Feste et esbat cest chanterie / La devant dieu en voix serie / On ne sçaroit bien dire lose / A comparer a plus grant chose / Leur beau passe temps qua musique / Tant est ioyeuse et angelicque / Tesmoing tous bons entendemens / Et les musicaulx instrumens / Quo[n]t les sai[n]tz anges par droictures / Par tout en ces belles paintures / Pourquoy au gra[n]t ho[n]neur et gloire / Des chantres dignes de memoire / Quon ne scaroit trop exaulcer / Ne priser ce doibs tu penser / Ma pleu de dire ces beaux mos / Pour donc repre[n]dre mon propos / La sont les grans musiciens / Qui composent tousiours liens / Comme iapercoy en maint lieu / A la grant louange de dieu / Quelque chanterie nouuelle [f113v] / Doulce plaisant deuoste et belle / Hympnes, proses, messe, motez / Que la caboche en milletes / Te puist on espoutrer quoquart / De gros mailletz en beau piquart / A trois, a quatre, a cinq, a six / Bien remplis doulcement assis / Et tant plaisans, sans point doubter / Que qui les chante ou oit chanter / En a le cueur tout resjouy / Co[m]me dompstaple et du fay / Qui tant doulcement en leur temps / Par bel et devost passe temps / Ont composay ce scay ie bien / Et plusieurs aultres gens de bien / Robinet de la magdalaine / Binchoiz, fede, iorges et hayne / Le rouge, alixandre, okeghem / Bunoiz, basiron, barbingham / Louyset, mureau, prioris / Jossequin, brumel, tintoris / Et beaucoup daultres ie tasseure / Dont nay pas memoire a ceste heure / Je te vueil bien dire quilz font / Grant honneur es lieulx ou ilz sont / Cest ung deduyt que destre la / Et si te dy avec cela / Pour resveiller bien les oreilles / Quilz iouent si bien que merveilles / Des orgues en tant de beaux lieux / Lune des choses soubz les cieulx / Qui est plus plaisante a ouir / Pour tout humain cueur resiouir / Et doibs scauoir que cest lyens / Que les grans princes terriens / Se fournissent pour leurs chapelles / De bons chantres et de voix belles / Dorganistes semblablement / Bien iouans merveilleusement
Vous pouviez encor alleguer, que nostre seigneur (en Sainct Mathieu unziesme et Sainct Luc 7) reprochoit aux pharisiens, rebours et mal affectionnez, Nous avons chanté et flutté, et vous n’avez pas dancé. Je vous diray, il vous fault faire comme fit Demetrius lequel ayant blasmé les dances, après qu’il eut veu dancer une mascarade en laquelle on representoit l’adultere de Mars et Venus, confessa qu’il n’y avoit si belle chose au monde. Vous pouvez en peu de temps recouvrer ceste perte consideré mesmement que vous estes musicien, et que la dance est dependant de la musique et modulations d’icelle, qui est un des sept arts liberaux.
En quoy il [Beaulieu] s’est si heureusement comporté, que luy (que les plus parfaicts Musiciens disent exceller en cest art) s’est surmonté luy-mesme : ayant esté secouru toutesfois des Musiciens de la chambre du Roy, & specialement de maistre Salmon, que ledict de Beaulieu & autres de telle science estiment à bon droict beaucoup en son art.
[…] plusieurs musiciens du iourd’huy, ou se portants pour tels, en font si peu de cas, qu’il leur semble vne chose du tout impertinente à la Musique, de s’empescher beaucoup des Tons (ainsi appellent-ils les Modes) reputants la cognoissance d’iceux, vne scie[n]ce friuole & du tout inutile. Les vrays Musiciens ne parlent point ainsi : ains, au contraire, tiennent ceste partie de la Musique qui traicte des Modes, non seulement pour la plus haute, & la plus excellente, ains pour la fin, & la perfection de toutes les autres.
[…] toute l’eschole des Musiciens ne resonne & ne vous bat les oreilles d’autre chose plus souuent, que de la qualité, nature, & effect des Modes de Musique : L’vne est graue, l’autre legere ; & ainsi, selon leur diuerse qualité, plaisent aussi à diuers, suyua[n]t les diuerses humeurs & co[m]plexions des personnes.
