or le Violon à cela par dessus les autres instrumens qu'outre plusieurs chants des animaux tant volatiles que terrestres, il imite & contrefait toutes sortes d'instrumens, comme les voix, les Orgues, la Vielle, la Cornemuse, le Fifre, &c. de sorte qu'il peut apporter de la tristesse, comme fait le Luth, & animer comme la Trompette, & que ceux qui le sçauent toucher en perfection peuuent representer tout ce qui leur tombe dans l'imagination. Ie laisse vne infinité d'autres remarques qui appartiennent à cet instrument, par exemple, que l'on peut sonner vne Courante, & plusieurs autres pieces de Musique auec vn seul coup d'archet : que l'on peut flatter les chordes de 8, de 16, ou de 32 coups de doigt dans l'espace d'vne mesure : qu'il faut mettre les trois doigts de la main gauche, c'est à dire l'index, celuy du milieu, & l'annulaire [p184] si pres de la chorde que l'on veut toucher, qu'il ne s'en faille qu'vne demie ligne qu'ils n'y touchent, afin que ce petit esloignement n'empesche point la vistesse du toucher & des tremblemens.
Pour la Lyre elle en approche d'auantage [de la Viole], mais elle n'est pas capable des passages que l'on execute sur la Viole, qui sont la vraye image de la disposition de la voix, parce que son cheualet est trop plat ; ce que l'on fait, afin de toucher par accords plusieurs chordes ensemble. Ceux qui ont ouy d'excellens ioüeurs & de bons concerts de Violes, sçauent qu'il n'y a rien de plus rauissant apres les bonnes voix que les coups mourants de l'archet, qui accompagnent les tremblemens qui se font sur le manche, mais parce qu'il n'est pas moins difficile d'en descrire la grace que celle d'vn parfait Orateur, il faut les ouyr pour les comprendre. Or auant que de finir ce discours, il faut remarquer deux choses qui arriuent tant aux chordes de la Viole, qu'à celles du Luth & des autres instrumens, [p196] dont la premiere s'apperçoit particulierement dans les plus grosses chordes, qui font quatre ou cinq sons differens en mesme temps : car lors que l'on touche la plus grosse chorde de la Viole d'vn coup d'archet, l'on entend le son naturel de la chorde, & puis vn autre son à l'Octaue en haut ; en troisiesme lieu la Dixiesme maieure, & finalement le quatriesme son qui monte à la Douziesme du premier son : de sorte que la mesme chorde touchée du doigt ou de l'archet, fait les quatre sons qui respondent aux quatre nombres 1, 4, 5, & 6. Ce qui arriue aussi bien aux chordes de leton qu'à celles de boyau ; c'est pourquoy l'on ne peut en prendre la raison du nombre des intestins qui composent la chorde de boyau. Or l'on n'entend ordinairement ces quatre sons que lors qu'on touche les grosses chordes, car la chanterelle & les deux ou trois autres qui suiuent sur le Luth, ne font pas si sensiblement ces interualles, que l'on comprend mieux sur la Viole que sur le Luth, à raison que le trait de l'archet dure plus long-temps, & donne plus de temps à l'oreille & à l'imagination pour les remarquer, que ne fait le son du Luth qui cesse beaucoup plustost. Mais ie parleray plus amplement de ce merueilleux Phenomene dans le traité de la Lyre. L'autre chose qui arriue aux chordes, consiste en la tension, qui les fait monter plus haut sur de certaines Violes que sur les autres, encore qu'elles soient toutes de mesme longueur, & qu'il y ayt vne esgale distance de leurs cheualets à leurs sillets : car il y a des Violes sur lesquelles on rompt vingt ou trente chanterelles, auant que d'en pouuoir trouuer vne qui monte assez haut, & d'autres sur lesquelles toutes sortes de chanterelles montent aysément, dont les Facteurs d'instrumens ne donnent point d'autre raison, que la dureté & la force de la table qui rompt les chordes, au lieu qu'elle les conserue lors qu'elle est moins forte, & qu'elle tremble & fremit plus aysément.
