Et puis chante[n]t de mes chansons / Qui nont pas pourta[n]t meschans sons / Mais elles sont ung peu grassettes / Ainsi sesbatent mes doulcettes / Avec noz ge[n]tilz dorelos / Courtoys, migno[n]s, gentilz falos / Fo[n]t tous les jours chanso[n]s nouvelles / Cela sentent pour lamour delles / La vien[n]ent les haulx menestriers / A tels gra[n]s festes voulentiers / Qui vous corne[n]t ioyeusement / Et font gra[n]t resbaudissement / Et plusieurs gentilz trupeluz / A tout belles harpes & lucz / Orgues & manicordions / Eschequiers & psalterions / Rebec, simphonie & guiterne / Lautre flagolle, lautre guiterne / Lautre ioue du tabourin / Gaignent chascun son beau florin
Lune fait ung ge[n]til bouquet / Lautre chante au ioly boquet / Ou la petite camusette / Laultre ioue de sa musette / Laultre de son beau flagollet / Qui est ieune et ung peu follet / Mais toutefoiz il a le don / Den jouer bien et du bedon
Feste et esbat cest chanterie / La devant dieu en voix serie / On ne sçaroit bien dire lose / A comparer a plus grant chose / Leur beau passe temps qua musique / Tant est ioyeuse et angelicque / Tesmoing tous bons entendemens / Et les musicaulx instrumens / Quo[n]t les sai[n]tz anges par droictures / Par tout en ces belles paintures / Pourquoy au gra[n]t ho[n]neur et gloire / Des chantres dignes de memoire / Quon ne scaroit trop exaulcer / Ne priser ce doibs tu penser / Ma pleu de dire ces beaux mos / Pour donc repre[n]dre mon propos / La sont les grans musiciens / Qui composent tousiours liens / Comme iapercoy en maint lieu / A la grant louange de dieu / Quelque chanterie nouuelle [f113v] / Doulce plaisant deuoste et belle / Hympnes, proses, messe, motez / Que la caboche en milletes / Te puist on espoutrer quoquart / De gros mailletz en beau piquart / A trois, a quatre, a cinq, a six / Bien remplis doulcement assis / Et tant plaisans, sans point doubter / Que qui les chante ou oit chanter / En a le cueur tout resjouy / Co[m]me dompstaple et du fay / Qui tant doulcement en leur temps / Par bel et devost passe temps / Ont composay ce scay ie bien / Et plusieurs aultres gens de bien / Robinet de la magdalaine / Binchoiz, fede, iorges et hayne / Le rouge, alixandre, okeghem / Bunoiz, basiron, barbingham / Louyset, mureau, prioris / Jossequin, brumel, tintoris / Et beaucoup daultres ie tasseure / Dont nay pas memoire a ceste heure / Je te vueil bien dire quilz font / Grant honneur es lieulx ou ilz sont / Cest ung deduyt que destre la / Et si te dy avec cela / Pour resveiller bien les oreilles / Quilz iouent si bien que merveilles / Des orgues en tant de beaux lieux / Lune des choses soubz les cieulx / Qui est plus plaisante a ouir / Pour tout humain cueur resiouir / Et doibs scauoir que cest lyens / Que les grans princes terriens / Se fournissent pour leurs chapelles / De bons chantres et de voix belles / Dorganistes semblablement / Bien iouans merveilleusement
Au milieu duquel à l’obiect de ceste grotte, fut faitte vne motte de terre, qui prenoit sa leuee au pied d’icelle grotte : sur laquelle estoit assis le Dieu Pan vestu en Satyre, enuelopé d’vn mandillet de toile d’or, ayant vne couronne d’or sur sa teste, & tenant en sa main gauche vn baston noüailleux & espineux, & en la droite ses flageolets ou tuyaux dorez, desquels il deuoit sonner en temps ordonné. Au dedans de la grotte, & derriere l’huys d’icelle, fut disposee la musique des orgues doulces, pour iouër aussi en temps & lieu […]
Deçà & delà […] marchoyent à pied huict Tritons à longues queuës, […] representez par les chantres de la chambre du Roy, ioüans de lyres, lutz, harpes, flustes, & autres instrumens, auec les voix meslees.
[…] auec ceste parure commencerent à ioüer la premiere entree du Balet. Apres ces violons entrerent en la salle les douze pages, par les mesmes treilles, six d’vne part, & autres six de l’autre : & tous estans placez on veit venir soudain apres eux les douze nymphes Naiades, entrans aussi six par vne treille, & six par l’autre : qui ne furent plustost apperceuës par les violons qu’ils changerent de note & de son, pour entrer en la seconde partie de l’entree du Balet, en laquelle ces nymphes vindrent dansans iusques aux maiestez du Roy & Royne sa mere, auec cest ordre. Au premier passage de l’entree estoyent six de front, toutes en vn rang du trauers de la salle, & trois deuant en vn triangle bien large : duquel la Royne marquoit la premiere pointe, & trois derriere de mesme : puis selon que le son se changeoit, elles se tournoyent aussi, faisans le limaçon au rebours les vnes des autres, tantost d’vne façon, tantost d’vne autre, & puis reuenoyent à leur premiere marque. Comme elles furent arriuees aupres du Roy, continuerent tousiours la partie de ce Balet, composé de douze figures de Geometrie, toutes diuerses l’vne de l’autre : & sur le dernier passage les violons ioüerent vn son fort gay, nommé la Clochette.
[…] Mercure […] ayant mis fin à sa chanson il espandit la liqueur du ius de la racine du Moly, qu’il auoit en vne fiole doree, dessus les testes des nymphes : et la ietta auec telle industrie, qu’elle reiaillit aussi sur les violons, lesquels ne furent pas si tost arrousez de ceste eau, que soudain recommançans à iouer, les nymphes se prindrent aussi à danser, & poursuiure leur Balet comme deuant qu’elles fussent enchantees.
Ce nouveau intermede estoit composé de huict Satyres, sept desquels iouoyent des flustes, & vn seul chantoit, qui estoit le sieur de saint Laurens, chantre de la Chambre du Roy.
Au milieu d’iceluy estoit le Dieu Pan […] qui ayant descouvert les nymphes des bois approcher son temple, commença en signe de resiouissance pour leur venue, de iouër de son flageolet, duquel il a esté iadis l’inuenteur. Ce fut lors qu’on entendit vne douce, plaisante & harmonieuse musique des orgues, dedans la grotte, derriere le Dieu Pan : & cessant ceste musique d’orgues sourdes, la damoyselle de Victry s’addressant au Dieu Pan, luy parla en ceste sorte.
Deux d’entre elles ioüyoient de luts, & les deux autres chantoyent, qui donnerent grand plaisir à la compagnie, pour la douceur de leurs voix excellentes : auec lesquelles ils dirent la chanson suyuante, respondant à icelles la voulte doree.
