Solitaire second

Complete title: 
Solitaire second ou Prose de la Musique
Year (text): 
1555
Editor: 
Jean de Tournes
Place: 
Lyon
Modern editions: 
éd. Cathy M. Yandell, Genève, Droz, 1980.
Edition used: 
Lyon, Jean de Tournes, 1555.

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006

[...] Les uns ont apelé à leur ayde les carmes de Magie, par lesquelz les Platoniques entendent la louenge chantée à Dieu, duquel la connoissance eslieve l'entendement humein en une merveilleuse tranquilité [...]

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008

Mais la Musique, estimee par la moins recusable troupe des sages contenir en soy toute perfeccion de symmetrie, et retenue comme pour image de toute l'Enciclopedie, me semble si vivement raporter entre nous le vrey pourtrait de la Temperance, que l'ignorant de Musique doit penser son Ame estre boiteuse et impuissante d'arriver au but que lui montre celle vertu non jamais assez louee.

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008-009

Combien s'estend le mot de Musique, et combien telle discipline est subtile, et estimable, je le pourray [p9] dire ailleurs, et d'en toucher ici davantage seroit répeter ce que j'ay ja escrit en l'un de mes discours Filozophiques, auquel j'essaye de prouver la Musique contenir toute discipline et la Temperance toute vertu. Aussi meintenant veu-je seulement traiter celle partie de Musique qui s'excerce par la voix [...]

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010
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1

Ce commencement de harangue melancolique et pleintive (dit elle) tend bien loin du musical entretien, lequel vous m'avez promis. L'ocasion de ma promesse (ajoutay-je) fondee sus une melancolie aparue au dehors, par l'abondance du dedens, n'auroit vray efet si je la déguisois : aussi ne sont plus vivement les pleintes exprimees qu'alors que la Musique veut servir de truchement, tant elle est propre à emouvoir comme à moderer les passions.

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010
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2

Nonobstant que la Musique (dit elle) soit en basse et vulgaire estime pour ce tems, si me donnez vous envie d'en ouir quelques chose : puis que sa connoissance est de si excellente eficace en l'elevacion de l'ame par aliance avec la fureur Poétique, et de ce, Solitaire, je vous prie de me satisfaire.

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010
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3

[...] vray est que je debatrois une chose trop confessee entre les doctes si je me travaillois de recueillir les argumens desquelz l'honneur et le merite de la Musique et de la Poësie sont soutenuz : mais aussi je me declairerois homme de trop fraile connoissance, doutant que l'une et l'autre ne soient en ce tems deprisées, et contees pour un rien [...]

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010
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4

Quant à la Poësie, je la voy maniee par les mains de telz personnages, que s'ils ne l'eslievent en son du et honorable siege, en vain atendra ce climat de jamais l'y revoir.

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010-011

Mais la Musique, demeuree par je ne say que desastre sans plus louable nom, que celui qu'un chantre vagabond et sans savoir, ou un mercenaire menestrier lui en aura aquiz, me semble traitee trop indinement : et ne puis ne me pleindre, de voir entre les notres si bon commencement d'introduccion aus autres disciplines, et en cete, rien : comme si nous en estions incapables, ou si les Grecs et les Latins devoient defendre cette partie [p11] de Filozofie, à ceus qui ne seroient adoptez en leur famille.

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011

[...] la Musique servoit d'excercice pour reduire l'ame en une parfette temperie de bonnes, louables, et vertueuses meurs, emouvant et apaisant par une naive puissance et secrette energie, les passions et afeccions, ainsi que l'oreille les sons estoient transportez aus parties spirituelles : qui fut ocasion prestee aus premiers Poëtes et Theologiens de l'acompagner de Poësie, au nom de fureur sous la charge des Muses, comme je vous diz hier : à quoy (puis qu'il vous plait en ouir davantage) je veus ajouter meintenant que la source de cete science fut reputee celeste des Pythagoriens, à cause que le premier auteur n'estoit en connoissance, et encor moins aujourd'hui, qu'à peine savons nous démesler les fables, des veritables histoires.

