Mvsiqve (laquelle est appelée practique) est vn art nous enseignant la maniere de bien chanter. D’icelle sont deux especes, c’est à sçauoir la simple, autrement appellée plain chant (de laquelle p[ar]lerons seuleme[n]t en ce premier traicté) & la figurée, que le vulgaire appelle chose faite (& d’icelle traicterons au seco[n]d) lesquelles sont differente par ce que l’une (sçavoir est la simple) a ses notes quasi toutes de forme, figure, & quantité semblables, esta[n]t proferées sans accroissement, ou diminution aucune. La figurée au contraire a les siennes de diuerse forme, ou figure (dont elle pre[n]d le nom figurée) & selon leur varieté inesgale ce profferent sous diuerse quantité, estant augme[n]tées, ou diminuées selon qu’il est requis en Mode, Temps, & Prolation.
[…] Si nous considerons, que les effects susdicts [de la musique] doiuent estre raportez aux Modes, ou (comme aucuns disent) aux Tons de Musique, comme à la partie principale, & à la cause formelle de la musique ; combien deuons nous estimer d’auantage les Modes ou Tons […], lesquels proprement & essentiellement produisent lesdits effects ?
Tout ce qui se traicte en la Musique, ne sont que preambules, & moyens disposez pour paruenir au but, & à la perfection de ceste science, qui est la vraye cognoissance des Modes.
[…] les ancie[n]s ont tousiours deferé aux Modes toute la force de la Musique. Ce que font aussi les autheurs plus modernes […] qua[n]t ils attribue[n]t à chacune Mode sa qualité & son effect particulier.
[…] tous les beaux traicts, les airs, les cadences & tout ce qui a quelque force & energie pour esmouuoir noz esprits, procede de la Mode, comme de la cause principalle & originelle.
[...] toute l’energie & la force de la Musique est referée aux Modes, pour produire diuers effects. La raison de cecy est que la Mode (co[m]me a esté dict) est l’ame & la partie formelle de la Musique, de laquelle (comme de sa source) elle doit tirer sa propriété, sa force et tous ses effects : Quia forma dat esse rei.
De mesme opinion [que Pythagore] estoit Platon, ce diuin Philosophe, lors qu’il bannit de sa republique les Modes Iönique, & Lydienne, pour estre trop lasciues & effeminées : commandant de retenir seulement la Mode dorienne, Phrygienne, & aucunes autres, les effects desquelles estoient plus virils, honnestes, & vertueux […]
[…] plusieurs musiciens du iourd’huy, ou se portants pour tels, en font si peu de cas, qu’il leur semble vne chose du tout impertinente à la Musique, de s’empescher beaucoup des Tons (ainsi appellent-ils les Modes) reputants la cognoissance d’iceux, vne scie[n]ce friuole & du tout inutile. Les vrays Musiciens ne parlent point ainsi : ains, au contraire, tiennent ceste partie de la Musique qui traicte des Modes, non seulement pour la plus haute, & la plus excellente, ains pour la fin, & la perfection de toutes les autres.
Or m'estant aperçeu, que la pluspart des Musiciens, non seulement les vulgaires & triviaulx, mais aussi les principaux & plus huppez, ie dis gens doctes, & ayants publié leurs œuvres sur le faict de la Musique, n'ont eu telle cognoissance des Modes & des tons, qu'il appartient, n'ayant sçeu bonnement distinguer entre les douze Modes de Musique, & les huict tons de l'Eglise, par où ils ont mis & amené en la Musique vne telle confusion & chaos, que & eux, & tous autres qui ont voulu suiure, s’y sont perdus de telle sorte, qu'il ne leur a esté possible d'en sortir, non plus que d'vn labyrinthe inextricable ; i’ay iugé estre conuenable, voire necessaire, de descouurir les erreurs des susdits, & faire vne claire distinction d’entre les douze Modes, & huict tons, en deschiffrant la nature & proprieté, tant des vns, que des autres […], leur montrant [aux jeunes musiciens] au doigt ce que c’est des douze Modes […]
Comme aux corps naturels, l’ame est le commencement & la cause de tous mouuements naturels : ainsi […] au corps de Musique, la Mode est le commencement & la source de tous les effects & operations d’icelle : d’autant que c’est la partie formelle de la musique […] & partant a plus de force, & puissance, les moye[n]s plus propres, & plus excellents, pour attirer avec plus d’efficace les cœurs & affections des hommes (en quoy consiste le principal effect de la musique) que nulle autre partie d’icelle.