Et parce que les brins de crin qui font la soye de l'archet ne sont pas continus, l'air qui est meu par la chorde, s'insinuë aysément parmy lesdits crins, dont le mouuement & la pression alterent les qualitez du son. Et si nous examinons cecy plus particulierement, & que l'on vueille que les atomes de l'air, ou de la chorde qui sont meus se meslent auec le mouuement de ceux du crin, l'on ne trouuera nullement estrange que le son qui se fait par ces deux mouuemens, soit different de celuy qui se fait par les seuls tremblemens de la chorde. L'on peut encore remarquer beaucoup de choses qui sont particulieres à l'archet ; par exemple qu'il tient le mesme son aussi long-temps, & aussi foible ou aussi fort que l'on veut, ce que n'a pas l'Orgue qui ne peut affoiblir [p198] ou renforcer ses sons selon le desir des Organistes. Mais afin que l'on ne doute nullement que la chorde ne fasse autant de retours lors qu'elle est touchée de l'archet, que quand elle est touchée du doigt, ie veux expliquer la maniere de l'experimenter, & de le voir tres-clairement : ce qui arriuera si l'on estend vne chorde de cent pieds de long, laquelle fasse chacun de ses retours dans vne seconde minute, soit qu'on la touche de l'archet ou du doigt, ny ayant point d'autre difference, sinon que l'archet peut tellement contraindre la chorde que le premier retour ne sera pas plus grand que le milliesme ou le dernier, au lieu qu'ils vont tousiours en diminuant apres que l'on la touchée du doigt : d'où il arriue que l'archet fait les sons beaucoup plus esgaux que le doigt, & que l'on imite le chant de toutes sortes d'oyseaux, & vne infinité d'autres sons & d'autres bruits par les differentes pressions, & les differens coups de l'archet, qu'il n'est pas possible d'imiter sur le Luth, sur l'Epinette ou sur l'Orgue. Or l'on peut experimenter lesdits tremblemens des chordes touchées de l'archet, sur les Violes & sur les Violons, en mettant le doigt contre lesdites chordes, dont on sent les tremblemens si forts, qu'à moins que d'estre priué du sens du toucher il n'est pas possible que l'on ne les remarque dans toutes les parties de la chorde qui est touchée. Et quand l'on n'auroit pas l'experience, la raison suffit pour conclure que le mouuement de l'archet estant tantost tres-viste & d'autrefois tres-lent ne peut faire le mesme ton, & qu'il est necessaire que l'identité ou l'esgalité de l'aigu procede d'vn mouuement esgal, qui ne peut estre autre en ce sujet que celuy des retours de la chorde, dont le nombre ne peut estre inesgal en temps esgal, qu'il ne change de ton, c'est à dire l'aigu du son, comme i'ay demonstré ailleurs.
PROPOSITION X [VIII]. Expliquer la figure, l'accord & l'vsage de la Lyre. La figure de la Lyre est fort peu differente de celle de la Viole, neantmoins son manche, & la touche du manche est beaucoup plus large, d'autant qu'elle est couuerte de quinze chordes, dont les 6 premieres ne font que trois rangs, & si l'on veut doubler chaque rang, comme l'on fait sur le Luth, l'on aura 22 chordes. L'on met les deux plus grosses hors du manche, comme l'on void depuis H iusques à K ; & le petit manche H I est adiousté pour les bander. Il n'est pas besoin d'auertir que l'on peut adiouster vn second manche semblable au second des Tuorbes, pour y mettre tant de Basses que l'on voudra, puis que cela se pratique desia sur les Violes. Il faut encore remarquer que le cheualet K L est plus long, plus bas, & plus plat que celuy des Violes, parce qu'il porte vne plus grande multitude de chordes, dont il en faut toucher trois ou quatre en mesme temps d'vn mesme coup d'archet, afin de faire des accords. Or le son de la Lyre est fort languissant & propre pour exciter à la deuotion, & pour faire rentrer l'esprit dans soy-mesme ; l'on en vse pour accompagner la voix & les recits. Quant à son accord, il n'est pas si difficile comme plusieurs se l'imaginent, [p205] quoy qu'il soit fort considerable & extraordinaire, comme l'on void aux notes qui suiuent, dont chacune respond à chaque chorde, encore que l'on puisse l'accorder comme les Violes, & en plusieurs autres manieres ; quoy qu'il en soit, il suffit d'expliquer icy l'accord dont on peut vser en touchant la Lyre, lequel est representé par la figure A D E G : les sept lettres qui sont à costé du manche à sçauoir b, c, d, e, f, g, & h representent les sept touches. B est le lieu du sillet : Q & R monstrent les 2 ouyes, & N O M la queuë, à laquelle on attache les chordes, & qui est attachée auec la cheuille de bois M E. L'espaisseur qui est fort grande est representée par G E F. Quant au manche & à ses cheuilles, on les fait de telle forme que l'on veut, aussi bien que la table & les autres parties ; car il n'importe nullement pourueu que la Lyre & les autres instrumens ayent vne bonne harmonie.
Quant à la disposition de cette figure [de la Vielle], si on la regarde du costé D T en voyant les lettres selon leur disposition ordinaire, on la verra de la mesme façon dont ceux qui en ioüent la tiennent & l'enuisagent, car ils mettent le bras gauche dessouz, afin de pousser les marches de la main gauche, & faire tels interualles qu'ils veulent par le mouuement des doigts, tandis que la main droite torne la maniuelle, & consequemment la rouë, qui fait sonner les chordes, ausquelles on attache de petits morceaux, ou floccons de cotton [p214] vis à vis de la rouë, afin d'adoucir son frayement & ses sons. Mais parce que la main gauche ne peut faire les gentillesses du manche des Violes sur le clauier de la Vielle, elle est priuée de plusieurs beautez, dont elle seroit capable, si l'on pouuoit suppleer tous les tremblemens, & les coups rauissans de l'archet par quelque industrie, que plusieurs ont recherchée en collant vn escheueau de crin de cheual, ou de soye cruë, ou filée sur la rouë, & en faisant des archets mobiles, ou immobiles de plusieurs façons, mais l'on n'a peu suppleer les mouuemens de la sçauante main de ceux qui charment les oreilles par les instrumens à manches touchez, & non touchez, dont i'ay parlé dans les discours precedens. La tablature de la Vielle n'est pas differente de celle de la Musique, quoy que l'on en puisse inuenter vne autre propre pour les aueugles, puis que l'on peut leur enseigner à lire & à escrire, comme i'ay dit ailleurs, où i'ay monstré la maniere d'enseigner à lire & à escrire aux sourds, pour lesquels i'ay dressé de la tablature dans la 17. Proposition du troisiesme liure.