L'on peut se servir des Sons de chaque instrument de Musique, & des differens mouuemens que l'on leur donne pour discourir de toutes sortes de suiets, & pour enseigner & apprendre les sciences. Cette proposition est excellente, car elle enseigne la maniere de discourir de toutes choses en ioüant des instrumens, encore que celuy qui les touche, ou qui en oyt ioüer soit muet, car l'on peut discourir auec vn autre en ioüant de l'Orgue, de la Trompette, de la Viole, de la Fleute, du Luth & des autres instrumens, sans que nul puisse entendre le discours, que celuy qui sçait le secret, ce qui se peut pratiquer en plusieurs manieres. En premier lieu si le ioüeur d'instrumens, & l'auditeur se seruent d'vne tablature qui contienne toutes les lettres de l'alphabet : car chaque Son exprimera chaque lettre ; par exemple, les trois notes, ou les trois voix qui se treuuent dans G, re, sol, vt, pourront seruir pour ces trois lettres R, S, V, &c. & l'auditeur ayant son Luth, ou sa tablature deuant les yeux verra clairement les dictions que formera le ioüeur auec les Sons de son instrument, auquel il pourra respondre en ioüant d'vn autre instrument.
[…] La seconde partie [de cette proposition XXIII : « La force des Sons est multipliée par les diuers mouuemens Rhytmiques que l'on leur donne, & par la qualité des corps & des coups par lesquels ils sont produits »] se prouue aussi par l'experience, qui monstre qu'vn vase fait de bon metal, comme celuy dont on fait les Cloches, & qu'vn vase d'argent a le Son plus penetrant & plus vif qu'vn vase de plomb. Ceux qui ioüent de l'Epinette remarquent que les chordes d'or ou d'argent font vn autre effet que les ordinaires : & l'on pourroit experimenter la mesme chose aux Trompettes d'or, d'argent, d'acier & de toutes sortes de metaux, ou de cornes & de bois, afin de remarquer la difference des Sons en toutes sortes de Trompettes, de tuyaux d'Orgues, de Flutes & de Flageolets.
PROPOSITION XLIV. Expliquer pourquoy quelques-vns parlent du nez, s'il y a moyen d'y remedier, & quels sons l'on peut faire auec le nez. […] [p060] Quant aux sons qui sortent du nez, le premier est celuy qui fait la respiration, dont la forte inspiration produit le ronflement. L'on en rencontre aussi qui ioüent des instrumens à vent auec le nez, par exemple du flageollet & des flustes, ou qui chantent la Musique à deux parties, l'vne auec la bouche, & l'autre auec le nez. Quelques-vns imitent aussi le ieu d'Orgues, que l'on appelle le nazard, en pressant l'vne des narines auec l'vne des mains, & en frappant de l'autre main contre l'autre narine.
Secondement i'ay dit, ou des autres sons, parce qu'on peut ioüer les Airs sur les Instrumens de Musique. Tiercement i'ay ajoûté, par de certains interualles naturels ou artificiels, ce qui fait que les chants sont differens d'auec les discours qui n'ont point d'interualles certains, par lesquels nous montions ou descendions en parlant, encore que la voix monte ou descende sans qu'on prenne garde aux interualles qu'elle fait. Neanmoins quelques-vns croient que si nous éleuions nos voix selon que requiert le discours que nous tenons, & que nous fissions tous les interualles necessaires pour persuader ce que nous disons, que nous ferions des merueilles ; particulierement si nous aioûtions les accens propres à cet effet, comme i'ay dit dans le traité de la Musique Accentuelle.
Mais parce que i'ay déja donné quelques exemples des chants de l'Eglise dans la 4 proposition, & des chants de deuotion dans vn [p164] autre lieu, & que ie reserue les Motets & les autres pieces à deux ou plusieurs parties de contre-point tant simple que figuré pour le liure de la Composition ; ie mettray seulement icy les exemples des Chansons ou des Airs qui seruent à faire dancer, & à ioüer sur les Instrumens, dont la plus grande partie est propre pour les Violons.
L'Allemande est vne dance d'Allemagne, qui est mesuree comme la Pauanne, mais elle n'a pas esté si vsitee en France que les precedentes : on peut l'appeller [p165] Vaudeuille, ou Gauote, & a sa mesure binaire. Son exemple est du second Mode : on se contente auiourd'huy de la iouër sur les instrumens sans la dancer, non plus que la Passemezze, si ce n'est aux Balets : son Exemple est du second Mode.
D'abondant l'on experimente que les airs des Balets, & des Violons excitent dauantage à raison de leur gayeté qui vient de la promptitude de leurs mouuemens, ou de leurs sons aigus, que les airs que l'on iouë sur le Luth ou sur les basses des Violes, lesquels sont pour l'ordinaire plus graues & plus languissans.
Encore que les mouuemens qui seruent aux Airs & aux dances, appartiennent à la Rythmique dont nous n'auons pas encore parlé, neantmoins il a esté necessaire d'en traiter icy, afin de faire comprendre les differentes especes des Airs, & des chants dont vsent les François : mais il est si aysé d'entendre tout ce qui concerne ces mouuemens, qu'il n'est pas necessaire d'en faire vn liure particulier, puis que les plus excellens pieds metriques, qui ont donné le nom, & la naissance à la Rythmique des Grecs, sont pratiquez dans les airs de Balet, dans les chansons à dancer, & dans toutes les autres [p178] actions qui seruent aux recreations publiques ou particulieres, comme l'on aduoüera quand on aura reduit les pieds qui suiuent aux airs que l'on recite, ou que l'on iouë sur les Violons, sur le Luth, sur la Guiterre, & sur les autres instrumens. Or ces pieds, peuuent estre appellez mouuemens, afin de s'accommoder à la maniere de parler de nos Practiciens, & compositeurs d'airs ; c'est pourquoy ie me seruiray desormais de ce terme, pour ioindre la Theorie à la Pratique, apres auoir donné l'exemple d'vn balet qui a seize mouuemens differens, qui sont exprimez par les nombres qui suiuent chaque clef ; car 2 signifie que le mouuement est deux fois plus viste que le precedent, & 3, 4, &c. qu'il est quatre fois plus viste : quoy que cette difference de vitesse ne varie pas l'espece des mouuemens dont ie parle maintenant.
Quant aux repliques ou repetitions des Consonances, i'en parleray dans vn autre lieu. Neanmoins ie veux remarquer toutes les Consonances qui sont naturelles, afin de confirmer qu'il y a des Consonances dans la nature, puis que la Trompette nous les apprend, car lors qu'on en joüe, & que l'on commence par le son le plus graue de tous ceux qu'elle peut faire, l'on ne sçauroit passer de ce premier son à aucun son plus proche qu'à celuy de l'Octaue ; si l'on veut monter plus haut que le second son il faut faire vne Quinte entiere ; & si l'on passe outre, l'on ne peut faire vn moindre interualle que la Quarte : de sorte que ces trois interualles suiuent le progez naturel des nombres ; & si l'on fait vn 4 et vn 5 interualle, l'on fera la Tierce majeure & la mineure, dont le son aigu est éloigné d'vne Douziesme du plus graue de la Trompette.
D'ailleurs, le genre dont on se sert maintenant aux compositions des Motets & des Airs a 19 chordes, ou 18 interualles, comme ie monstreray au liure des differentes notes, & de tous les characteres dont on peut vser en composant, soit pour chanter, ou pour ioüer sur les Instrumens. Il faut donc voir quel nom l'on luy [le diapason] peut donner, & s'il est plus à propos de l'appeller Neufiesme, ou Seiziesme, ou de quelqu'autre nom, pour les raisons que ie viens de deduire.
Or ce que l'on appelle le Clauier en l'Epinette, est composé de plusieurs morceaux de bois longs & plats par le bout, qui sont arrangez selon l'ordre des tons & des demy tons de Musique, & se meuuent de haut en bas entrans dans le corps de l'Epinette ; & sur l'extremité du bout, qui est caché au dedans, il y a vn autre petit morceau de bois qui sert à toucher les chordes, & qui se nomme sautereau, à cause de son vsage, car il saute quand on iouë de l'Epinette.
