Quant aux cheualets [de la Vielle], le plus haut marqué de R, lequel est proche de la rouë, a ses coches ou ses fentes vn peu plus basses que la surface superieure de la rouë, afin que les chordes portent dessus, & qu'elle les touche lors qu'on torne le manche, ou la maniuelle Y, laquelle s'ente au bout de la queuë V au point Z ; & à l'autre bout on attache les deux chordes du milieu aux points ε ζ. Si l'on veut vser de trois, quatre, ou plusieurs autres chordes sur ce cheualet, il luy faut faire autant de dents, & adiouster autant de touches aux marches. Les deux autres cheualets S & T seruent pour determiner la longueur des chordes du Bourdon, qui sont attachées aux points δ γ, & qui s'estendent iusques aux dernieres cheuilles 13 & 14 ; les deux autres sont liées & entortillées à la premiere & à la seconde, qui sont marquées de 11 & 12. Or ces cheuilles qui sont icy horizontales, ont coustume d'estre perpendiculaires sur le bout du manche, lequel est tellement couuert que l'on ne void que la teste des cheuilles : mais i'ay descouuert tout cet instrument pour en faciliter l'intelligence, si l'on met 2, 3 ou 4 bourdons, il faut faire plusieurs dents de differentes hauteurs aux cheualets S & T, afin que les chordes touchent aux autres parties de la rouë depuis l'endroit où touche la chorde O iusques à P : ce qui est tres-aysé à comprendre. La lettre X monstre l'ouye de la Vielle, & l'on peut y adiouster d'autres ouyes comme à la Viole, & plusieurs particularitez & circonstances, tant pour l'ornement que pour la commodité, par exemple, vn petit coffre pour mettre des chordes & de la colophone ; ce qui depend de l'industrie & de la volonté des Facteurs. Et parce qu'ils peuuent faire des Vielles de cinq ou six pieds de long, & de toutes autres sortes de grandeurs, il n'y a nul doute que l'on en peut faire des concerts, qui toucheroient peut-estre dauantage l'esprit que ceux des autres instruments.
Quant à la disposition de cette figure [de la Vielle], si on la regarde du costé D T en voyant les lettres selon leur disposition ordinaire, on la verra de la mesme façon dont ceux qui en ioüent la tiennent & l'enuisagent, car ils mettent le bras gauche dessouz, afin de pousser les marches de la main gauche, & faire tels interualles qu'ils veulent par le mouuement des doigts, tandis que la main droite torne la maniuelle, & consequemment la rouë, qui fait sonner les chordes, ausquelles on attache de petits morceaux, ou floccons de cotton [p214] vis à vis de la rouë, afin d'adoucir son frayement & ses sons. Mais parce que la main gauche ne peut faire les gentillesses du manche des Violes sur le clauier de la Vielle, elle est priuée de plusieurs beautez, dont elle seroit capable, si l'on pouuoit suppleer tous les tremblemens, & les coups rauissans de l'archet par quelque industrie, que plusieurs ont recherchée en collant vn escheueau de crin de cheual, ou de soye cruë, ou filée sur la rouë, & en faisant des archets mobiles, ou immobiles de plusieurs façons, mais l'on n'a peu suppleer les mouuemens de la sçauante main de ceux qui charment les oreilles par les instrumens à manches touchez, & non touchez, dont i'ay parlé dans les discours precedens. La tablature de la Vielle n'est pas differente de celle de la Musique, quoy que l'on en puisse inuenter vne autre propre pour les aueugles, puis que l'on peut leur enseigner à lire & à escrire, comme i'ay dit ailleurs, où i'ay monstré la maniere d'enseigner à lire & à escrire aux sourds, pour lesquels i'ay dressé de la tablature dans la 17. Proposition du troisiesme liure.
Quant à l'inuention des Epinettes qui seruent pour les ieux de Violes, l'on s'est seruy iusques à present d'vne grande rouë toute seule, sur laquelle portent toutes les chordes de l'Epinette, comme font les quatre de la Vielle, ou de cinq rouës differentes paralleles, comme l'on fait en Allemagne. Mais vn archet de crin bandé dessus ou dessous les chordes imiteroit mieux la Viole, si l'on pouuoit remedier à tous les accidens qui en empeschent le mouuement. Or ie ne doute nullement que l'industrie des Facteurs ne les puissent euiter, d'autant qu'il y a moyen de faire tellement perdre les crins de la soye les vns dans les autres, ou d'en faire passer vne partie dessus, tandis que l'autre passe dessous, qu'il ne s'y rencontrera point de noeuds. Et puis on peut tenir l'archet esgalement bandé par le moyen des poulies sur lesquelles il passe, parce qu'on peut les approcher ou les esloigner auec des vis, afin de bander la soye lors qu'elle se sera laschée. Surquoy il faut remarquer que les chordes doiuent estre fort proches des rouës, ou de la soye de l'archet, afin qu'elles parlent aussi tost que l'on touchera le clauier, dont les touches peuuent estre plus ou moins abaissées, pour faire parler les chordes plus ou moins fort. L'on peut y adiouster de petits ressorts pour faire des battemens sur les chordes, afin d'imiter les tremblemens & les flatemens de la main gauche ; & si l'on y accommode des mouuemens pour faire tourner les roües ou l'archet, l'on n'aura pas besoin d'vn homme, ou du pied pour iouër de cet instrument : mais seulement de la main pour toucher le clauier, comme celuy des Clauecins ordinaires, laquelle fera entendre vn concert de cinq ou six Violes, lors qu'on touchera cinq ou six parties dessus. Il n'est pas necessaire de mettre icy de la tablature pour cette sorte d'Epinette, ny pour la Vielle augmentée de tant de chordes que l'on voudra, parce que celle que i'ay donnée pour l'Epinette, & pour les Violes y peuuent seruir. Quant aux Tambours ou Barillets, dont on vse pour faire iouër les Epinettes toutes seules, i'en parleray dans le liure des Orgues.
PROPOSITION XIII [XI]. Expliquer les nouueaux instrumens à chordes, & l'accord de la Lyre dont on vse en Italie. Il est certain que l'on peut tousiours adiouster de nouuelles inuentions aux instrumens, & que les siecles à venir en pourront auoir qui ne sont pas encore tombez en l'imagination des Facteurs : par exemple, on peut faire des Clauecins qui auront tous les tons diuisez en quatre parties, pour faire les dieses Enharmoniques par tout, suiuant le Systeme que i'explique dans le liure des Genres : de sorte que le mesme clauier seruira pour autant de tuyaux d'Orgue, qui feront vne Fluste douce, & qui accompagneront chaque chorde. Et l'on m'a escrit de Rome que le sieur Iean Baptiste de Bonis de Cortone, ville de Toscane, en fait d'excellens, qui ont toutes les touches brisées ou [p216] coupées, & que l'on accorde auec vne admirable facilité en toutes sortes de manieres que l'on peut s'imaginer. L'on m'a aussi aduerty que la Harpe à trois rangs a esté inuentée il y a trente ou quarante ans par le sieur Luc Anthoine Eustache Gentil-homme Neapolitain, & Chambrier du Pape Paul V : & que le sieur Horace Michi a mis cet instrument à sa perfection, dont il ioüe tres-excellemment […]
LIVRE CINQVIESME DES INSTRVMENS A VENT. Encore que tous les instrumens de Musique puissent estre appellez à vent, puis qu'il n'est pas possible de faire des sons sans le mouuement de l'air, qui est vne espece de vent, neantmoins l'on a coustume de donner ce nom à ceux que l'on embouche, ou que l'on fait sonner auec des soufflets, afin de les distinguer d'auec ceux qui vsent de chordes, ou que l'on bat comme le Tambour. Or i'ay voulu faire vn liure particulier de ces instrumens, à raison de leur grande multitude, & des difficultez particulieres qui se rencontrent dans leurs proportions, & dans la maniere dont il en faut vser pour faire toutes sortes de sons, afin que ceux qui les preferent aux instrumens à chorde, y trouuent dequoy se contenter, & que la confusion ne s'introduise pas dans nos traitez. Mais auant que d'expliquer les instrumens à vent, il faut dire ce que c'est que le vent dont on vse pour en sonner, ce que ie fais dans la premiere Proposition.
PREMIERE PROPOSITION. Expliquer la nature du vent, qui sert pour faire sonner les instruments à vent, & si l'on peut vser d'eau au lieu de vent pour ce suiet. Il est certain que les instrumens (dont nous parlons) peuuent sonner auec toute sorte de vent, soit qu'il ne vienne d'ailleurs que de la simple émotion de l'air, comme celuy des soufflets qui seruent aux Orgues, & aux Musettes, ou qu'il soit meslé de vapeurs & de l'eau, comme celuy de la bouche, lequel est si plein d'eau, que les anches & les canaux des instrumens en deuiennent tous moites & moüillez. Or encore que les vents viennent d'en-haut, ou d'en-bas, ou de tel autre costé que l'on voudra, & qu'on les excite auec les Aeolopiles, auec la poudre à canon, le salpestre, ou de telle autre maniere que l'on voudra, ils ne sont pas differens du mouuement de l'air, qui peut estre consideré en deux manieres, à sçauoir en sa pureté & auec le meslange des vapeurs & des exalaisons qu'il contient ordinairement dans l'atmosphere, ou l'estenduë qui reçoit les vapeurs, soit qu'elle aille aussi haut que les plus grandes montagnes, (comme est celle de Tenerif, dont le pied commence à la ville de Garachico, d'où il faut cheminer deux iournées & demie pour arriuer au haut) ou qu'elle soit plus ou moins grande. Quant à la pureté de l'air, l'on peut dire qu'elle commence où finit l'estenduë desdites vapeurs, & qu'elle finit à l'atmosphere des Planettes, quoy que nous ne sçachions pas si ledit air est trop rare & trop delié pour produire des sons, si ce n'est que l'on en iuge à proportion de celuy qui est eschauffé par le feu, & qui est rarefié par les rayons du Soleil, qui s'amassent dans le foyer des [p226] miroirs paraboliques & des spheriques : car si les rarefactions sont semblables, il n'y a nul doute que l'on peut sonner des instrumens dans tous les endroits de l'air, où ils peuuent subsister sans estre consommez par l'ardeur de la flamme. Mais on ne sçait pas encore si la nature de l'air est differente de celle de l'eau, & s'il n'est autre chose qu'vne eau rarefiée, ou s'il est composé de tous les petits corps qui exhalent, & qui s'esleuent de tous les grands corps du monde, & particulierement de l'eau & de la terre : de mesme que l'on peut dire que le corps de chaque animal exhale vne certaine quantité de vapeurs tout autour de soy, qui font son atmosphere, semblable à celle de l'aymant, qui remplit sa sphere d'actiuité d'vne quantité de rayons magnetiques : d'où l'on peut tirer la raison de plusieurs vertus particulieres des plantes, & des animaux qui seruent, ou nuisent à la santé, comme il arriue que le raisin pourry gaste les autres, suiuant ce vers, Vuâ conspectâ liuorem ducit ab vuâ.