Quant à la perfection de la Pratique, elle consiste au beau toucher, lequel est la base & le fondement du plaisir qui doit contenter l'oreille : & parce que cet instrument n'a point de touches, il faut tellement aiuster les doigts sur chaque lieu du manche, que les sons persuadent vne proportion aussi bien reglée que s'il y auoit des touches comme à la Viole. En second lieu, il faut addoucir les chordes par des tremblemens, que l'on doit faire du doigt qui est le plus proche de celuy qui tient ferme sur la touche du Violon, afin que la chorde soit nourrie. Mais il faut appuyer les bouts des doigts le plus fort que l'on peut sur la touche, afin que les chordes fassent plus d'harmonie, & les leuer fort peu de dessus le manche, afin d'auoir assez de temps pour les porter d'vne chorde à l'autre. En troisiesme lieu, si l'on veut parfaitement reüssir, la main qui tient l'archet doit estre du moins esgale en vistesse à la gauche, d'autant qu'elle fait paroistre tous les mouuemens differens qui enrichissent les airs, & qui donnent de la beauté aux chants. En quatriesme lieu, il faut traisner l'archet sur les chordes, & repeter plusieurs fois le battement du doigt sur vn mesme ton, & puis sur vn autre, en continuant ainsi depuis le haut iusques en bas, pour faire les mignardises qui sont fort agreables, à raison de la belle modulation qui donne vn grand plaisir à l'ouye, quoy qu'il faille y proceder auec iugement. Or le Violon à cela par dessus les autres instrumens qu'outre plusieurs chants des animaux tant volatiles que terrestres, il imite & contrefait toutes sortes d'instrumens, comme les voix, les Orgues, la Vielle, la Cornemuse, le Fifre, &c. de sorte qu'il peut apporter de la tristesse, comme fait le Luth, & animer comme la Trompette, & que ceux qui le sçauent toucher en perfection peuuent representer tout ce qui leur tombe dans l'imagination. Ie laisse vne infinité d'autres remarques qui appartiennent à cet instrument, par exemple, que l'on peut sonner vne Courante, & plusieurs autres pieces de Musique auec vn seul coup d'archet : que l'on peut flatter les chordes de 8, de 16, ou de 32 coups de doigt dans l'espace d'vne mesure : qu'il faut mettre les trois doigts de la main gauche, c'est à dire l'index, celuy du milieu, & l'annulaire [p184] si pres de la chorde que l'on veut toucher, qu'il ne s'en faille qu'vne demie ligne qu'ils n'y touchent, afin que ce petit esloignement n'empesche point la vistesse du toucher & des tremblemens.
Quant à la tablature du Fifre, qui monstre tous ses tons, & la maniere de boucher ses trous pour chanter toutes sortes d'airs & de chansons, elle n'a pas vne si grande Estenduë que celle de la Fluste precedente, car elle n'est que d'vne Quinziesme, comme l'on void dans la tablature qui suit. [p244] Mais il faut remarquer que la levre & la langue doiuent trauailler en mesme temps pour faire parler la Fluste en perfection, & qu'il faut donner vn coup de langue, & vn peu de la levre à chaque ton, afin que toutes les notes soient articulées ; ce qui suffit iusques à ce que nous parlions du Tambour, dont on accompagne cet instrument. Or l'on peut rapporter tous les autres instrumens à trous à ceux que i'ay expliquez iusques icy. Voyons maintenant ceux qui n'ont point de trous, apres auoir icy mis l'exemple qui suit à quatre parties pour les Fleutes d'Allemand. [Air de Cour pour les Flustes d'Allemand].
Mais ie laisse toutes ces difficultez pour parler de la maniere dont on vse pour sonner du Cor ; ce qui se fait en embouchant son Bocal, que l'on presse contre les levres, soit en le mettant à l'vn des costez de la bouche, ou au milieu : or il faut que le bout de la langue entre dans le Bocal, afin d'y conduire le vent, qui se perd si l'on ne ferme bien fort tous les endroits des levres où le Bocal ne touche pas ; de là vient qu'il est difficile de sonner de cet instrument [p247] quand on à perdu les dents aux lieux où l'on applique le bocal, parce que le vent se perd aysément par le lieu de la breche qui manque de dent, & ne peut estre assez bien retenu par la seule force des levres. Apres que l'on a embouché le Cor, on peut en sonner en trois ou quatre manieres, à sçauoir en imitant simplement le vent d'vn soufflet, comme il arriue aux sons qui coulent sans estre animez : & puis en remuant la levre qui est dans le Bocal, ce que l'on fait en deux manieres, dont la premiere consiste à faire deux sons d'vn seul coup, ou mouuement de levre, & l'autre depend d'autant de coups ou de mouuemens de levre, comme l'on fait de sons differens, ce qui anime dauantage les sons : encore que l'on n'vse pas du mouuement de la langue, dans lequel consiste la plus excellente maniere de sonner de la trompe, & de tous les autres instrumens à vent, car lors que la langue martele chaque son, l'instrument imite la voix humaine & la parole, d'autant qu'il articule ses sons : ce qu'il faut remarquer pour toutes sortes d'instrumens à Bocal, & mesme pour les autres qui sont plus ou moins susceptibles de toutes ces emboucheures & de ces mouuemens, que l'on peut transporter sur les tuyaux des Orgues par le moyen de plusieurs industries, qui peuuent rendre leurs sons beaucoup plus agreables. Mais l'on entendra encore mieux tout ce qui appartient aux Cors, par ce que ie diray de la Trompette dans les discours qui suiuent.