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011

[...] je veus ajouter meintenant, que la sourse de cete science fut reputee celeste des Pythagoriens, à cause que le premier auteur n'estoit en connoissance, et encor moins aujourd'hui, qu'à peine savons nous démesler les fables, des veritables histoires : l'un nous renvoye à un Dieu Mercure et à sa lyre de quatre ou de sept cordes, ou au scelette de sa tortue.

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011

Plus encores me déplait le change fait du rang lequel anciennement elle tenoit premier entre les sciences necessaires pour l'institucion des bonnes meurs, à une reputacion d'inutile oisiveté, et excercitacion efeminee [...]

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011

[...] pour non dire qu'elle soit regetee par quelque troupe grossiere, avec les raisons des Sybarites, qui ne recevoient en leur Republique aucun art de sonoreus excercice, et defendoient de nourrir aucun coq pour n'importuner le repoz de leur paresseus dormir.

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011

Aussi savez vous qu'ainsi que la luite, la course, le saut, l'escrime et telz autres excercices, estoient reçuz pour necessaire entretien de la santé corporelle, la Musique servoit d'excercice pour reduire l'ame en une parfette temperie de bonnes, louables, et vertueuses meurs, emouvant et apaisant par une naive puissance et secrette energie, les passions et afeccions, ainsi que par l'oreille les sons estoient transportez aus parties spirituelles [...]

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012

[...] aussi n'en alleguè je davantage pour ne faire ainsi que quelques uns, qui se vantans de parler de Musique, apres un grand amaz de telz noms, se sont tuz, pensans nous avoir apris un aussi grand secret que les marteaus, à Pythagore.

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012

Il me semble donq plus pertinent [...] de commencer au mot de Musique, qui vrayment est tiré des Muses, ou le nom des Muses de lui, et signifie trois choses. Premierement toute l'Enciclopedie : et par Platon, voire (avant lui) par Pythagore, de ce nom l'universelle Filozofie estoit apelee.

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012

[Le mot de Musique] est quelquefois miz en usage pour ce que vous diriez une proporcion, symmetrie, concorde, et amitié des corps celestes et de Nature universelle, tant en l'Univers universellement que particulierement d'un particulier à un particulier corps, d'où procèdent sous les noms de Musique mondeine et Musique humeine, certeines les plus curieuses que necessaires consideracions [...]

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012-013

Aussi sa plus peculiere et propre sinifiance [du mot Musique], est la science qui considere avec sens et raison, la diference des sons graves et aiguz, ou, bas et hauz, donnant le moyen de bien et harmonieusement chanter : à quoy est requis que l'on sache distinctement toutes les especes de Harmonie, et puis que lon soit industrieusement excercé à entonner et exprimer disertement les voix en toutes mutacions, sous une mesure tousjours bien observee tellement que son propre suget est un chant [p13] harmonieusement recueillant en soy des paroles bien dites, mesurees en quelque gracieuse cadence de rime, ou balancees en une inegale egalité de longue ou brieve prononciation de sillabes.

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013

Il seroit long à dire comme la Musique ha esté traitee diversement, ayant un tems demeuree contente d'une seule voix, ou pour le moins d'une simple mesure egale, telle que le plein chant de noz chantres, et l'exclamacion des sept voyelles aspirees par les premiers et religieus Egypciens pour la sainte louenge du nom secret de Dieu.

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013

Et comme depuis elle [la Musique] ha esté diversifiee de sons diversement contracordez, et de mesures atribuees à diverses prononciacions aus longueurs et brievetez inegales du tems.

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013

Mais à fin que telle diversité vous soit evidente, ayez en memoire que les Musiciens en faveur de la facilité de leur discipline connoissans les voix (nommees par les premiers phtongues) elemens de Musique, estre nues, et simplement voyelles prononcees sans ordre, loix, ou aucune regle : inventererent des noms, sillabes, et sines, pour plus facilement discerner la diversité des voix : comme les premiers disoient Hypate, Mese, Nete : les autres Archos, Deoteros, et ainsi de suite : et meintenant les sillabes entre nous sont, ut, re, mi, fa, sol, la.

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013

Les sines sont ce que nous apelons notes, diverses en forme et en valeur (c'estadire en longueur de tems ou en prolacion de mesure) comme il apert en la pratique, l'une noire, l'autre blanche, l'une brieve et l'autre longue.