Laquelle cognoissance [des modes] est si utile & proufitable, non seulement aux maistres de chapelle, & à ceux qui font profession d’enseigner la Musique, mais aussi aux simples Musiciens ; que sans icelle, ceux-là ne se peuuent deuëment acquitter d’vn seul poinct de leur deuoir, soit pour bien dresser vn chœur, ou concert de Musique, & do[n]ner vn ton propre, & conuenable aux voix ; soit pour remettre et rabiller bien tost les faultes qui se peuuent commettre en chantant […].
[…] Pythagore, lors que rencontrant quelque ieune homme […], lequel par vn chant Phrygien de quelque Musicien, irrité & transporté de colere, à feu & à glaiue vouloit forçer vne maison voisine : il commanda au Musicien de cha[n]ger de Mode, & de sonner la sous-phrygienne : Ce qu’ayant faict, soudain modeste & paisible retourne en sa maison.
C’est ceste partie [la mode] diuine (comme dict Ciceron tertio de Oratore) qui penetre iusques a l’ame, rauit les esprits, change les affections ; en somme, c’est elle qui produit les effects admirables, qui se lisent & racomptent de la musique.
Avant traicter quel est le vray nombre des Modes de Musique, qu'aucuns appellent les tons Musicaux ; il faut premierement noter, que ce mot (Ton) est equiuoque, & a diuerses significations entre les Musiciens. La premiere est, quant il signifie vn son ferme, & stable : en laquelle signification nous disons, le ton de la cloche, le ton de l'orgue, le ton du pseaume : & de là vient, donner le ton, ou intonner ; qui ne signifie autre chose, que designer le son, auquel on doibt commencer quelque chose. Laquelle signification est la plus propre, d'autant qu'elle conuient au commun vsage de parler, auquel le son ou bruit vehement, qui se faict en l'air, s'appelle le tonnerre.
En la troisiesme partie, la Musique est diuisée en Musique pleine, & Musique figurée, ou mesurée ; où se traicte au[ss]i des nottes de Musique, de la figure, & ligature d’icelles ; des degrez de la Musique sur le nom de Mode (qu’aucuns appellent Mœuf) temps, & Prolation, des signes & marques par lesquelles ils sont signifiez : de la Mesure qu’on doit tenir en iceux respectiuement : du Point musical, & autres menutez que nous estimons pouuoir proufiter, tant aux maistres qu’aux disciples, pour entendre le faict de la Musique.
La troisiesme & derniere signification (qui est la plus impropre, encores qu’elle soit assez commune entre les Musiciens) est, quant ce mot, ton, est usurpé pour signifier une sorte, ou espece de Musique, que nous appellons proprement, Mode, ou Harmonie. En laquelle signification, il se prend auiourd’huy vulgairement, quant on demande, combien il y a de tons en la Musique : comme si on demandoit, combien de Modes, ou combien de sortes ou especes d’harmonies il y a en la Musique.
En la seconde partie nous ferons paroistre que les huict tons de l’Eglise ont esté seulement instituez pour chanter les Pseaumes, & partant sont tout autres que les premiers tons, ou Modes, ayant les uns & les autres autre matiere, autre forme, & autre nature : Et pour ceste cause, ont esté de tout temps, autreme[n]t cognuz, & autrement appellez. Ce n’est donc merueille s’ils sont en nombre diuers. Pour lesquelles raisons, & plusieurs autres que pourrons alleguer, nous conclurons que ceux-là s’abusent grandement, lesquels, par un nombre, veulent confondre l’autre, &, par vne chose nouuellement forgée, veulent supprimer ce qui a tousiours esté.
Pour satisfaire, donc, à ceste question [du ton ou de mode], nous monstrerons premierement, ce que c’est de Mode, non seulement selon l’opinion des modernes, ains au[ss]i suiuant l’authorité des plus anciens : puis prouuerons, qu’il en doit avoir douze, à sçauoir, six superieures, & six inferieures ; Finalement declarerons, que ce nombre icy n’est point seulement conuenable & bien seant, conforme, ains requis, & du tout necessaire à la perfection du corps d’icelle.