Or m'estant aperçeu, que la pluspart des Musiciens, non seulement les vulgaires & triviaulx, mais aussi les principaux & plus huppez, ie dis gens doctes, & ayants publié leurs œuvres sur le faict de la Musique, n'ont eu telle cognoissance des Modes & des tons, qu'il appartient, n'ayant sçeu bonnement distinguer entre les douze Modes de Musique, & les huict tons de l'Eglise, par où ils ont mis & amené en la Musique vne telle confusion & chaos, que & eux, & tous autres qui ont voulu suiure, s’y sont perdus de telle sorte, qu'il ne leur a esté possible d'en sortir, non plus que d'vn labyrinthe inextricable ; i’ay iugé estre conuenable, voire necessaire, de descouurir les erreurs des susdits, & faire vne claire distinction d’entre les douze Modes, & huict tons, en deschiffrant la nature & proprieté, tant des vns, que des autres […], leur montrant [aux jeunes musiciens] au doigt ce que c’est des douze Modes […]
Laquelle cognoissance [des modes] est si utile & proufitable, non seulement aux maistres de chapelle, & à ceux qui font profession d’enseigner la Musique, mais aussi aux simples Musiciens ; que sans icelle, ceux-là ne se peuuent deuëment acquitter d’vn seul poinct de leur deuoir, soit pour bien dresser vn chœur, ou concert de Musique, & do[n]ner vn ton propre, & conuenable aux voix ; soit pour remettre et rabiller bien tost les faultes qui se peuuent commettre en chantant […].
[…] Pythagore, lors que rencontrant quelque ieune homme […], lequel par vn chant Phrygien de quelque Musicien, irrité & transporté de colere, à feu & à glaiue vouloit forçer vne maison voisine : il commanda au Musicien de cha[n]ger de Mode, & de sonner la sous-phrygienne : Ce qu’ayant faict, soudain modeste & paisible retourne en sa maison.
Avant traicter quel est le vray nombre des Modes de Musique, qu'aucuns appellent les tons Musicaux ; il faut premierement noter, que ce mot (Ton) est equiuoque, & a diuerses significations entre les Musiciens. La premiere est, quant il signifie vn son ferme, & stable : en laquelle signification nous disons, le ton de la cloche, le ton de l'orgue, le ton du pseaume : & de là vient, donner le ton, ou intonner ; qui ne signifie autre chose, que designer le son, auquel on doibt commencer quelque chose. Laquelle signification est la plus propre, d'autant qu'elle conuient au commun vsage de parler, auquel le son ou bruit vehement, qui se faict en l'air, s'appelle le tonnerre.
La troisiesme & derniere signification (qui est la plus impropre, encores qu’elle soit assez commune entre les Musiciens) est, quant ce mot, ton, est usurpé pour signifier une sorte, ou espece de Musique, que nous appellons proprement, Mode, ou Harmonie. En laquelle signification, il se prend auiourd’huy vulgairement, quant on demande, combien il y a de tons en la Musique : comme si on demandoit, combien de Modes, ou combien de sortes ou especes d’harmonies il y a en la Musique.
Boëce (autheur de grande authorité entre les Musiciens) pour prouuer qu’il n’y a que sept modes, monstre, qu’il ne peut auoir que sept especes de diapason, d’autant qu’en son enclos, il ne contient que sept interualles, qui sont les sept clefs esse[n]tielles, signifiees ordinaireme[n]t par les sept lettres premieres de l’alphabeth ; à sçauoir, A lamire, B fa ♮ my, C sol fa vt, D la sol re, E la my, F fa vt, G solreut.
L'on peut encore exprimer des paroles & des periodes entieres par les sons, car les preludes, la suitte des airs & des chansons, la deduction des modes & du systeme parfait ont de la ressemblance auec les oraisons & les harangues, particulierement quand le [p40] Musicien fait les cadences & les passages bien à propos, & qu'il se sert de la Rythmique selon le sujet qu'il traite. Or cette maniere de discourir se peut pratiquer dans toute l'estenduë des Sons, c'est à dire dans l'estenduë de cent ou deux cens pas & dauantage, car l'on oyt le Son de la Trompette de beaucoup plus loin, & consequemment les Sons peuuent seruir de messagers & de lettres secretes, quand celuy à qui l'on veut rescrire n'est esloigné que de demie lieuë ou d'vne lieuë, d'où l'on peut entendre les cloches ou la Trompette.
Certainement ceste speculation ne doit pas estre negligée à cause du rencontre lequel est semblable aux Consonances, comme aux aspects benins, & aux Dissonances, comme aux aspects que l'on appelle mauuais. Mais il n'est nullement necessaire que le Musicien connoisse la proprieté des Planettes pour composer de bons chants : car l'on peut composer toutes sortes de pieces de Musique sans connoistre les Planettes, qui n'ont point de particuliere influence sur la voix.
Mais puis que Dieu nous a donné la voix si flexible, qu'elle peut passer par tous ces degrez, il est raisonnable que nous les employons à sa loüange, & que lors que nous ferons les interualles des Consonances, ou des Dissonances, nous pensions aux interualles & aux distances qui nous separent du Concert des Bien-heureux, dont les Musiciens doiuent exprimer le desir par le Psalme 144. Exaltabo te Deus meus Rex, & benedicam nomini tuo in saeculum & in saeculum saeculi.