Ceux qui croyent que l'air est composé d'atomes, peuuent dire que les instrumens à vent sonnent lors qu'ils sont frappez par vne assez grande multitude de ces petits corps, qui se meuuent iusques à l'oreille des auditeurs, & que si la terre ne les pousse pas plus loin que chaque animal pousse les siens, que la sphere de l'air est fort petite : à laquelle succede le vuide ou l'ether, dans lequel les instrumens ne peuuent sonner. Mais il est plus vray semblable que l'air est continu depuis la terre iusques au firmament, & peut-estre par de là iusques à l'infiny, où iusques où il a pleu à Dieu de l'estendre, & que celuy que nous respirons n'est different de l'autre qu'en ce qu'il est meslé de plusieurs corps heterogenes, que l'on appelle vapeurs & exhalaisons, lesquelles sont peut-estre autour de la Lune, du Soleil & des Estoilles, comme autour de nostre terre, laquelle nous metterions entre les Planettes, si nous estions dans le Soleil, ou dans Mars. Reste maintenant à considerer si l'eau peut seruir pour faire sonner ces instrumens ; ce qui est tres-aysé à resoudre par l'experience, qui monstre qu'il n'est pas possible de les faire parler, de quelque maniere qu'on les embouche entre deux eaux, car ils ne font nul son lors que leur lumiere, ou leur emboucheure est enfoncée dans l'eau, qui peut seulement seruir pour les faire gazoüiller & fredonner, quand la lumiere est hors de l'eau ; comme il arriue aux petits instrumens dont on vse pour imiter le chant du Rossignol, ou des autres oyseaux, parce que le vent que l'on pousse s'insinuë dans l'eau, & la fait sousleuer en quantité de petites particules, qui sont cause de la diminution, & des tremblemens & martelemens du son.
PROPOSITION II. Expliquer de combien il y a d'especes d'instrumens à vent, & quel est le plus simple de tous. L'on peut diuiser ces instrumens en plusieurs manieres, dont i'en expliqueray icy les principales, par exemple, on peut leur donner le mesme ordre qu'ils tiennent dans l'vsage ordinaire, en ioignant ensemble ceux qui seruent à vn mesme concert, ou celuy des temps esquels on les a inuentez, ou celuy du nombre de leurs trous, &c. de sorte qu'il importe fort peu quel ordre l'on suiue, pourueu que l'on en entende la fabrique, la proportion & [p227] l'vsage. Or i'explique premierement ceux qui n'ont qu'vn trou, & puis ceux qui en ont deux, trois, ou plusieurs ; & parce qu'entre ceux qui n'ont que deux, trois, ou plusieurs trous, les vns ont des bocals, ou bouquins, que l'on peut appeller emboucheures, & les autres des tampons, des lumieres, ou des anches, ie parleray premierement de ceux-cy, & puis des instrumens à bocal : mais ie ioindray ceux que l'on embouche à costé par vn simple trou, auec ceux qui vsent de lumiere, laissant neantmoins à chacun l'entiere liberté de les disposer autrement. Quant au plus simple instrument, il est mal aysé de le determiner, car il semble d'vn costé que la Fluste, que l'on appelle Eunuque, & les autres qui rendent seulement la voix qu'ils ont receuë, par exemple les pots cassez, les coquilles, & les autres corps concaues, dans lesquels on parle pour renforcer la voix, sont les plus simples de tous, & d'ailleurs que l'on doiue attribuer cette simplicité à ceux qui n'ont qu'vn seul trou, comme il arriue aux flustes de Pan, dont vsent les Chaudronniers, aux petits sifflets, aux clefs percées, à l'vne des mains iointes, ou à toutes les deux qui seruent de sifflet, & à plusieurs apeaux, ou pipets dont on vse pour appeller & pour prendre les oyseaux. A quoy l'on peut adiouster que les chalumeaux de paille sont tres-simples, & qu'il n'y a nul instrument plus rural ou champestre, ny qui soit plus aysé à faire, si ce n'est qu'on leur prefere les cornes de boeuf & de belier, ou des autres animaux, dont ie parleray dans le discours des Cors de chasse.
PROPOSITION III. Expliquer la figure, la matiere, & la proportion de l'instrument que l'on attribuë à Pan, & son vsage. Il n'est pas necessaire d'auertir les Musiciens, & les Poëtes qu'il n'y a qu'vn seul Dieu, que nous adorons dans l'Vnité de son essence, & dans la Trinité [p228] des personnes, pour leur faire mespriser les fables qui introduisent le Dieu Pan auec le reste de la Theogonie Payenne, puis qu'ils le sçauent aussi bien que moy, & qu'ils n'ont point d'autre Dieu que le veritable ; c'est pourquoy ie ne m'arreste pas icy à descrire les courses, & les progrez de ce Dieu fabuleux : & il n'y a nulle apparence que les Sages de l'antiquité ayent entendu autre chose par ce nom que la nature vniuerselle, ou celuy qui le premier a monstré l'vsage que les roseaux, & les chalumeaux peuuent auoir dans la Musique. Ie laisse les differentes explications que l'on donne à la fable de Pan, & que l'on peut voir chez Noël le Conte, Bacon & les autres, parce qu'il suffit de sçauoir que l'instrument dont nous parlons peut auoir tant de differents tuyaux que l'on voudra, comme l'Orgue, & que si l'on n'en met que quatre, qu'ils representent les quatre elements, comme les sept, ou les huict signifient les sept Planettes auec le 8. ciel ; quoy que ie l'aye composé de douze tuyaux, afin de luy donner l'estenduë d'vne Douziesme, comme l'on void aux notes de Musique : de sorte que l'on peut choisir les huict premiers pour l'Octaue, ou les neuf pour les neuf Muses, &c. Vigenere traite fort amplement de Pan dans ses tableaux de Philostrate, où il dit qu'il a inuenté la Fluste à neuf trous, comme Minerue celle d'Allemand, & que les differentes parties de son corps signifient celles de toute la nature, ou de la chymie. Mais si l'on croid Polyaenus, Pan a esté l'vn des Capitaines de Bacchus, & est depeint auec deux cornes en la teste, parce qu'il inuenta les deux cornes dans les armées, c'est à dire la droite & la gauche. A quoy il adiouste, au commencement du premier liure des Stratagemes, qu'il mist les ennemis de Bacchus en desroute auec le grand bruit qu'il feist faire à ses soldats, par le moyen des Echo de la valée où ils estoient, qui multiplierent tellement les cris desdits soldats, que l'armée ennemie en fut espouuantée : c'est pourquoy l'on a dit que l'Echo est aymé de Pan, & que les vaines craintes ont esté appellées terreurs Paniques.
Or l'on peut s'imaginer ces tuyaux [de Fluste] auec des lumieres semblables à celles des Flageollets, soit que Pan n'ayt vsé que d'vn simple trou dans chaque chalumeau, ou qu'il y ayt mis des tampons, dont ie parleray apres. Quant à la matiere de cet instrument, elle peut estre de cuiure & de fer blanc, comme elle est maintenant ; ou d'or, d'argent, de bois & de toutes autres choses qui peuuent estre percées & creusées, par exemple, il se peut faire de l'aisle d'vne Oye, en couppant chacun de ses tuyaux par le milieu ; ou de verre, de terre cuite, &c. on l'appelle ordinairement sifflet de chaudronnier, par ce que ceux qui sont de ce mestier en vsent & en sonnent par les ruës. Or l'on peut rapporter [p229] les tuyaux bouchez des Orgues à cet instrument, qui peut encore estre comparé à plusieurs clefs percées. Le plus grand tuyau A B fait la Douziesme de trois à vn auec le moindre D C, & B D monstre la lame qui est soudée souz les douze tuyaux pour les boucher. E est l'anse par laquelle on le pend. Les douze nombres monstrent les douze trous d'enhaut, & A C signifie la lame, ou la barre qui entoure les trous d'vn costé & d'autre, & qui renforce les tuyaux qui sont tous soudez ensemble souz cette lame. Quant aux douze notes qui sont sur les six regles, elles monstrent le ton, ou le son de chaque tuyau ; & les trois clefs de la Musique, dont la premiere s'appelle de Nature, la seconde de ♮ quarre, & l'autre de ♭ mol, enseignent qu'il les faut entonner auec ces notes vt, re, mi, fa, sol, re, mi, fa, re, mi, fa, sol, qui respondent a ces nombres harmoniques,
PROPOSITION V. Expliquer la figure, l'estendüe, la tablature, & l'vsage de la Fluste à trois trous. Encore que l'on puisse ioindre cet instrument auec les precedens, parce qu'il n'a que trois trous, à sçauoir deux deuant marquez par deux & trois, & l'autre derriere marqué par vn, (si ce n'est que l'on vueille conter le premier trou du tampon A, par où on l'embouche, le second B qui sert de lumiere, & le dernier de la pate C, afin de trouuer six trous) neantmoins ie l'ay voulu separer, tant à raison de sa grande estenduë, que de sa tablature que ie mets icy en deux manieres, à sçauoir par les notes ordinaires de la Musique, & par les marques dont vsent ceux qui ne cognoissent pas la valeur, & l'vsage des notes ordinaires. Or il est si aysé d'entendre cette tablature, qu'il n'est pas besoin de l'expliquer, si ce n'est pour l'instruction de ceux qui n'en ont iamais veu, ou qu'ils ne sçauent nullement sonner des Flustes, & du Flageollet : c'est donc en leur faueur que ie dis premierement que les notes contiennent l'estenduë d'vne Dix-septiesme, & que i'ay changé de clef, à raison que l'on ne peut monter que d'vne Dixiesme auec la premiere clef de F vt fa, en n'vsant que de cinq [p231] regles, où il faut remarquer que plusieurs ne mettent pas les quatre premieres notes dans l'estenduë de cette tablature, parce qu'elles n'ont pas de suite par tous les degrez de l'Octaue, car apres la Quarte, ou les quatre sons vt, re, mi, fa, que font les quatre notes les plus basses de cet instrument, l'on ne peut faire les quatre autres notes pour arriuer à la Quinte d'en haut, qui acheue l'Octaue. C'est pourquoy l'on peut commencer cette tablature par la cinquiesme note, qui est à l'Octaue de la premiere, & qui se rencontre en G re sol, afin qu'elle ayt seulement l'estenduë de l'Onziesme, qui contient tout ce que l'on peut faire ordinairement auec cette Fluste.