Quant à celles [les chordes] d'or & d'argent, il n'est pas necessaire de les employer aux instrumens, d'autant que celles de leton ne leur cedent en rien, & qu'elles montent plus haut. Le nombre des chordes est esgal au nombre des touches, de sorte que si l'on augmente les vnes, il faut aussi augmenter les autres : par exemple, si l'on fait vne Epinette iuste, qui ayt toutes les consonances, & les dissonances en leur perfection, il faut 73. chordes, afin que chaque octaue en ait 19. comme nous monstrerons en expliquant les clauiers de l'Epinette, & au traicté de l'orgue parfait, où nous ferons voir qu'il faut 97. chordes sur l'Epinette, & autant de tuyaux sur l'orgue pour iouër à toutes sortes de tons, toutes sortes de pieces de Musique, & pour vser du genre chromatic & enarmonic.
L'on peut encore adiouster vn autre ieu de Tierce ou de Quinte, dont les vns pourront auoir des chordes de luth, & les autres de leton ou d'acier. Voila tous les ieux dont on s'est seruy iusques à present, lesquels on peut appeller double, ou triple Epinette. Et ces ieux se ioüent tous ensemble, ou separément comme l'on veut, en les ouurant ou fermant par de certains ressorts & registres que l'on tire, ou que l'on pousse selon la volonté du facteur & du Musicien. Quant au ieu de Violes, l'on peut se seruir de chordes à boyau ou de leton, mais la difficulté consiste à treuuer le moyen de faire vn archet, qui touche les chordes aussi fort, ou aussi doucement que l'on desire.
Quant à la Harpe, elle semble surpasser l'Epinette, en ce qu'elle retient les sons de resonnement plus long temps, car ses sons s'amortissent par le drap qui est pres de la plume, quoy que l'on puisse dire que ce resonnement de la Harpe nuit plustost qu'il ne sert à l'harmonie, si le ioüeur ne l'esteint auec ses doigts, ausquels suppleent les petits morceaux de drap de l'Epinette, qui a cela par dessus l'orgue, qu'elle ne depend point du vent ny des soufflets, qui contraignent les Organistes à auoir de l'ayde pour ioüer, dont l'Epinette n'a nullement besoin, car elle represente sans beaucoup de bruit tout ce qui se fait sur l'orgue ; & puis elle est plus aysee à toucher & à accorder, ioint qu'elle couste beaucoup moins.
PROPOSITION II. Expliquer la figure de l'Epinette, & la science du Clauier tant parfaict, qu'imparfaict, & quel il doit estre pour ioüer toutes sortes de compositions de Musique dans leur parfaicte iustesse, sans vser du temperament.
COROLLAIRE. Expliquer vne nouuelle forme d'Epinette dont on vse en Italie. Cette figure monstre la forme de l'Epinette D A B C E, dont il n'y a que 19 marches qui se voyent mais il ne faut pas prendre garde à ce nombre, ny à celuy des chordes, par ce qu'il suffit qu'elle serue pour en comprendre la construction. Or elle se tient perpendiculairement comme la Harpe, lors que l'on iouë : de sorte que les sautereaux K N viennent par vn mouuement parallele de derriere en deuant, lors qu'on pese sur les marches D M. Il n'y a point d'autre table que F H G, dont I est la Rose, car les chordes sont toutes perpendiculaires en l'air, de sorte qu'elles [p114] font vne tres-douce harmonie, quand le vent vient à les frapper, & qu'il ayde aux sons naturels que font les plumes des sautereaux. L'on peut faire vne infinité d'autres sortes d'Epinettes, dont ie laisse la recherche aux Facteurs, afin d'expliquer plus particulierement ce qui est en vsage, tant en la France, que dans les autres lieux de l'Europe Chrestienne.
Mais il faut remarquer ce qui est de plus particulier en cet instrument [le manichordion], à sçauoir les morceaux d'escarlatte ou d'autre drap, qui couurent toutes les chordes dans l'espace compris entre O N P M, & qui estouffent tellement leur son, qu'il ne se peut entendre de loin, & qu'il est fort doux : c'est pourquoy il est fort propre pour ceux qui desirent d'apprendre à ioüer de l'Epinette sans que les voisins le puissent apperceuoir ; de là vient que l'on peut la nommer Epinette sourde, ou muette.
Car i'ay mis les nombres Harmoniques de chaque son, ou de chaque chorde sur les 13. marches, afin que l'on sçache la distance des sons, & que l'on voye clairement qu'il est impossible de ioüer iustement de l'Epinette, si l'on ne met vn plus grand nombre de marches sur son clauier. Car soit que l'on dispose les interualles suiuant les nombres de ce premier clauier, qui sont sur chaque marche, ou selon les nombres de cet autre clauier qui suit, c'est chose asseuree que l'on ne peut trouuer les Tierces & les Sextes, tant maieures que mineures, en plusieurs endroits, où elles sont necessaires ; ce que i'explique tres-clairement dans le liure des Orgues : c'est pourquoy ie n'en parle pas icy.
D'où il s'ensuit que nul ne peut toucher plus de 960 fois vne, ou plusieurs chordes dans l'espace d'vne minute d'heure, ou 17600 dans vne heure. Quant à la comparaison de la vistesse dont on vse sur la Viole, sur l'Epinette, ou sur les autres instrumens, il est tres-difficile d'en iuger autre chose, sinon que ceux qui en ioüent en perfection peuuent les toucher d'vne esgale vistesse. A quoy i'adiouste que la voix & la gorge ne peuuent aller si viste que les instrumens : ce que l'on sera contraint d'aduoüer apres auoir comparé vn excellent ioüeur d'Epinette ou de Viole, auec vn excellent Chantre.
PROPOSITION XX. Expliquer la proportion de toutes les parties de l'Epinette, & du Clauecin, & leur construction. L'on fait des Epinettes de differentes grandeurs, mais elles sont peu differentes en leur façon, c'est pourquoy il suffit d'expliquer la maniere d'en faire vne de deux pieds & demy de long, & de 16 poulces en large dans œuure, & de remarquer ce que les plus grandes ont de particulier. Ie dis donc premierement que celle que ie descris icy a son assemblage de quatre poulces & demy de hauteur, & que les ais dont on fait le fonds & le tour du coffre sont assemblez à queuë d'aronde. Et puis que l'on colle les deux barres B N, & A E à trauers le fonds vis à vis du bout des deux coffrets O & N, de sorte qu'elles sont vn peu plus esloignées que la longueur du clauier. Elles ont vn poulce d'espaisseur & 17 lignes de hauteur. En apres l'on place le sommier que l'on colle contre le costé droit de l'assemblage à hauteur du tringlage, qui sert à porter les cheuilles, & qui se colle à 14 lignes pres des bords du coffre. L'on attache encore le sommier & les tringles auec de petites pointes que l'on riue, [p157] afin que tout en tienne plus ferme, & l'on met des cales sous le sommier pour le supporter. L'on colle aussi la piece à pointes, qui sert pour porter le clauier ; on la fait de 2 lignes & demie d'espaisseur, & de 16 lignes de largeur : & apres l'auoir percée d'autant de trous que l'on fait auec vn poinçon, comme il y a de marches & de feintes qui doiuent porter dessus, on y met les pointes à trauers vn petit drap, & l'on perce quant & quant toutes les marches pour y faire entrer lesdites pointes bien à l'ayse, afin qu'elles fassent librement la bacule, lors qu'on les touche pour ioüer de l'Epinette, comme l'on void aux points qui sont entre E F. Mais on adiouste vne liziere de drap souz le bout du derriere des marches pour mettre le clauier à niueau. Et à la fin des mesmes bouts on met les petites pointes G H, qui entrent dans les traits de sie du Diapason I K, lequel tient le clauier droit & en estat, & lequel on fait de la hauteur des barres, & de 8 ou 10 lignes d'espaisseur.