PROPOSITION XIX. A sçauoir si l'on peut connoistre asseurément quel est le graue ou l'aigu du son que l'on oit. Ceste difficulté est si grande, que plusieurs Musiciens se trompent souuent en iugeant des sons, car ils croyent & iugent que le son qu'ils oyent est plus bas [p028] ou plus haut d'vne Octaue qu'il n'est. Ce qui arriue particulierement aux sons des chordes, des Orgues, ou des petits enfans, qui font souuent l'Octaue en haut ou en bas auec le son, lequel nous pensions estre à l'Vnisson desdites voix ou des sons.
PROPOSITION XX. L'on peut apprendre à bien parler & à bien prononcer par le moyen de la Musique. Puis que la parole consiste à battre l'air, & que l'on parle bien lors que l'on accentuë, & que l'on prononce les dictions comme il faut, il n'est pas mal-aisé de comprendre comme la Musique peut seruir à bien parler, car elle traicte des accents, & nous ferons voir dans la 47 Proposition, que le Musicien parfait peut inuenter la meilleure langue de toutes les possibles, & qu'il la peut faire parler en perfection.
COROLLAIRE Les Musiciens Grecs n'ont point parlé des fredons & des passages dont on vse maintenant pour orner & pour broder les chants, si ce n'est que nous n'entendions plus maintenant leurs termes ; ce qui témoigne ce semble qu'ils n'en ont pas eu l'vsage, puis qu'ils ont esté si feconds & si curieux en vocables propres & particulieres, qu'ils n'ont quasi rien inuenté, à quoy ils n'ayent donné vn nom particulier.
Mais les Musiciens ont tousiours vsé des interualles Diatoniques, & particulierement ceux qui font profession de cet Art parmy les Chrestiens, encore qu'ils eussent pû choisiir d'autres interualles, par exemple [p093] ceux des differentes especes de Tetrachorde, que i'explique ailleurs. Et puis la suite des interualles de l'Air & de toute la Musique est artificielle ; car l'on ne peut s'en seruir si on ne l'a apprise par science, ou par exercice, & par la pratique : i'ay encore aioûté l'explication des mouuemens du suiet, d'autant qu'il n'est pas necessaire que nous exprimions nos propres mouuemens, ou passions, il suffit que nous imitions les passions des autres, ou du sujet proposé, comme il arriue presque tousiours à ceux qui chantent pour donner du plaisir aux auditeurs, car encore qu'ils soient tristes, ils peuuent chanter des Airs fort gays, ou des Airs tristes, encore qu'ils soient pleins d'alegresse.
C'est pourquoy la Musique est vne imitation, ou representation, aussi bien que la Poësie, la Tragedie, ou la Peinture, comme i'ay dit ailleurs, car elle fait auec les sons, ou la voix articulee ce que le Poëte fait auec les vers, le Comedien auec les gestes, & le Peintre auec la lumiere, l'ombre, & les couleurs : voyons maintenant la diuersité des Airs, & des Chants, & particulierement ceux dont on vse en France, afin que le Musicien n'ignore rien de tout ce qui appartient à l'Harmonie. Et apres nous verrons ce qui est necessaire pour faire de beaux Airs, & s'il est possible d'en faire vn qui soit le plus beau de tous ceux qui peuuent estre faits sur quelque sujet, ou sans sujet.
Si nous voulons apporter quelques distinctions ou diuisions entre les chants, il semble que l'on peut accorder toutes les pensees des Musiciens sur cette difficulté : Car si nous disons que le son, contre lequel se peuuent chanter vne ou plusieurs parties qui facent des consonances & de l'harmonie, est vn chant, l'on peut tenir que le simple son qui tient ferme, & consequemment que les discours des Orateurs, & de ceux qui font des interualles sensibles, comme les Italiens, & quelques Predicateurs qui chantent en parlant, peuuent estre nommez chants, lors qu'on peut faire quelque partie de Musique contre lesdits sons, ou discours.
Quant à la duree du chant, les Musiciens n'ont encore rien estably sur ceste difficulté : il y en a de longs, de courts, & de mediocres : & l'on peut quasi dire la mesme chose des chants que des vers, car il n'y a point de vers qui ne puisse auoir vn chant ; & si le vers est inutile & imparfait, comme sont ceux ausquels il manque vn, ou plusieurs pieds, on peut appeller leur chant imparfait. Toutesfois l'on peut dire que le chant doit pour le moins durer deux ou trois mesures pour estre accomply & parfait, afin qu'il ait son commencement, son milieu, & sa fin, car ses trois parties se rencontrent presque tousiours en toutes ces choses, particulierement en celles qui sont liees & obligees au mouuement, comme sont les chants dont nous parlons.
PROPOSITION IV. Expliquer toutes les diuisions & les especes des Chants & des Airs dont vsent les Musiciens, & donner des exemples des chants Ecclesiastiques.
En troisiesme lieu, les chants se diuisent en autant d'especes que les passions ; car il y en a de tristes ou languissans, & de ioyeux ; il y en a de propres à la guerre, & d'autres à la paix. Ils se peuuent encore diuiser en Dactyliques, Anapestiques, Iambiques, &c. suiuant les differentes especes des vers & des mouuemens dont les anciens Poëtes & Musiciens ont vsé, & dont on se sert aux Balets.