Les notes qui sont precedées de ♭ mols signifient les feintes, les accidents, ou les demy-tons, que l'on fait en moderant le vent, ou par l'industrie des doigts, dont on bouche plus ou moins les trous [de la Fluste], afin de sonner les chansons qui sont par ♭ mol. Or la note qui est sur la clef de C sol vt fa, & qui recommence en bas sur la premiere ligne, continuë les tons que nous auons commencez sur l'autre clef, & sert comme de racine pour acheuer le reste de l'estenduë, comme monstrent les notes qui suiuent. Quant aux autres caracteres il faut les expliquer si clairement, qu'il ne soit plus besoin d'en parler dans les discours des autres Flustes qui s'en seruent : ie dis donc en second lieu que les lignes noires, qui tombent perpendiculairement sur les trois regles de la tablature, signifient le nombre des trous, qu'il faut boucher pour faire les sons marquez par les notes de dessouz : par exemple, les trois premieres, qui sont sur les trois regles, signifient que l'on fait la premiere note en bouchant les trois trous, & en poussant le vent le plus foiblement que l'on peut : les deux autres lignes qui suiuent monstrent qu'il faut boucher les deux trous marquez vn & deux, & deboucher le dernier trou marqué par trois pour faire le re, ou la seconde note ; la petite ligne qui suit encore, signifie qu'il faut seulement boucher le premier trou pour faire le mi, ou la troisiesme note : & les trois zero, ou les trois cercles enseignent qu'il faut deboucher tous les trous pour faire la quatriesme note, ou le fa. Mais l'on ne peut continuer le sol iusques à l'Octaue, & l'on est contraint de passer tout d'vn saut à la Quinte en haut, afin de prendre l'Octaue de la premiere note, qui a son Octaue en haut, lors que l'on recommence à boucher les trous, & que l'on renforce le vent : ce qu'il faut remarquer d'autant plus soigneusement que la mesme chose arriue à plusieurs autres instrumens à vent, comme au Flageollet & aux Flustes, qui montent à l'Octaue, & quelquefois à la Quinziesme, & à la Vingt-deuxiesme, selon que l'on augmente le vent ; de sorte qu'il se rencontre des hommes qui font l'estenduë d'vne Vingt-deuxiesme sur la [p232] Fluste à trois trous, dont i'ay veu l'experience en Iean Price Anglois. Or c'est chose asseurée que l'on peut faire toutes les parties de Musique auec plusieurs Flustes à trois trous, comme auec les autres, quoy que ces concerts ne soient pas en vsage, c'est pourquoy ie n'en donne point d'exemples.
PROPOSITION VI. Expliquer la figure, la fabrique, l'accord, l'estenduë, & la tablature du Flageollet, & de la Fluste à six trous. Cet instrument est l'vn des plus gentils, & des plus aysez de tous ceux qui sont en vsage, car encore que les chalumeaux, qui se font de tuyaux de bled, ou de plume, ou les cornes de boeuf, ou de belier, que les Bergers mettent au bout d'vn baston de sureau creusé, soient aussi aysez à preparer, ils sont neantmoins fort esloignez de sa perfection. Or cet instrument a six trous, comme l'on void dans cette figure, dont le sixiesme est le plus pres de la pate C ; le cinquiesme & le premier sont derriere, & le quatre, trois & deux sont deuant, comme est le sixiesme. Où il faut remarquer que le premier peut estre pris pour le dernier, comme il arriue lors qu'on descend de l'aigu au graue, & que le dernier peut estre pris pour le premier, quand on monte du graue à l'aigu. Quant à la disposition des mains & des doigts dont on bouche ces six trous, il faut remarquer que la main gauche bouche le premier, le second & le troisiesme trou, car son pouce bouche le premier qui est derriere, l'index bouche le second qui est deuant, & le doigt du milieu bouche le troisiesme trou ; de sorte que chaque main gouuerne trois trous, puis que la gauche bouche les trois trous, qui sont plus proches de la lumiere, & que la main droite gouuerne les trois autres, dont le pouce bouche le cinquiesme, l'index le quatriesme, & celuy du milieu le sixiesme, ou le plus proche de la pate C. Il y en a d'autres qui font seruir les quatre doigts de la main gauche au Flageollet, à sçauoir le pouce, l'index, celuy du milieu & le medicus, & les trois de la main droite, à sçauoir le pouce, & l'index : mais celuy du milieu sert pour boucher la pate. La lumiere du Flageollet est marquée par B, & son emboucheure par A. On le peut faire de toutes sortes de matieres, mais particulierement de buis, d'yuoire, de prunier, d'ébene & de toutes sortes de bois durs. Mais il n'est pas necessaire de remarquer la proportion que doiuent auoir ses trous, parce que sa figure monstre leurs distances & leurs grandeurs.
Il faut seulement remarquer que le Diapason des Flageollets ne suit pas celuy des chordes, ny celuy des tuyaux d'Orgues, comme ie monstreray apres, car il suffit d'expliquer icy son estenduë & sa tablature, que le Vacher, qui est le plus excellent Facteur de Flageollets que nous ayons, marque en cette maniere. Par où l'on void que l'on peut vser des notes de la Musique pour marquer les tons, l'estenduë, & les chansons du Flageollet, d'autant qu'elles seruent de tablature vniuerselle pour toutes sortes d'instrumens, comme i'ay monstré dans le liure precedent. [p233] Or les deux premieres lignes contiennent la tablature du Flageollet par ♮ quarre, & les deux dernieres par ♭ mol : mais les quinze dernieres notes, & les quinze rangs des autres caracteres qui leur respondent, suffisent pour expliquer ladite tablature, & l'estenduë de cet instrument, qui consiste dans vne Quinziesme, qui est contenuë par les quinze notes, encore que i'aye mis les dix precedentes, afin d'obseruer la pratique de ceux qui enseignent à ioüer du Flageollet, qui commencent par le G re sol en touchant seulement les trois derniers trous six, cinq & quatre, & en laissant les trois autres ouuerts trois, deux & vn ; & qui mettent les deux dieses que l'on void à la premiere ligne des notes, pour signifier qu'elles se chantent par ♮ quarre, encore qu'elles soient superfluës pour ceux qui entendent la pratique des notes, dans laquelle la seule absence du ♭ mol signifie le ♮ quarre. Mais cette tablature est si aysée, à raison que toutes les regles qui ont des zero, ou qui n'ont point de petites lignes perpendiculaires, signifient que l'on doit ouurir les trous qui respondent à ces lignes, qu'il n'est pas besoin de l'expliquer. Ie donneray seulement vn exemple pour en monstrer la pratique. Si l'on veut faire le ton plus graue, ou le plus bas du Flageollet, qui est marqué par la derniere note, & par le dernier rang des petites lignes, ce rang enseigne qu'il faut boucher les six trous, qui sont representez par les six regles, & qu'il faut boucher le trou de la pate à demy : ce qui est signifié par la ligne qui trauerse le dernier zero : ce que l'on entendra encore mieux par le discours qui suit, d'autant qu'il enseigne la maniere de sonner du Flageollet.
PROPOSITION VII. Expliquer le Diapason des Flageollets, & la maniere d'en sonner en perfection à vne ou plusieurs parties, auec vn exemple de Musique. C'est chose asseurée que le Diapason de cet instrument ne suit pas la proportion des consonances des interualles & des autres Diapasons, comme l'on peut voir dans la figure precedente, dans laquelle les distances des trous n'ont pas mesme raison entr'eux que les tons qu'ils font : ce qui est aysé à prouuer par l'experience, car si les Facteurs gardoient cette proportion, le Flageollet monteroit du moins à l'Octaue du son qu'il fait, quand ses six trous sont bouchez, lors que l'on ne bouche plus que le cinq & le 6 : d'autant que le corps du Flageollet, qui se prend depuis le haut de la lumiere C iusques au B de la pate, est double de C 4 ; & neantmoins cette partie de corps ne monte que d'vne Quinte : d'où il est euident que le reste du corps contribüe à la grauité du ton, & consequemment que le vent qui sort par le quatriesme trou, quand on bouche seulement le 5 & le 6, ne sort pas tout par ledit trou, & que quelques parties s'en vont par les autres trous qui suiuent, à sçauoir par le 3, 2, &c. & par l'ouuerture de la pate, comme l'on experimente en mettant la main vis à vis desdits trous.
Et l'on peut dire que ce qui sort d'air par ces trous, & que ce qui reste du corps du Flageollet depuis le quatriesme trou iusques à B, fait baisser le ton d'vne Quarte. D'ailleurs, si la distance des trous suiuoient la proportion de leurs tons, il faudroit que le quatriesme trou fust seulement plus esloigné d'vne huictiesme partie de la lumiere que le 5, & neantmoins il est esloigné d'vne quatriesme partie dauantage, quoy qu'il ne fasse descendre le Flageollet que d'vn ton. Il faut dire la mesme chose du troisiesme trou au regard du quatriesme. Quant au 3, 2 & 1, ils sont vn peu mieux reglez. Or il faut aduoüer que la seule experience peut donner le Diapason des Flageollets, puis que l'on ne void nulle raison pour laquelle le cinquiesme trou doiue estre plus esloigné du 4, & le 4 du 5 pour faire leurs 2 tons, que le 3 trou du 2, & le second du premier : quoy que ie ne doute nullement qu'il n'y ayt quelque raison de cette differente distance de trous, soit qu'on la prenne de la part du vent, qui est differemment inspiré, ou de la fabrique du Flageollet & des autres instrumens, ausquels il arriue la mesme chose : mais ie laisse cette recherche à ceux qui voudront & qui pourront passer plus auant, d'autant qu'il suffit d'auoir remarqué la iuste distance, & la vraye disposition des trous dans les deux figures precedentes, pour seruir de modelle à ceux qui voudront faire des Flageollets de toutes sortes de grandeurs, esquels il faut à peu pres obseruer la mesme proportion. C'est pourquoy ie viens à la maniere d'en sonner, qui consiste particulierement à pousser le vent comme il faut, & à boucher & ouurir les trous suiuant la tablature. Ie dis donc premierement qu'il faut tellement boucher les trous, que le vent n'en puisse sortir, afin de faire les tons iustes, & qu'il les faut seulement boucher à demy, lors que l'on veut faire les feintes, ou les demy-tons qui appartiennent à la Chromatique, car l'on peut faire vingt-huict demy-tons tout de suitte sur le Flageollet pour sonner toutes sortes de pieces chromatiques ; & s'il se rencontre des hommes [p235] qui puissent tellement boucher les trous qui fassent des quarts de ton pour les dieses Enharmoniques, ils pourront vser de ce genre sur cet instrument. Mais apres que l'on sçait faire tous les tons, il faut s'accoustumer à la vistesse & à la mesure, afin de faire toutes sortes de passages & de diminutions, & d'vser de toutes les douceurs & les mignardises, dont le Flageollet est capable ; ce qui ne se peut faire sans la vistesse des doigts, qui doiuent boucher & deboucher six ou huict fois les mesmes trous dans le temps d'vne mesure pour imiter les diminutions de la gorge, de la Viole, des Luths & des autres instrumens.