L'on peut encore rapporter à nostre temps l'inuention des tambours ou barillets, dont on vse pour faire ioüer plusieurs pieces de Musique sur les Epinettes sans l'industrie de la main, car les Allemands sont si ingenieux qu'ils font ioüer plus de 50. pieces differentes par le moyen de plusieurs ressorts, qui font mesme dancer des balets à plusieurs figures qui sautent & se meuuent à la cadence des chansons, sans qu'il soit besoin de toucher l'instrument, apres auoir bandé ses ressorts. Et ie ne doute pas que l'on ne puisse remplir vne ville toute entiere de Musique, de sorte qu'il n'y aura nulle maison qui n'ayt son harmonie, lors qu'on laschera quelque ressort, dont ie parleray peut-estre dans le liure des Orgues. L'on a semblablement inuenté des roüets harmoniques pour filer & pour deuider le fil, qui chantent ou se taisent quand on veut ; & chaque artisan peut mesler la Musique dans ses ouurages par le moyen des roües, des maniuelles, des pignons, des lanternes & de plusieurs sortes de ressorts, qui composent les Automates, que chacun nomme comme il luy plaist, par exemple Mador & Angelique. Quelques-vns font parler deux rangs de chordes auec vne seule plume d'vn sautereau, & d'autres emplument les sautereaux si delicatement que l'harmonie des chordes en est beaucoup plus rauissante, & ie ne doute nullement que l'on ne puisse encore adiouster plusieurs delicatesses, & plusieurs ieux aux Clauecins, dont la recherche appartient aux Facteurs.
PROPOSITION XXII. Expliquer les figures des parties de l'Epinette, & la maniere de toucher le Clauecin, & tout ce que l'on peut iouër dessus. Avant que d'expliquer la maniere de toucher le Clauecin, il faut icy mettre les figures qui seruent à l'intelligence de la construction de l'Epinette, d'autant qu'elles ne sont pas dans la 20. Proposition, qui ne peut estre entenduë sans elles. Ie dis donc que la figure A B C D represente le dedans d'vne Epinette, c'est à dire qui n'est pas encore couuerte de sa table. En second lieu, que D B peut estre pris pour le sommier sur lequel portent les cheuilles, quoy que ie l'aye appellé la barre, dans la 20. Proposition, comme C A Les marches dont on ne void que la moitié sont faites d'vn seul morceau de bois, lequel on diuise apres par les lignes qui sont icy marquées. Les noires signifient les feintes que l'on couure d'ebene, ou de bois noircy, C F monstre la piece aux pointes, & les petits points signifient le lieu des trous, & les pointes qui entrent dedans. M F est le tiers de la marche, dont F M comprend les 2/3 : ces marches se retrecissent peu à peu en approchant du Diapason I K, qui a autant de petits traits de sie, dans lesquels les pointes que l'on void au mitan du bout des marches entrent à l'ayse. G H est la piece à mortaises, dont chacune est taillée de la largeur de deux marches, & diuisée en deux parties esgales par vn fil de leton, afin qu'elle serue à deux sautereaux. Tout le reste peut estre entendu par la 20. Proposition, dont l'intelligence depend en partie de celle-cy.
Il y a encore plusieurs autres choses dans cette tablature [du Clauecin] qui doiuent estre considerées, & particulierement quantité de tremblemens, qui enrichissent la maniere de ioüer, & y apportent des charmes, qu'il est difficile de s'imaginer si l'on ne les a entendus : neantmoins l'on s'en peut figurer vne bonne partie par le discours que i'ay fait des tremblemens du Luth. Ie laisse plusieurs choses qui appartiennent à l'Epinette, par exemple que l'on en peut mettre deux ou trois sur vne mesme table ; qu'on les peut faire descendre aussi bas que les plus grosses pedales de l'Orgue : que la diuision du ton, ou de l'Octaue en douze demy-tons esgaux ne peut seruir à cet instrument, à raison que son accord depend de la seule tension des chordes, & se iuge par l'oreille, sans que la veuë ou le toucher y puissent remedier, si ce n'est que l'on suppose des chordes tres-esgales & inalterables, & que l'on vse de poids pour les tendre suiuant les proportions harmoniques dont i'ay parlé dans la tablature des sourds, qui monstre plustost la possibilité de cet effet que sa realité & son existence. Il y a semblablement plusieurs choses à considerer dans l'alteration que font les differentes impressions de l'air sur les chordes, & dans la diuersité des sons qui depend de la diuersité des mines dont on tire le cuiure & les autres metaux pour faire les chordes.
Or la perfection consiste particulierement à toucher de certains tons, & de certaines chordes si a propos que l'esprit de l'auditeur en soit charmé & rauy, & qu'il ne desire plus autre chose que d'aller au Ciel pour iouyr des plaisirs inexplicables que l'on a de voir Dieu tres-clairement, & pour ioindre l'harmonie de ses chants à celle des bien-heureux. Ce qu'il faut aussi entendre de tous les autres instrumens dont nous auons parlé, & dont nous ferons d'autres discours, car chacun a des graces si particulieres qu'il est difficile de sçauoir celuy que l'on doit preferer aux autres : quoy qu'il en soit ie donne icy la piece de Musique à 4 dont i'ay desia parlé, afin que l'on voye vne partie de ce que peut faire l'Epinette touchée des plus excellens Maistres ; elle peut semblablement estre ioüée sur la Harpe, puis qu'elle n'est qu'vne Epinette renuersée, c'est pourquoy ie ne donneray point d'exemple pour cet instrument ; & parce que le clauier de l'Orgue n'est pas different de celuy du Clauecin, il n'y a nul doute que les Organistes la peuuent toucher, quoy qu'il y ayt de certaines particularitez au toucher de l'Orgue qui ne sont pas à celuy de l'Epinette, comme ie diray dans vn liure particulier, dans lequel ie donneray vn autre exemple pour monstrer ce que peut faire l'Orgue, & ce qui luy est propre. Mais l'on ne peut apporter vne plus grande perfection à l'Epinette qu'en faisant durer ses sons autant que ceux de la Viole, ou de l'Orgue, & en rendant la diuision de son clauier, & de ses demy tons si iuste qu'elle responde à la Theorie.