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013

Apres en notre plus prochein siecle passé, ils [les Musiciens] ont acommodé aus voix ou sillabes certeins sieges qu'ils apellent clefz : distinguez (à parler en leurs termes) par lignes et espaces egales en proporcions, combien que les voix y conduites soient inegales entre soy. Pour aisance dequoy fut imaginee une disposicion d'eschelle sur les jointures des dois dens la main gauche, nommee Game [...]

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014

Toutefois d'ou que ce mot [clef] tire sa sourse, il apuie sa sinificacion en la metafore d'ouvrir : car comme la clef ouvre la serrure, aussi cete ouvre le chant.

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014

Musique est une disposicion de sons proporcionnables, separez par propres intervalles, laissant aus sens et à la raison une vraye preuve de certeins nombres et mesures de voix, et de son, pour s'accomplir elle considere, les sons, harmonies, consonances, tons, intervalles, diastemes, systemes, genres, ou especes, muances, modulacions, et autres telz mots propres à elle, desquelz les sinifiances ne vous demeureront inconnues.

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014

Le son donq s'engendre necessairement d'un frapement d'air, et en figure ronde petit à petit augmentee en cercles (en maniere de ceus qu'un get de pierre forme en l'eau) parvient à l'oreille, ou elle se fait ouir diversement : ores bas, si le coup est lent ou tardif : ores haut, si le coup est grand et soudein : (pour essay dequoy une verge, ou baguette, maniee en l'air peut sufire)

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015

[...] ce que je nomme l'estendue ou continuacion, est l'estat de la voix : c'est à entendre, quand la voix ne monte ny baisse, mais demeure tousjours en un mesme estat. Ce mot, harmonieuse, requiert que la voix puisse estre baissee ou haussee, et ne se pourroit sous tel nom comprendre un tonnerre, ou tel autre extreme bruit, qui ne peut estre outrepassé non plus que seroit une voix si basse, qu'autre ne pourroit l'estre moins tant elle aprocheroit du silence, tellement que l'estendue ou continuacion, ha deux extremitez. La premiere se nomme, elevacion, assavoir mouvement de basse en haute voix : l'autre, abaissement qui est le mouvement de haut en bas.

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015

Quant à l'Harmonie elle est diferente de la consonance, (combien que l'une et l'autre soit un conforme emmellement de voix basse et haute, touchant gracieusement l'oreille) en ce que Harmonie contient du moins deus consonances, et consonance n'est autre chose qu'un acord : comme on diroit, une quinte est un acord ou consonance, ou (dira quelqu'autre) une double : mais vous sonnez dessus la quinte une quarte, ou une quinte entre les deus extremes de la double, c'est une harmonie composee de deux consonances, assavoir Diapenté, qui sinifie quinte : et Diatessaron, qui sinifie quarte.

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015-016

[...] alors que l'on touche deus cordes diferentes [...] si les deus sons qui s'entrerencontrent par l'air sont mesurables l'un à l'autre par quelque bonne proporcion : il se fait une douce confusion de l'un en l'autre, et ne deviennent quasi qu'un son, d'ou naist la consonance agreable à l'oreille : mais si les sons ne peuvent soufrir proporcionnable mesure l'un de l'autre, ils viennent toucher l'oreille chacun [p16] en son entier, comme combatans à qui veincra, et (pour n'estre confonduz l'un en l'autre) sont reçuz aigrement de l'ouïe, d'autant qu'ils se font ouir separez : d'où vient la facheuse dissonance, et discord mal plaisant.

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016

Des tons, les Anciens ont dit l'un estre unison assavoir quand il resonne tout un que celui auquel il est raporté : l'autre dissonant assavoir quand il sonne inegalement à celui auquel il est raporté : desquels ceus qui coulent si pres de l'unisonance que l'élongnement de l'un à l'autre est obscur et incomprehensible, ne servent à mon propos, mais ceus que les Anciens ont nommez difiniz, et desquelz l'on peut aisement discerner l'espace du mouvement, servent de fondement necessaire à la Harmonie, et aus acors de Musique : car la Harmonie, naist de proporcion, et la proporcion doit estre raportee à quelque chose : feingnez qu'un ton soit acommodé en proporcion d'un unison, ne demeurera pas tel acouplement de deus sons egaus, sans Harmonie ? il faut donq à fin que de la proporcion des deus, la Harmonie procede, que l'un soit diferent à l'autre [...]