[…] voudrions doubter de ce que si long temps, & continuellement a esté obserué au chant de l’Eglise Romaine ; qu’au contraire, nous pretendons asseurer & affranchir les huict tons susdicts, & rendre raison pertinente, pourquoy ils ont esté instituez. Seulement voulons tirer en question, si les huict tons susdits, doiuent ou peuuent preiudicier au nombre legitime des Modes de Musique, qui a esté plusieurs siecles auparauant.
[…] si nous desirons sçauoir la grandeur du bastiment musical, ja plusieurs fois destruict & ruiné, & auoir particuliere cognoissance, comme anciennement il estoit diuisé en ses parties, & especes (qui sont les modes, ou bien, comme l’on dict à present, les tons musicaux) il nous faut addresser au diapason, qui en est le fondement, lequel demeurant tousiours entier sans aucune corruption, estant bien fondé en tous ses endroicts & deuëment compassé en toutes [p2] ses dimensions […]
Boëce (autheur de grande authorité entre les Musiciens) pour prouuer qu’il n’y a que sept modes, monstre, qu’il ne peut auoir que sept especes de diapason, d’autant qu’en son enclos, il ne contient que sept interualles, qui sont les sept clefs esse[n]tielles, signifiees ordinaireme[n]t par les sept lettres premieres de l’alphabeth ; à sçauoir, A lamire, B fa ♮ my, C sol fa vt, D la sol re, E la my, F fa vt, G solreut.
[…] aussi faut il necessairement, que le bastiment musical se rapporte au diapason, comme à son vray fondement, sans qu’il puisse eslargir plus auant que sa grandeur ne permet ; ains par la grandeur & estenduë du diapason, faut iuger de la grandeur de la musique, & du nombre des modes, ou des tons.
Ptolomeus, pour prouuer qu’il y a viij. modes, dict, qu’il doibt auoir viij. especes de diapason, par-ce que les sept especes susdites n’accomplissent point le disdiapason, qui est le grand [p3] systeme (comme ils disent) contenant toute la musique ancienne.
Volateran, pour prouuer qu’il y a xiij. modes, s’efforce d’establir 13. sortes de diapason. De semblable argumentation se sert Capella, pour fonder XV. modes […] Et ainsi tous les autres […] pour prouuer le nombre de leurs modes, se refere[n]t au nombre des especes du diapason.
Et d’autant que la mode nous doit furnir & representer vne telle musique (à sçauoir parfaicte & entiere) de là vient, qu’il nous la faut mesurer à l’aulne du diapason, &, suyuant le nombre de ses especes, conclure, qu’il y a autant de modes.
[...] faut premierement noter (affin que nul ne s'abuse) que ceste harmonie [la mode] ne presuppose point de consonance, car pour la consonance il est necessaire, que les parties soyent ouyës en vn mesme temps & moment : Et pour la mode ou harmonie cy dessus declaree, il suffit que les parties susdites, à sçauoir diapason, diapente, & diatessaron, soyent considerees auec interualle, [p17] & succession de temps.
[...] la raison ou la nature de la mode, ou de l'harmonie, consiste en la mediation, qui separe & diuise le diapason en vn diapente & vn diatessaron [...]
[...] vne partie ou vn chant seul, peut contenir & nous representer vne mode ou harmonie entiere & tres-parfaicte : comme il se voit au chant Gregorien, ou toutesfois il n'y a point de consonance : ains suffit pour la raison de l'harmonie [...] que l'entendement comprenne & considere le diapason, auec vne mediation, qui le diuise en vn diapente, & vn diatessaron : ou bien, que l'entendement comprenne & considere la proportion double, qui est entre les deux extremitez du diapason, & les proportions sesquitierce, & sesquialtere, qu'il y a des deux extremitez susdites, à la mediation.
Ioannes Froschius, chap. 14. de sa musique, dit, que la nature de la mode consiste en la proportion double qui est entre les deux extremitez du diapason, & en la proportion simple qu'il y a des deux extremitez susdites à la mediation.
Ayant, iusques à prese[n]t, traicté des douze modes de musique, il reste maintenant (suyuant nostre promesse) à parler des huict to[n]s des Pseaumes ; qui ne sont autre chose (comme a esté dict) que huict sortes de chant, inuentées pour chanter les Pseaumes.
