Et [le diapason] est aussi la mesure essentielle [de la musique], par-ce que ce qui est pardessus le diapason, est le mesme que ce qui est contenu en iceluy: ce qui se voit [p4]clairement, par les sept lettres premieres de l’alphabeth (comme a esté dict) A. B. C. D. E. F. G. par lesquelles il faut passer pour former un diapason, d’autant que du diapason en auant, il faut repeter de nouueau les mesmes lettres: ce qui signifie, que ce sont aussi les mesmes consonances, & les mesmes voix, que les premieres.
[…]plusieurs autres donnent tesmoignage des sept voix differentes susdites, par-ce que la viij. respond à la premiere, la ix. à la ij. & ainsi des autres.
Qui est cause, que Pline […] appelle le diapason l’assemblee de tous les accords; Et Pythagore estimoit (comme dict Plutarque) que c’estoit assez, d’arrester & diffinir de la Musique, iusque au composé du diapason, d’autant que ce qui est pardessus, est de mesme nature & condition que ce qui [p5] est contenu en iceluy.
[…] si nous desirons sçauoir la grandeur du bastiment musical, ja plusieurs fois destruict & ruiné, & auoir particuliere cognoissance, comme anciennement il estoit diuisé en ses parties, & especes (qui sont les modes, ou bien, comme l’on dict à present, les tons musicaux) il nous faut addresser au diapason, qui en est le fondement, lequel demeurant tousiours entier sans aucune corruption, estant bien fondé en tous les endroicts & deuëment compassé en toutes les dimensions ([…].
Et combien que les clefs soient ordinairement diuisees en trois ordres, sçauoir est du bas, moyen, & haut : dont le bas est demonstré par grandes lettres, le moyen par petites, & le haut par doubles petites, [...] si est-ce qu'il n'y a que sept clefs essentielles, suyuant les sept interualles du diapason, qui sont telles, A lamire, B fa mi, C solfaut, D la solre, E lami, F faut, G solreut : entre lesquelles il y en a trois principalles & marquées, signifiées par certains characteres, tels que s'ensuyt, par lesquelles on peut cognoistre la situation de toutes les autres.
[...] faut premierement noter (affin que nul ne s'abuse) que ceste harmonie [la mode] ne presuppose point de consonance, car pour la consonance il est necessaire, que les parties soyent ouyës en vn mesme temps & moment : Et pour la mode ou harmonie cy dessus declaree, il suffit que les parties susdites, à sçauoir diapason, diapente, & diatessaron, soyent considerees auec interualle, & succession de temps.
[...] vne partie ou vn chant seul, peut contenir & nous representer vne mode ou harmonie entiere & tres-parfaicte : comme il se voit au chant Gregorien, ou toutesfois il n'y a point de consonance : ains suffit pour la raison de l'harmonie [...] que l'entendement comprenne & considere le diapason, auec vne mediation, qui le diuise en vn diapente, & vn diatessaron : ou bien, que l'entendement comprenne & considere la proportion double, qui est entre les deux extremitez du diapason, & les proportions sesquitierce, & sesquialtere, qu'il y a des deux extremitez susdites, à la mediation.
[...] la raison ou la nature de la mode, ou de l'harmonie, consiste en la mediation, qui separe & diuise le diapason en vn diapente & vn diatessaron [...]
Boëce (autheur de grande authorité entre les Musiciens) pour prouuer qu’il n’y a que sept modes, monstre, qu’il ne peut auoir que sept especes de diapason, d’autant qu’en son enclos, il ne contient que sept interualles, qui sont les sept clefs es[s]e[n]tielles, signifiees ordinaireme[n]t par les sept lettres premieres de l’alphabeth; à sçauoir, A lamire, B fa [C2] my, C sol fa vt, D la sol re, E la my, F fa vt, G solreut.
[…] si nous desirons sçauoir la grandeur du bastiment musical, ja plusieurs fois destruict & ruiné, & auoir particuliere cognoissance, comme anciennement il estoit diuisé en ses parties, & especes (qui sont les modes, ou bien, comme l’on dict à present, les tons musicaux) il nous faut addresser au diapason, qui en est le fondement, lequel demeurant tousiours entier sans aucune corruption, estant bien fondé en tous ses endroicts & deuëment compassé en toutes [p2] ses dimensions […]
Boëce (autheur de grande authorité entre les Musiciens) pour prouuer qu’il n’y a que sept modes, monstre, qu’il ne peut auoir que sept especes de diapason, d’autant qu’en son enclos, il ne contient que sept interualles, qui sont les sept clefs esse[n]tielles, signifiees ordinaireme[n]t par les sept lettres premieres de l’alphabeth ; à sçauoir, A lamire, B fa ♮ my, C sol fa vt, D la sol re, E la my, F fa vt, G solreut.