PROPOSITION V. A sçauoir si l'on peut trouuer & prescrire des regles & des maximes infallibles selon lesquelles on fasse de bons Chants sur toutes sortes de lettres & de suiets, & si les Musiciens en ont quand ils font des Airs & des Chants. Cette difficulté est l'vne des plus grandes de toutes celles de la Musique, car puis que personne n'a encor estably de certaines regles propres pour faire de beaux chants sur toutes sortes de sujets, c'est signe que l'on n'en peut establir, car il n'est pas ce semble probable que les Musiciens qui ont vescu depuis vne si longue suite d'annees & de siecles n'en eussent estably, tant pour s'en seruir aux rencontres, que pour en faire part à leurs successeurs, comme ils ont fait des autres preceptes de cét Art. En effet les plus excellens Maistres preuueut tous les iours par experience qu'ils n'ont point de regles asseurees pour faire de bons chants, puis qu'ils ne les rencontrent le plus souuent que par boutades, & par hazard, comme ils confessent eux-mesmes ; de là vient qu'ils sont quelquefois des iours entiers sans pouuoir faire vn air, ou vn chant qui leur plaise, & qui leur satisfasse ; & d'autrefois ils en font plusieurs en peu de temps, qui leur naissent dans l'esprit suiuant les differentes dispositions de leur imagination, & de leur santé.
Mais ie veux apporter de plus puissantes raisons, dont l'vne se prend du peu de connoissance que nous auons de la nature des interualles Harmoniques, desquels il faut vser pour faire les chants. Et l'autre se prend de l'ignorance des mouuemens dont l'on ne sçait pas la theorie, ny la pratique, car nous n'auons point de Musiciens qui puissent establir la suite des mouuemens necessaires pour exciter les auditeurs à telle passion que l'on voudra.
A quoy l'on peut ajoûter la connoissance des choses qui sont necessaires au parfait Musicien, dont i'ay parlé dans vn autre lieu, comme celle du temperament des auditeurs, & celle des esprits, & de la maniere dont il faut vser pour eschaufer & refroidir l'imagination & l'appetit, afin d'appaiser ou d'exciter les passions. Et puis la multitude des Airs va iusques à l'infiny, & la bonté des chants depend le plus souuent de la fantaisie du Compositeur, & de ceux qui les mettent en credit ; ce qui empesche que l'on puisse prescrire des regles infallibles si [p098] l'on ne veut comprendre & renfermer l'infinité de l'imagination & de la caprice des hommes dans les bornes de quelques maximes qui fassent vne chose finie de l'infiny.
Il faut neantmoins auoüer que l'on peut trouuer des regles si certaines, que l'on ne manquera iamais à faire de bons chants sur toutes sortes de sujets, pourueu que l'on entende la lettre ; car si le Musicien François qui n'entend que sa langue vouloit mettre de l'Espagnol ou de l'Italien en Musique, il ne pourroit pas accommoder la note à la lettre. I'auoüe qu'il est difficile de trouuer & de pratiquer les regles dont nous parlons, dautant qu'elles requierent vne parfaite connoissance de la nature des sons, & de leurs interualles, & des passions & affections que l'on desire exciter ou appaiser. Mais peut-estre que cette connoissance n'est pas impossible, soit que les anciens l'ayent euë, comme tiennent ceux qui croyent qu'Aristote, Plutarque, & les autres Autheurs ne proposent rien des especes & des effets de la Musique que ce qui est veritable, & qui disent que les Grecs auoient la connoissance du temperament des auditeurs, de la nature des passions, & des interualles ; ou que lesdits anciens n'ayent point eu d'autre connoissance que nous, ou plustost qu'ils ayent moins connu dans la Musique que les Maistres qui composent maintenant, & qui enseignent la pratique & la theorie de l'Harmonie, comme croyent plusieurs, qui ne deferent pas tant aux anciens que les autres. Car puis que l'inuention des regles pour faire de bons chants dépend de la raison, du iugement, & de l'experience, il faudroit que nous fussions dépourueus de ces facultez, & instrumens, si nous ne pouuions rien establir que par emprunt des anciens, dont ie ne veux pas icy parler dauantage, dautant que i'ay fait vn discours particulier pour examiner s'ils estoient plus sçauans que nous dans la Musique, & s'ils faisoient de meilleurs Chants, & de meilleurs Concerts.