Ie laisse toutes les mignardises, & les delicatesses dont on peut vser en ioüant de la Harpe, d'autant qu'on luy peut appliquer vne partie de celles qui se pratiquent sur les autres instrumens, quoy que la maniere de la toucher, & de pinser ses chordes soit fort differente de celle dont on touche les autres, car les deux mains la touchent de mesme façon. Certes si l'on considere les tremblemens du manche du Luth, dont la Harpe est priuée, ie croy que l'on auoüera qu'il est plus charmant, & qu'il merite d'estre appellé le Roy des instrumens, quoy qu'il soit libre à vn chacun d'en croire ce qu'il voudra. Quant à l'accord de la Harpe, il est semblable à celuy de l'Epinette, car toutes ses chordes vont de demy-ton en demy-ton, de sorte qu'elle contient 28 demy-tons, dont il n'est pas aysé de determiner les grandeurs, qui peuuent [p171] estre esgales ou differentes selon le temperament qu'on leur donne, dont il n'est pas besoin de parler icy, d'autant que i'en ay traité amplement dans les discours du Luth, de l'Epinette, & de l'Orgue : d'où l'on conclura si l'on peut mettre le genre Enharmonique sur la Harpe. Sa tablature ordinaire n'est pas differente des notes de Musique, quoy que l'on puisse vser du nombre de ses chordes pour ce suiet : par exemple, l'on peut marquer l'Octaue par 1 & 13, la Quinte par 1 & 6, &c. d'autant que la premiere chorde fait l'Octaue auec la 13, & la Quinte auec la 6 ; & parce qu'il y a 49 chordes, à sçauoir celles des deux premiers rangs, qui toutes ont leurs sons differents, il faut vser de 49 nombres, dont chacun signifiera tousiours sa propre chorde ; or l'on peut commencer par la plus courte, que l'on appelle chanterelle, & finir à la plus longue A K, qui sert de bourdon & de Proslambanomene, comme parlent les Grecs, afin de suiure l'ordre que l'on garde aux autres instrumens ; quoy que l'on puisse semblablement commencer à conter 1, 2, 3, &c. par la plus grosse chorde, comme font les Italiens, puis qu'elle sert de base & de fondement aux autres chordes, comme l'vnité aux nombres.
Quant aux pieces qui se ioüent sur la Harpe, elles ne sont point differentes de celles qui se iouent sur le Luth & sur l'Epinette, c'est pourquoy l'on peut icy repeter celles que i'ay mises cy-dessus. Mais ie donne encore vne autre figure d'vne simple Harpe, afin que l'on considere la façon des anciens Harpions qui donnent vn certain fremissement desagreable aux chordes, & les raisons de 23 interualles des 24 chordes qui font la Vingt-quatriesme ; car les nombres qui sont à la droite sur le corps les expliquent. L'on void aussi les noms que les Grecs ont donné à chaque chorde dans l'escriture qui est entre lesdites chordes : les characteres qui sont au haut des lignes ont esté pris de Porphyre & des autres Auteurs Grecs anciens : mais i'ay mis les lettres de nostre Eschele ordinaire sur les cheuilles, afin que l'on comprenne par cette seule figure comme Guy Aretin a accommodé les characteres de l'Alphabet Latin aux chordes des Grecs, dont les vnes estoient mobiles, à sçauoir toutes celles vis à vis desquelles ie n'ay pas mis la diction Grecque ἐϛως, qui signifie immobile, parce que les chordes qui ont cette diction demeuroient tousjours au mesme ton sur les instrumens, au lieu que toutes les autres pouuoient estre haussées ou baissées selon la difference des genres & de leurs especes.
PROPOSITION XXVI [XXVII]. Expliquer la figure, la matiere, les parties, l'accord, & l'vsage des Regales de bois, que l'on appelle Claquebois, Patoüilles, & Eschelettes. Pvis que les Flamands se seruent de morceaux de bois pour faire des Regales semblables aux Epinettes, & que ie ne veux rien obmettre de tout ce qui est en vsage chez nos voisins, il est raisonnable de representer cet instrument composé de dix-sept bastons, afin qu'il ayt l'estenduë d'vne Dix-septiesme, dont le son le plus graue est fait par A C, qui doit estre cinq fois aussi long que B D, puis que leurs deux sons suiuent la raison de cinq à vn ; quoy qu'on y puisse adiouster autant de bastons comme il y a de chordes sur l'Epinette. A B G H monstre le parallelogramme qui contient les dix-sept marches du clauier, dont chacune est semblable à la marche E F que i'ay mise à part, afin que l'on comprenne comment la teste F frappe les bastons de ce Claquebois lors que l'on abbaisse la palette E. Or les bastons sont attachez à des clous, ou à des cheuilles en α & β, & sous A & C, afin qu'ils tiennent ferme lors qu'ils sont tendus en l'air. Quant à la matiere on les fait d'vn bois resonnant, comme de hestre, ou de tel autre bois que l'on veut ; mais si on les faisoit d'acier, de leton, ou d'argent, ils rendroient vne harmonie plus agreable. L'accord de ces bastons depend de leurs grandeurs qu'il faut proportionner selon les loix que i'ay prescrit dans les liures de la Theorie : mais leur vsage peut apporter de la lumiere à la Physique, encore que ceux qui en vsent se contentent du plaisir qu'ils reçoiuent des sons, ou de l'apprentissage qu'ils font auec cet instrument pour toucher apres les carillons des cloches, dont [p176] ils se seruent en Flandre pour ioüer toutes sortes de chansons & de concerts, comme ie monstreray dans le liure des Cloches ; d'autant que l'on peut determiner quel est le ton de toutes sortes de corps par le moyen de ces Regales, & par consequent l'on peut sçauoir la raison que leur pesanteur à auec leurs sons, afin de conclure de nouuelles choses de leurs qualitez manifestes ou ocultes ; par exemple si l'on fait des Cylindres de plusieurs sortes de pierres, les sons plus aigus feront voir celles qui seront plus dures, plus seiches, ou plus legeres, &c.
Car encore que l'on iouë plusieurs parties ensemble sur le Luth & sur l'Epinette, & consequemment que ces instrumens soient plus harmonieux [que le Violon], neantmoins ceux qui iugent de l'excellence de la Musique, & de ses instrumens par la beauté, & par l'excellence des airs & des chansons, ont des raisons assez puissantes pour maintenir qu'il [le Violon] est le plus excellent, dont la meilleure est prise des grands effets qu'il a sur les passions, & sur les affections du corps & de l'esprit. Mais auant que de passer outre, il faut expliquer la figure des Violons, dont le moindre se nomme la Poche, à raison qu'il est si petit que les Violons qui enseignent à danser, le portent dans leurs poches. Cet instrument est composé de trois parties, comme les autres instrumens, à sçauoir de la table L E, du manche D B, & du corps, dont on void seulement le costé M D. Il a souuent les trois ouuertures, qui sont icy marquées de G F & E, qui a la figure d'vn coeur, & les deux ouuertures G F s'appellent les ouyes. Le dessus du manche D B, sur lequel les chordes sont estenduës, est [p178] nommé la Touche : I H represente le cheualet, qu'il faut s'imaginer releué & posé à plomb sur la table. K L signifie la queuë, qui est faite d'vn morceau de bois, auquel les chordes sont attachées du costé K ; elle est attachée & arrestée au bouton M : les autres l'appellent le Tirant. La lettre A est dans la teste du manche, sur laquelle l'on peut faire vn Orphée, ou tel autre ornement que l'on veut : ce qu'il faut remarquer pour tous les ornemens dont on vse sur les autres instrumens, que quelques-vns couurent de nacres de perles, de rubis, ou d'autres pierres precieuses, quoy que cela ne serue de rien à la bonté de l'instrument.