Mais il est facile de parler ensemble sans tablature, si l'on vse des huict ou quinze Sons d'vn mode, par exemple de ceux du premier, pour les quinze premieres lettres, & des huict Sons du second mode pour le reste des lettres : ou si les vingt Sons des vingt articles de la main harmonique expriment les vingt lettres de nostre alphabet ; car l'on peut laisser S, Y, & K, comme nous dirons ailleurs.
L'on peut encore exprimer des paroles & des periodes entieres par les sons, car les preludes, la suitte des airs & des chansons, la deduction des modes & du systeme parfait ont de la ressemblance auec les oraisons & les harangues, particulierement quand le [p40] Musicien fait les cadences & les passages bien à propos, & qu'il se sert de la Rythmique selon le sujet qu'il traite. Or cette maniere de discourir se peut pratiquer dans toute l'estenduë des Sons, c'est à dire dans l'estenduë de cent ou deux cens pas & dauantage, car l'on oyt le Son de la Trompette de beaucoup plus loin, & consequemment les Sons peuuent seruir de messagers & de lettres secretes, quand celuy à qui l'on veut rescrire n'est esloigné que de demie lieuë ou d'vne lieuë, d'où l'on peut entendre les cloches ou la Trompette.
L'exemple de ces changemens se void dans le tetrachorde Diatonic, ut, re, mi, fa, qui peut exprimer nos vingt-quatre lettres : ce qui se peut aussi [p41] faire auec les quatre principales notes, ou cadances de chaque Octaue, ou de chaque mode, par exemple auec les cadances du premier mode, ut, mi, sol, fa : voicy l'exemple du susdit Tetrachorde, ut, re, mi, fa, qui fait voir que ces quatre syllabes, qui signifient les quatre Sons du Tetrachorde des principales, peuuent estre coniointes en vingt-quatre manieres differentes.
L'on peut premierement diuiser les chansons en Diatoniques, Chromatiques, & Enharmoniques, & en mettre autant d'especes comme ces trois genres en ont ; mais pour parler des chants qui sont en pratique, on les diuise en autant d'especes qu'il y a de modes differens, à sçauoir en 12, dont chaque espece peut quasi auoir vne infinité d'indiuidus, puis que l'on en fait 40320 des 8 notes de chaque Octaue, encore que l'on ne repete nulle note deux fois, comme ie [p095] monstreray dans la 8 proposition.
C'est pourquoy ie ne mets pas icy les tons ordinaires du chant Gregorien ; & puis ie les ay déja donnez dans la 29 proposition du second liure de la Musique imprimé l'an 1627, à la fin duquel i'ay encore mis 12 chants à deux parties sur les 12 modes : & à la fin du second liure i'ay mis vn chant figuré à deux parties du premier mode, & vn autre du second, & finalement vn autre air spirituel à 4 parties. L'on trouuera aussi les exemples des 12 tons des chants de l'Eglise à la fin du sixiesme liure Latin, qui traite des genres & des modes. I'ajoûte seulement que le 5, le 6, & le 12 me semblent les plus beaux : mais chacun peut choisir celuy qui luy agreera dauantage pour sa consolation particuliere, & mesme il en peut faire tant de nouueaux qu'il voudra.
Ie ne crois pas qu'il faille d'autres regles pour faire de bons chants sur toutes sortes de sujets, car la suite des degrez & des interualles des sons qui composent le chant, & la cognoissance du mode dont il faut vser, sont comprises dans la seconde regle [de cette proposition] ; & toutes sortes de vers, & de mouuements sont contenus dans la premiere : quant à la bonté de la voix, & à la prononciation, elles n'appartiennent pas aux regles des chants, mais à la methode, & à la maniere de chanter, & au Chantre, dont nous parlerons ailleurs. Quant à la relation des sons qui composent le chant, comme celle du Triton, & de la fausse Quinte, qui sont quasi les seules relations mauuaises tant au plain chant, que dans la Musique (encore que ces interualles, & tous les autres puissent entrer dans les recits, lors que le sujet le requiert) il en faudra parler dans le liure de la Composition.
La Passemezze est vn chant à l'Italienne propre à dancer : elle seruoit le temps passé d'entree aux basses dances : or elle se dance en faisant quelques tours par la sale auec certains pas posez, & puis en la trauersant par le milieu, comme le mot le porte ; ou bien elle a ce nom du pas & demy dont elle se mesure : son exemple est du premier mode en son propre ton, & se rapporte au pied Choreobachique ∪ ∪ ∪ ∪ − − : sa mesure est binaire.