Secondement, il faut remarquer qu'il y a deux manieres de sonner de cet instrument [le Flageollet], & des autres qui ont des lumieres, dont l'vne vient du seul souffle, ou du vent que l'on pousse, & l'autre de l'articulation & du mouuement de la langue : celle-là imite l'Orgue, & celle-cy represente la voix : celle-là est pratiquée par les villageois & par les apprentifs, & celle-cy par les Maistres ; & finalement celle-là ressemble aux choses mortes, ou muettes, & celle-cy aux viuantes, parce qu'elle suppose le mouuement des organes, & particulierement celuy du bout de la langue, & l'autre peut se pratiquer auec vn soufflet au lieu de la bouche. Or encore que chaque trou ne fasse qu'vn ton, & que le Flageollet n'ayt aussi qu'vn ton quand tous ses trous sont bouchez, & qu'il monte à l'Octaue, quand on pousse le vent plus fort, sans qu'il passe par les interualles du milieu, neantmoins ie fais tous les sons de l'Hexachorde, à sçauoir vt, re, mi, fa, sol, la, sans deboucher aucun trou, soit que la pate soit ouuerte ou bouchée, comme l'on experimentera, pourueu que l'on pousse premierement le vent tres-foiblement, & qu'il s'augmente tousiours peu à peu iusques à ce que le Flageollet fasse son ton naturel & ordinaire, c'est à dire ledit la : quoy que ces sons ne puissent seruir à la Musique, à raison de leur foiblesse & de leur inconstance, car ils ressemblent aux bruits que l'on oyt au dedans de l'oreille. Ie fais aussi l'estenduë de la Tierce maieure en bouchant peu à peu la pate, encore que l'on s'en serue seulement pour descendre plus bas d'vn demy-ton ou d'vn ton : ce que i'ay voulu remarquer, afin que l'on considere que ce que disent les excellens Maistres, qui sonnent de quelque instrument en perfection, n'est pas esloigné de la raison, à sçauoir que l'vsage & la perfection de chaque instrument s'estend à l'infiny, d'autant que l'on y remarque tousiours quelque chose de nouueau selon les differens biais dont on en vse. Mais i'ay essayé de faire le mesme Hexachorde auec d'autres Flageollets, sans me seruir des trous, ce qui ne m'a pas reussi : c'est pourquoy l'on n'en doit pas faire vne regle generale ; i'adiouste seulement que celuy auec lequel i'ay fait cette experience est de buis, & a quatre pouces & cinq lignes de longueur, comme l'on void dans les deux figures precedentes qui ont esté faites dessus ledit Flageollet.
En troisiesme lieu, l'on experimente qu'il est difficile d'empescher que le Flageollet ne quitte son ton naturel pour monter à l'Octaue, car l'on ne peut souuent luy faire prendre son ton ordinaire, quoy que le vent que l'on luy donne soit tres-foible, particulierement quand il n'a que trois ou quatre pouces de long, comme est celuy done i'ay donné la figure. Et quand il octauie les trous estant bouchez, il reprend souuent son ton naturel en ouurant les trous, au lieu de continuer ses tons à l'Octaue en haut, [p236] de sorte qu'il octauie beaucoup plus aysément quand les trous sont bouchez que lors qu'ils sont debouchez, parce que le vent doit estre plus fort : de là vient qu'il est plus aysé de luy faire prendre son ton naturel en ouurant le dernier trou qu'en le fermant, dont il n'est pas aysé de trouuer la raison. Il faut pourtant remarquer que le trou qui se bouche auec le pouce de la main gauche, c'est à dire le sixiesme, doit estre à demy ouuert, & non pas tout debouché, comme il est dans la tablature, pour faire les tons qui passent l'Octaue, parce que les tons en sont meilleurs & plus naturels. Quant au ton qui octauie, au lieu de demeurer en son lieu naturel, cela arriue seulement par la faute de celuy qui iouë du Flageollet, & qui distribuë plus de vent qu'il n'en faut ; car le ton sera tres-naturel si les trous sont bien bouchez, & que l'on donne le vent auec discretion. Ceux qui sont gauchers mettent le pouce de la main droite au sixiesme trou, ce que l'on doit remarquer pour tous les instrumens à vent. I'adiouste icy la tablature de la Fluste à six trous, encore que ie n'en donne pas la figure, d'autant que celle du Flageollet la fait assez comprendre, dont elle est seulement differente en ce que tous ses six trous sont deuant, au lieu que le Flageollet en a deux derriere, comme i'ay dit.
Or il est si aysé de comparer la tablature precedente auec celle-cy, qu'il n'est pas besoin d'en parler, c'est pourquoy ie poursuis l'explication des autres Flustes, & premierement de celles d'Angleterre que l'on appelle ordinairement douces, à raison de la douceur de leurs tons & de leurs accords, apres auoir donné vn exemple à quatre parties, qui monstre la maniere de faire des Concerts, & telles parties que l'on voudra, auec quatre ou cinq sortes de Flageollets. Or l'exemple qui suit est vn Vaudeuille du troisiesme mode transposé d'vne Quarte : le Dessus se iouë auec D la re sol tout fermé, & tout ouuert à l'Octaue : & pour les autres parties l'on ferme, & l'on ouure le C sol vt, & le G re sol : ce qui est si aysé à comprendre qu'il n'est pas necessaire d'en parler plus au long. Cet exemple & les autres qui seruent aux instrumens qui suiuent, ont esté composez par le sieur Henry le Ieune, qui entend fort bien leur portée, & leur estenduë. Ceux qui desirent d'autres exemples peuuent consulter les Maistres de l'art, car il suffit que celuy-cy fasse voir la proprieté du Flageollet, & l'estenduë de toutes ses parties, afin que l'on en puisse vser dans toutes sortes de concerts : ce qu'il faut semblablement remarquer pour les autres instrumens à vent, qui ont vn exemple particulier qui sert pour comprendre leur nature. [p237]
PROPOSITION VIII. Expliquer la figure, l'estenduë, la tablature, & l'vsage des Flustes d'Angleterre, que l'on appelle douces, & à neuf trous, auec vn exemple à quatre parties. Ces Flustes sont appellées douces, à raison de la douceur de leurs sons, qui representent le charme & la douceur des voix : on les appelle à neuf trous, parce que le huictiesme, qui est proche de la pate, est double, afin que cet instrument puisse seruir aux gauchers & aux droictiers. Or l'on embouche cette Fluste comme les precedentes, & le premier trou est marqué d'vn zero blanc, afin de signifier qu'il est derriere, & qu'il doit se boucher du pouce de la main gauche, dont les trois doigts suiuans seruent pour boucher le deuxiesme, le troisiesme, & le quatriesme trou, comme les trois de la droite bouchent le cinq, six & septiesme, car le huictiesme est destiné pour le petit doigt, que l'on appelle auriculaire, ce qui est representé si clairement par cette figure, qu'il n'est pas besoin d'vn plus long discours, car les huict nombres monstrent l'ordre des huict trous ; A signifie l'emboucheure, dont la fente est representée par le bout D. B C signifie la longueur de son corps, & le bout E F monstre encore vne autre sorte d'emboucheure, qui sert aux Tailles & aux Basses, qui ont deux pieds & 3/4 de longueur ; la Taille a vn pied cinq pouces, & le Dessus n'a qu'onze lignes. Mais pour entendre l'accord de toutes les parties, il faut remarquer que leur huictiesme trou estant ouuert, le Dessus est à la Neufiesme, & la Taille auec la Haute-contre est à la Quinte [p238] de la Basse : car la Haute-contre n'est pas differente de la Taille, d'autant que l'estenduë de l'vne suffit pour faire les deux parties, comme il arriue à plusieurs autres instrumens à vent & à chordes. Or ces Flustes font le petit ieu, comme celles qui suiuront apres font le grand ieu, mais elles se peuuent toutes accorder ensemble, comme font les grands & les petits ieux des Orgues.
Quant à leur estenduë & leur tablature [celles des Flustes douces] qui suit tant par ♭ mol que par ♮ quarre, elle n'est pas plus difficile que celle du Flageollet, car chaque petite ligne perpendiculaire, qui tombe sur les lignes de Musique, monstre les trous qu'il faut boucher pour faire les sons representez par les notes qui sont vis à vis : & les zero ou les lettres o signifient les trous debouchez, & quand ils sont pochez ou noirs, il les faut boucher. Ie donneray seulement vn ou deux exemples pour faire entendre cette pratique, dont le premier sert pour l'VT, ou pour le RE de G re sol vt, que l'on fait en bouchant les quatre premiers trous & le septiesme, & en ouurant les autres. Et pour faire le FA qui est plus haut d'vne Quarte, l'on bouche seulement le premier, le troisiesme & le septiesme : comme pour faire le SOL qui suit, l'on bouche seulement le troisiesme & le septiesme trou. [p239] La tablature monstre clairement combien il faut boucher ou deboucher de trous pour faire tous les autres tons, & l'estenduë de cet instrument, qui est d'vne Quinziesme, comme celle du Flageollet, encore que quelques-vns ne luy donnent qu'vne Treziesme d'estenduë. Mais il faut remarquer que l'on peut sonner vn air, ou vne chanson sur la Fluste douce, & en mesme temps chanter le chant de la Basse, sans toutesfois articuler les voix, car le vent qui sort de la bouche en chantant est capable de faire sonner la Fluste, de sorte qu'vn seul homme peut faire vn Duo.