[…] aussi faut il necessairement, que le bastiment musical se rapporte au diapason, comme à son vray fondement, sans qu’il puisse eslargir plus auant que sa grandeur ne permet ; ains par la grandeur & estenduë du diapason, faut iuger de la grandeur de la musique, & du nombre des modes, ou des tons.
Ptolomeus, pour prouuer qu’il y a viij. modes, dict, qu’il doibt auoir viij. especes de diapason, par-ce que les sept especes susdites n’accomplissent point le disdiapason, qui est le grand [p3] systeme (comme ils disent) contenant toute la musique ancienne.
[…] si on veut co[n]siderer la nature du diapason, on trouuera qu’il n’est point seulement le fondement, ains la mesure essentielle, & la perfection mesme de la musique : Car si nous disons la ligne circulaire estre parfaite, par-ce qu’elle retourne à son principe, & au mesme poinct où elle a commencé : aussi pouuons nous dire, le diapason estre parfaict, par-ce qu’il retourne à son principe, & à son mesme poinct, d’où il a commencé ; d’autant que le diapason contient tout ce qu’il y a d’vne lettre à vne autre semblable, si comme d’Are en alamire.
Volateran, pour prouuer qu’il y a xiij. modes, s’efforce d’establir 13. sortes de diapason. De semblable argumentation se sert Capella, pour fonder XV. modes […] Et ainsi tous les autres […] pour prouuer le nombre de leurs modes, se refere[n]t au nombre des especes du diapason.
Et [le diapason] est aussi la mesure essentielle [de la musique], par-ce que ce qui est pardessus le diapason, est le mesme que ce qui est contenu en iceluy : ce qui se voit [p4] clairement, par les sept lettres premieres de l’alphabeth (comme a esté dict) A. B. C. D. E. F. G. par lesquelles il faut passer pour former un diapason, d’autant que du diapason en auant, il faut repeter de nouueau les mesmes lettres : qui nous signifie, que ce sont aussi les mesmes consonances, & les mesmes voix, que les premieres.
[…] plusieurs autres donnent tesmoignage des sept voix differentes susdites, par-ce que la viij. respond à la premiere, la ix. à la ij. & ainsi des autres. Qui est cause, que Pline […] appelle le diapason l’assemblee de tous les accords ; Et Pythagore estimoit (comme dict Plutarque) que c’estoit assez, d’arrester & diffinir de la Musique, iusque au composé du diapason, d’autant que ce qui est pardessus, est de mesme nature & condition que ce qui [p5] est contenu en iceluy.
Et pour ceste cause est appelé diapason, qui signifie, par tous les sons ; pour monstrer qu’il contient entierement tout ce qui est de la musique : d’autant que tout ce qui est pardessus, n’est qu’vne repetition de ce qui est contenu en iceluy. Ce que nous veut signifier le prouerbe ancien, qui dict : De octauis idem iudicium. Par où on voit manifestement, que le diapason n’est le vray fondement (comme encore plus amplement se voira cy apres) ains sert de compas tres-certain, & de mesures tres asseuree, pour demonstrer & definir les bornes & limites du bastiment musical : c’est à dire, d’vne musique parfaicte & accomplie.
Et d’autant que la mode nous doit furnir & representer vne telle musique (à sçauoir parfaicte & entiere) de là vient, qu’il nous la faut mesurer à l’aulne du diapason, &, suyuant le nombre de ses especes, conclure, qu’il y a autant de modes.