En effet s'il est permis de s'instruire par l'analogie des autres choses, l'on peut comparer les simples sons aux simples couleurs, les interualles des sons aux meslanges desdites couleurs, & les chants aux tableaux ; car comme les Peintres, les Teinturiers & les Floristes remarquent qu'il y a des couleurs simples & premieres, dont les autres sont composees ; de mesme les Musiciens considerent qu'il y a des sons plus simples les vns que les autres ; ce que l'on peut dire du proslambanomenes, parce que les battemens ou mouuemens d'air dont il est composé sont plus proches de l'vnité & du repos, dont la nete est la plus éloignee ; de sorte que les sons du milieu sont composez de ces deux extremes, à raison qu'ils participent de la tardiueté & de la pesanteur de l'vn, & de la vitesse de l'autre, comme les couleurs du milieu participent des deux extremes, à sçauoir du blanc & du noir, dont on peut s'imaginer que les deux premieres couleurs des Peintres, c'est à dire le bleu & le iaune, sont composees, desquelles on fait apres toute sorte de verd.
D'ailleurs, le son du milieu que les Grecs appellent la Mese, represente la couleur qui est nüee ; & comme l'on vse ordinairement de sept couleurs dans chaque nuance, de mesme l'on vse de 7 interualles ou degrez dans chaque Octaue, dont il y en a 2, 3 ou 4 dessus, & trois ou quatre dessous ladite Mese : i'ay dit 3 ou 4 dessus, ou dessous, parce qu'il y en a 4 dessous, lors que la Quinte est dessous, & 3 lors qu'elle est dessus ; ce que les Musiciens appellent diuision Harmonique. C'est pourquoy il faudroit voir si la nuance d'vne couleur est plus agreable lors qu'il y a plus de degrez de nuance en bas iusques au noir, qu'en haut iusques au [p103] blanc, comme l'Octaue est plus agreable lors qu'elle a plus de degrez en bas, c'est à dire lors qu'elle a la Quinte dessous.
COROLLAIRE I Les bons Compositeurs disent que les chants doiuent estre semblables aux corps composez des quatre Elemens, afin qu'ils ayent la fermeté de la terre dans leur mesure constante & reglee ; la netteté de l'eau, parce qu'il faut éuiter toute sorte d'embarras & de confusion dont l'oreille peut estre blessee ; la vistesse & la mobilité du feu par ses diminutions, ses passages, ses tremblemens, & ses fredons ; & puis le bel air, qui est l'ame du chant. L'on peut aussi comparer les interualles dont on vse dans les chants, aux couleurs que produisent les metaux : ce qui se fait en differentes manieres ; par exemple le plomb calciné auec l'estain fait l'émail blanc ; le fer calciné fait le iaune des verres ; ce que fait aussi l'antimoine : le cuiure rend le verre turquin, ou bleu selon les differentes preparations que l'on luy donne ; & l'argent estant meslé auec d'autres choses fait vne varieté de couleurs. Ie laisse tout ce que les potiers de terre, & les Chymiques font par le moyen des metaux, parce qu'il suffit d'en auertir les Musiciens afin que s'ils veulent rapporter chaque metail, & toutes leurs couleurs à ce qui arriue aux interualles, ou mouuemens des chants, ils sçachent les experiences des artisans.
Or ie croy que toutes les considerations que i'ay rapportees dans ce discours font voir assez clairement que le meilleur chant de tous les possibles ne peut estre fait par nos Musiciens, & qu'ils ne pourroient mesme iuger s'il est le meilleur de tous, encore qu'ils l'eussent rencontré par hazard : C'est pourquoy il n'est pas besoin de nous estendre dauantage sur ce sujet, dont nous parlerons encore ailleurs ; comme lors que nous examinerons si l'on peut iuger quel est le meilleur de deux, ou de plusieurs chants proposez : car bien que l'on ne puisse pas faire le meilleur chant de tous les possibles, parce que si les hommes auoient fait vn chant où ils ne peussent plus rien desirer, nous pourrions encore dire que Dieu ou les Anges le peuuent rendre meilleur. Ce qui n'empesche pas neantmoins que l'on ne puisse establir des regles propres pour faire de bons chants, autrement il faudroit confesser que les Maistres de Musique ne peuuent faire vn bon chant que par rencontre & par hazard, & que les ignorans en peuuent faire d'aussi bons qu'eux, ce qui est difficile à croire : Et l'experience ne nous fait point voir de chants composez par les païsans qui soient aussi bons que ceux de Guedron, & des autres Maistres, dont le principal exercice consiste à composer des chansons & des airs.
Quatriesmement, i'ay dit naturels, ou artificiels [dans le titre de cette proposition], dautant que nous appellons les interualles naturels, qui sont faits par tout le monde, c'est à dire aussi bien par le Berger qui est au bois, ou à la campagne, comme par les Musiciens, tels que sont les interualles de la Diatonique : mais les artificiels ont esté inuentez par les Musiciens pour embellir leur art, & pour enrichir leurs chants, comme sont le demiton mineur, la diese, &c. qui ne se pratiquent point hors de la Musique, si ce n'est par hazard.