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016-017

Quant au mot intervalle, il n'est necessaire de declairer en combien de sortes il est pris generalement, et sufira qu'en Musique c'est la distance (quelque difinicion que l'on lui donne autrement) d'entre le ton aigu ou haut, et le ton grave ou bas, diversifiee en plusieurs sortes, ainsi qu'en un ton, qui est l'intervalle d'un Son, à son prochein Son : comme depuis ut, jusques à re. Demi ton petit est l'intervalle d'un Son à son prochein, non entier, comme depuis mi, à fa. Diton, sinifie une tierce parfette de noz Musiciens, contenant deus tons : comme ut, mi, [p17] ou, fa, la et faut noter que cet intervalle est necessaire en une sorte de Musique nommee Enharmonique.

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017

Presquediton, ou Demiditon, sinifie une tierce imparfette, contenant un ton, et un demi ton petit, comme, re, fa, ou, mi, sol, propre à une autre sorte de Musique nommee Chromatique.

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017

Triton s'apelle aujourd'hui une quarte dure inusitee, composee de trois tons, comme, fa, et mi eslevé, en ordre de fa, sol, re, mi.

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017

Diatesseron, c'est une quarte, douce, de deus tons, et un demi ton petit, comme, ut, fa : ou re, sol : ou mi, la.

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017

Demidiapenté (ou possible mieus) Presquediapenté, c'est la quinte imparfette, de deus tons et deus demi tons petiz, comme, mi, fa, conduit ainsi, mi, fa, re, mi, fa.

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017

Ton plusque diapenté, pour sixte, ou sixieme parfette, de quatre tons et un demi ton petit, comme, ut, la.

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017

Demi ton plusque Diapenté, c'est une sixieme imparfette, de trois tons et deus demi tons petiz : comme, mi, fa : conduit par, mi, fa, sol, re, mi, fa, de E, la, mi, à, C, sol, fa, ut.

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017

Diton plusque diapenté, c'est la grande settieme, formee de cinq tons et un demi ton petit, comme, ut, mi. conduit par, ut, re, mi, fa, sol, re, mi. depuis C, fa, ut jusques à ♭, fa,♮, mi.

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017

Presquediton, plusque diapenté, ou moindre settieme, est de quatre tons et deus demiz tons petiz, comme, re, fa : conduit par, re, mi, fa, sol, re, mi, fa. depuis D, sol, re, jusques à, C, sol, fa, ut.

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017-018

Diapason (parfette consonance comparee à la forme ovale) est l'octave ou la double, composee de Diatessaron et Diapenté, en deus sortes, l'une (comme il sera besoin que je die plus à plein) en proporcion Harmonique, d'un Diapenté en bas et Diatessaron en haut, comme depuis A, re, jusques à, E, la, mi, un Diapenté re, la : et depuis E, la, mi, jusques à, A, la, mi, re, un Diatessaron, mi, la : changeant, la, de E, la, mi, [p18] en mi. L'autre est proporcionnee Aritmetiquement, assavoir d'un Diatessaron en bas, et un Diapenté en haut, comme depuis A, re, jusques à D, sol, re : Diatessaron, re, sol, et Diapenté, depuis D, sol, re, jusques à A, la, mi, re, sonnant re, la, pour change du sol, de D, sol, re, en re.

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018
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1

Demi diapason, ou presquediapason, est l'octave imparfette nullement usitee, composee de quatre tons, et trois demiz tons petiz, comme d'un mi, de ♮ mi, à un fa, de ♭, fa, ♮ mi, conduit par mi, fa, re, mi, fa, re, mi, fa.

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018
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2

Bien peut on trouver encores d'autres intervalles moindres, comme Schysme, comme Apotome : et d'autres plus grans comme un ton plusque diapason, et montant jusques à Disdiapason, le plus grand et parfet intervalle, comme celui qui est composé en la perfeccion de toute parfette consonance de deus fois Diapason.