[…] ce mot, diapason, est equiuoque, & a diuerses significations, il est necessaire […] de declarer, comment il se [p6] doibt prendre, pour cognoistre ses especes. Premierement, donc, diapason se prend pour la consonance & accord de l’octaue, à sçauoir quant ses deux extremitez seulement, sonnent ensemble, sans estre meslangees d’autre accord. Secondement, il [le diapason] se prend pour ce qui est contenu entre les deux extremitez du diapason, c’est à dire, pour tout ce qui est contenu entre deux clefs semblables, si comme d’Alamire en alamire [...] Tiercement, se prend le Diapason, quant il est consideré entre ses deux extremitez, ayant vne mediation qui le diuise en vn diapente, & vn diatessaron. En laquelle signification le prend Platon, quant il dict, qu’il y a trois bornes, qui sont l’interualle du diapason, à sçauoir, la meze, la nete, & l’ hypate : c’est à dire, la mediation, & les deux extremitez.
De sorte, qu’on peut dire, qu’en la premiere signification [du mot diapason] se monstre la proprieté par la co[n]sonance : en la seconde, [p7] par ce qu’est contenu en son enclos se monstre la matiere : & en la troisiesme signification, par la mediation consiste toute la perfection, de laquelle sont aussi tirees les differentes formes, qui constituent ses diuerses especes […]
Et combien que les clefs soient ordinairement diuisees en trois ordres, sçauoir est du bas, moyen, & haut : dont le bas est demonstré par grandes lettres, le moyen par petites, & le haut par doubles petites [...], si est-ce qu'il n'y a que sept clefs essentielles, suyuant les sept interualles du diapason, qui sont telles, A lamire, B fa ♮ mi, C solfaut, D la solre, E lami, F faut, G solreut : entre lesquelles il y en a trois principalles & marquées, signifiées par certains characteres, tels que s'ensuyt, par lesquelles on peut cognoistre la situation de toutes les autres.
Et combien que les clefs [...], en leur constitution ordinaire, soient disposées et distinguées par lignes [p11] & espaces esgales, si est-ce que les voix y conduites sont differentes & inesgales : par-ce que du mi au fa, il n'y a que demy ton, encor que l'espace soit esgal à celuy du re au mi, où il y a vn ton. Qui est cause, que des sept clefs susdictes, encores qu'elles contiennent sept voix differentes [...] il n'en reuient toutesfois, pour la matiere du diapason, que cinq tons, & deux demy tons petits, lesquels ne peuuent accomplir vn ton, ayant moins d'vn comma. Car le ton est diuisé en deux demy tons, l'vn petit, et l'autre grand. Le petit demy ton s'appelle diese, ou diacisme : le grand demy ton s'appelle apotome, & ce en quoy le grand excede le petit s'appelle coma.
Plvsievrs font icy de grandes questions, & se trauaillent fort, pour sçauoir pourquoy le diapason est plustost composé de 5. tons, & deux demy, que de six tons entiers : ou bien pourquoy les deux demy tons ne peuuent accomplir vn ton entier : le ton se prennant icy en la seconde signification, à sçauoir pour la distance qu'il y a de chascune notte à sa voysine, sauf que du my au fa il n'y a que demy ton.
[...] il est impossible que le ton puisse estre diuisé en deux parties egales, ains seulement en deux demy tons, l'vn grand, & l'autre petit, d'où s'ensuyt, que les deux demy tons petits ne peuuent accomplir vn ton, & par conseque[n]t, le diapason contient moins de 6. tons : comme il se peut veoir aussi par l'experience, d'autant que deux trois-tons excedent notoirement le diapason.
[...] comme nature ne faict rien sans cause, aussi que ceste composition [le diapason] a esté ainsi naturellement ordonnee, pour le plus grand ornement de la musique. Car comme nous voyons, que la varieté cause vn embellissement & bien-seance en toute chose (comme il se voit és fleurs, peintures, tapisseries, et autres choses semblables) aussi est-il certain, que de ceste varieté de tons, et demy tons, procede toute la beauté, toute la douceur, & toute l'harmonie qu'il y a en la musique. Car si le diapason eut esté composé de six tons entiers, sans demy tons, il n'y eut eu qu'vne sorte de chant, qu'vne espece de consonance, sans aucune harmonie, d'autant que c'est le demy ton qui cause la difference entre les consonances, la varieté du chant, & finalement toute l'harmonie de la musique [...]