PROPOSITION IX. Expliquer la figure, l'estenduë, & la tablature de la Fluste d'Allemand, & du Fifre. Encore que i'eusse (ce semble) deu ioindre cette espece de Fluste auec le Flageollet, parce qu'elle a six trous à boucher comme luy, i'ay neantmoins voulu la mettre à part, à raison qu'elle ne s'embouche pas par le haut A B, comme les autres, mais par le trou I : de sorte que la partie A B C ne sert que d'ornement. C represente le lieu où se termine le tampon, dont on bouche le haut de cet instrument, de peur que le vent sorte par A B, & afin qu'il soit contraint de descendre vers E D par où il sort, lors que les six trous sont bouchez : d'où il s'ensuit que la longueur de cette Fluste se prend seulement depuis C iusques à E. Or i'ay laissé la courbeure dans cette figure, parce qu'elle a esté prise sur l'vne des meilleures Flustes du monde qui estoit courbée : c'est pourquoy i'en marque icy la grandeur, qui est d'vn pied & 5/6. Elle a trois pouces depuis B iusques à son emboucheure. Or on l'embouche en mettant la levre inferieure sur le bord du premier trou, & en poussant le vent fort doucement. Du tampon C iusques à la lumiere I il n'y a que 8 lignes. Elle est percée d'vne esgale grosseur tout au long, ce qui n'arriue pas à toutes sortes de Chalumeaux, comme ie diray ailleurs, & cette grosseur est de huict lignes. La distance du second trou au 3 est de 13 1/2 lignes, celle du 3 au 4, & du 6 au 7 de douze lignes ou enuiron, mais il y en a 17 du 4 au 5. Quant à leur ouuerture, celle du premier est la plus grande, celle du 2 & du 7 sont quasi esgales, à sçauoir de trois lignes, mais celle du 3 & du 4 sont vn peu plus larges, & finalement celle du 5 à 4 lignes en diametre. Cette Fluste sert de Dessus dans les parties, & consequemment les autres doiuent estre d'autant plus longues & plus grosses qu'elles descendent plus bas : par exemple, celle qui descend d'vne Octaue, ou d'vne Quinziesme doit estre double ou quadruple de celle-cy. Leur matiere peut estre de prunier, de cerisier & des autres bois qui se percent aysément, mais on choisit ordinairement du bois d'vne belle couleur, & qui reçoit vn beau poly, afin que la beauté accompagne la bonté de l'instrument, & que les yeux soient en quelque façon participans du plaisir de l'oreille : on les fait ordinairement de buis ; elles sont aussi fort bonnes de chrystal, ou de verre & d'ebene.
Neantmoins les Philosophes qui en voudront rechercher les causes, doiuent les tirer de la fabrique de cet instrument [la Fluste d'Allemand], & de la maniere dont on l'embouche pour pousser le vent, & de toutes les autres circonstances. Ie laisse aussi quelques autres remarques que l'on peut faire sur cette tablature, par exemple, que quelques-vns font de certains tons en bouchant ou en debouchant d'autres trous que ceux qui sont marquez, comme l'on void dans cette autre tablature qui suit : & qu'il est beaucoup plus difficile de faire parler cette Fluste que les autres qui s'embouchent en haut, car tous peuuent vser de celle-cy, & peu sçauent sonner de celle-là, à cause de la difficulté que l'on trouue à disposer les levres comme il faut sur le premier trou, qui sert de lumiere : [p243] ce qui arriue semblablement au Fifre, qui ne differe d'auec la Fluste d'Allemand qu'en ce qu'il parle plus fort, que ses sons sont beaucoup plus vifs & plus esclatans, & qu'il est plus court & plus estroit. C'est le propre instrument des Suisses, & des autres qui battent le Tambour, quoy que les vns le sonnent d'vne façon & les autres d'vne autre, suiuant les differentes coustumes & les differentes tablatures que l'oreille & l'vsage peuuent suppleer. Mais l'on ne fait pas ordinairement toutes les parties de Musique auec les Fifres, comme auec les Flustes d'Allemand, que l'on met au ton de chapelle pour faire des concerts : & parce que l'on ne peut faire de Basse assez longue pour descendre assez bas, l'on vse de la Sacquebute, ou du Serpent, ou de quelqu'autre Basse pour suppleer, car si la Fluste d'Allemand estoit assez longue pour faire cette partie, les mains ne pourroient pas aysément s'estendre iusques aux derniers trous, tandis qu'on l'emboucheroit ; quoy que l'on puisse suppleer ce defaut dans les Basses de ladite Fluste par plusieurs clefs, en les rompant ou redoublant, comme l'on fait aux Bassons, dont nous parlerons apres.
Or il est certain que l'on peut adiouster le ieu des Fifres à l'Orgue, afin de l'enrichir d'vne nouuelle grace, mais il n'est pas possible de suppleer les gentillesses de la bouche, de la langue, & des levres auec les soufflets ordinaires de l'Orgue : i'ay dit Ordinaires, parce que l'on y peut adiouster des ressorts qui seruiront pour donner quelque nouuelle vigueur, ou douceur aux sons. Mais ie parleray plus amplement des Orgues dans vn liure particulier ; cependant les ioüeurs de Fifre & de Fleutes pourront inuenter des moyens pour faire qu'vn seul homme puisse ioüer tout seul de plusieurs instrumens tout à la fois, comme l'on pratique dans la Sicile & ailleurs, où l'on embouche deux ou trois Flustes en mesme temps, qui sont faites de cannes, & dont les sons ont de certains charmes particuliers qui imitent ceux de la voix. Si l'on auoit trauaillé aussi curieusement à perfectionner cet espece d'instrumens comme l'on a fait aux Orgues, l'on auroit peut-estre rencontré la maniere de ioüer quatre ou cinq parties d'vn mesme vent de la bouche : & si l'on vouloit prendre la peine de les percer tellement, que le genre Diatonic estant d'vn costé, comme il est en effet, le Chromatic & l'Enharmonic fussent des deux autres costez, l'on executeroit aysément tout ce que les Grecs ont sceu, auec vn petit morceau de bois : mais ie laisse cette recherche aux Facteurs, aussi bien que la recherche du Diapason necessaire pour les percer iustement, quoy que les precedens monstrent les endroits des trous Diatoniques assez exactement pour en faire d'autres à l'imitation.
Quant à la tablature du Fifre, qui monstre tous ses tons, & la maniere de boucher ses trous pour chanter toutes sortes d'airs & de chansons, elle n'a pas vne si grande Estenduë que celle de la Fluste precedente, car elle n'est que d'vne Quinziesme, comme l'on void dans la tablature qui suit. [p244] Mais il faut remarquer que la levre & la langue doiuent trauailler en mesme temps pour faire parler la Fluste en perfection, & qu'il faut donner vn coup de langue, & vn peu de la levre à chaque ton, afin que toutes les notes soient articulées ; ce qui suffit iusques à ce que nous parlions du Tambour, dont on accompagne cet instrument. Or l'on peut rapporter tous les autres instrumens à trous à ceux que i'ay expliquez iusques icy. Voyons maintenant ceux qui n'ont point de trous, apres auoir icy mis l'exemple qui suit à quatre parties pour les Fleutes d'Allemand. [Air de Cour pour les Flustes d'Allemand].
PROPOSITION X. Expliquer toutes sortes de Trompes & de Cors, & particulierement ceux qui seruent à la Chasse. I'Explique les instrumens à Bocal apres les Flustes, parce qu'ils me semblent les plus simples, car ils n'ont que deux trous : à sçauoir celuy par où l'on pousse le vent, & celuy par où il sort. Les Bergers vsent de ces Trompes & de ces Cors en prenant des cornes de belier, ou de bœuf, qu'ils coupent par le petit bout, afin de faire le trou de l'emboucheure, dans lequel ils mettent vn baston de sureau percé & creusé, qui leur sert de porte-vent & de bocal ; ce qui est si facile à comprendre qu'il n'est pas besoin d'en donner la figure. Quelques-vns vsent de morceaux de bois, ou de pieces de poterie faite en façon de cornes pour le mesme suiet : car il suffit que l'on imite les sons des cors de chasse ou de la Trompette. A quoy l'on peut rapporter les differentes [p245] industries des enfans, qui imitent ces instrumens auec des tuyaux, ou des tiges d'oignons, & auec plusieurs autres choses qu'ils trouuent creusées, & propres pour ce suiet. Quant aux cornes de Belier, les Hebrieux en vsoient pour annoncer leurs Iubilez de cinquante en cinquante ans : ce qu'ils faisoient, à ce que l'on dit, en souuenance du belier qui parut à Abraham dans le buisson en eschange du sacrifice qu'il vouloit faire de son fils Isaac, dont on aura plus de lumiere en lisant ce que l'Escriture dit du Iubilé & de son origine, qui vient de la diction יובל Iobel, laquelle signifie vn belier. Mais il est difficile de sçauoir si ceux qui auertissoient du Iubilé sonnoient de cette corne en la tenant dans la main, ou s'ils l'entoient sur quelque canal ou porte-vent : quoy qu'il en soit, nous sçauons que l'on vsoit de sept Trompettes, ou de sept Cors [p246] pour annoncer le Iubilé, comme on list au 6. chapitre de Iosué, où Dieu commande que les Prestres sonnent desdites Trompettes autour de Iericho pour en faire tomber les murailles.
Quant à l'estenduë de leurs tons [celle des Cors], elle est differente selon l'adresse & l'habileté de celuy qui en sonne, car il se rencontre des Chasseurs qui leur donnent autant d'estenduë comme à la Trompette, dont ie parleray apres. Les tons qui seruent à la chasse sont descrits par le Fouilloux dans le liure de la Venerie chapitre 43. c'est pourquoy ie n'en veux pas parler : quoy que l'on puisse y remarquer plusieurs choses, dont il ne s'est pas auisé : par exemple, à sçauoir si les tons (dont il vse pour appeller & aduertir les Chiens) sont plus propres que les autres, dont la trompe est capable. Si la diction Tran, dont il se sert pour exprimer les sons du Cor, est la meilleure de toutes celles qui se peuuent imaginer pour ce suiet : si cet instrument est plus propre pour la chasse que ceux qui ont des anches, comme les Haut-bois, ou que ceux de percussion, comme les Cloches ou les Tambours. Si les sons du Cor ont plus de rapport & de sympathie auec l'ouye, & l'imagination des chiens, que le son des autres instrumens : Si l'on peut inuenter des instrumens, dont les sons fassent venir & appriuoiser toutes sortes d'animaux farouches, comme quelques-vns estiment, particulierement si on les appelloit par les noms qu'Adam leur imposa : quoy qu'il n'y ayt à mon aduis nul son qui soit plus propre pour les faire venir où l'on veut, ou pour les arrester, que celuy qui imite leurs cris & leurs voix, comme l'on experimente aux apeaux des Cerfs, des Sangliers, des Cailles & de plusieurs autres animaux terrestres & volatiles.