[Article] III. L'octave est la plus douce de toutes [les consonances], après l'Vnisson ; parce que ses batemens s'vnissent plus souuent ensemble : car le premier batement du son aigu s'vnit auec la premiere partie du batement du son graue, & le second batement auec la derniere partie : où bien ses batemens s'vnissent de 2. coups en 2. coups : ceux de la Quinte de 3. coups en 3. coups, &c. Et lors que l'vnion est égale de la part du son aigu, & inégale de la part du grave, la Consonance qui vnit également ses sons de la part de l'vn & de l'autre est plus douce : par exemple les batemens de la Quinte s'vnissent de 3. coups en 3. coups, à l'égard du son aigu, & de 2. en 2. à l'égard du grave. Mais la Douziesme vnit ses sons à chaque coup, à l'égard du graue : c'est pourquoy elle est plus douce.
Or la main du Musicien peut suppleer à cela [treuuer le moyen de faire vn archet, qui touche les chordes aussi fort, ou aussi doucement que l'on desire], car à proportion que l'on baissera ou que l'on haussera les chordes, afin de rencontrer l'archet, elles seront touchees plus rudement, ou plus delicatement. Et l'on peut s'imaginer vn mouuement par des ressorts, ou auec le pied, qui fera tousiours cheminer l'archet, afin qu'il touche chaque chorde aussi long-temps que l'on voudra. Mais ie ne croy pas que l'on puisse suppleer les gentillesses de la main gauche, ny les fredons, & les douceurs & rauissements des coups de l'archet, dont les excellens ioüeurs de Violes & de Violons, comme les Sieurs Maugards, Lazarin, Bocan, Constantin, Leger & quelques autres, rauissent l'esprit des auditeurs.
LIVRE QVATRIESME DES INSTRVMENS A CHORDES. PREMIERE PROPOSITION. EXPLIQVER LA FIGVRE, LA MATIERE, les parties, l'accord, l'estenduë & l'vsage des Violons. Le Violon est l'vn des plus simples instrumens qui se puissent imaginer, dautant qu'il n'a que quatre chordes, & qu'il n'a point de touches sur son manche, c'est pourquoy l'on peut faire dessus toutes les Consonances iustes, comme auec les voix, dautant que l'on le touche où l'on veut : ce qui le rend plus parfait que les instrumens à touche, dans lesquels on est contraint d'vser du temperament, & d'affoiblir ou d'augmenter la plus grande partie des Consonances, & d'alterer tous les interualles de Musique, comme ie monstreray apres.
A quoy l'on peut adiouster que ses sons ont plus d'effet sur l'esprit des auditeurs que ceux du Luth ou des autres instrumens à chorde, parce qu'ils sont plus vigoureux & percent dauantage, à raison de la grande tension de leurs chordes & de leurs sons aigus. Et ceux qui ont entendu les 24. Violons du Roy, aduoüent qu'ils n'ont iamais rien ouy de plus rauissant ou de plus puissant : de là vient que cet instrument est le plus propre de tous pour faire danser, comme l'on experimente dans les balets, & par tout ailleurs. Or les beautez & les gentillesses que l'on pratique dessus sont en si grand nombre, que l'on le peut preferer à tous les autres instrumens, car les coups de son archet sont par fois si rauissans, que l'on n'a point de plus grand mescontentement que d'en entendre la fin, particulierement lors qu'ils sont meslez des tremblemens & des flattemens de la main gauche, qui contraignent les Auditeurs de confesser que le Violon est le Roy des instrumens.
L'on peut encore remarquer plusieurs choses pour l'intelligence du Violon : par exemple qu'vn mesme doigt touchant les deux chordes prochaines, à sçauoir la quatriesme & la troisiesme, la 3 & la 2, ou la 2 & la chanterelle fait tousiours la Quinte sur tous les endroits de la touche : & si le Violon estoit autrement accordé, par exemple de Quinte en Quarte, le mesme doigt pourroit faire de perpetuels accords en touchant tousiours deux ou trois chordes, mais il faudroit que le cheualet fust plus bas qu'il n'est, & qu'il imitast celuy de la Lyre, dont ie parleray en vn autre lieu. Quant aux differens tremblemens que l'on peut faire de la main gauche, ie les explique dans le traité du Luth : il faut seulement remarquer que l'on doit vser d'autant de coups d'archet, que de battemens du doigt qui martele, si l'on veut que le martelement soit agreable : mais il faut seulement le faire couler aux tremblemens qui se font sans marteler.