Mais si aucuns curieux veulent auoir quelque raison, pourquoy le diapason ne peut estre diuisé en six tons, ains seulement en 5. tons, & deux demy, nous en donnerons deux : l'vne tirée de Glarean, au 2. chapitre de son premier liure, où il monstre que le diapason ne peut estre composé de six tons, à cause du genre diatonique, lequel requiert, qu'apres trois tons, suyue tousiours vn demy ton comme il se peut veoir plus amplement au lieu susallegué. L'autre (qui faict plus [p15] à nostre propos) est, qu'il falloit que la matiere fut proportionnee à la forme : Or comme [...] la forme du diapason consiste principalement en la mediation, qui est entre les deux extremitez, laquelle le separe & diuise en deux parties inegales : il falloit aussi, que la matiere fut disposee pour receuoir ceste forme : Et ne sçauroit estre mieux composee (presupposee la longueur & estenduë du diapason) que de cincq tons & deux demy, lesquels ne pouuants estre diuisez en deux parties egales, elle est necessairement diuisee en deux parties inegales, l'vne contenant deux tons & demy, l'autre trois tons & demy : ceste-cy s'appelle diapente (que nous disons vne quinte) & l'autre, diatessaron, que nous appellons vne quarte.
[...] la quarte (qui est le premier nombre composé de pair) & la quinte (qui est le premier nombre composé de pair & impair, qui sont les deux premiers nombres en proportion superparticuliere, à sçauoir, sesquitierce, & sesquialtere) viennent à composer le premier nombre, en proportion double, qui est [p16] l'octaue ou diapason, auecq ceste forme si excellente, & si admirable, qu'elle sert d'idee, & de patron, à toute sorte de musique qu'on sçauroit imaginer [...]
[...] faut premierement noter (affin que nul ne s'abuse) que ceste harmonie [la mode] ne presuppose point de consonance, car pour la consonance il est necessaire, que les parties soyent ouyës en vn mesme temps & moment : Et pour la mode ou harmonie cy dessus declaree, il suffit que les parties susdites, à sçauoir diapason, diapente, & diatessaron, soyent considerees auec interualle, [p17] & succession de temps.
[...] la raison ou la nature de la mode, ou de l'harmonie, consiste en la mediation, qui separe & diuise le diapason en vn diapente & vn diatessaron [...]
[...] vne partie ou vn chant seul, peut contenir & nous representer vne mode ou harmonie entiere & tres-parfaicte : comme il se voit au chant Gregorien, ou toutesfois il n'y a point de consonance : ains suffit pour la raison de l'harmonie [...] que l'entendement comprenne & considere le diapason, auec vne mediation, qui le diuise en vn diapente, & vn diatessaron : ou bien, que l'entendement comprenne & considere la proportion double, qui est entre les deux extremitez du diapason, & les proportions sesquitierce, & sesquialtere, qu'il y a des deux extremitez susdites, à la mediation.
L'harmonie, dit-il [Thyard, au second solitaire], est tirée d'vn certain mepartement (ainsi appelle-il la mediation) proportionnant les deux extremitez du diapason.
Plutarque, au 9. liure des propos de table, dit, qu'il y a trois bornes qui font l'interualle du diapason ; la nete, la meze, & l' hypate ; ou expressement il note la mediation. Le mesme nous veut signifier Platon, en ses liures de republica, quant il accompare les trois puissances de l'ame, à sçauoir, la raisonnable, la concupiscible, & l'irascible à l'harmonie du diapason, ayant, dit-il, vne quinte au milieu. Où on [p19] voit qu'il ne faict point cas, de nommer les deux parties, pourueu que la mediation soit notee.
Ioannes Froschius, chap. 14. de sa musique, dit, que la nature de la mode consiste en la proportion double qui est entre les deux extremitez du diapason, & en la proportion simple qu'il y a des deux extremitez susdites à la mediation.
PROPOSITION IX. Determiner si l'accord dont la raison est de deux à vn est bien appellé Octaue, ou si l'on doit plutost luy donner vn autre nom, comme celuy de Diapason.
Il est a propos de parler de cette difficulté [déterminer si l'accord dont la raison de deux à un est appellé Octave ou Diapason], puis que nous essayons de rapporter la raison de tout ce qui se rencontre dans la Musique, dont le Diapason est l'vne des plus excellentes parties, que les Grecs ont appellé Διάπασω̃ν, parce qu'il comprend toutes les simples Consonances & les Dissonances.
Car i'ay de la peine à croire que tous les anciens Latins & François, & tous nos voisins luy [le diapason] ayent donné ce nom sans raison, lequel ils ont peu prendre du nombre ordinaire des sons, que les Grecs & les Musiciens des autres nations ont mis dans l'Octaue selon nos notes ordinaires, Ut, re, mi, fa, sol, re, mi, fa, ou suiuant [p040] les nouuelles, Bo, ce, di, ga, lo, ma, ni, bo, dont nous parlerons dans vn autre lieu.