[…] vn Orateur, ou celuy qui represente quelque personnage sur le theatre peut obseruer tous les interualles tant Diatoniques, que Chromatiques, ou Enharmoniques qui se rencontrent dans vne Octaue, attendu que l'experience nous fait voir que la plus part des Predicateurs se seruent du demiton, du ton, de la Tierce-mineure, de la majeure, de la Quarte & de la Quinte en montant & en descendant, selon les diuers accents, ou les diuers mouuemens dont ils se seruent tantost dans vn lieu, & tantost en vn autre. De là vient que quelques excellens Musiciens tiennent que les discours esquels ces interualles se rencontrent sont des Faux-bourdons, & qu'ils peuuent estre mis au nombre des airs : ce qui se verifie de quelques Predicateurs qui parlent quasi comme s'ils chantoient, c'est pourquoy leur discours en est moins agreable, & moins profitable.
PROPOSITION II. L'air est vn mouuement, vne conduite, ou saillie des sons, ou de la voix par les interualles artificiels que les Musiciens ont estably, à sçauoir par les Demitons, les Tons, les Tierces, &c. dont nous expliquons les mouuemens & les passions de nostre ame, ou celles du sujet & de la lettre.
C'est pourquoy les airs peuuent representer les diuers mouuemens de la mer, des cieux, & des autres choses de ce monde, d'autant qu'on peut garder les mesmes raisons dans les interualles de la Musique qui se rencontrent aux mouuemens de l'ame, du corps, des Elemens, & des cieux. De là vient que la Musique sert plus à la vie Morale, & est plus propre pour les moeurs que la peinture, laquelle est comme morte, mais la Musique est viuante, & transporte en quelque façon la vie, l'ame, l'esprit & l'affection du Chantre, ou du Musicien, aux oreilles & dans l'ame des auditeurs.
On l'appelle Motet, parce que l'on vse d'vne periode fort courte, comme s'il n'y auoit qu'vn mot à dire ; ce qui arriue quand on veut signifier quelque discours fort bref, lequel mot estant mis en Musique s'appelle Motet. Et lors que le Musicien prend la liberté d'y employer tout ce qui luy vient dans l'esprit sans y exprimer la passion d'aucune parole, cette composition est appellee Fantaisie, ou Recherche.
Neantmoins tous les Musiciens sont de contraire aduis, & tant les Auditeurs que ceux qui chantent, aduoüent qu'ils reçoiuent plus de plaisir des Chansons tristes & languissantes, que des gayes, dont il n'est pas facile de trouuer vne raison si puissante, qu'elle fasse esuanouyr toutes les autres raisons contraires. Toutesfois ie ne doute pas qu'il n'y ayt quelque raison de cet effet prodigieux qui semble combattre toutes les loix de la nature, puis qu'elle est faite & conseruée par le plaisir.
I'ay encore traité de plusieurs autres difficultez touchant ce sujet, dans deux liures particuliers, à sçauoir dans les Preludes de l'harmonie, & dans les Questions Harmoniques l'an 1634, par exemple quel doit estre l'Horoscope du parfait Musicien, où ie monstre par les principes de l'Astrologie que l'on ne peut rien predire du temperament, ou de la vie des hommes par la cognoissance que l'on a des Astres, & où ie mets trois horoscopes d'vn parfait Musicien selon l'opinion de trois excellens Astrologues de ce siecle. I'ay traité aussi du temperament, de la capacité & de la science que doit auoir vn parfait Musicien ; du Iuge des concerts, si c'est l'oreille, ou l'entendement ; s'il est expedient d'vser du genre Enharmonic, par quel endroit se romperoit vne chorde esgale en toutes ses parties, laquelle seroit tirée esgalement : pourquoy les Grecs ont reglé toute leur Musique sur les Quartes ; pourquoy les Sons seruent à former les mœurs des hommes : quel iugement l'on doit faire de ceux qui hayssent la Musique, & si elle merite l'attention des hommes d'vn grand iugement & d'vn bon esprit : s'il appartient aux sçauans ou aux ignorans de iuger de la bonté des concerts : si la Theorie est preferable à la Pratique : fi les Grecs ont esté meilleurs Musiciens que les François, & d'où vient que la nature & les hommes se plaisent à la diuersité, dont ie parle dans la 14 Question Physique. le laisse ce que i'ay dit des raisons, des proportions, des medietez, des tons, & de tous les autres moindres, ou plus grands interualles de la Musique dans le second liure de la Verité des Sciences imprimé l'an 1625, & dans la 56 & 57 question diuisée en dix-sept Articles, inserée dans le Commentaire sur la Genese, où l'on void quasi tout ce qui concerne l'harmonie.
A vray dire les raisons que l'on peut rapporter pour l'vne & l'autre des deux opinions pourroient tenir vn esprit en balance, & faire donner vn autre nom à l'Octaue, si la longueur du temps n'auoit graué cette diction dans l'esprit des Musiciens, en faueur desquels ie monstre qu'il faut appeller cét accord Octaue.