Quant à la perfection de la Pratique, elle consiste au beau toucher, lequel est la base & le fondement du plaisir qui doit contenter l'oreille : & parce que cet instrument n'a point de touches, il faut tellement aiuster les doigts sur chaque lieu du manche, que les sons persuadent vne proportion aussi bien reglée que s'il y auoit des touches comme à la Viole. En second lieu, il faut addoucir les chordes par des tremblemens, que l'on doit faire du doigt qui est le plus proche de celuy qui tient ferme sur la touche du Violon, afin que la chorde soit nourrie. Mais il faut appuyer les bouts des doigts le plus fort que l'on peut sur la touche, afin que les chordes fassent plus d'harmonie, & les leuer fort peu de dessus le manche, afin d'auoir assez de temps pour les porter d'vne chorde à l'autre. En troisiesme lieu, si l'on veut parfaitement reüssir, la main qui tient l'archet doit estre du moins esgale en vistesse à la gauche, d'autant qu'elle fait paroistre tous les mouuemens differens qui enrichissent les airs, & qui donnent de la beauté aux chants. En quatriesme lieu, il faut traisner l'archet sur les chordes, & repeter plusieurs fois le battement du doigt sur vn mesme ton, & puis sur vn autre, en continuant ainsi depuis le haut iusques en bas, pour faire les mignardises qui sont fort agreables, à raison de la belle modulation qui donne vn grand plaisir à l'ouye, quoy qu'il faille y proceder auec iugement. Or le Violon à cela par dessus les autres instrumens qu'outre plusieurs chants des animaux tant volatiles que terrestres, il imite & contrefait toutes sortes d'instrumens, comme les voix, les Orgues, la Vielle, la Cornemuse, le Fifre, &c. de sorte qu'il peut apporter de la tristesse, comme fait le Luth, & animer comme la Trompette, & que ceux qui le sçauent toucher en perfection peuuent representer tout ce qui leur tombe dans l'imagination. Ie laisse vne infinité d'autres remarques qui appartiennent à cet instrument, par exemple, que l'on peut sonner vne Courante, & plusieurs autres pieces de Musique auec vn seul coup d'archet : que l'on peut flatter les chordes de 8, de 16, ou de 32 coups de doigt dans l'espace d'vne mesure : qu'il faut mettre les trois doigts de la main gauche, c'est à dire l'index, celuy du milieu, & l'annulaire [p184] si pres de la chorde que l'on veut toucher, qu'il ne s'en faille qu'vne demie ligne qu'ils n'y touchent, afin que ce petit esloignement n'empesche point la vistesse du toucher & des tremblemens.
PROPOSITION IIII. Expliquer la figure & l'estenduë de toutes les parties des Violons, & la maniere d'en faire des Concerts, & les pieces de Musique propres pour ce suiet. Encore que l'on puisse quelquesfois toucher deux chordes de Violon en mesme temps pour faire vn accord, neantmoins il en faut plusieurs pour faire vn Concert entier, comme est celuy des 24 Violons du Roy, c'est pourquoy ie mets icy trois figures des Violons en taille douce, afin de representer toutes les parties ensemble, car la Haute-contre, la Taille, & la Cinquiesme partie sont semblables au Dessus M N, dont l'archet est O P ; il faut [p185] seulement remarquer que les autres parties sont plus grandes que le Dessus, par exemple que la Taille est plus grande de demy pied, &c. Quand à la Basse A E, dont les quatre cheuilles sont marquées par quatre nombres, elle est si bien faite qu'il n'est pas besoin de s'arrester à sa description : sa touche depuis D iusques à B, est le tiers de la longueur de la table D E, & est esgale à la largeur qu'elle a vis à vis du milieu des ouyes H I, ou du cheualet G : son archet est K L : ie laisse toutes ses autres parties, dont i'ay parlé dans l'explication des figures precedentes. I'adiouste seulement que cette Poche Q R, a vis à vis de son manche les notes qui se font sur sa touche par les doigts de la main gauche destinez aux touches b, c, d, &c. Car la premiere note, qui est sur la clef de nature, signifie le son de la chorde à vuide, que l'on peut asseoir sur le G re sol, ou telle autre note ou clef que l'on voudra, car le son de chaque chorde est indifferent, à toutes sortes de clefs. I'ay fait son archet S T V fort grand, afin de faire remarquer que les archets sont d'autant meilleurs qu'ils sont plus grands, pourueu qu'ils ne soient pas incommodes, parce que les traits & les coups en durent dauantage.