Mais ie laisse toutes ces difficultez pour parler de la maniere dont on vse pour sonner du Cor ; ce qui se fait en embouchant son Bocal, que l'on presse contre les levres, soit en le mettant à l'vn des costez de la bouche, ou au milieu : or il faut que le bout de la langue entre dans le Bocal, afin d'y conduire le vent, qui se perd si l'on ne ferme bien fort tous les endroits des levres où le Bocal ne touche pas ; de là vient qu'il est difficile de sonner de cet instrument [p247] quand on à perdu les dents aux lieux où l'on applique le bocal, parce que le vent se perd aysément par le lieu de la breche qui manque de dent, & ne peut estre assez bien retenu par la seule force des levres. Apres que l'on a embouché le Cor, on peut en sonner en trois ou quatre manieres, à sçauoir en imitant simplement le vent d'vn soufflet, comme il arriue aux sons qui coulent sans estre animez : & puis en remuant la levre qui est dans le Bocal, ce que l'on fait en deux manieres, dont la premiere consiste à faire deux sons d'vn seul coup, ou mouuement de levre, & l'autre depend d'autant de coups ou de mouuemens de levre, comme l'on fait de sons differens, ce qui anime dauantage les sons : encore que l'on n'vse pas du mouuement de la langue, dans lequel consiste la plus excellente maniere de sonner de la trompe, & de tous les autres instrumens à vent, car lors que la langue martele chaque son, l'instrument imite la voix humaine & la parole, d'autant qu'il articule ses sons : ce qu'il faut remarquer pour toutes sortes d'instrumens à Bocal, & mesme pour les autres qui sont plus ou moins susceptibles de toutes ces emboucheures & de ces mouuemens, que l'on peut transporter sur les tuyaux des Orgues par le moyen de plusieurs industries, qui peuuent rendre leurs sons beaucoup plus agreables. Mais l'on entendra encore mieux tout ce qui appartient aux Cors, par ce que ie diray de la Trompette dans les discours qui suiuent.
COROLLAIRE Si les Chasseurs veulent auoir le plaisir de faire des Concerts à quatre ou plusieurs parties auec leurs Cors, il est assez aysé, pourueu qu'ils sçachent faire les tons iustes, & qu'ils proportionnent tellement la longueur & la largeur de leurs Trompes, qu'elles gardent les mesmes raisons que les tuyaux d'Orgues : par exemple, si le plus grand Cor à six pieds de long, il fera le Diapente en bas contre celuy qui aura 4 pieds de longueur : ie diray ailleurs si leurs largeurs doiuent estre en raison Sesquialtere. Et si l'on adiouste vn troisiesme Cor long de trois pieds, il fera la Quarte contre le second, de sorte que les trois feront vn Trio parfait, & toucheront les trois principales chordes du premier mode : ausquels il sera aysé d'en adiouster trois ou quatre autres pour faire les autres accords. Il y a plusieurs autres choses qui concernent les Cors, dont nous parlerons apres ; i'adiouste seulement qu'on les peut faire de chrystal, de verre, de terre, de pierre, &c. & que les Facteurs y peuuent ioindre vne grande quantité d'industries qui les feront autant admirer que les autres instrumens.
PROPOSITION XI. Expliquer la matiere, la figure, les parties, la fabrique & l'estenduë de la Trompette. La Trompette est l'vn des plus anciens instrumens de Musique, comme il est aysé de conclure par celles qui seruoient aux Prestres des Iuifs, car Moyse en feit deux d'argent par le commandement de Dieu, lequel nous lisons au 10. chapitre des nombres : & l'experience fait voir qu'elles sont fort bonnes d'argent de trauail, dont i'ay expliqué la Loy dans vn autre lieu. Mais on les fait ordinairement de laton, c'est à dire de cuiure meslé auec de la calamine, [p248] dont ie parleray dans le liure des Cloches ; quoy que l'on puisse les faire de fer, d'estain, de bois, &c. Or le laton est tres-propre pour cela, tant à raison de sa dureté & de sa fermeté, que de la facilité qu'il y a de le battre & de l'estendre à coups de marteau, & de ce qu'il dure tres-long temps, & qu'il couste fort peu à l'esgard de l'or & de l'argent, dont ceux-là peuuent se seruir pour faire des Trompettes, qui font faire des Luths de cette mesme matiere. La figure qui suit fait voir leur forme ordinaire, dont la partie A B s'appelle le Bocal ou l'emboucheure, d'autant que l'on enfonce les levres dans le concaue A, lequel est large de dix lignes, quoy que le diametre du canal, ou de la branche B C, dans laquelle on ente & on emboëtte le bocal A B, ne soit que de cinq lignes, & que le fonds du bocal n'ayt que trois lignes de largeur, afin que le vent ayt plus de force. Or l'on appelle les canaux B C, & E D les branches, & F E, & C D les potences de la Trompette : le reste depuis F iusques à H I se nomme le pauillon, dont G en est le nœud. Les branches se peuuent briser & separer comme le bocal A B, ce qui rend la Trompette plus aysée à porter. Et les ouuriers les font de plusieurs pieces, parce qu'il est trop difficile de rencontrer des morceaux de laton assez grands pour les faire d'vne seule piece, car elles ont ordinairement sept pieds de long ou enuiron : & quand il s'en rencontreroit, il est beaucoup plus difficile de les battre comme il faut, que de les diuiser en plusieurs pieces, qu'ils couurent des nœuds B, C, D, E, F, afin d'en cacher la soudure ou les iointures : & puis ils ne pourroient pas courber les branches, si elles estoient d'vne seule piece. Ie parleray de la soudure dont on vse pour souder lesdites branches, apres qu'on les a faites de lames battuës en forme de parallelogrammes que l'on ploye en cylindres, lors que ie traiteray des Orgues.
Quant à l'estenduë de la Trompette, elle est merueilleusement grande, lors que l'on en sonne en perfection, & que l'on prend tous ses tons depuis le plus graue iusques au plus aigu, car elle fait vne Trente-deuxiesme : de sorte qu'elle surpasse tous les clauiers des Epinettes & des Orgues. Mais parce qu'il se rencontre peu de personnes qui la fassent descendre des deux derniers [p249] tons, qui sont marquez souz le C sol vt fa dans la figure de l'autre Trompette en taille douce que ie donneray apres, il suffit de luy donner l'estenduë d'vne Vingt-neufiesme, c'est à dire des quatre Octaues, qui font l'estenduë des clauiers : & parce que ie veux examiner pourquoy la Trompette fait les interualles des consonances deuant ceux des dissonances, & les plus grandes consonances deuant les moindres, il faut icy considerer les raisons desdits interualles, afin de rechercher pourquoy elle les choisit tellement que l'on n'en peut faire d'autres en leur place. Or ie commence ces interualles par son ton plus graue, qui est en C sol vt fa, dans lequel ie les termine aussi, apres qu'il a esté trois fois repeté : mais il faut remarquer que les premiers nombres à main gauche ne vont que iusques à la Vingt-quatriesme, d'autant que l'on ne peut continuer les raisons des autres interualles sans vser de fraction, lors que l'on retient les termes radicaux : les seconds nombres qui sont à main droite, commencent par le 9, parce qu'il faut multiplier tous les precedens par 9, afin de continuer tous les interualles de l'estenduë d'vne Vingt-neufiesme sans aucune fraction. Or il est si aysé d'en comprendre l'estenduë par cette table, qu'il n'est pas besoin de l'expliquer puis qu'outre les nombres qui sont d'vn costé & d'autre, i'ay marqué chaque interualle par son propre nom : de sorte qu'il ne reste plus qu'à expliquer pourquoy la Trompette passe tout d'vn coup à l'Octaue, & puis à la Quinte sans pouuoir passer par les degrez du milieu : ce qui semble estre contraire à la maxime, qui asseure que l'on ne peut passer d'vne extremité à l'autre sans passer par le milieu : quoy que l'on puisse respondre que cet instrument, & quant & quant la voix, & le vent ont vn mesme priuilege que l'esprit, qui passe souuent d'vne raison à l'autre sans considerer celles qui sont entre-deux : mais cette difficulté merite vne Proposition particuliere. [Estendue de la Trompette - C sol vt fa - Octaue - C sol vt fa - Quinte - G re sol vt - Quarte - C sol vt - Tierce maieure - E mi la - Tierce mineure - G re sol vt - Quarte - C sol vt - ton maieur - D la re sol - ton mineur - E mi la - demiton maieur - F vt fa - ton maieur - G re sol vt - ton mineur - A mi la re - ton maieur - ♮ mi - demiton maieur - C sol vt fa].
L'on peut encore donner la raison de ces interualles par la diuision, d'autant que l'Octaue est engendrée par la diuision d'vne chorde en deux parties esgales, comme i'ay monstré dans le liure des Consonances ; & toutes les autres consonances sont produites par la seconde ou troisiesme bissection : mais l'adition est ce semble plus naturelle que la diuision, parce que la nature s'augmente & se multiplie par celle-là, & se diminuë & s'affoiblit par celle-cy. Quoy que si on considere le suiet ou la matiere des sons, l'on puisse dire qu'il est plus aysé de diuiser vne chorde en deux parties esgales, que de luy adiouster vne autre partie esgale, dont i'ay expliqué la raison dans le liure de la Voix. Mais il y a encore plusieurs autres difficultez dans les autres interualles, & dans les autres tons de la Trompette, dont l'vne est pourquoy elle ne diuise pas la Quarte ou son cinquiesme interualle, lors qu'elle fait le septiesme & le huictiesme ton, comme elle diuise la Quinte en faisant le 5 & le 6 ; c'est à dire pourquoy elle n'adiouste pas vn retour aux 6 precedens du 6 ton pour faire la Sesquisexte, & puis la Sesquiseptiesme, au lieu desquelles elle fait encore la Quarte apres le sixiesme ton, ou apres le cinquiesme interualle de la Tierce mineure, par l'adition de deux battemens qu'elle adiouste aux six precedens. L'autre difficulté consiste à sçauoir pourquoy elle ne fait pas tousiours l'Octaue à chaque saut, ou interualle qu'elle fait, attendu que chacun de ses sons ou de ses tons peut estre supposé pour l'vnité, & pour vn seul battement, aussi bien que le premier. La troisiesme est, pourquoy elle fait quelquefois vn ton plus bas, ou plus haut que le premier ton, dont nous auons parlé, au lieu de faire l'Octaue. Ie laisse plusieurs autres difficultez qui se rencontrent aussi dans les autres instrumens à vent, dont on pourra trouuer la solution dans les discours qui suiuent.