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018
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3

[...] les intervalles sont diferens l'un de l'autre en plusieurs sortes : comme en grandeur, pour exemple, Diatessaron et Diapenté sont diferens en grandeur : car l'un contient deus tons et un demi ton petit : et l'autre trois tons et un demi ton petit.

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018
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4

J'ajoute pour autre diference, que les uns [intervalles] sont acordans, et les autres non : comme Diapenté ou Diapason sont acordans, et Presquediapason, ou Diton plusque diapenté, sont sans symphonie.

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018
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5

Davantage, aucuns intervalles sont composez, comme ceus qui sont recueilliz de deus tons ou plus, ainsi que vous diriez depuis ut, à fa, ou depuis ut, à sol : les autres sont simples, comme ceus qui sont entre deus sons procheins ut, re ou, re, mi.

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018
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6

[...] espece de Musique est certeine generale façon de melodie, montrant les diferentes formes des Tetracordes diferens l'un de l'autre, par eslongnement ou procheineté des sons.

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019
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1

[différentes espèces de Musique :] L'une est Diatonique, et se poursuit continuellement en un demi ton petit, et deus tons entiers suyvans : la seconde est nommee Chromatique (comme on diroit coloree) et s'eslieve par deus demiz tons inegaus en ses deus premiers intervalles, et au troisieme par un Presquediton ou Demiditon qui sinifie trois demiz tons inegaus : la derniere [...] est Enharmonique (vous pourriez dire de parfette Harmonie) composee en ses deus premiers intervalles, de la moitié d'un demi ton petit, nommee Diese, ou Diachisme ; et au dernier intervalle de son Tetracorde, d'un Diton, c'estadire deus tons.

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019
Sequence: 
2

La Diatonique eslevant sa voix plus vehementement et en plus choisissable proporcion, d'autant qu'elle convient plus à la naturelle prononciacion est demeuree jusques à notre tems et est encores familierement usitee : mais non pas la Chromatique, ni l'Enharmonique : desquelles celle ne se laisse traiter qu'avec tant exquis et dificile artifice, qu'elle semble estre reservee pour les doctes : et cete requiert une tant diligente et laborieuse perspicacité, qu'à peine ha elle esté pratiquee par les plus excellens professeurs de Musique [...]

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019
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3

Mais pour retourner à la diference des intervalles composez, il faut noter que cete diference n'est commune à toutes les Especes de Musique : car en la Diatonique, Presquediton est composé, et non pas en la Chromatique ; le ton est composé en la Chromatique, et non pas en la Diatonique ; En l'Enharmonique, Diton est simple, et non pas en la Diatonique, ni en la Chromatique : d'ou il faut noter que le plus grand intervalle simple, est Diton : et le moindre composé est, Demi ton petit.

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019
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4

Ainsi connoissez vous une autre diference entre les intervalles pour la diversité des Especes de Musique, les uns estans Diatoniques, les autres Chromatiques et les autres Enharmoniques : et ce sufira pour entendre ce mot, si j'ajoute que tout Diasteme peut estre nommé intervalle, et non pas au rebours : car Diasteme est une distance composee de deus ou plusieurs intervalles, et faut que le Diasteme contienne pour le moins entre ses deus extremitez deus intervalles de toute espece que ce soit.

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020
Sequence: 
1

[...] le mot systeme entre les bons Auteurs est pris pour diverses choses, sinifiant neanmoins tousjours un amaz ou assemblee, mesmes sinifie entre les Musiciens une assemblee de voix par intervalles et Diastemes [...]

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020
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2

Le premier et plus ancien Systeme n'estoit que de quatre cordes ou quatre tons : ausquelz peu à peu l'on ajouta jusques au nombre de sept et fut (dit on) la lyre ainsi encordee, montree par Mercure à Orphee : mais la curiosité de Pytagore, qui ne s'en contentant y ajouta une huitieme, est cause que celle premiere n'est venue jusques en noz mains, et qu'encores à son imitacion, l'on ha osé augmenter le nombre jusques à quinze, pour rendre le Systeme parfet en ses Tetracordes, continuant depuis celle qui represente le plus bas ton auquel l'on puisse descendre en chantant jusques au plus haut auquel l'on puisse monter pour la necessité de melodie.