Pour la Lyre elle en approche d'auantage [de la Viole], mais elle n'est pas capable des passages que l'on execute sur la Viole, qui sont la vraye image de la disposition de la voix, parce que son cheualet est trop plat ; ce que l'on fait, afin de toucher par accords plusieurs chordes ensemble. Ceux qui ont ouy d'excellens ioüeurs & de bons concerts de Violes, sçauent qu'il n'y a rien de plus rauissant apres les bonnes voix que les coups mourants de l'archet, qui accompagnent les tremblemens qui se font sur le manche, mais parce qu'il n'est pas moins difficile d'en descrire la grace que celle d'vn parfait Orateur, il faut les ouyr pour les comprendre. Or auant que de finir ce discours, il faut remarquer deux choses qui arriuent tant aux chordes de la Viole, qu'à celles du Luth & des autres instrumens, [p196] dont la premiere s'apperçoit particulierement dans les plus grosses chordes, qui font quatre ou cinq sons differens en mesme temps : car lors que l'on touche la plus grosse chorde de la Viole d'vn coup d'archet, l'on entend le son naturel de la chorde, & puis vn autre son à l'Octaue en haut ; en troisiesme lieu la Dixiesme maieure, & finalement le quatriesme son qui monte à la Douziesme du premier son : de sorte que la mesme chorde touchée du doigt ou de l'archet, fait les quatre sons qui respondent aux quatre nombres 1, 4, 5, & 6. Ce qui arriue aussi bien aux chordes de leton qu'à celles de boyau ; c'est pourquoy l'on ne peut en prendre la raison du nombre des intestins qui composent la chorde de boyau. Or l'on n'entend ordinairement ces quatre sons que lors qu'on touche les grosses chordes, car la chanterelle & les deux ou trois autres qui suiuent sur le Luth, ne font pas si sensiblement ces interualles, que l'on comprend mieux sur la Viole que sur le Luth, à raison que le trait de l'archet dure plus long-temps, & donne plus de temps à l'oreille & à l'imagination pour les remarquer, que ne fait le son du Luth qui cesse beaucoup plustost. Mais ie parleray plus amplement de ce merueilleux Phenomene dans le traité de la Lyre. L'autre chose qui arriue aux chordes, consiste en la tension, qui les fait monter plus haut sur de certaines Violes que sur les autres, encore qu'elles soient toutes de mesme longueur, & qu'il y ayt vne esgale distance de leurs cheualets à leurs sillets : car il y a des Violes sur lesquelles on rompt vingt ou trente chanterelles, auant que d'en pouuoir trouuer vne qui monte assez haut, & d'autres sur lesquelles toutes sortes de chanterelles montent aysément, dont les Facteurs d'instrumens ne donnent point d'autre raison, que la dureté & la force de la table qui rompt les chordes, au lieu qu'elle les conserue lors qu'elle est moins forte, & qu'elle tremble & fremit plus aysément.
PROPOSITION VIII [VI]. Determiner si la chorde qui est touchée & pressée par l'archet, fait autant de tours & de retours en mesme temps que celle qui est touchée du doigt, lors qu'elles sont à l'vnisson. Si l'vnisson de toutes sortes de chordes suffit pour demonstrer que le nombre de leurs tours & de leurs retours est esgal dans vn temps esgal, il n'y a nul doute qu'elles tremblent autant de fois les vnes que les autres, & consequemment que celle que l'on touche auec l'archet, fait autant de retours contre le mouuement de l'archet, que si elle estoit touchée d'vne plume ou du doigt. Mais puis que l'archet pousse tousiours la chorde d'vn mesme costé, tandis que son coup se fait de droit à gauche, ou de gauche à droit, il semble qu'elle ne peut reuenir à contresens, & au contraire de l'archet qui la tient en mesme estat, & qui la conserue dans la situation qu'il luy à donnée, lors qu'il la poussée iusques où elle a peu aller. A quoy l'on peut adiouster que les tremblemens de la chorde ne sont pas entierement necessaires pour faire le son, car l'on experimente souuent que plusieurs corps estant pressez, frottez & meus contre des pierres, des carreaux, du bois, ou de la terre dure font des sons semblables à ceux des Violes, encore que l'on n'apperçoiue point de tremblemens, ou de retours dans la friction desdits corps. Neantmoins il faut conclure que la chorde fait autant de tremblemens dessouz [p197] l'archet que dessouz le doigt, & que le son des Violes n'est point different en cela d'auec celuy des Luths, & consequemment que les chordes ne feroient point de son, ou qu'elles ne feroient pas le mesme son, si l'archet ou quelqu'autre force les poussoit tellement de droit à gauche, ou de gauche à droit, qu'elles ne peussent auoir leurs retours libres, si ce n'est que ce qui les pousse feist autant de retours que les chordes en doiuent faire, comme il arriue aux vents qui frappent les rochers, les arbres & les maisons en faisant diuers bruits.