D'ailleurs si elle [la Trompette] faisoit la Sesquisexte apres la Sesquiquinte, ses battemens seruiroient au nombre Septenaire, qui ne peut estre diuisé que par l'vnité, à laquelle elle ne peut retourner, c'est pourquoy elle quitte ce nombre impair, comme inutile à l'harmonie, pour passer au nombre de huict, qui est le premier cube apres l'vnité, & qui acheue la troisiesme Octaue, comme le 2 & le 4. son, dont il fait la repetition ou le redoublement : par où la nature fait voir combien elle ayme l'Octaue, à laquelle elle est arriuée par l'addition du second battement, au lieu de s'arrester à la Sequisexte par vn seul battement. Finalement quand elle bat l'air huict fois apres l'auoir battu six fois, elle fait la mesme chose que lors qu'elle le bat quatre fois apres l'auoir battu trois fois, d'autant qu'il faut iuger du progrez des consonances par la suite de leurs termes radicaux. Or elle fait le ton maieur apres cette Quarte par l'addition d'vn seul battement, comme elle fait le mineur : car son ton estant composé de huict battemens, fait le ton maieur contre les neuf battemens du huictiesme ton, & cet 8 ton composé de 9 battemens fait le ton maieur contre les 10 battemens de son neufiesme son. Où il faut remarquer que tous les sons qu'elle choisit font des consonances auec ceux qui precedent, par exemple le neufiesme son composé de dix battemens fait l'Octaue auec le cinquiesme son : mais si elle faisoit la Sesquisexte auec son sixiesme son, le septiesme son ne feroit nulle [p253] consonance auec les sons precedens, & seroit semblable à l'Orateur qui agence si mal ses periodes & ses raisons, qu'elles n'ont nul bon rapport ensemble, & qu'elles blessent les oreilles. L'on peut donc conclure par l'experience, que la nature cherche l'Octaue, & qu'elle ne veut pas donner les differences des consonances iusques à ce qu'elle ayt fait la Vingt-deuxiesme, en arriuant à l'octonaire, qui luy sert de borne, parce qu'elle considere seulement les solides, sans se soucier des sursolides, & des autres nombres ou quantitez que l'on appelle dignitez dans l'Algebre, & qui sont plustost dans l'imagination des hommes, que dans la realité des choses : de là vient que tous les instrumens bornent leur estenduë par le nombre de huit, & prennent pour leur deuise auec toute la nature, Non plus vltrà. Mais il y a encore plusieurs choses à considerer dans les interualles de la Trompette : par exemple, pourquoy elle fait le demiton maieur par son dixiesme ton, & comme elle peut passer des dix battemens du neufiesme son aux 10 2/3 battemens du 10, au lieu de faire vnze battemens par l'adition de l'vnité ; car il faut qu'elle suppose que dix vaut quinze, afin que 10 2/3 vaillent seize. Ce qu'elle fait afin de donner la troisiesme difference des consonances, car le demiton maieur est la difference de la Tierce maieure, & de la Quarte, comme le ton maieur est la difference de la Quarte & de la Quinte, & le ton mineur celle de la Quinte & de la Sexte maieure. En effet il est raisonnable que la Trompette diuise tellement la Quarte, qu'elle auoit fait paroistre dans son Sixiesme interualle, que la derniere diuision restituë la mesme Quarte ; ce qui ne peut arriuer apres le ton maieur & le mineur, qu'elle a faits en suiuant son progrez naturel, si elle ne fait le demiton maieur : or la Proposition qui suit contient encore d'autres difficultez qui peuuent seruir pour entendre celle-cy.
PROPOSITION XV. Expliquer en quelle maniere l'on peut augmenter ou affoiblir la force de chaque son de la Trompette sans en changer le ton, c'est à dire l'aigu ou le graue. Cette difficulté peut estre expliquée par ce que i'ay dit de la voix forte, & de l'aiguë dans le liure de la Voix, & de la difference de l'aigu & de la force des sons dans le liure des Instrumens à chorde, car l'air agité ne fait iamais le son plus aigu que ses agitations, ou ses battemens ne soient plus vistes. D'où il faut conclure que le mesme ton de la Trompette se fait tousiours d'vn mesme nombre de battemens d'air, quoy qu'il soit si foible ou si fort que l'on voudra : c'est pourquoy il faut dire que l'on pousse seulement vne plus grande quantité d'air, ou de vent en mesme temps, lors que l'on augmente la force du ton, & que les mouuemens & les battemens, ou les flux & reflux de l'air sont plus grands, mais qu'ils ne sont pas en vn plus grand nombre : quoy qu'il soit difficile d'expliquer la maniere dont il faut pousser le vent pour faire la distinction des sons forts, & des aigus auec la Trompette, si nous ne luy appliquons ce qui a esté dit de la force, & de la foiblesse du son que fait vne mesme chorde, & de la difference des voix fortes & des aiguës.
Or i'ay demonstré que le son se renforce sans changer de ton, c'est à dire sans se hausser quand on touche la chorde plus fort, d'autant qu'elle bat vne plus grande quantité d'air en aussi peu de temps qu'elle en battoit vne moindre quantité en faisant vn son plus foible : de sorte que le ton de la chorde, ou de la Trompette ne peut changer, quoy qu'il s'augmentast iusques à l'infini, si le nombre des battemens, dont il est composé, ne s'augmente : or ce nombre ne s'augmente point tandis que l'on pousse le vent d'vne mesme ouuerture de bouche, ou d'vn mesme mouuement de gorge. Car il faut remarquer que le larynx & la glotte s'abaissent, & s'ouurent dauantage en faisant les premiers tons, & qu'il faut restressir ces ouuertures pour faire les tons plus aigus, encore que ceux qui sonnent des instrumens n'apperçoiuent pas ces changemens, parce qu'ils ne font pas vne assez forte reflexion sur la maniere dont ils pressent les levres, & poussent le vent.
Mais l'on peut obiecter qu'il s'ensuit que l'on pourroit faire toutes sortes de degrez auec la Trompette tant en haut qu'en bas, comme l'on fait auec la gorge, si les tons dependoient des differentes ouuertures de la bouche & de la glotte, puis que nous faisons toutes sortes de degrez en chantant : & qu'vn soufflet peut suppleer la bouche, & faire tous les tons de la Trompette, dont nous auons parlé, encore qu'il ayt tousiours vne mesme ouuerture, comme l'on experimente aux tuyaux d'Orgues, dont les vns montent à l'Octaue, & les autres à la Douziesme, lors qu'on les charge dauantage. A quoy l'on peut adiouster que la mesme ouuerture de la bouche & de la gorge fait des tons differents auec le Flageollet, & les autres Flustes à trous : d'où il faut, ce semble, conclure que la diuersité des tons de la Trompette, & des autres instrumens ne vient seulement pas des differentes ouuertures de la gorge, ou de la [p256] bouche. Certes ces trois difficultez sont fort considerables, car bien que quelques-vns maintiennent que l'on peut faire monter la Trompette par toutes sortes de degrez, tant en haut qu'en bas, comme la voix, neantmoins toutes les experiences que i'ay peu faire monstrent le contraire : quoy que i'aye rencontré quelqu'vn qui descend d'vne Tierce maieure plus bas que le second son, au lieu de descendre d'vne Octaue entiere, comme ie diray dans l'estenduë de la Trompette, dans laquelle on void encore deux tons sous le premier, sous lequel il y en a qui descendent premierement d'vne Tierce mineure, & puis d'vn ton ; mais outre que cela n'est pas ordinaire, & que ces tons se font auec vne grande difficulté, ils ne valent rien, c'est pourquoy il n'en faut faire nul estat ; & mesme nous pourrions laisser le premier ton, & consequemment le premier interualle de l'Octaue, & prendre le second ton pour le premier, parce que l'on n'en vse point sur la Trompette, & qu'il ne vaut rien, comme ie diray en parlant de son vsage. L'on peut encore respondre que les raisons precedentes ne perdroient pas leur force, encore qu'il se rencontrast des hommes si habiles qu'ils peussent faire tous les degrez d'vt, re, mi, fa, &c. depuis le premier ton de la Trompette, d'autant que l'industrie des hommes peut troubler les mouuemens de la nature, pour seruir à leurs desseins particuliers, comme l'on experimente dans les ouurages de la Mechanique.