La Pauanne vient d'Espagne, & est ainsi nommee parce que ceux qui la dancent font des roües l'vn deuant l'autre à la façon des Paons, & auec telle grauité que la cappe & l'espee ne nuisent de rien, & qu'elles semblent estre necessaires pour mieux contrefaire la roüe des Paons, d'où cette dance a pris son nom : elle marche sur le mesme pied que la precedente, & a 16 mesures & 14 couplets : son exemple est du 4 mode.
L'Allemande est vne dance d'Allemagne, qui est mesuree comme la Pauanne, mais elle n'a pas esté si vsitee en France que les precedentes : on peut l'appeller [p165] Vaudeuille, ou Gauote, & a sa mesure binaire. Son exemple est du second Mode : on se contente auiourd'huy de la iouër sur les instrumens sans la dancer, non plus que la Passemezze, si ce n'est aux Balets : son Exemple est du second Mode.
La Sarabande a esté inuentée par les Sarrazins, ou Mores, dont elle a pris son nom ; car on tient que la Comedienne nommée Sarabande la dança la premiere en France : quelques-vns croyent qu'elle vient du mot Espagnol Sarao, lequel entr'autres significations veut dire Bal en Espagnol, ou de Banda qui signifie assemblée, comme si plusieurs se deuoient assembler pour cette sorte de dance : ce que les Mores obseruoient peut-estre, encore que les François & les Espagnols ne la dancent qu'à deux. Son mouuement est Hegemeolien ∪ ∪ ∪ − ∪. Elle se dance au son de la Guiterre, ou des Castaignettes, & ce par plusieurs couplets sans nombre : ses pas sont composez de tirades, ou de glissades : son Exemple est de l'onziesme Mode transposé vn ton plus bas : sa mesure est Hemiolia, & suit le battement du Mareschal.
La Volte monstre ce semble par son nom qui signifie torner, qu'elle vient d'ltalie, car elle se dance en tornant : quoy qu'il y ayt si long-temps qu'elle est en France, qu'on la peut dire naturelle. Elle a peut-estre aussi ce nom, parce qu'apres quelques pas droits l'homme fait sauter la femme, qu'il meine en tornant, & qu'apres l'auoir menée vn tour vn certain temps, il la prend du bras gauche par le fort du corps, & la fait tourner plusieurs tours en la leuant fort haut, comme s'il la vouloit faire voler : sa mesure est ternaire, & suit le mouuement du petit tambour. Elle a deux mesures & vn pas, & contient le quatriesme Pæon ∪ ∪ ∪ −, le Dijambe ∪ − ∪ −, & l'Ionique mineur ∪ ∪ − −. Son Exemple est du dixiesme Mode transposé.
La Courante est la plus frequente de toutes les dances pratiquées en France, & se dance seulement par deux personnes à la fois, qu'elle fait courir souz vn air mesuré par le pied Iambique ∪ −, de sorte que toute cette dance n'est qu'vne course sautelante d'allées & de venuës depuis le commencement iusques à la fin. Elle est composée de deux pas en vne mesure, à sçauoir d'vn pas de chaque pied : or le pas a trois mouuemens, à sçauoir le plier, le leuer, & le poser. Son mouuement est appellé sesquialtere ou triple, & son Exemple est du quatriesme Mode en son propre ton. L'on peut neantmoins luy donner telle mesure que l'on voudra.
La Gaillarde est vne dance qui a pris son nom de la gaillardise dont on vse en la dançant, & de la liberté qui permet d'aller de biais, de trauers, & de long par tous les endroits de la sale, tantost terre à terre, & tantost en cabriole, ce qui se fait entre chas & en sauts ronds. Quelques-vns disent qu'elle vient de Rome, de là vient qu'ils l'appellent Romanesque : sa mesure est ternaire, & suit le mouuement du tambour Italien, ou le pied Pyrrichianapeste ∪ ∪ ∪ ∪ −. Elle a ordinairement trois pas & cinq mesures. Son Exemple est du dixiesme Mode. Mais parce que le discours ne suffit pas pour donner la parfaite intelligence de ces especes de dances, si l'on n'en void la Pratique, i'en mets icy des Exemples ; quoy qu'il faille remarquer que l'on peut accommoder d'autres mouuemens que les precedens aux Exemples qui suiuent.