Et parce que les brins de crin qui font la soye de l'archet ne sont pas continus, l'air qui est meu par la chorde, s'insinuë aysément parmy lesdits crins, dont le mouuement & la pression alterent les qualitez du son. Et si nous examinons cecy plus particulierement, & que l'on vueille que les atomes de l'air, ou de la chorde qui sont meus se meslent auec le mouuement de ceux du crin, l'on ne trouuera nullement estrange que le son qui se fait par ces deux mouuemens, soit different de celuy qui se fait par les seuls tremblemens de la chorde. L'on peut encore remarquer beaucoup de choses qui sont particulieres à l'archet ; par exemple qu'il tient le mesme son aussi long-temps, & aussi foible ou aussi fort que l'on veut, ce que n'a pas l'Orgue qui ne peut affoiblir [p198] ou renforcer ses sons selon le desir des Organistes. Mais afin que l'on ne doute nullement que la chorde ne fasse autant de retours lors qu'elle est touchée de l'archet, que quand elle est touchée du doigt, ie veux expliquer la maniere de l'experimenter, & de le voir tres-clairement : ce qui arriuera si l'on estend vne chorde de cent pieds de long, laquelle fasse chacun de ses retours dans vne seconde minute, soit qu'on la touche de l'archet ou du doigt, ny ayant point d'autre difference, sinon que l'archet peut tellement contraindre la chorde que le premier retour ne sera pas plus grand que le milliesme ou le dernier, au lieu qu'ils vont tousiours en diminuant apres que l'on la touchée du doigt : d'où il arriue que l'archet fait les sons beaucoup plus esgaux que le doigt, & que l'on imite le chant de toutes sortes d'oyseaux, & vne infinité d'autres sons & d'autres bruits par les differentes pressions, & les differens coups de l'archet, qu'il n'est pas possible d'imiter sur le Luth, sur l'Epinette ou sur l'Orgue. Or l'on peut experimenter lesdits tremblemens des chordes touchées de l'archet, sur les Violes & sur les Violons, en mettant le doigt contre lesdites chordes, dont on sent les tremblemens si forts, qu'à moins que d'estre priué du sens du toucher il n'est pas possible que l'on ne les remarque dans toutes les parties de la chorde qui est touchée. Et quand l'on n'auroit pas l'experience, la raison suffit pour conclure que le mouuement de l'archet estant tantost tres-viste & d'autrefois tres-lent ne peut faire le mesme ton, & qu'il est necessaire que l'identité ou l'esgalité de l'aigu procede d'vn mouuement esgal, qui ne peut estre autre en ce sujet que celuy des retours de la chorde, dont le nombre ne peut estre inesgal en temps esgal, qu'il ne change de ton, c'est à dire l'aigu du son, comme i'ay demonstré ailleurs.
PROPOSITION X [VIII]. Expliquer la figure, l'accord & l'vsage de la Lyre. La figure de la Lyre est fort peu differente de celle de la Viole, neantmoins son manche, & la touche du manche est beaucoup plus large, d'autant qu'elle est couuerte de quinze chordes, dont les 6 premieres ne font que trois rangs, & si l'on veut doubler chaque rang, comme l'on fait sur le Luth, l'on aura 22 chordes. L'on met les deux plus grosses hors du manche, comme l'on void depuis H iusques à K ; & le petit manche H I est adiousté pour les bander. Il n'est pas besoin d'auertir que l'on peut adiouster vn second manche semblable au second des Tuorbes, pour y mettre tant de Basses que l'on voudra, puis que cela se pratique desia sur les Violes. Il faut encore remarquer que le cheualet K L est plus long, plus bas, & plus plat que celuy des Violes, parce qu'il porte vne plus grande multitude de chordes, dont il en faut toucher trois ou quatre en mesme temps d'vn mesme coup d'archet, afin de faire des accords. Or le son de la Lyre est fort languissant & propre pour exciter à la deuotion, & pour faire rentrer l'esprit dans soy-mesme ; l'on en vse pour accompagner la voix & les recits. Quant à son accord, il n'est pas si difficile comme plusieurs se l'imaginent, [p205] quoy qu'il soit fort considerable & extraordinaire, comme l'on void aux notes qui suiuent, dont chacune respond à chaque chorde, encore que l'on puisse l'accorder comme les Violes, & en plusieurs autres manieres ; quoy qu'il en soit, il suffit d'expliquer icy l'accord dont on peut vser en touchant la Lyre, lequel est representé par la figure A D E G : les sept lettres qui sont à costé du manche à sçauoir b, c, d, e, f, g, & h representent les sept touches. B est le lieu du sillet : Q & R monstrent les 2 ouyes, & N O M la queuë, à laquelle on attache les chordes, & qui est attachée auec la cheuille de bois M E. L'espaisseur qui est fort grande est representée par G E F. Quant au manche & à ses cheuilles, on les fait de telle forme que l'on veut, aussi bien que la table & les autres parties ; car il n'importe nullement pourueu que la Lyre & les autres instrumens ayent vne bonne harmonie.
Quant à la disposition de cette figure [de la Vielle], si on la regarde du costé D T en voyant les lettres selon leur disposition ordinaire, on la verra de la mesme façon dont ceux qui en ioüent la tiennent & l'enuisagent, car ils mettent le bras gauche dessouz, afin de pousser les marches de la main gauche, & faire tels interualles qu'ils veulent par le mouuement des doigts, tandis que la main droite torne la maniuelle, & consequemment la rouë, qui fait sonner les chordes, ausquelles on attache de petits morceaux, ou floccons de cotton [p214] vis à vis de la rouë, afin d'adoucir son frayement & ses sons. Mais parce que la main gauche ne peut faire les gentillesses du manche des Violes sur le clauier de la Vielle, elle est priuée de plusieurs beautez, dont elle seroit capable, si l'on pouuoit suppleer tous les tremblemens, & les coups rauissans de l'archet par quelque industrie, que plusieurs ont recherchée en collant vn escheueau de crin de cheual, ou de soye cruë, ou filée sur la rouë, & en faisant des archets mobiles, ou immobiles de plusieurs façons, mais l'on n'a peu suppleer les mouuemens de la sçauante main de ceux qui charment les oreilles par les instrumens à manches touchez, & non touchez, dont i'ay parlé dans les discours precedens. La tablature de la Vielle n'est pas differente de celle de la Musique, quoy que l'on en puisse inuenter vne autre propre pour les aueugles, puis que l'on peut leur enseigner à lire & à escrire, comme i'ay dit ailleurs, où i'ay monstré la maniere d'enseigner à lire & à escrire aux sourds, pour lesquels i'ay dressé de la tablature dans la 17. Proposition du troisiesme liure.