Quant à l'estenduë de chaque partie, elle est de quatre quintes qui font la Dix-septiesme maieure, car outre les trois Quintes qu'elle fait à vuide, elle monte encore d'vne quinte par le moyen du manche que l'on touche. Et les excellens Violons qui maistrisent cet instrument peuuent faire monter chaque chorde iusques à l'Octaue par le moyen du manche, sur lequel ils treuuent 144 demy-tons pour transposer les 12 modes en tel lieu, & à tel ton qu'ils veulent. Or les 2 figures precedentes suffisent pour faire comprendre celles des autres parties, qui ne different que de grandeur, comme il arriue aux autres instrumens, dont les plus grands esbranlent vne plus grande quantité d'air, & font des sons plus graues & plus profonds. Quant à la grosseur & à la longueur des chordes, elles doiuent suiure celles des Violons, & les raisons de l'harmonie : par exemple, celles du Dessus doiuent estre huict fois moindres que celles de [p180] la Basse, lors qu'elles montent plus haut de trois Octaues, si l'on desire que la Musique soit parfaite, encore que ceux qui ioüent de cet instrument n'obseruent pas ces grandeurs si exactement, & que les Facteurs ne fassent pas les tables, les corps, & les manches en mesme raison que les sons qu'ils en veulent tirer, neantmoins s'ils en veulent prendre la peine, il n'est pas si difficile que l'on ne puisse le pratiquer, car si la plus grosse chorde de la Haute-contre est plus basse d'vne Quinte que celle du Dessus, il faut que ces quatre chordes soient sesquialteres de celles du Dessus tant en longueur qu'en grosseur, c'est à dire qu'elles ayent trois pieds de long si celles du Dessus ont deux pieds ; & si la plus grosse de la Taille descend plus bas d'vne Octaue que celle du Dessus, elles doiuent auoir toutes leurs dimensions doubles de celles du Dessus. Finalement, si la plus grosse chorde de la Basse est à la Douziesme, ou à la Quinziesme du Dessus, elle doit auoir ses chordes trois ou quatre fois plus grosses & plus longues. Mais i'ay fait vn discours particulier de la raison de toutes sortes de chordes dans le traité de l'Epinette, où l'on void la iuste proportion de leurs grandeurs.
Il faut encore remarquer que le Violon est capable de tous les genres & de toutes les especes de Musique, & que l'on peut ioüer l'Enharmonic, & chaque espece de Diatonic, & de Chromatic dessus, parce qu'il n'est borné d'aucunes touches, & qu'il contient toutes les interualles imaginables, qui sont en puissance sur son manche, lequel est semblable à la premiere matiere capable de toutes sortes de formes & de figures, n'y ayant nul point sur la touche [p181] du Violon qui ne fasse vn son particulier : d'où il faut conclure qu'elle contient vne infinité de sons differens, comme la chorde, ou la ligne contient vne infinité de points, & consequemment qu'elle peut estre appellée Harmonie vniuerselle. Or ie veux icy expliquer la maniere d'en ioüer en perfection, afin de ioindre la Pratique à la Theorie, & que ceux qui desirent toucher cet instrument sans l'ayde d'aucun Maistre, puissent faire tout ce qu'il leur plaira dessus ses quatre chordes.
PROPOSITION II. Expliquer la maniere de ioüer du Violon, & de mettre chaque doigt sur les endroits de la touche pour ioüer toutes sortes de pieces de Musique tant par B mol que par ♮ quarre. Pvis que le Violon n'a que quatre chordes, dont l'accord à vuide est ordinairement de Quinte en Quinte, comme i'ay monstré dans le discours precedent, si l'on fait tous les sons qui se peuuent tirer de ses chordes, on le touchera parfaitement. Mais afin d'aller par ordre, & d'euiter l'obscurité & la confusion, ie monstre premierement comme il faut poser le premier doigt que l'on appelle l'index, c'est à dire celuy qui est le plus proche du pouce, sur la 4. chorde, & puis comme il faut poser le 2, & le 3, & ce que fait chaque doigt. Or ie commence par la quatriesme chorde, parce qu'elle est la plus basse, afin de suiure la methode dont on vse en France, encore qu'il soit aussi aysé de commencer par la premiere que l'on appelle la chanterelle. Ie dis donc premierement que la 4. chorde fait le G re sol vt à vuide, c'est à dire sans l'ayde de la main gauche, qui sert seulement pour toucher le manche, & pour accourcir les chordes, comme la droite sert pour tenir l'archet, & pour en toucher les chordes en mille differentes manieres, comme ie diray apres. Mais on fait monter cette 4. chorde à l'A mi la re, c'est à dire vn ton plus haut, en posant le premier doigt dessus, suiuant les interualles du Monochorde que i'ay expliqué dans la cinquiesme Proposition. Et si l'on retire vn peu le mesme doigt vers le sillet, elle monte seulement d'vn demy-ton pour faire la feinte, ou le fa feint qui est entre A mi la re & G re sol vt : ce qu'il faut remarquer vne fois pour toutes, parce que chaque doigt peut faire le demy-ton & faire monter ou baisser chaque chorde de cet interualle en tous les endroits où l'on veut, selon qu'il est necessaire pour faire les accidents qui se rencontrent dans les differentes compositions. Le second doigt, qui est celuy du milieu, fait le ♮ mi sur la mesme chorde, en l'auançant vers le cheualet ; & le B fa en le retirant vers le sillet. Et le troisiesme doigt auancé vers le cheualet fait C sol vt fa, & si on l'auance encore vn peu, il fait monter la mesme chorde d'vn demy-ton, & fait la diese de C sol fa vt, au lieu du quatriesme doigt.
La 3. chorde qui suit la 4, fait le D la re sol à vuide, mais si l'on trouue vn fa par transposition en ce D la re sol, il faut poser le 4. doigt sur la 4. chorde fort pres du lieu où le 3. fait C sol vt fa, au lieu de faire ledit fa sur la 3. à vuide. Or le premier doigt posé sur la 3. chorde fait E mi la, & en le retirant vers le sillet il fait le fa en E mi la par accident entre D la re sol, & E mi la. Le second doigt la fait monter iusques à F vt fa, c'est à dire d'vn demy-ton ; & si on l'auance vers le cheualet, il fait la diese de F. Le troisiesme doigt fait ledit G re sol, que l'on [p182] appelle la Clef, de sorte que nous auons desia fait monter le Violon d'vne Octaue entiere, en faisant tous les tons de la Diatonique, & tous les demytons de la Chromatique, afin que l'on puisse ioüer toutes sortes de Musique tant par nature, que par ♭ mol, & par ♮ quarre. Or si l'on auance ce mesme doigt vers le cheualet, on fera la Diese de G re sol, c'est à dire qu'on la fera monter d'vn demy-ton plus haut que G re sol. Par exemple, s'il y a vn fa en A mi la re, qui se trouue à vuide sur la seconde chorde, il faut mettre le 4. doigt sur la 3, ou auancer la diese du G re sol au lieu du fa d'A mi la re. La seconde chorde touchée à vuide fait A mi la re, & le premier doigt estant posé dessus, fait le ♮ mi, & en le retirant vn peu il fait le B fa. Le second doigt fait le C sol vt fa, & en l'auançant il fait la Diese de C sol vt fa, qui est plus haute d'vn demy-ton que ledit C sol vt fa. Le troisiesme doigt fait D la re sol ; & le 4. doigt, qui se trouue sur la 2. chorde, fait le fa en E mi la par accident, sans qu'il soit besoin de sonner la chanterelle, qui fait le mi dudit E mi la à vuide. Mais le premier doigt posé sur ladite chanterelle fait F vt fa, & en l'auançant vers le cheualet il fait la diese de F vt fa. Le second doigt fait le G re sol, qui est à la Quinziesme de celuy de la 4. chorde à vuide, & en l'auançant il fait la diese qui est entre G & A. Le troisiesme fait l'A mi la re, le quatriesme doigt fait le ♮ mi, estant auancé & esloigné du troisiesme doigt, & en le raprochant il fait le B fa. Si on l'auance plus pres du cheualet que le lieu du ♮ mi, il fait le C sol vt fa, & puis le D la re sol ; de maniere que le Violon à l'estenduë d'vne Dix-neufiesme.