C'est pourquoy l'on peut dire que l'on ne fait point ordinairement les degrez en bas par les seules differentes ouuertures des levres ou de la gorge : & qu'apres l'ouuerture, dont on fait le 1 ton, l'on ne peut tellement les ouurir qu'on ne fasse monter la Trompette à la Quarte, ou à quelque moindre interualle, d'autant que quelque peu qu'on les ouure dauantage, elles ne peuuent adiouster moins d'vn retour ou d'vn battement d'air, aux battemens qui determinent le son precedent : de sorte qu'il est necessaire de faire la Quinte apres l'Octaue, & en suite tous les autres interualles dont i ay parlé : si ce n'est que l'on vse de la mesme ouuerture des levres en poussant vne differente quantité d'air d'vne force differente, laquelle on peut diuiser en tant de degrez que l'on voudra en affoiblissant, ou en augmentant le ton. Il faut donc respondre à la premiere difficulté que les levres ne feroient pas toutes sortes de sons, comme elles font, si elles ne se serroient & se fermoient diuersement, car le poulmon ne seruant d'autre chose que de soufflet, dont l'artere vocale est le porte-vent, il faut que les levres qui touchent immediatement au bocal, modifient la voix ou le vent, pour faire les sons graues & aigus. Quant aux soufflets, lors que l'on aura fait voir qu'ils font tous les tons de la Trompette, nous expliquerons aysément comme cela se fait, ce qu'il ne faut nullement croire sans en voir l'experience, que l'on ne fera iamais à mon aduis : & quand on la feroit, il faudroit dire que la violence du vent fait vn plus grand nombre de battemens que deuant, car la vistesse dont on le pousse, peut suppleer à l'estrecissement du canal par où passe le vent : parce qu'il suffit que l'air batte, ou qu'il soit battu autant de fois qu'il est necessaire pour faire le ton que l'on desire : car il n'importe qu'il soit battu, ou qu'il batte, comme il n'importe nullement que la terre, ou le Soleil se meuuent pour faire le iour. Il est vray que les soufflets font monter les tuyaux d'Orgue à l'Octaue & à la Douziesme, mais ie reserue cette difficulté pour le liure des Orgues. Il n'est [p257] pas besoin de parler de la gorge, dont on fait toutes sortes de sons, parce que l'on experimente qu'elle s'estressit d'autant plus que l'on fait des sons plus aigus, ce qui confirme encore les raisons precedentes : de sorte qu'il ne reste plus que les Flageollets, qui montent à l'Octaue & à la Quinziesme par la seule force du vent, sans qu'il soit besoin d'estressir la gorge ou les levres, comme l'on experimente en tenant tous ses trous bouchez, car on a souuent de la peine à l'empescher de monter à l'Octaue : ce qui arriue semblablement aux Flustes douces, & à plusieurs autres instrumens. Mais il suffit que le vent fasse la mesme chose dans le Flageollet, que la diuersité des pressions de levres dans la Trompette, c'est à dire qu'il fasse deux fois autant de retours, ou qu'il batte deux fois autant la lumiere, quand il monte à l'Octaue, comme il faisoit auant que d'y monter. A quoy l'on peut adiouster le discours de la Proposition qui suit, car il sert pour expliquer cette difficulté & les precedentes.
PROPOSITION XVI. Expliquer pourquoy la Trompette & les autres instrumens à vent ne font pas tousiours les interualles dont nous auons parlé : & pourquoy ils font souuent le demi-ton ou le ton, au lieu de l'Octaue, de la Quinte, ou de la Douziesme, &c. L'experience fait quelquefois voir que la Trompette monte, ou descend d'vn ton depuis son second son : ce qui arriue semblablement à plusieurs tuyaux d'Orgues, dont les vns montent seulement d'vn demiton, ou d'vn ton, outre lequel nul vent ne les peut faire passer ; & les autres montent iusques à l'Octaue ou au delà, quand on force le vent : ce qui arriue aussi à quelques Flustes, & aux Flageollets, qui montent auec vn vent tres-doux de ton en ton iusques à la Quinte auant que de prendre leur ton naturel, comme i'ay experimenté : mais ces sons sont si foibles & si peu marquez, qu'il est difficile d'en iuger. Or la principale difficulté consiste à sçauoir comment la Trompette, & les autres instrumens changent le nombre des battemens de leur premier, ou de leur second son, &c. c'est à dire 1, 2, ou 3 battemens en 16 battemens, lors qu'ils font le demy-ton maieur, ou en neuf battemens, quand ils montent d'vn ton maieur, car il faut (ce semble) qu'ils supposent que le premier & le second son soient composez de quinze, ou de huict battemens, afin que l'addition d'vn seul battement fasse l'interualle d'vn demy-ton, ou d'vn ton : ce qui n'est pas possible, puis qu'vn ou deux battemens ne peuuent se changer en quinze ou huict battemens.
D'où l'on peut encore tirer des raisons pour expliquer pourquoy la Trompette, & les autres instrumens font l'Octaue pour leur premier interualle, & qu'ils ont ce semble plus de peine, ou moins d'inclination à faire le ton, ou le demi-ton, qu'ils ne font pas si nettement, ny si constamment comme l'Octaue. Or ils font ces degrez au lieu de ladite Octaue, lors que l'on ne pousse pas le vent assez fort, quoy qu'il soit difficile de sçauoir pourquoy ils ne font pas aussi bien les Tierces, la Quarte & la Quinte, comme le ton & le demiton, auant que de passer à l'Octaue ; dont ceux qui auront plus de loisir, ou d'esprit que moy peuuent trouuer la raison dans les mouuemens du vent que l'on pousse, & dans la figure interieure, & la construction de l'instrument, qui sont causes de plusieurs sons particuliers, & de plusieurs interualles que l'on apperçoit ez vns, quoy qu'ils ne soient pas dans les autres. Ce qu'il suffit d'auoir remarqué sans qu'il soit necessaire de particulariser mille petites circonstances qui se rencontrent aux sons, & aux interualles de chaque instrument, & dont on ne sçauroit expliquer les raisons à moins que d'en faire vn liure entier. Ce que l'on doit reseruer à ceux qui ont consommé toute leur vie à considerer, & à pratiquer les instrumens : car ie ne veux pas demeurer si long temps à parler de la Trompette, que i'oublie les autres, c'est pourquoy ie viens à l'explication de son Diapason & de son vsage.
[...] ains [la prudente Princesse] permettoit qu'elle allassent se pourmener et esbatre, ou aux jardins, ou en quelque honnorable maison : ou qu'elles balassent, ou qu'elles jouassent de lucs, de guitternes, d'espinettes, et autres instruments de musique, tant recommandee aux nobles et honnorables esprits : ou qu'elles chantassent en leur chambre modestement et chrestiennement : [...] mais ne vouloit qu'elles chantassent autres chansons, que les Psalmes de David, ou les odes de la defuncte Royne de Navarre.
Atarantado, Vn qui est mordu de la tarantole, qui est un petit animal venimeux, la piqeure duquel fait tembler la personne, & se guerit par le son de quelques instruments, en faisant danser le patient, en tant qu'il s'eschauffe jusques à suer.
adufe, atabal, pandero,m. Tabourin, ou espece d'instrument à faire bruit, comme portent les Maures: les Allemands à cheval ont les atabales: les Basques ont le Pandero : le Tambour dont usent les François, & autres nations de l'Europe, s'appelle atambor.
Alborada, ou alvorada,f. La matinée, une aubade, c'est une musique de voix, ou d'instrument qui se fait ordinairement par les amoureux à l'aube du jour devant l'huis de leurs maistresses.
A tant sut d'icelle et theoricque et praticque, si bien que Tunstal Anglais, qui en avait amplement écrit, confessa que vraiment en comparaison de lui n'y entendait que le hault Allemand. Et non seulement d'icelle, mais des autres sciences mathématicques, comme Géométrie, Astronomie, Musicque. Car attendant la concoction et digestion de son past [repas], ils faisaient mille joyeux instruments et figures Géométricques, et de même pratiquaient les canons Astronomicques.
Après grâces rendues, se adonnaient à chanter musicalement, à jouer d'instruments harmonieux, ou de ces petits passetemps qu'ont fait es chartes, es dés, et gobelets.
[…] je pratique d’vne façon peut estre nouuelle & a eux [aux esprits pointilleux] inconnuë, non seulement quelques consonnances, ains aussi des dissonnances. Mais […] n’estant mon sujét de traicter maintenant de la Musique pour les en esclaircir, je les renuoye a ceux qui connoissent par raisons le temperament (dont parlent les bons autheurs) qu’il faut donner a l’accord des Orgues, Espinettes, & autres instruments accomplis et pourquoy cela est necessaire ; qui sçavent l’augmentation & alteration des tons majeurs & mineurs, & autres interualles faisans partie du diapason, qui ont l’intelligence de la loy des voix & des instruments, & ils apprendront d’eux que ces interualles temperés peuuent reçeuoir des progrés & transitions que l’on ne donneroit point aux voix : de sorte qu’on peut toucher sur l’Orgue du contre-point meilleur qu’estant chanté, & d’autre aussi au contraire.
Si est-ce que je me suis tenu autant que j’ay peu aux reigles generalles, par ou j’ay reconnu que Glarean & d’autres auoyent raison de dire qu’il faut pour entendre vrayement la musique, que l’on touche & connoisse l’ordre des cordes instrumentales ; comme en effet vn grand musicien de nostre siecle m’a dit mainte-fois qu’il auoit recherché avec affection cette connoissance, & quelle luy auoit esté grandement vtile, mettant par ce moyen a l’essay, seul, & dans le cabinet ses inuentions aussi tost qu’elles estoyent conceües. Le sieur du Caurroy, & d'autres n'en ont pas aussi negligé l'estude, qui leur a esté vn ayde pour arriuer ou ils en sont venus, & pour bien reconnoistre que l'instrument a quelque chose de particulier a cause de son temperament.
Or ce qui m’a encore d’auantage incité de donner ce petit ouurage au public, a esté de voir des volumes de tablature de toute sorte d’instruments imprimés en nostre France : & qu’il est hors de la souuenance des hommes qu’on en ait imprimé pour l’Orgue, Instrument le plus accomply tant du genre pneumatique que des autres genres, non seulement admirable en sa construction, mais estimable pour son employ, y ayant aparence que Dieu l’ayt fait choisir a son Eglise pour y chanter ses loüanges.
Or d'autant que l’Orgue produit sans difficulté toute sorte d’interualle tant naturels qu’accidentels, j’en ay employé en quelques endroits d’extraordinaires, (bons & suportables pourtant,) afin de donner a cét instrument ce qui est de sa competence, de propres, & hors du commun & mesme apliqué des diezes en des lieux ou je les obmettrois si c’estoit pour les voix, a cause des raisons cy dessus données.
Vne autre chose altere encore le reglement des Modes, c’est que pour mieux former l’intonation au chœur, l’Organiste fait tenir ordinairement le plainchant à la basse-contre, or s’il est du premier mode, quand la Taille le tient à l’autre vers il est du second : de sorte que voyla l’Autentique & le Plagal en mesme sujét, toutefois cela se faisant en tout lieux & de long temps, je l’ay admis & laissé, pour raison de la facilité & liberté de l’instrument dont la grande estendue du clauier peut assés fournir a la modulation des deux especes, comme aussi a l’esloignement des parties pour estre mieux exprimées.
La mesure & les accents sont recommandables tant aux voix qu’aux instruments, la mesure reglant le mouuement, & les accents animans le chant des parties. Pour la mesure, le demy cercle sans barre que j’y ay aposé, fait la loy d’alentir le temps & mesure comme de la moytié, qui est aussi vn moyen de facilement toucher les choses les plus dificiles. Pour les accents, la dificulté d’aposer des caracteres a tant de notes qu’il en faudroit m’en a fait raporter au jugement de celuy qui touchera, comme je fais des cadences qui sont communes ainsi que chacun sçait.