Quant à la tablature du Fifre, qui monstre tous ses tons, & la maniere de boucher ses trous pour chanter toutes sortes d'airs & de chansons, elle n'a pas vne si grande Estenduë que celle de la Fluste precedente, car elle n'est que d'vne Quinziesme, comme l'on void dans la tablature qui suit. [p244] Mais il faut remarquer que la levre & la langue doiuent trauailler en mesme temps pour faire parler la Fluste en perfection, & qu'il faut donner vn coup de langue, & vn peu de la levre à chaque ton, afin que toutes les notes soient articulées ; ce qui suffit iusques à ce que nous parlions du Tambour, dont on accompagne cet instrument. Or l'on peut rapporter tous les autres instrumens à trous à ceux que i'ay expliquez iusques icy. Voyons maintenant ceux qui n'ont point de trous, apres auoir icy mis l'exemple qui suit à quatre parties pour les Fleutes d'Allemand. [Air de Cour pour les Flustes d'Allemand].
Mais ie laisse toutes ces difficultez pour parler de la maniere dont on vse pour sonner du Cor ; ce qui se fait en embouchant son Bocal, que l'on presse contre les levres, soit en le mettant à l'vn des costez de la bouche, ou au milieu : or il faut que le bout de la langue entre dans le Bocal, afin d'y conduire le vent, qui se perd si l'on ne ferme bien fort tous les endroits des levres où le Bocal ne touche pas ; de là vient qu'il est difficile de sonner de cet instrument [p247] quand on à perdu les dents aux lieux où l'on applique le bocal, parce que le vent se perd aysément par le lieu de la breche qui manque de dent, & ne peut estre assez bien retenu par la seule force des levres. Apres que l'on a embouché le Cor, on peut en sonner en trois ou quatre manieres, à sçauoir en imitant simplement le vent d'vn soufflet, comme il arriue aux sons qui coulent sans estre animez : & puis en remuant la levre qui est dans le Bocal, ce que l'on fait en deux manieres, dont la premiere consiste à faire deux sons d'vn seul coup, ou mouuement de levre, & l'autre depend d'autant de coups ou de mouuemens de levre, comme l'on fait de sons differens, ce qui anime dauantage les sons : encore que l'on n'vse pas du mouuement de la langue, dans lequel consiste la plus excellente maniere de sonner de la trompe, & de tous les autres instrumens à vent, car lors que la langue martele chaque son, l'instrument imite la voix humaine & la parole, d'autant qu'il articule ses sons : ce qu'il faut remarquer pour toutes sortes d'instrumens à Bocal, & mesme pour les autres qui sont plus ou moins susceptibles de toutes ces emboucheures & de ces mouuemens, que l'on peut transporter sur les tuyaux des Orgues par le moyen de plusieurs industries, qui peuuent rendre leurs sons beaucoup plus agreables. Mais l'on entendra encore mieux tout ce qui appartient aux Cors, par ce que ie diray de la Trompette dans les discours qui suiuent.
PROPOSITION XIII [XI]. Expliquer les nouueaux instrumens à chordes, & l'accord de la Lyre dont on vse en Italie. Il est certain que l'on peut tousiours adiouster de nouuelles inuentions aux instrumens, & que les siecles à venir en pourront auoir qui ne sont pas encore tombez en l'imagination des Facteurs : par exemple, on peut faire des Clauecins qui auront tous les tons diuisez en quatre parties, pour faire les dieses Enharmoniques par tout, suiuant le Systeme que i'explique dans le liure des Genres : de sorte que le mesme clauier seruira pour autant de tuyaux d'Orgue, qui feront vne Fluste douce, & qui accompagneront chaque chorde. Et l'on m'a escrit de Rome que le sieur Iean Baptiste de Bonis de Cortone, ville de Toscane, en fait d'excellens, qui ont toutes les touches brisées ou [p216] coupées, & que l'on accorde auec vne admirable facilité en toutes sortes de manieres que l'on peut s'imaginer. L'on m'a aussi aduerty que la Harpe à trois rangs a esté inuentée il y a trente ou quarante ans par le sieur Luc Anthoine Eustache Gentil-homme Neapolitain, & Chambrier du Pape Paul V : & que le sieur Horace Michi a mis cet instrument à sa perfection, dont il ioüe tres-excellemment […]
En cest equipage entrerent en la salle, chantans la chanson suyuante : à chacun couplet de laquelle, respondoit de la voulte d’or l’vne des musiques, toute à voix.
Mais dés que ceste belle compagnie eut comparu deuant leurs maiestez, aussi tost ceste musique cessa, & lors Glaucus & Tethys se meirent à chanter seuls le dialogue suyuant : à la fin de chacun couplet duquel, toute la musique des Tritons respondoit, reprenant les deux derniers vers, ainsi que verrez cy dessous.
Ces Satyres faisans le tour de la salle, continuerent leur chanson de musique : & à chacun des couplets vne des musiques de la voute doree respondoit, comme verrez cy apres.