PROPOSITION III. Determiner si l'on doit adiouster vne cinquiesme chorde aux Violons pour en tirer vne parfaite Harmonie, & enquoy consiste la perfection du beau toucher. L'on pourroit monter les Violons de cinq chordes, ce qui feroit peut-estre quitter les ordinaires à quatre chordes, comme l'on a quitté le Rebec qui n'en auoit que trois, qui auoient l'estenduë de la Douziesme, si tost que le Violon a esté inuenté, auec lequel on va iusques à la Seiziesme. Or puis que le Violon semble estre le plus parfait, & le plus excellent de tous les autres instrumens tant pour la varieté de ses diminutions, de ses syncopes, de ses liaisons, de ses feintes, & de ses beaux chants, que pour l'admirable agréement [p183] des mouuemens differens que l'on n'auoit pas encore trouuez, il ne seroit pas hors de propos d'y adiouster vne cinquiesme chorde, afin qu'il eust vne assez grande estenduë pour tous les modes ; car l'on ne peut toucher que trois ou quatre modes sur les quatre chordes du Violon, à sçauoir le septiesme, qui commence en F vt fa, & le neufiesme, qui commence en G re sol vt, dont la fin finale tombe sur la quinte en bas. Quant aux autres modes, ils sont defectueux, d'autant qu'ils ont leur cheute finale à la Quarte, qui fait le mode plagal, qui n'a pas de bons effets : par exemple le premier mode, qui est dans C sol vt fa est imparfait sur le Violon, parce que sa cheute se fait à la Quarte, c'est à dire sur son plagal D la re sol. Il arriue la mesme chose à E mi la, ou au 5. mode, qui est fort propre pour la tristesse, & pour les esleuations d'esprit : de sorte que l'on ne peut se passer de la cinquiesme chorde, si l'on veut pratiquer les douze modes sur les Violons, si ce n'est que l'on vse de transposition, qui leur est fort naturelle. Mais puis que l'on prise d'autant plus chaque instrument, qu'il fait plus de varietez auec moins de chordes, & que l'on ne touche quasi que la chanterelle & la seconde des Dessus de Violon, cette cinquiesme chorde n'est pas necessaire, & mesme l'on peut assez bien ioüer auec trois.
Or l'on peut remarquer plusieurs particularitez dans la Fantaisie precedente ; premierement qu'elle contient l'estenduë de tous les Violons, & qu'elle fait cognoistre leur nature & leur genie. Et puis que chaque diese ne sert que pour la note à laquelle on l'applique, soit qu'on la voye deuant, dessus, ou dessouz, excepté à la fin de la premiere partie du Dessus, où la diese sert aussi pour les notes qui suiuent. En troisiesme lieu, que les vingt-quatre Violons du Roy appellent la Quinte, ou la Cinquiesme partie, celle que les Musiciens ordinaires appellent Haute-contre, & qu'ils appellent Taille ce que nous appellons Haute-contre ; de sorte que nostre Haute-contre est leur Taille, c'est pourquoy i'obserue leur ordre dans l'exemple du liure Latin. La cinquiesme partie des notes precedentes est la plus proche du Dessus quant à l'aigu : c'est pourquoy elle deuroit estre entre le Dessus & la Haute contre, & consequemment elle se doit ioüer par le moindre Violon des trois qui sont à l'vnisson : de là vient que les Violons appellent cette partie Haute-contre, la Haute-contre Taille, & la Taille Cinquiesme partie. En quatriesme lieu i'ay mis la diminution des trente premieres mesures du Dessus, afin que l'on voye la maniere dont les Violons ont coustume de diminuer toutes sortes de chansons.
Or on les fait [les Violes] de toutes [p192] sortes de grandeurs, dans lesquelles l'on peut enfermer de ieunes Pages pour chanter le Dessus de plusieurs airs rauissans, tandis que celuy qui touche la Basse chante la Taille, afin de faire vn concert à trois parties, comme faisoit Granier deuant la Reyne Marguerite. Il faut les faire du moins assez grandes pour en tirer l'harmonie que l'on desire, & la figure qui suit a esté prise sur vne Basse de Viole longue de quatre pieds & demy ou enuiron, quoy que l'on puisse les faire de sept ou de huict pieds, si l'on a les bras assez grands [p193] pour en ioüer, ou si l'on vse de quelque artifice qui puisse suppleer le mouuement des doigts de la main gauche, ou de celle qui tient l'archet. La longueur de la Viole se prend depuis le bouton I, iusques à la lettre A, qui monstre le lieu des cheuilles, quoy que si l'on veut seulement prendre sa longueur par ses chordes, elle soit depuis le cheualet G iusques au sillet B, parce qu'elles ne tremblent & ne sonnent qu'entre ces deux termes : ce qui arriue semblablement aux autres instrumens, dont la longueur des chordes est bornée par le sillet & par le cheualet. M L K monstrent l'espaisseur du corps, ou la hauteur des éclisses, qui est plus ou moins grande selon la volonté des Facteurs, & l'harmonie que l'on en veut tirer. Le bout ou la partie M C de la touche B M C ne touche pas à la table de la Viole marquée de C D E G, mais elle est en l'air ; de sorte que l'on passe aysément les doigts entre elle & la table. Le cheualet G est haut de deux, trois, ou quatre doigts, dont le pied gauche G est soustenu d'vn petit baston que l'on void, & que l'on releue par l'ouye E, quand il est tombé : H monstre l'endroit de la queuë H I, auquel les six chordes sont attachées ; & I fait voir les chordes de fil d'arichal ou de fer, qui attachent la queuë au bouton I.
PROPOSITION IX. Expliquer la capacité des Violes dans les Concerts, la diuision & la science de leurs manches, & les pieces de Musique qui se peuuent ioüer dessus, & la maniere de les accorder pour en faire des Concerts. Encore que les Violes soient capables de toutes sortes de Musique, & que les exemples que i'ay donné pour le concert des Violons leur puissent seruir, neantmoins elles demandent des pieces plus tristes & plus graues, & dont la mesure soit plus longue & plus tardiue ; de là vient qu'elles sont plus propres pour accompagner les voix. Or l'on peut ioüer toutes sortes de pieces non seulement à cinq parties, comme l'on fait ordinairement sur les Violons, mais à six, à sept, à douze, & à tout autant de parties que l'on veut ; ce qui peut semblablement estre executé par tous les autres instrumens, qui ont assez d'estenduë. Mais il suffit de mettre icy le commencement d'vne Composition à six parties, laquelle a deux Dessus, deux Basses, vne Taille & vne Haute-contre. Or il faut remarquer que les Anglois ioüent ordinairement leurs pieces vn ton plus bas que les François, afin d'en rendre l'harmonie plus douce & plus charmante, & consequemment que leur sixiesme-chorde à vuide fait le C sol au lieu que la nostre fait le D re sol, comme l'on void aux notes qui sont à costé de la Viole ; d'où il s'ensuit qu'ils marquent plusieurs ♭ mols & dieses, dont [p199] nous n'vsons pas ordinairement. Quant à la diuision du manche de la Viole, elle n'est pas differente de celle du manche du Luth ; c'est pourquoy i'adiouste seulement icy vne nouuelle maniere pour le diuiser, laquelle depend des onze moyennes proportionnelles, dont i'ay donné l'inuention dans la quatorze & quinziesme Proposition du premier liure, & dans la septiesme du second liure. Mais il faut premierement supposer que la chorde entiere, ou la longueur de la Viole depuis le sillet iusques au cheualet soit diuisée en 200000. parties esgales, dont ayant osté 11230. parties, l'on aura le nombre 188770. pour le lieu de la premiere touche d'enhaut, & ainsi des autres nombres qui sont vis à vis des lettres de chaque touche iusques au dernier 100000, qui donne la derniere touche n, laquelle fait l'Octaue en haut auec la chorde entiere exprimée par l'a. [Ligne Harmonique.]