Car bien que les compositions que l'on fait maintenant ayent besoin de 9 ou 12 chordes, comme sont celles de la Viole, du Luth, de l'Epinette ; ou de 16, de 19, ou de 25, comme ie diray ailleurs, neanmoins cela n'oste pas le nom à l'Octaue, dont il y a d'autres raisons, quand on ne les prendroit que des effets du nombre de huit qui a d'admirables rencontres dans la Musique, puis qu'il n'y a que huit accords & huit raisons qui les contiennent, à sçauoir l'Vnisson qui contient la raison d'egalité ; le Diapason dont la raison double est la premiere des multiples ; la Quinte qui contient la premiere des raisons surparticulieres, que l'on appelle Sesquialtere ; la Quarte qui a la sesquitierce, que les Grecs appellent Epitritos ; la Tierce majeure qui comprend la Sesquiquarte ; la Tierce mineure qui a la Sesquiquinte ; la Sexte majeure qui contient la Surbipartiente-trois ; et la Sexte mineure qui a la Surtripartiente-cinq : à quoy l'on peut ajoûter que le nombre huit represente le premier cube dont la racine est deux, & la beatitude qui est signifiee par l'Octaue, car plusieurs Psalmes ont pro octaua dans leur inscription, particulierement quand ils parlent de la beatitude, comme sainct Ambroise a remarqué au cinquiesme liure qu'il a fait sur le sixiesme chapitre de sainct Luc.
Quelques-vns croyent que de l'appeller [l'octave] Diapason, comme ont fait les Grecs, c'est donner vn nom general à vne chose particuliere, & le nom du genre à l'espece ; & que les facteurs d'Orgues & d'Epinettes ont mieux appellé leur clauier, ou la mesure de leurs tuyaux & de leurs chordes du nom de Diapason, qui contient quarante & neuf marches, chordes, ou tuyaux pour faire autant de tons, à sçauoir 29 qui vont par degrez naturels pour faire quatre Octaues, & vingt autres qui seruent pour faire les Tierces mineures en de certains endroits (comme il sera expliqué dans le troisiesme liure de l'Epinette) & les majeures en dautres, & pour trouuer les Sextes majeures ou mineures, & les Quintes parfaites aux endroits où elles se doiuent rencontrer, quand on passe d'vne Octaue à l'autre ; car ce clauier contient tous les tons par le moyen desquels l'on peut faire toutes sortes de chants simples, ou d'accord, qui peuuent estre agreables à l'oüye, ou à l'entendement qui en iuge. Quant aux autres diuisions des sons elles ne sont pas naturelles, puis que nulle oreille ne s'y plaist : & comme la nature a mis des bornes à la mer que tous les flots les plus orageux ne peuuent outrepasser, aussi nul entendement humain ne peut faire qu'vne fausse Quinte, c'est à dire moindre qu'elle ne doit estre, ou qu'vne fausse Octaue puisse donner du plaisir, dautant qu'il ne peut passer les bornes que la nature a prescrit aux tons sans renuerser la nature.
Les Organistes ont passé plus outre que l'Octaue, & ont ajoûté la Dixiesme, la Douziesme, la Quinziesme, &c. ce qu'ils ont fait pour designer les marches de leur clauier ; car cette Dixiesme est seulement vne Tierce plus haute que la premiere, c'est à dire repetee ; & cette Douziesme est vne Quinte à l'Octaue de la premiere Quinte. Voila donc pourquoy l'on peut dire que le mot d'Octaue, dont se seruent nos Musiciens, est plus propre & plus significatif que le mot de Diapason, dont on vse plus à propos pour signifier les vingt-neuf tons des Instrumens que les huit sons de l'Octaue.