Les arts ne peuuent iamais mieux proceder que quand ils imitent la nature, dont les sciences considerent les actions : les noms qui expriment le mieux ses effets sont les mieux donnez, & les mieux imposez. Or les sons qui ne consistent que dans les mouuemens de l'air, ne peuuent mieux estre distinguez par aucune difference interne, ou qualité exterieure, que par le graue & l'aigu ; ce qui apporte vne grande confusion : car supposant vn ton graue, tous les autres tons iusqu'à l'infiny seront aigus, & supposant vn aigu tous les autres seront graues ; c'est pourquoy les Musiciens ont osté contraints de dire le second d'apres le graue ; comme le troisiesme, le quatriesme, le cinquiesme, le sixiesme, le septiesme, & le huitiesme. Ils eussent passé outre, comme les Arithmeticiens ont monté iusques à dix : mais considerans tous ces sons, ils ont trouué que le second d'apres le graue ne faisoit rien qui fust bon ; ils l'ont passé, & remarqué comme nuisible : ils ont trouué que le troisiesme se mesloit aisément auec le graue, & qu'en le tenant plus foible ou plus fort il auoit toujours de l'harmonie, & ont appellé le foible Tierce mineure, & le fort Tierce maieure. Ils sont venus à considerer le quatriesme son aigu d'apres ce mesme son graue, & l'ont trouué bon. Et puis ils ont consideré le cinquiesme qu'ils ont encore trouué meilleur, parce qu'il fait vn meslange plus parfait que le quatriesme, & plus ferme que le troisiesme : mais il ne peut estre plus haut ny plus bas qu'il faut. Ils ont aussi consideré le sixiesme, & l'ont trouué de mesme nature que le troisiesme, & qu'il pouuoit estre plus fort ou plus foible sans estre des-agreable, c'est pourquoy ils l'ont appllé Sexte mineure, & majeure.
Les Organistes ont passé plus outre que l'Octaue, & ont ajoûté la Dixiesme, la Douziesme, la Quinziesme, &c. ce qu'ils ont fait pour designer les marches de leur clauier ; car cette Dixiesme est seulement vne Tierce plus haute que la premiere, c'est à dire repetee ; & cette Douziesme est vne Quinte à l'Octaue de la premiere Quinte. Voila donc pourquoy l'on peut dire que le mot d'Octaue, dont se seruent nos Musiciens, est plus propre & plus significatif que le mot de Diapason, dont on vse plus à propos pour signifier les vingt-neuf tons des Instrumens que les huit sons de l'Octaue.
La prominence qui excede le corps de l'instrument, & qui semble continuer ledit corps en droite ligne, est appellee le manche par les ouuriers, & ioüeurs d'instrumens, & sert pour estendre les chordes dessus, afin qu'elles [p103] ayent vne longueur suffisante, & que le Musicien pose les doigts dessus pour faire faire diuersitez de tons à vne mesme chorde ; or il y a autant de cheuilles au bout des manches qu'il y a de chordes sur l'instrument, afin qu'on les puisse hausser ou baisser à volonté, comme l'on void au luth, aux violes, aux mandores, aux guiterres & aux violons […]
L'on peut encore adiouster vn autre ieu de Tierce ou de Quinte, dont les vns pourront auoir des chordes de luth, & les autres de leton ou d'acier. Voila tous les ieux dont on s'est seruy iusques à present, lesquels on peut appeller double, ou triple Epinette. Et ces ieux se ioüent tous ensemble, ou separément comme l'on veut, en les ouurant ou fermant par de certains ressorts & registres que l'on tire, ou que l'on pousse selon la volonté du facteur & du Musicien. Quant au ieu de Violes, l'on peut se seruir de chordes à boyau ou de leton, mais la difficulté consiste à treuuer le moyen de faire vn archet, qui touche les chordes aussi fort, ou aussi doucement que l'on desire.
Or la main du Musicien peut suppleer à cela [treuuer le moyen de faire vn archet, qui touche les chordes aussi fort, ou aussi doucement que l'on desire], car à proportion que l'on baissera ou que l'on haussera les chordes, afin de rencontrer l'archet, elles seront touchees plus rudement, ou plus delicatement. Et l'on peut s'imaginer vn mouuement par des ressorts, ou auec le pied, qui fera tousiours cheminer l'archet, afin qu'il touche chaque chorde aussi long-temps que l'on voudra. Mais ie ne croy pas que l'on puisse suppleer les gentillesses de la main gauche, ny les fredons, & les douceurs & rauissements des coups de l'archet, dont les excellens ioüeurs de Violes & de Violons, comme les Sieurs Maugards, Lazarin, Bocan, Constantin, Leger & quelques autres, rauissent l'esprit des auditeurs.