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020
Sequence: 
3

Tetracorde [est] une continuacion de quatre tons, ou, quatre cordes, desquelles la plus basse, à la plus haute resonne Diatessaron, c'estadire une quarte, d'un demi ton petit et deus tons en trois intervalles, comme vous voyez depuis mi, jusques à, la, demeurans, fa, sol, encloz entre deus.

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020
Sequence: 
4

Cete disposicion (sonnant entre nous, mi, fa, sol, la) rencontree par les premiers, fut tant favorablement reçue, sous le nom de Tetracorde, que d'un commun acord ce mot est retenu pour diviseur du grand et parfet Systeme de quinze cordes.

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021
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1

[L'usage des quinze cordes] est bien tel, mais les noms sont changez et le nombre augmenté, comme preuvent les divers claviers d'orgues [...]

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021
Sequence: 
2

[...] au propos du change des noms diray que la premiere corde (vous l'imaginerez pour ton, son, ou note, ainsi qu'il vous plaira) estoit nommee Proslambanomene (qui peut estre interpreté aquise ou ajoutee, aussi ne sert elle rien aus divisions par Tetracordes) et aujourdhui c'est ce qu'on dit A, re.

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021
Sequence: 
3

La seconde [corde] s'apeloit Hypate Hypaton, c'estadire principale des principales, ou plus basse des basses, qui font le premier et plus bas Tetracorde : nous nommons cete ci ♮, mi.

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021
Sequence: 
4

La troisieme [corde], Parhypate hypaton, sous principale des principales, ou procheine de la plus basse des basses, entre les notres C, fa, ut.

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021
Sequence: 
5

La quatrieme [corde] Lichanos hypaton (notre D, sol, re) sinifie indice ou montre des principales : et semble estre deduit du mot Grec λιχανός ; sinifiant le doigt second et prochein du pouce, qui sert plus communement à montrer (comme lon dit) au doigt : ou pource qu'aus anciens instrumens le doigt second estoit acommodé pour toucher celle corde : ou (et possible mieus à propos) pource qu'ainsi que la distance du pouce à ce doigt second, est la plus grande, et s'elargit ou retressit, selon que l'usage de la main s'acommode en une ou autre sorte : aussi la troisieme corde de chacun Tetracorde, selon qu'elle est usitee à diverse melodie, acroit ou diminue son prochein intervalle, comme j'espere vous montrer facilement : combien qu'aujourdhui il n'y en ait autre usage que ce qui en reste en quelques endrois du compartiment des Orgues par le double Disdiapason.

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021
Sequence: 
6

La cinquieme [corde], Hypate meson, c'estadire la principale ou plus basse des moyennes, ou du Tetracorde, du milieu, est notre E, la, mi : et s'apelle ce Tetracorde meson, c'estadire de celles du milieu, pource qu'il est disposé par conjonccion entre deus Tetracordes : et si lon ne consideroit la suite des autres Tetracordes, cete principale ou plus basse des moyennes, pourroit estre apelee Nete hypaton, c'estadire la plus haute des basses.

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022
Sequence: 
1

La sixieme [corde], Parhypate meson, sinifiant la procheine de la principale ou sous principale des moyennes, est entre nous F, fa, ut.

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022
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2

La settieme [corde] Lichanos meson est notre G, sol, re, ut.

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022
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3

La huitieme [corde], Mese, qui est notre A, la mi, re se nomme ainsi, comme tenant le rang du milieu au parfet et immuable Systeme du Disdiapason, qui est la double octave de quinze cordes, desquelles necessairement la huitieme est au milieu, assavoir la plus haute du Diapason bas, et la plus basse du Diapason haut : ainsi en consideracion du Tetracorde Meson on la peut nommer Nete meson, et n'entre au Tetracorde troisieme nommé Diezeugmenon (c'estadire des dejointes) non plus que Proslambanomene au premier Tetracorde Hypaton, mais à un Tetracorde conjoint (ils le nommoient Synemmenon) elle sert de basse, et là, peut estre nommee hypate Synemmenon.