Neanmoins de tous les autres noms que l'on peut donner à l'Octaue, celuy des Grecs [le diapason] est l'vn des plus propres, & puis il est déja receu, car l'on sçait que le Diapason signifie l'Octaue, ou l'accord qui contient tous les simples interualles de la Musique, comme le nombre denaire contient tous les nombres ; car ceux que l'on ajoûte à dix ne sont que repetitions des autres nombres qui le precedent, comme les sons que l'on ajoûte à l'Octaue ne sont que les repetitions de ceux qui la precedent. L'Octaue peut donc estre appellee Diapason, puis que cette diction Grecque [p042] signifie par tous, dautant que l'Octaue comprend tous les sons, comme la lumiere toutes les couleurs, le cercle tous les plans, & la sphere tous les corps ; car si la lumiere produit toutes les couleurs par les differentes diuisions ou conjonctions de ses rayons (comme l'on voit dans l'arc en ciel) & la sphere tous les corps, l'Octaue produit aussi toutes les Consonances & les Dissonances par ses differentes diuisions.
Ces raisons ont empesché les Grecs d'appeller l'Octaue δἰ ἑπτα, c'est à dire par sept, encore qu'elle n'eust que sept chordes du temps de Terpandre, ou qu'elle n'ait maintenant que sept interualles naturels ; & de la nommer δἰ ἀκτώ, c'est à dire par huit, bien quelle contienne huit sons, & qu'ils ayent donné des noms à la Quinte, & aux autres Consonances qu'ils ont pris du nombre de leurs chordes, ou de leurs sons : dautant que les anciens ne mettoient que sept chordes à leurs Instrumens, comme remarque Aristote au 32 probleme de la 19 section, afin que les sept planettes eussent leurs sieges sur les chordes des Instrumens ; car la plus grosse representoit le mouuement de Saturne qui est le plus lent, & la plus deliee representoit la Lune comme la plus viste ; & celle du milieu, dont Aristote parle si souuent, comme au probleme 20, 25, 30, & 45, representoit le Soleil. L'Octaue peut donc estre nommee Diapason, puis que nous iugeons de toute la Musique par l'Octaue, comme nous iugeons d'vn bastiment entier par son fondement, et que l'on peut restablir la Musique par sa seule connoissance, comme tout l'edifice par celle de son fondement. Et puis les Facteurs d'Orgues & d'Epinettes reglent tout leur clauier sur vne mesme Octaue, qu'ils prennent ordinairement vers le milieu, comme ie diray en parlant de l'industrie dont il faut vser pour accorder l'Orgue & l'Epinette.
L'on pourroit encore appeller cét accord [l'octave] Consonance doublee, parce qu'elle est comme vn redoublement de l'Vnisson, qu'elle repete & qu'elle represente à l'oreille & à l'imagination, comme l'image represente son prototype, & qu'elle est contenuë & produite par la raison double qui est de deux à vn. Le Diapason est encore connu aux Fondeurs de cloches, dont la mesure s'appelle Diapason, ou brochete, qui leur sert pour faire les cloches de toutes sortes de grandeurs, comme ie monstreray dans le liure des Cloches. Le mesme nom se peut aussi appliquer aux mesures des autres artisans, & à tout ce qui contient & qui mesure plusieurs choses.
Mais ie parleray encore de l'Octaue en expliquant si sa raison est de deux à vn, ou à 4, ou à 8, & du nombre des tons qu'elle contient ; i'ajoûte seulement que l'on peut tirer vne nouuelle raison pour le nom de l'Octaue, de la proportion qui se garde aux tuyaux d'Orgues, & aux cloches qui font l'Octaue, car le poids & la solidité du plus grand tuyau, ou de la plus grande cloche est octuple du poids & de la solidité du moindre tuyau, & de la moindre cloche. Il faut donc retenir le nom d'Octaue pour signifier le meilleur & le plus agreable accord de la Musique, sans neanmoins rejetter le nom de Diapason.
Il faut encore remarquer que la perspectiue cache les cinq premieres marches, car le clauier [du manichordion] est esgal à celuy du Clauecin. Mais les marches qui sont attachees auec les pointes de fer I L, n'ont pas des sautereaux comme luy, mais ils ont des crampons comme celuy d'airain Y V, qui touchent & haussent les chordes. L'on void les 49. crampons dans la ligne M N. X monstre la pointe de la marche Z, que l'on met dans le diapason, qui paroist vn peu par delà les crampons, R L monstrent les pointes qui attachent les marches à vne barre de dessouz : & les lignes tortuës qui vont depuis ces pointes iusques aux crampons, signifient les branches des marches. A B I & H peuuent seruir de coffrets pour mettre des chordes, des cheuilles, vn marteau & plusieurs autres choses.