PROPOSITION VIII. Que l'on peut sçauoir la grosseur, & la longueur des chordes sans les mesurer, & sans les voir, par le moyen des sons. L'on peut s'imaginer plusieurs façons pour treuuer la longueur, & la grosseur des chordes : premierement par le compas, dont on vse pour mesurer la grosseur, & la longueur de toutes sortes de corps, mais les chordes des instrumens sont si deliées, que le compas ne peut seruir pour treuuer leur diametre : 2. l'on iuge de leur grosseur par le toucher, car en les maniant on iuge à peu pres de combien les vnes sont plus grosses que les autres ; mais cet examen est trop grossier, & trop incertain. 3. on les mesure par les trous des filieres, car les fils, ou les chordes qui passent, & qui sont tirées par vn mesme trou sont d'esgale grosseur ; mais parce que l'on ne sçait pas la proportion des trous de la filiere, & que quand on la cognoistroit, on n'a point ordinairement de filiere, ny de trous pour mesurer la grosseur des chordes, & que cet instrument ne sert qu'aux chordes de metal, cette maniere ne peut estre vtile aux Musiciens. 4. on les peut mesurer par l'eau, ou par les autres liqueurs, car celle qui fera sortir deux fois autant d'eau d'vn vase plein, sera deux fois aussi grosse, si elles sont de mesme longueur : mais les chordes de boyau se gastent dans l'eau, & cette façon de mesurer les corps est trop difficile, & trop incertaine pour plusieurs raisons, que ie deduis ailleurs. 5. par les balances, car celle qui pesera deux fois autant, sera deux fois aussi grosse, si elle est de mesme matiere, & de mesme longueur : mais le poids d'vne chorde d'instrument, par exemple, de la chanterelle d'vn Luth, est si petit, que l'on a de la peine à [p127] remarquer les differences du poids de telles chordes. C'est pourquoy il faut se seruir d'vne autre maniere pour mesurer la grosseur desdites chordes, car quant aux longueurs, il est tres-facile de les sçauoir par le seul compas, ou par la comparaison des vnes aux autres. Or cette maniere peut estre appellee harmonique, d'autant qu'elle se pratique par les sons en cette façon.
PROPOSITION XIV. Determiner combien l'on peut toucher de chordes, ou de touches du clauier dans l'espace d'vne mesure, c'est à dire combien l'on peut faire de notes à la mesure sur l'Epinette ; & si l'archet va aussi viste sur la Viole, & sur le Violon ; ou si la langue & les autres organes qui font les passages, & les fredons peuuent faire autant de notes à la mesure que l'Epinette. L'on peut toucher les chordes de Luth, & de l'Epinette en deux manieres, à sçauoir toutes, ou plusieurs en mesme temps, comme il arriue lors que l'on abbaisse plusieurs touches du clauier en mesme temps, pour faire plusieurs consonances ou dissonances ; ou l'vne apres l'autre, comme l'on fait aux passages & aux fredons, & c'est de cette maniere que ie parle icy. Or il faut remarquer que les Musiciens ont inuenté des notes pour signifier toutes leurs mesures c'est à dire tous les temps, ou toutes les especes de durée qu'ils donnent aux sons & aux voix, dont ils composent toutes sortes de chansons & de motets : & que celle qui signifie vne mesure est blanche, & sert comme de pied, de diapason & de regle à toutes les autres, qui augmentent ou diminuent ordinairement leurs valeurs de moitié en moitié, de sorte que la 2 vaut la moitié d'vne mesure, la troisiesme le quart, la 4 la 8 partie, la 5 la 16 partie, la 6 la 32 partie, & la 7 la 64 partie, qui est la moindre de toutes celles qu'ils ont inuentées, parce qu'ils ont iugé que l'on ne pouuoit pas chanter vne note en vn moindre temps qu'en la 64. partie d'vne mesure.
COROLLAIRE VIII Mais afin que l'on ne quitte pas ce discours sans en retirer quelque profit, il me semble que les Musiciens doiuent considerer que puis que les chordes qu'ils touchent, ne leur refusent iamais leurs mouuemens, & qu'elles obeyssent tres-promptement à leur volonté iusques à se rompre, quand il leur plaist, qu'ils doiuent imiter cette obeyssance si ponctuelle en suiuant la volonté de Dieu, & les bons mouuemens qu'il leur donne pour faire le bien & pour euiter le mal : car puis qu'il n'y a nul mouuement qui ne conduise au premier moteur, il est tres-raisonnable que les mouuemens, dont on reçoit de si grands contentemens, & d'où l'on tire vne si grande harmonie, nous menent à celuy, dont la Prouidence bat incessamment la mesure de l'harmonie de l'Vniuers, & gouuerne le grand concert de tout le monde, de peur qu'il soit dit dans l'Eternité que les Musiciens ont esté plus stupides & plus irraisonnables que les creatures inanimées, & qu'ils soient si mal-heureux que les chordes, dont ils ont tiré tant d'harmonie, seruent au grand iour du Iugement pour les lier & les affliger, s'ils ont si peu d'esprit & de iugement qu'ils ne rapportent pas l'harmonie de leurs chordes, & de leurs voix à la gloire de celuy qui seul merite les loüanges de toutes les Creatures, que le Prophete Royal exhorte à leur deuoir par ses dernieres paroles, omnis spiritus laudet Dominum.