Et si l'on prend la difference de ces treize nombres, l'on aura les douze autres nombres qui sont à main droite, afin de les grauer sur les compas de proportion, & de marquer les touches sur le manche de la Viole & des autres instrumens auec vne seule ouuerture du compas : car puis que les treize nombres de la main gauche sont continuellement proportionnels, il est certain que les douze de la droite sont aussi continuellement proportionnels, & consequemment que toutes les ouuertures du compas garderont la mesme proportion : par exemple, si la premiere ouuerture prise sur la premiere difference 11230 a vn quart de pied, c'est à dire trois pouces, il y aura mesme raison de trois pouces à la seconde touche que de 11230 à 10599, & ainsi des autres : de sorte que ces 12 differences ou nombres monstreront les douze ouuertures, ou les douze points du compas, qu'il faudra transporter sur le manche que l'on veut diuiser, & parce que l'on ne met ordinairement que neuf touches, dont k est la derniere, 7072 marquera cette touche : ce qui est si aysé à comprendre qu'il suffit de regarder les nombres qui suiuent. Or cette table a cinq colomnes, dont la premiere à gauche contient les lettres, & les signes ordinaires des douze demy-tons de l'Octaue, qui commence par le D de D la re sol, quoy que l'on puisse commencer par telle autre lettre de la main harmonique que l'on voudra. La seconde colomne contient les lettres de la tablature dont on vse en France pour exprimer la Musique des instrumens, lesquelles respondent aux caracteres precedens de la premiere colomne. La 3. a les 13 nombres qui representent aussi les touches, comme i'ay desia remarqué, & quant & quant la raison double diuisée en 12 autres raisons continuellement proportionnelles, par le moyen des 11 nombres moyens proportionnels entre 2 & 1, ou 200, 000, & 100,000 : de sorte que si l'on diuise le manche en 200,000 parties, les 12 nombres qui descendent marqueront les 12 touches du manche. La 4. colomne contient les differences des nombres de la 3, & monstrent les endroits où il faut poser les touches. Et la 5. colomne monstre les lettres qui seruent dans la tablature pour exprimer les touches. Mais auant que d'acheuer l'explication de cette [p200] ligne Harmonique, ie veux donner l'exemple que i'ay promis à six parties, pour monstrer ce que l'on peut iouër sur les Violes : où il faut remarquer que la Basse-Taille se peut appeller premiere Basse, & que la Musique a esté composée par vn excellent ioüeur de Viole Anglois de Nation.
Quant à la disposition de cette figure [de la Vielle], si on la regarde du costé D T en voyant les lettres selon leur disposition ordinaire, on la verra de la mesme façon dont ceux qui en ioüent la tiennent & l'enuisagent, car ils mettent le bras gauche dessouz, afin de pousser les marches de la main gauche, & faire tels interualles qu'ils veulent par le mouuement des doigts, tandis que la main droite torne la maniuelle, & consequemment la rouë, qui fait sonner les chordes, ausquelles on attache de petits morceaux, ou floccons de cotton [p214] vis à vis de la rouë, afin d'adoucir son frayement & ses sons. Mais parce que la main gauche ne peut faire les gentillesses du manche des Violes sur le clauier de la Vielle, elle est priuée de plusieurs beautez, dont elle seroit capable, si l'on pouuoit suppleer tous les tremblemens, & les coups rauissans de l'archet par quelque industrie, que plusieurs ont recherchée en collant vn escheueau de crin de cheual, ou de soye cruë, ou filée sur la rouë, & en faisant des archets mobiles, ou immobiles de plusieurs façons, mais l'on n'a peu suppleer les mouuemens de la sçauante main de ceux qui charment les oreilles par les instrumens à manches touchez, & non touchez, dont i'ay parlé dans les discours precedens. La tablature de la Vielle n'est pas differente de celle de la Musique, quoy que l'on en puisse inuenter vne autre propre pour les aueugles, puis que l'on peut leur enseigner à lire & à escrire, comme i'ay dit ailleurs, où i'ay monstré la maniere d'enseigner à lire & à escrire aux sourds, pour lesquels i'ay dressé de la tablature dans la 17. Proposition du troisiesme liure.
Quant à l'inuention des Epinettes qui seruent pour les ieux de Violes, l'on s'est seruy iusques à present d'vne grande rouë toute seule, sur laquelle portent toutes les chordes de l'Epinette, comme font les quatre de la Vielle, ou de cinq rouës differentes paralleles, comme l'on fait en Allemagne. Mais vn archet de crin bandé dessus ou dessous les chordes imiteroit mieux la Viole, si l'on pouuoit remedier à tous les accidens qui en empeschent le mouuement. Or ie ne doute nullement que l'industrie des Facteurs ne les puissent euiter, d'autant qu'il y a moyen de faire tellement perdre les crins de la soye les vns dans les autres, ou d'en faire passer vne partie dessus, tandis que l'autre passe dessous, qu'il ne s'y rencontrera point de noeuds. Et puis on peut tenir l'archet esgalement bandé par le moyen des poulies sur lesquelles il passe, parce qu'on peut les approcher ou les esloigner auec des vis, afin de bander la soye lors qu'elle se sera laschée. Surquoy il faut remarquer que les chordes doiuent estre fort proches des rouës, ou de la soye de l'archet, afin qu'elles parlent aussi tost que l'on touchera le clauier, dont les touches peuuent estre plus ou moins abaissées, pour faire parler les chordes plus ou moins fort. L'on peut y adiouster de petits ressorts pour faire des battemens sur les chordes, afin d'imiter les tremblemens & les flatemens de la main gauche ; & si l'on y accommode des mouuemens pour faire tourner les roües ou l'archet, l'on n'aura pas besoin d'vn homme, ou du pied pour iouër de cet instrument : mais seulement de la main pour toucher le clauier, comme celuy des Clauecins ordinaires, laquelle fera entendre vn concert de cinq ou six Violes, lors qu'on touchera cinq ou six parties dessus. Il n'est pas necessaire de mettre icy de la tablature pour cette sorte d'Epinette, ny pour la Vielle augmentée de tant de chordes que l'on voudra, parce que celle que i'ay donnée pour l'Epinette, & pour les Violes y peuuent seruir. Quant aux Tambours ou Barillets, dont on vse pour faire iouër les Epinettes toutes seules, i'en parleray dans le liure des Orgues.