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022
Sequence: 
4

La neuvieme corde estoit Paramese, c'estadire la procheine en ordre de Mese, et eslongnee d'elle d'un ton selon le Systeme auquel les dejointes suivent le rang prochein des moyennes, comme notre♮mi, de ♭, fa,♮mi, est eslongné d'un ton, de A, la, mi, re : lors qu'on chante en cet endroit, re, mi.

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022
Sequence: 
5

La dixieme [corde] est Trite diezeugmemon, ou la troisieme des dejointes : pource qu'elle est la troisieme de ce Tetracorde à conter de haut en bas : ou pource qu'elle est la troisieme de ce Diapason à conter de bas en haut : nous l'apelons meintenant C, sol, fa, ut.

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022
Sequence: 
6

La onzieme [corde], Paranete diezeugmenon, c'estadire la procheine de la plus haute du Tetracorde diezeugmenon est notre D, la, sol, re : et reçoit mesme mutacion selon la diverse espece de Musique que fait Lichanos, observance qu'il ne faut oublier pour entendre la disposicion de la troisieme corde de chacun Tetracorde.

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023
Sequence: 
1

La douzieme [corde], Nete diezeugmenon, c'estadire la plus haute du Tetracorde des dejointes, notre E, la, mi. La treizieme, Trite hyperboleon, sinifie la tierce ou tenant le troisieme lieu au Tetracorde des plus hautes ou excellentes, à conter depuis la plus haute : comme F, fa, ut.

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023
Sequence: 
2

La quatorzieme [corde], Paranete hyperboleon, c'estadire procheine de la plus haute des plus hautes (muable Chromatiquement et Enharmoniquement) est representee en notre G, sol, re, ut : comme la quinzieme, Nete hyperboleon, c'estadire la plus haute des plus excellentes, par notre Aa, la, mi, re, le haut.

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023
Sequence: 
3

[...] Tel est l'ordre des quinze cordes anciennes representees par les notes depuis A, re, jusques à Aa, la, mi, re : la continuacion desquelles se deduit en quatre Tetracordes l'un apres l'autre.

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023
Sequence: 
4

Le premier s'apelle Tetracorde hypaton, ou des principales et plus basses, assavoir depuis Hypate hypaton jusques à Hypate meson : et selon l'eschelle, ou Game de ce tems, depuis♮mi, jusques à E, la, mi, sonnant mi, la.

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023
Sequence: 
5

Le second [Tetracorde] est surnommé Meson, ou des moyennes, commençant à Hypate meson et finissant à Mese, sonnant mi, la : comme nous dirions depuis E, la, mi jusques à, A, la, mi, re.

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Le troisieme est apelé Tetracorde diezeugmenon, c'estadire des dejointes, prenant son nom de disjonccion, pource qu'il est separé par intervalle d'un ton, du Tetracorde Meson : aussi commence il à Paramese, et s'acheve à Nete diezeugmenon, resonant mi, la : selon notre Game depuis le mi, de ♭, fa,♮mi, jusques à, E, la, mi : ou le quatrieme Tetracorde hyperboleon commence, et acheve à Nete hyperboleon, par, mi, la : comme depuis, E, la, mi, jusques à, Aa, la, mi, re.

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024
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1

Ainsi demeure Proslambanomene hors des deus premiers Tetracordes, ne servant que dejointes, pour faire une octave à Mese. Et Mese est hors des deus Tetracordes d'en haut servant seulement d'octave à Nete hyperboleon.

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Toutefois il se treuve ici un Tetracorde collateral et conjoint lequel j'ay dit estre nommé Synemmenon, c'estadire des conjointes : pource que sa premiere et plus basse corde est la plus haute et derniere de celles qu'ils apeloient Meson, assavoir de Mese, tellement qu'il est lié au Tetracorde des moyennes, et confuz dedens celui des dejointes. Donq sa premiere est Mese, sonnant mi, comme de A, la, mi, re : la seconde, Trite Synemmenon, c'estadire troisieme des conjointes, sonnant le fa, de B, fa,♮, mi : la troisieme, Paranete Synemmenon, qui sinifie procheine de la plus haute des conjointes, sonnant un sol, en C, sol, fa, ut, qui estoit trite diezeugmenon. La quatrieme est Nete synemmenon, c'estadire la plus haute des conjointes, sonnant un la, avec Paranete diezeugmenon, notre D, la, sol, re.